Un cadre international pour la protection des travailleuses migrantes Gloria Moreno-Fontes Chammartin [email protected] Service des migrations de main-d'œuvre (MIGRANT) Organisation Internationale du Travail (OIT) Pourquoi les migrantes ont besoin d'une protection juridique spécifique ? Le peu d'égards accordés aux femmes et les types d'emplois essentiellement peu qualifiés et semi-qualifiés qu'elles exercent est souvent à l'origine de la déqualification et d'autres pratiques discriminatoires. Plus susceptibles de subir la discrimination sous toutes ses formes et diverses formes d'exploitation et d'abus en termes de conditions de travail (par exemple, le non-paiement ou la retenue des salaires, les salaires les plus bas, la violence en milieu de travail, l'absence de liberté de mouvement) et les inégalités (aucun droit au regroupement familial, ni à la vie familiale, ni aux services de soutien à la garde d'enfants). Souvent, aucun droit de contribuer à la sécurité sociale, principalement la couverture de santé et la retraite (par exemple les travailleurs domestiques). Relativement, Plus de possibilités d'emploi offertes auxtravailleurs migrants dans les voies légales de migration Restent en dehors du champ d'application de la législation nationale Trop dépendantes de l'employeur pour leur permis de travail et de séjour NÉCESSAIRE POUR : Assurer la sécurité et la santé des travailleurs et travailleuses migrants en âge de procréer (par exemple, interdiction de l'exposition à des substances dangereuses pendant la grossesse) et la protection de la maternité pour les travailleuses migrantes (y compris le congé de maternité, les prestations et la protection contre le licenciement) ; Éliminer la discrimination sur la base des droits génésiques (par exemple l'interdiction d'obliger les migrantes à subir des tests obligatoires de grossesse avant de voyager ou de les renvoyer et/ou expulser quand elles tombent enceintes en cours d'emploi) ; Étendre la protection de la main-d'œuvre à tous les secteurs économiques et professions, y compris ceux à forte concentration des travailleuses migrantes ; Élaborer des mesures spéciales pour lutter contre les stéréotypes de genre néfastes et éliminer la discrimination dans la migration pour l'emploi ; Éliminer les mesures qui limitent leur entrée dans un emploi équitable et productif ; Donner une voix et une représentation aux migrantes pour garantir que leurs points de vue et les perspectives sont pris en compte dans la politique et la prise de décision. Leur accorder la flexibilité de changer d'employeur, assurer la non-substitution de contrats, la non-retenue des pièces d'identité et des pratiques de recrutement équitable. PORTÉE LARGE DE LA PROTECTION *Sauf indication contraire, toutes les conventions de l'OIT s'appliquent aux travailleuses et travailleurs migrants, indépendamment de leur nationalité CADRE GÉNÉRAL DE PROTECTION comprenant : 4 Conventions clés sur l'égalité de genre 8 Conventions fondamentales - renferment des principes et droits qui s'appliquent à tous les travailleurs sans distinction de nationalité, de résidence ou de statut de migrant D'autres NIT renfermant des dispositions spécifiques sur les travailleurs migrants PRINCIPES L'égalité des chances et de traitement en matière d'emploi et de profession vise à assurer l'égalité d'accès à l'emploi, à la formation professionnelle et à l'éducation, à la promotion professionnelle et à l'avancement, à la sécurité de l'emploi et à l'égalité de rémunération pour un travail de valeur égale et aux conditions de travail. Veiller à ce que le rendement des travailleurs soit récompensé en fonction de la productivité et du mérite, en tenant compte des caractéristiques objectives du travail (par exemple, les compétences, les connaissances, les responsabilités, les conditions de travail), et sans ingérence des considérations étrangères au mérite (par exemple, le sexe, la race ou la religion) La discrimination au travail désigne toute distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la religion, l'opinion politique, l'ascendance nationale ou l'origine sociale, qui a pour effet de détruire ou d'altérer l'égalité de chances ou de traitement en matière d'emploi ou de profession (sans justification objective ou légitime ; » 4 Conventions clés sur l'égalité de genre La Convention concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 (n° 111)173 ratifications Convention concernant l'égalité de rémunération entre la main-d'œuvre masculine et la maind'œuvre féminine pour un travail de valeur égale, 1951 (n° 100)- 172 ratifications Convention sur la protection de la maternité, 2000 (n° 183)- 32 ratifications Convention sur les travailleurs ayant des responsabilités familiales, 1981 (n° 156) – 44 ratifications 8 Conventions fondamentales de l'OIT Convention concernant la discrimination (emploi et profession), 1958 (n° 111) (173 ratifications) Convention sur le travail forcé, 1930 (n° 29) (178 ratifications) Convention sur les pires formes de travail des enfants, 1999 (n° 182) (180 ratifications) Convention sur la liberté syndicale et la protection du droit syndical, 1948 (n° 87) (153 ratifications) Convention sur le droit d'organisation et de négociation collective, 1949 (n° 98) (164 ratifications) Convention sur l'abolition du travail forcé, 1957 (n° 105) (175 ratifications) Convention sur l'âge minimum, 1973 (n° 138) (168 ratifications) Convention sur l'égalité de rémunération, 1951 (n° 100) (172 ratifications) Autres NIT renfermant des dispositions spé sur les travailleurs migrants C19 Convention sur l'égalité de traitement (accidents du travail), 1925 C102 Convention concernant la sécurité sociale (Normes minimum), 1952 C118 Convention sur l'égalité de traitement (sécurité sociale), 1962 C121 Convention sur les prestations en cas d'accidents du travail et de maladies professionnelles, 1964 C157 Convention sur la conservation des droits en matière de sécurité sociale, 1982 C169 Convention relative aux peuples indigènes et tribaux, 1989 C181 Convention sur les agences d'emploi privées, 1997 C189 Convention (n° 189) sur les travailleuses et travailleurs domestiques, 2011 (et R201) Instruments de l'OIT spécifiques aux travailleurs migrants Convention concernant les travailleurs migrants (révisée), 1949 (n° 97) (49 ratifications) Recommandation sur les travailleurs migrants (révisée), 1949 (n° 86) Convention sur les travailleurs migrants (dispositions complémentaires), 1975 (n° 143) (23 ratifications) Recommandation sur les travailleurs migrants, 1975 (n° 151) Ratifications Instruments de l'OIT relatifs aux travailleurs migrants Convention n° 97 (1949) Convention n° 143 (1975) 49 États et territoires parties Afrique : Algérie, Burkina Faso, Cameroun, Kenya, Madagascar, Malawi, Île Maurice, Nigeria, Tanzanie Zanzibar, Zambie Amériques et Caraïbes : Belize, Bahamas, Barbade, Brésil, Cuba, Dominique, Équateur, Grenade, Guatemala, Guyana, Jamaïque, Sainte-Lucie, Trinité-et-Tobago, Uruguay, Venezuela Asie et Pacifique : Hong Kong (RAS de Chine), Kirghizstan, Malaisie (Sabah), Nouvelle-Zélande, Philippines, Tadjikistan Europe : Albanie, Arménie, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Chypre, France, Allemagne, Italie, ex-République yougoslave de Macédoine, Moldavie, Monténégro, Pays-Bas, Norvège, Portugal, Serbie, Slovénie, Espagne, Royaume-Uni Moyen-Orient: Israël 23 États parties Afrique : Bénin, Burkina Faso, Cameroun, Guinée, Kenya, Togo, Ouganda Amériques et Caraïbes : Venezuela Asie et Pacifique : Philippines, Tadjikistan Europe : Albanie, Arménie, Bosnie-Herzégovine, Chypre, Italie, ex-République yougoslave de Macédoine, Monténégro, Norvège, Portugal, Saint-Marin, Serbie, Slovénie, Suède Convention n° 97 Article 6. L'égalité de traitement (traitement non moins favorable que celui qui s'applique à ses propres ressortissants) sans discrimination en matière de nationalité, de race, de religion ou de sexe, aux immigrants se trouvant légalement sur son territoire, en ce qui concerne : Les conditions de travail (salaires, heures de travail, heures supplémentaires, congés payés, etc.) ; L'affiliation aux syndicats et la jouissance des avantages de la négociation collective ; Logement Sécurité sociale (avec des limitations) Taxes emploi Procédures judiciaires Convention n° 97 Article 3. 1. Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage, dans la mesure où la législation nationale le permet, à prendre toutes mesures appropriées contre la propagande trompeuse concernant l'émigration et l'immigration. 