RAPPEL HISTORIQUE Cultivé sur les pentes himalayennes 5000 ans avant notre ère. Au XVIème siècle, l ’Europe redécouvre le cannabis Carl VON LINNE en 1753 baptise le chanvre : Cannabis sativa Jacques Joseph MOREAU DE TOURS, aliéniste à Bicêtre Traité : « Du haschich et de l ’aliénation mentale » (1840) Introducteur et zélateur de l ’usage du cannabis LES CONSOMMATIONS DES JEUNES Fréquence de l’expérimentation de produits psychoactifs chez les jeunes à 18 ans, en 2001 % 100 91,9 93,3 90 80,7 80 78,7 70 55,7 60 45,2 50 40 31,1 30 20 12,4 10 0 Alcool (boisson alcoolisée) Tabac Cannabis Filles Garçons Médicaments psychotropes* Source : ESCAPAD 2001 (OFDT) n=12 512 * Intitulé utilisé dans le questionnaire : « médicaments pour les nerfs, pour dormir » Pourcentage d’étudiants ayant fumé du cannabis durant le dernier mois ESPAD ; CAN - GP Figure 51a. Proportion of all students who have used marijuana or hashish during the last 30 days - 1999 Evolution du niveau d'expérim entation de cannabis à 17 ans par sexe (en %) 60% 54,6% 50% 47,3% 40,1% 40% 45,7% 40,9% garçons 30% 27,8% 24,7% 20% 38,1% 50,1% filles 17,1% 10% 0% 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 Sources : INSERM 1993; CADIS-OFDT 1997 (usage au cours de l’année); ESPAD 1999 INSERM-OFDT-MENRT; ESCAPAD 2000, OFDT; ESCAPAD 2002, OFDT EVOLUTION DES EXPÉRIMENTATIONS Expérimentation du cannabis à 17 ans 60 55 47 50 53 50 47 46 40 38 41 30 25 20 17 10 0 1993 1994 1995 1996 1997 garçons 1998 1999 2000 2001 2002 2003 filles Sources : INSERM 1993; CADIS-OFDT 1997; ESPAD 1999 INSERM-OFDT-MENRT; ESCAPAD 2000, OFDT; ESCAPAD 2002-2003, OFDT PHARMACOLOGIE La résine de cannabis : 400 composants, un seul est à l ’origine des effets psychotropes, le transdelta-9-tetrahydrocannabinol (9THC) La teneur en THC varie en fonction de la provenance Substance liquide, instable, huileuse, insoluble dans l ’eau, soluble dans l ’alcool Le caractère liposoluble explique le métabolisme du THC Dépistage biologique TYPES DE PRÉPARATION DU CANNABIS RAPPEL DES PRINCIPALES ÉTAPES DE LA RECHERCHE Dates Evolution Scientifique 1840 1903 Préparation de l’extrait de Cannabis indica Obtention de la formule brute du cannabinol C21H30O2 Synthèse du tétrahydrocannabinol Synthèse du D9THC 1960 1964 1966 1967 1970 1971 1990 1992 Synthèse du D8THC Mise en évidence de l’activité du D9THC Le D9THC est le principe actif du cannabis Mise en évidence du 11OH9THC, métabolite essentiel Découverte de récepteurs spécifiques aux cannabinoïdes Découverte de l’anandamide, ligand endogène des récepteurs Auteur Principal Schlesinger Frankel Adams, Todd Gaoni, Mechoulam Hively Isbell Hollister Truitt, Anderson Howlett Devane LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES LIES A L ’USAGE DE CANNABIS Les classifications internationales définissent les troubles liés au cannabis : ivresse ou intoxication, usage nocif ou abusif et dépendance, les troubles induits par le cannabis : anxieux , psychotiques, confusooniriques et syndrome amotivationnel. Les comorbidités psychiatriques du cannabis sont l ’association de troubles sans causalité affirmée. Alcool Amphétamines Caféïne Cannabis Cocaïne Hallucinogènes Nicotine Opiacés Phencyclidine Sédatifs, Hypnotiques Ou anxiolytiques Solvants volatils Plusieurs Substances Autres Dépendance Abus Intoxication Sevrage X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X L ’INTOXICATION OU IVRESSE CANNABIQUE (1) Elle survient dans les 2 heures qui suivent la prise. Les effets psychosensoriels durent 3 à 8 heures, les perturbations cognitives 24 heures. L ’INTOXICATION OU IVRESSE CANNABIQUE (2) Un vécu affectif de bien être avec euphorie Des modifications sensorielles inconstantes à faible dose Perception visuelle, tactile, auditive Illusion perceptive, hallucinations Sentiment de ralentissement du temps Perturbations cognitives : mémoire de fixation Augmentation du temps de réaction Troubles de la coordination motrice Difficultés à effectuer des tâches complexes LE SYNDROME DE SEVRAGE Début