LES OCÉANS PROFONDS, ENJEUX ET MENACES Que sont les océans profonds ? L’océan « mondial » regroupe toutes les masses d’eau salée de la planète, c‘est-à-dire tous les océans (au nombre de 5) et les mers. Il recouvre 7/10ème de la surface totale de la planète (361 millions de km2, soit 535 fois la surface de la France).Vue de l’espace, on ne voit presque que les océans, c’est pour cela que la Terre est souvent appelée « la Planète bleue ». Quand on parle d’océan, on doit également prendre en compte une troisième dimension, la profondeur. Lorsqu’on parle en trois dimensions, on calcule un volume. L’eau occupe 99% du volume de la terre. La profondeur moyenne des océans est d’environ 3700 mètres, soit plus de 1000 fois la hauteur de la tour Eiffel, mais plus de la moitié des océans dépassent cette profondeur. Au delà de 200 mètres de profondeur, on parle d'océans profonds. A ces profondeurs, la pression est très élevée. Aucun rayon du soleil ne pénètre, il y fait nuit constamment et une température glaciale. Aucun plongeur ne peut survivre dans ces conditions (le record de profondeur atteinte par un plongeur en scaphandre autonome est de 330m, soit 1 fois la tour Eiffel). Les scientifiques doivent donc utiliser des sous-marins pour explorer l’océan profond. C’est parce qu’elle est difficilement accessible que cette zone de l’océan est très mal connue. On ne connaît que 1% des océans. Pourtant les fonds marins sont dignes de paysages montagneux terrestres : on y trouve des montagnes, des plaines, des canyons, des dorsales, des plateaux et des fosses qui regorgent d’une vie curieuse et fascinante, et on sait que les profondeurs abritent le plus grand réservoir de biodiversité du monde. Quelle vie trouve t-on dans les océans profonds ? Au-delà d’environ 200 mètres de profondeur, la lumière du soleil ne pénètre plus dans l’océan en quantité suffisante pour permettre la photosynthèse. Il n’y a donc pas de végétaux dans les écosystèmes profonds : pas d’algues, herbiers ou phytoplancton. Pour survivre dans les conditions extrêmes de l’océan profond, les animaux se nourrissent des miettes qui tombent de la surface des océans et des proies à chasser aux alentours, comme dans les chaînes alimentaires que nous connaissons en milieu terrestre. Ils sont particulièrement bien adaptés à l’obscurité, à la pression et au froid. Ces adaptations leur donnent souvent des morphologies très particulières pour un œil humain, parfois effrayantes, parfois curieuses. Ils utilisent différents stratagèmes pour voir dans le noir, échapper à leur prédateur, se camoufler ou attirer leur proie. Par exemple, dans le dessin d’animation « le monde de Nemo », Marin et Dory sont attirés par le leurre lumineux d’un poisson du milieu profond, le poisson lanterne, qui s’en sert pour appâter ses proies (dans la réalité, Marin et Dory ne pourraient descendre aussi profond dans l’océan. Ce sont des espèces des mers chaudes de surface). On trouve des centaines d’espèces différentes : des vers, des méduses, des crabes, des crevettes, des poissons, des requins, des calamars, des coraux, des étoiles de mer… Pourquoi les océans profonds sont-il vulnérables ? Pour survivre dans les océans froids et pauvres en nourriture, la vie y fonctionne au ralenti. Les espèces ont des cycles de vie beaucoup plus longs que les espèces marines de surface ou les espèces terrestres. Elles grandissent très lentement, se reproduisent à un âge plus avancé, ont une faible fécondité et meurent plus tard. Par exemple, des pieuvres trouvées en profondeur couvent leurs œufs pendant 3 ans sans bouger ni se nourrir. Les poulpes que l’on trouve en Méditerranée, eux couvent pendant 1 à 4 mois. Le record de durée de vie, aussi appelée longévité, est détenu par une espèce de corail profond qui a atteint 4200 ans. A titre comparatif, un chat vit environ 20 ans, un homme 80 ans et une baleine bleue environ 100 ans. La moindre perturbation des conditions du milieu peut donc avoir des conséquences désastreuses sur les écosystèmes qui y vivent car le renouvellement est très lent. Quels dangers menacent les océans profonds ? Autrefois, l’océan profond était protégé car il était inaccessible. Aujourd’hui l’Homme est capable de l’atteindre et le menace. Les stocks de poissons de surface s’épuisent petit à petit à force de surexploitation. Les pêcheurs sont donc obligés d’aller plus loin et plus profond pour trouver de nouvelles ressources. C’est aujourd’hui ce qui menace les écosystèmes de l’océan profond. L'une des plus grosses menaces est la pêche par chalutage profond. Cette pêche consiste à envoyer des filets gigantesques (plusieurs avions peuvent tenir dans certains de ces filets étalés) jusqu’à 2000 mètres de profondeur. Ces filets sont lestés pour se maintenir dans le fond. Un énorme bateau tire ensuite les filets qui raclent le fond et ramassent tout sur leur passage sur plusieurs kilomètres sans distinction d’espèces consommables ou non. C’est le