2. À cette fin, il collaborera, s'il est utile, avec les autres Membres intéressés. Convention n° 143 – Normes minimales de protection Article 1. Tout Membre pour lequel la présente convention est en vigueur s'engage à respecter les droits fondamentaux de l'homme de tous les travailleurs migrants (hommes et femmes), en situation régulière ou irrégulière. Article 8. La simple perte d'emploi ne doit pas conduire automatiquement à la migration irrégulière. Article 9. Dans le cas des migrants en situation irrégulière, l'égalité de traitement en ce qui concerne les droits découlant d'un emploi antérieur (rémunération, sécurité sociale et autres prestations). Système de contrôle de l'OIT Système de contrôle régulier Commission d’experts pour l’application des conventions et recommandations Observations et demandes directes Étude d'ensemble de 1999 & 2016 sur les instruments relatifs aux travailleurs migrants Commission de l'application des normes de la Conférence (CIT) Déclarations et plaintes (Conseil d'administration) Cas sur le traitement des travailleurs migrants dans les pays d'origine et de destination Comité de la liberté syndicale (NC) Cas sur les droits syndicaux des travailleurs migrants en situation irrégulière Système international des droits de l'hom Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, 1990 Un des neuf traités des droits fondamentaux de l'homme Art. 1. À moins qu'elle n'en dispose autrement, s'applique à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille sans distinction aucune, notamment de sexe, de race, de couleur, de langue, de religion ou de conviction, d'opinion politique ou de toute autre opinion, d'origine nationale, ethnique ou sociale, de nationalité, d'âge, de situation économique, de fortune, de situation matrimoniale, de naissance, ou d'autre situation. Art. 7. Les États parties s'engagent, conformément aux dispositions des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, à respecter et à garantir à tous les travailleurs migrants et aux membres de leur famille se trouvant sur leur territoire et relevant de leur juridiction les droits reconnus dans la présente Convention sans distinction aucune, notamment de sexe... Comité sur les travailleurs migrants (CTM) – travailleurs domestiques migrants/droits des travailleurs migrants en situation irrégulière, etc. Rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme des migrants Examiner les voies et moyens de surmonter les obstacles existants à une protection pleine et efficace des droits de l'homme des migrants en reconnaissant la vulnérabilité particulière des femmes, des enfants et des personnes sans papiers ou en situation irrégulière ; Prendre en compte une perspective sexospécifique dans la demande et l'analyse d'informations, et accorder une attention particulière à l'apparition de formes multiples de discrimination et de violence à l'égard des femmes migrantes. Formuler des recommandations appropriées pour prévenir les violations des DH et y remédier. Convention de l'ONU sur les travailleurs mi Ratifications Signataires 47 États parties 20 États Afrique : Algérie, Burkina Faso, Cap-Vert, Égypte, Ghana, Guinée, Lesotho, Libye, Mali, Mauritanie, Maroc, Mozambique, Niger, Nigeria, Rwanda, Sénégal, Seychelles, Ouganda Afrique : Bénin, Cameroun, Tchad, Comores, Congo, Gabon, Guinée-Bissau, Liberia, Madagascar, Sao Tomé-et-Principe, Sierra Leone, Togo Amériques et Caraïbes : Argentine, Belize, Bolivie, Chili, Colombie, Équateur, El Salvador, Guatemala, Guyana, Honduras, Jamaïque, Mexique, Nicaragua, Paraguay, Pérou, SaintVincent-et-les Grenadines, Uruguay Asie et Pacifique : Cambodge, Palau Asie et Pacifique Bangladesh, l'Indonésie, Kirghizistan, Philippines, Sri Lanka, Tadjikistan, Timor-Leste Europe : Albanie, Azerbaïdjan, BosnieHerzégovine, Turquie Moyen-Orient : Syrie Amériques et Caraïbes : Haïti, Venezuela Europe et Asie centrale : Arménie, Monténégro, Serbie CEFDF - Recommandation générale n° 26 sur les travailleuses migrantes Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEFDF) Elle fait également partie des neuf traités relatifs aux droits fondamentaux de l'homme Elle protège toutes les femmes, y compris les migrantes, contre la discrimination sexuelle et fondée sur le sexe, causes et conséquences des violations de leurs droits humains. R26 Portée limitée pour aborder les situations des migrantes, qui en tant que travailleuses, occupent des emplois peu rémunérés, peut-être à risque élevé d'abus et de