après 24h d’abstinence Maximum après 2 à 4 jours Diminue après 7 jours Les symptômes : agitation, perte d’appétit, nausées, perturbation du sommeil, irritabilité ou hyperactivité, augmentation de la température du corps (rare) (Haney et coll. 1997) Les critères diagnostique de l’abus A- Utilisation d’une substance, altération fonctionnement et souffrance clinique incapacité professionnelle majeure situations physiques dangereuses problèmes judiciaires répétés problèmes interpersonnels et sociaux B- Sans atteindre le niveau de dépendance du Abus ou usage nocif - Relation pathologique au produit sans atteindre le niveau de dépendance - Sous estimation et sous verbalisation - Banalisation et prosélytisme - Absence de corrélation avec la quantité consommée - L’usage à risque - Les usages non pathologiques DEPENDANCE Dans la représentation sociale, la dépendance fait la « drogue » Cette dépendance est niée par les tenants de la dépénalisation, ou exagérée par les tenants de la politique sécuritaire « fumer du haschich mène à la toxicomanie » Les critères diagnostiques de la dépendance Utilisation d’une substance , altération du souffrance clinique, 3 critères sur 7 : 1- tolérance 2- syndrome de sevrage 3- quantité ou durée plus importante que prévue 4- désir ou effort pour diminuer ou contrôler 5- beaucoup de temps passé 6- abandon des activités professionnelles 7- critères de l’abus fonctionnement Avec ou sans dépendance physique, rémission, précoce ou prolongée, traitement de la substitution. et La dépendance - Psychopathologie évolutive installation post-adolescence – adulte jeune 1ères demandes de soins tardives trouble au long cours rechutes - L’attrait des produits et l’ambivalence face à l’abstinence - Polydépendance - Les renforcements positifs et négatifs - Les toxiques : une nécessité psychopathologique identité économie libidinale Les Co-dépendances du cannabis - - Tabac Alcool et recherche de l’ivresse Usage répété : le cannabis et alcool stimulants 26 % à 18 ans champignon 24 % solvant 30 % L’escalade ou non les facteurs de vulnérabilité ELEMENTS DE NEUROBIOLOGIE Système de récompense et dépendance : la voie dopaminergique d'adaptation Toutes les substances susceptibles d'induire une dépendance : activent les circuits dopaminergiques mésolimbiques, systèmes de récompense augmentent la concentration de dopamine dans le noyau accumbens (Di Chiara) ELEMENTS DE NEUROBIOLOGIE (2) La consommation de cannabis, comme celle des autres drogues, entraîne une stimulation de la voie dopaminergique mésocorticolimbique, qui intervient dans le «système de récompense » une prédisposition biochimique au comportement abusif se mettrait en place dès les premiers contacts avec la drogue. Cette vulnérabilité pourrait être régulée par des facteurs génétiques, psychoaffectifs et d ’environnement socio-culturels. Alcool Amphé-tamine Caféïne Cannabis Cocaïne HallucinoGenes Nicotine Opiacés Phencycline Sédatifs, Hypnotiques Ou Anxiolytiques Solvants Volatils Autres Délirium par intox. Delirium du sevrage Démence Trouble amnésique Troubles psychotiques Troubles de l’humeur Troubles anxieux Dysfonctionctions sexuelles Troubles du sommeil X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X X LES TROUBLES ANXIEUX Ce sont les troubles les plus fréquents. L ’attaque de panique (bad trip) Syndrome de dépersonnalisation, immédiat, peut durer quelques semaines : angoisse chronique, déréalisation, insomnie, fatigue, sentiment d ’étrangeté, déjà vu, humeur dépressive, asthénie, perturbations cognitives LE SYNDROME AMOTIVATIONNEL Mal référencé dans la littérature internationale : Déficit de l ’activité Asthénie intellectuelle et physique Perturbations cognitives Pensée abstraite et floue Difficultés de concentration et mnésiques Rétrécissement de la vie relationnelle Pose le diagnostic différentiel de certaines formes schizophréniques ou de détérioration mentale LES TROUBLES PSYCHOTIQUES Ils existent de manière indiscutable dans la littérature et sont à distinguer des