problème principal de cette méthode de pêche : elle ne permet pas de sélectionner les espèces pêchées. En pêche de surface, lorsque l’on remonte sur le bateau des poissons que l’on ne consomme pas, on les rejette par dessus bord. Le chalutage profond génère une énorme gâchis : les filets remontent plus d’une centaine d’espèces alors que seulement 3 sont ciblées (la lingue bleue, le sabre noir et le grenadier). Toutes les autres meurent avant même d’arriver sur le bateau à cause du changement trop rapide de pression. Le chalutage profond est la méthode de pêche la plus destructrice qui existe. On peut la comparer à la déforestation de la forêt amazonienne où des bulldozers rasent des arbres centenaires occupés par des milliers d’espèces sacrifiées. Si on enlève les arbres, qui servent d’abri, de zones de nourriture et de zone de nurserie pour les petits, les espèces qui auraient échappé aux bulldozers ne pourront pas survivre. C’est la même chose en milieu profond. Les chaluts détruisent les récifs coralliens millénaires, qui abritent des centaines d’espèces et sont nécessaires à leur survie. Quelles espèces profondes risque-t-on de trouver dans nos assiettes ? Le hoki a été l’une des premières espèces profondes à être pêchée en masse. Il vit entre 200 et 1000 mètres de profondeur. Son filet rentre aujourd'hui dans la composition des burgers de fast-food. Si vous avez déjà mangé un filet-o-fish ou un king fish, vous avez déjà mangé du hoki. Le sabre noir, la lingue bleue, le grenadier de roche, la dorade sébate, le siki (requin profond) et le flétan noir sont les espèces profondes les plus courantes que l’on peut (ou avons pu) retrouver sur les étals des grandes surfaces. La grande distribution s’est pour la majorité engagée à cesser la vente de sabre noir, lingue bleue et grenadier de roche d’ici à 2015. L’on peut supposer que nous retrouverons désormais ces espèces uniquement dans la restauration collective. Peut-on se passer de cette pêche ? Le chalutage profond n’est pas une technique rentable. Si l'on additionne le prix du bateau, du carburant et des salaires des marins, le coût est supérieur à la recette de la vente des poissons pêchés. Cette pêche ne pourra être pratiquée éternellement. Elle n’est pas durable. En effet, cette méthode permet de remonter tellement de poissons en un coup de filet qu’elle peut décimer un stock en une seule fois. Ce stock pourra mettre des décennies voire des siècles à se reformer. On ne pêchera donc plus rien pendant longtemps au même endroit. L’océan profond est très mal connu et le chalutage profond menace des espèces que nous ne connaissons pas. Parmi ces espèces encore inconnues, se trouvent sûrement des espèces qui pourraient être bénéfiques à l’homme. De nombreuses espèces d’éponges, entre autres, sont connues pour créer des molécules très utiles en pharmacologie, dans le traitement de certains cancers par exemple, et en cosmétique. Nous avons donc tout intérêt à protéger cette diversité. Quelles solutions ? Il est très difficile de surveiller les bateaux de pêche qui pratiquent le chalutage profond car ils vont très loin et on ne peut pas contrôler ce qui se passe sous l’eau dans les filets. Une fois le filet remonté sur le bateau, il est trop tard. Il faut donc agir de chez nous. Quelles solutions pourriez-vous imaginer pour empêcher la pratique de cette pêche ? Découvrez quelques créatures fascinantes et fragiles des abysses Les abysses Les océans occupent 99% de l’espace habitable de la Terre. Les grands fonds - abysses - désignent des profondeurs que l’on mesure en kilomètres ; plongées depuis la nuit des temps dans une obscurité totale, ils représentent 85% des océans et forment le plus grand habitat de la planète. Enypniastes eximia Danseuse espagnole Taille : jusqu’à 35 cm Vit entre 500 et 5000 mètres © Claire Nouvian L’enypniastes eximia ou « danseuse espagnole » fait partie des concombres de mer nageur. Elle ondule lentement et gracieusement dans l’eau parfois bien profonde. Sa texture translucide laisse apercevoir tous ses organes internes. Staurateuthis syrtensis Poulpes Dumbo Taille : jusqu’à 50 cm Vit entre 700 et 2500 mètres © Claire Nouvian Le Staurateuthis syrtensis, ou poulpe à ventouses luminaires, est une pieuvre gélatineuse. Il appartient a un groupe surnommé « Dumbo » en raison de ses nageoires semblables à des oreilles d’éléphants. Atolla wyvillei Atolla Taille : 15 cm Vit entre 600 et 5000 mètres © Claire Nouvian La méduse Atolla, est très répandue en grande profondeur. Lorsqu’elle se sent menacée par un prédateur, elle s’embrase de mille éclaire bleus. Elle cherche ainsi à attirer l’attention d’un autre prédateur sur son attaquant. Hexactinellidé Eponges Agée de 200 ans cette délicate éponge de verre aux colorations surprenantes peut atteindre jusqu’à 1 mètre de haut ! Les coraux © Claire Nouvian Ce corail inconnu a des tiges de 4 à 5 mètres de hauteur comme des tiges de bambou géant. Le chalutage profond