troubles schizophréniques. • Bouffées délirantes aiguës : facteurs psychologiques précipitants, forte dose • Hallucinations visuelles plutôt qu ’auditives • La résolution sous traitement neuroleptique est rapide avec prise de conscience du caractère délirant de l ’épisode. LES TROUBLES PSYCHOTIQUES Deux autres troubles psychotiques sont à distinguer : • • Les sentiments persécutifs diffus ou effet parano Le flash-back ou rémanences spontanées LES ÉTATS CONFUSOONIRIQUES Exceptionnels la désorientation temporo-spatiale au premier plan l ’hospitalisation est habituellement nécessaire LES TROUBLES COGNITIFS Contemporains de l ’intoxication et persistent tant que celle-ci dure Régressent dans le mois qui suit l ’arrêt LES TROUBLES COGNITIFS Lambros Messinis et coll. (Neurology 2006) Consommateurs significatifs (4 joints ou plus/semaine) Sujets N1 = 20 > 10 ans de consommation Sujets N2 = 20 > 5 < 10 ans de consommation Témoins N3 =24 Plus l’usage de la marijuana est ancien, plus les capacités cognitives sont détériorées. Chez les sujets témoins, capacités intactes Les effets somatiques du Cannabis Les effets somatiques : hypo TA orthostatique hyperhémie conjonctivale et mydriase sécheresse buccale troubles du transit et hyperorexie irritation bronchique pas de risque letahl Biologie forte lipophillie élimination urinaire : 8 jours en prise unique, 1 mois lors de prise régulière taux sanguins par chomatographie salive, cheveux Les complications somatiques du Cannabis Cancers voies aéro-pulmonaires Pathologies vasculaires Diminution sécrétions hormonales sexuelles et hypofertilité Absence d’effet tératogène ou cancérogène du nouveau-né mais hypotrophie et hyperexcitabilité Les comorbidités sont des associations nosographiques sans lien de causalité affirmée. Une co-occurrence trop fréquente pose des questions étiopathogéniques en particulier pour le trouble schizophrénique. SCHIZOPHRÉNIE ET CANNABIS L ’abus et la dépendance au cannabis sont fréquents en population schizophrène, entre 15 à 40 % ; pour 5,6 à 7,7 % de la population générale. La fréquence élevée renvoie à plusieurs hypothèses SCHIZOPHRÉNIE ET CANNABIS Hypothèse de l ’automédication : 1/3 des patients Hypothèse pharmacopsychotique : le produit induit des troubles psychotiques et syndrome amotivationnel proche des symptômes schizophréniques Vulnérabilité commune entre schizophrénie et dépendance au cannabis : interaction entre système cannabinoïde et dopaminergique ETUDE PIONNIÈRE Andreasson et all 1987 : augmentation de la fréquence de la schizophrénie chez des sujets sans pathologie psychiatrique et ayant consommé du cannabis 4 ETUDES LONGITUDINALES Zammit et coll (BMJ 2002) Van Os et coll (Am J Epidemiol 2002) Arseneault et coll (BMJ 2002) Henquet et coll (BMJ 2005) LIMITATIONS MÉTHODOLOGIQUES L ’existence d ’une polytoxicomanie Taille des populations étudiées Critères du diagnostic de la psychose peu stricte Niveau de consommation peu pris en compte Difficultés du diagnostic entre psychose induite et schizophrénie, difficulté d ’observation après sevrage L ’absence de prise en compte d ’autres pathologies (dépression : Bovasson et coll 2001, Patton et coll 2002) LIENS COMPLEXES Survenue de symptômes psychotiques positifs chez les sujets sans psychose clinique avec niveau de symptômes négatifs plus hauts (Verdoux, 2003) Le risque de survenue de schizophrénie reste élevé même après l ’exclusion d ’autres drogues hormis le cannabis (Zammit, Arseneault, 2002) Spécificité du cannabis dans l ’émergence de la schizophrénie Existence d’un facteur dose et âge dépendant (Zammit, 2002) LES VOIES A EXPLORER La vulnérabilité individuelle : toute personne exposée au cannabis ne deviendra pas schizophrène Exploration des facteurs génétiques ; polymorphisme des récepteurs CB1 Les mécanismes biologiques en cause Maturation cérébrale à l ’adolescence Interaction entre les systèmes endocannabinoïdes et dopaminergiques LES TROUBLES DE L ’HUMEUR 30 à 50 % des consommateurs de cannabis Etat dépressif majeur : nécessité de chimiothérapie anti-dépressive Réactions dépressives aiguës : peu sensible aux AD, mieux avec les anxiolytiques ou antipsychotiques déshinibiteurs Les structurations dépressives de la personnalité : borderline, abandonnique, narcissique : nécessité de suivi psychothérapique LES TROUBLES DES COMPORTEMENTS ALIMENTAIRES Fréquemment associées à la boulimie Les boulimiques cannabinophiles ont un trouble plus sévère, plus recours aux laxatifs, plus de TS, plus d ’hospitalisations, de décompensation anxieuse ou dépressive que les non cannabinophiles. CANNABIS ET SUICIDE La gravité des TS est corellée à l ’importance de la conduite toxicophilique Les abuseurs et dépendants de cannabis ont fait significativement plus de TS que les patients vierges (26 % versus 6 %). CANNABIS ET COMPORTEMENTS SEXUELS Augmentation de la stimulation sexuelle : désir et plaisir Substances retrouvées après l ’alcool chez les agresseurs sexuels Probable effet désinhibiteur et favorisant le passage à l ’acte AU TOTAL Les troubles psychiatriques du cannabis sont fréquents et divers L ’usage du cannabis est un facteur d ’aggravation de toutes les pathologies La fréquence de l ’association abus de cannabis/troubles schizophréniques pose des questions spécifiques Sa consommation est problématique chez les sujets vulnérables : adolescents, sujets développant des troubles mentaux LES MANQUES ET LES CONSENSUS Il manque cruellement un modèle efficace, généralisable (niveau thérapeutique minimal) pour la prise en charge des consommateurs de cannabis. Il existe un consensus sur • Auto-évaluation • Analyse des facteurs sous-tendant l’usage • Entretien motivationnel • La prévention de la rechute • Le travail avec les parents (adolescents) Adapter la prise en charge au stade de préparation à l’arrêt Tous les fumeurs de cannabis ne sont pas au même stade de préparation au changement. Diagnostiquer ce stade est indispensable afin d’utiliser l’abord efficace pour conduire vers l’arrêt. Les stades de préparation à l'arrêt du cannabis Ne recommence pas Fumeur satisfait Maintien Recommence Arrête Essaie d’arrêter Envisage de s’arrêter Source : DiClemente CC, et al. J Consult Clin Psychol, 1991; 59: 295-304 Décide de s’arrêter préparation Diagnostic du stade de préparation à l'arrêt du cannabis STADE Non prêt Hésitant QUE FAIRE ? Brève information pour quitter le cannabis «conseil minimal» Inviter à revenir. Peser le pour et le contre du cannabis. Discussions concernant le cannabis, par exemple santé, arrêt, effets maître de soi ; Inviter à revenir Ce stade prend du temps. sur la santé, Prêt Préparation, fixer avec le patient le moment de l'arrêt, Suivi pour prévenir les reprises. Maintien S'enquérir à intervalles réguliers et valoriser l’arrêt. Reprise Encourager à penser aux aspects négatifs du cannabis et aux bénéfices de l’arrêt car existe un risque de rechute. RÔLE DU MÉDECIN & CANNABIS CAN22-PEC20 Recueillir histoire Diagnostic Intervenir en utilisant le traitement approprié Prise en charge non prêt à arrêter brève info conseil mini Identifier les consommateurs Recueillir l'histoire cannabique Classer les consommateurs dans un stade de préparation au changement hésitant Entretien motivationel prêt à l'arrêt stratégie basée sur l'aptitude prévenir la reprise Cannabis et Thérapeutique Effets latéraux potentiellement utiles en thérapeutique anti-nauséeux anti-nociceptif, douleurs neurogènes anti-glaucomateux Mais longue demie-vie modalité d’administration et galénique posologie Des études contrôlées Un débat piégé CONCLUSION La dépendance au cannabis demeure difficile à traiter La combinaison des entretiens motivationnels, des thérapies cognitives et comportementales associés à des médicaments efficaces sur les signes de sevrage reste la seule alternative possible. Peu de médicaments ont montré leur efficacité sur la spécificité du cannabis (For the treatment of patients with substance use disorders, second edition) The Am. Journ. of Psych., Vol 163, N°8, august 2006