discrimination, et qui ne peuvent jamais être admissible à un séjour permanent ou à la citoyenneté. Les travailleuses migrantes qui migrent indépendamment, celles qui rejoignent leurs conjoints ou d'autres membres de leur famille qui sont aussi des travailleurs, et les travailleuses migrantes sans-papiers qui peuvent tomber dans l'une des catégories cidessus. La migration féminine devrait être étudiée dans la perspective des inégalités hommesfemmes, des rôles féminins traditionnels, d'un marché du travail bondérisé, de la prévalence universelle de la violence fondée sur le sexe et de la féminisation de la pauvreté et de la migration de la main-d'œuvre dans le monde. Elle comprend des recommandations aux États parties. Comité sur les travailleurs migrants : Observations finales mentionnant les travailleuses migrantes Observation générale n° 1 sur les travailleurs domestiques migrants déclare : « 60. […] Étant donné que la plupart des travailleurs domestiques sont des femmes et des filles et compte tenu de la répartition traditionnelle des rôles, de la différentiation du marché du travail selon le sexe, de la quasi-généralisation de la violence fondée sur le sexe et de la féminisation à l’échelle planétaire de la pauvreté et des migrations de maind’œuvre, les États devraient tenir compte des différences entre les sexes dans les efforts qu’ils déploient pour comprendre les problèmes qui leur sont propres et trouver des solutions pour lutter contre la discrimination fondée sur le sexe que les travailleurs domestiques migrants subissent tout au long du processus de migration. » « 61. Les États parties devraient lever les interdictions sexistes et les restrictions discriminatoires posées à la migration des femmes, comme celles fondées sur l’âge, la situation matrimoniale, la grossesse ou la maternité (art. 1er et 7), et abroger notamment toutes les mesures exigeant des femmes qui souhaitent se faire délivrer un passeport ou voyager d’obtenir l’autorisation préalable de leur époux ou de leur tuteur (art. 8) ou interdisant aux travailleuses domestiques migrantes d’épouser un ressortissant ou un résident permanent (art. 14) ou de se trouver un logement indépendant. […] » Comité sur les travailleurs migrants : Observations finales mentionnant les travailleuses migrantes Observation générale n° 2 sur les droits des travailleurs migrants en situation irrégulière et des membres de leur famille déclare : « 21. Les travailleurs migrants en situation irrégulière, en particulier les femmes, courent un risque accru d’être soumis, tant par des acteurs privés, notamment les employeurs, que par des agents de l’État, à des mauvais traitements et d’autres formes de violence telles que les violences sexuelles, les coups, les menaces, la violence psychologique ou la privation de soins médicaux, par exemple. Conformément à l'article 16, paragraphe 2, les États parties ont l'obligation de protéger tous les travailleurs migrants et les membres de leurs familles contre la violence, les dommages corporels, les menaces et intimidations, qu'ils soient causés par des fonctionnaires ou par des particuliers, des groupes ou des institutions. Cette exigence oblige les États parties à : (a) Adopter et appliquer une législation interdisant de tels actes ; (b) Enquêter efficacement sur les cas d'abus et de violence ; (c) Poursuivre les auteurs en justice et les punir de manière appropriée ; (d) Fournir une réparation adéquate aux victimes et aux membres de leur famille ; (e) Fournir une formation sur les droits de l'homme aux agents publics ; et (f) Surveiller efficacement la conduite des agents de l'État, et réglementer celle des personnes et entités privées, afin de prévenir de tels actes. » Comité des droits économiques, sociaux et culturels Observations finales mentionnant les travailleuses migrantes OG n° 18 sur l'article 6 PIDESC [le droit de travailler]: « 13. L'article 3 du Pacte prescrit aux États parties de s'engager à « assurer le droit égal qu'ont l'homme et la femme au bénéfice de tous les droits économiques, sociaux et culturels ». Le Comité souligne la nécessité d'un système global de protection pour lutter contre la discrimination sexuelle et assurer l'égalité des chances et de traitement entre les hommes et les femmes par rapport à leur droit au travail en garantissant un salaire égal pour un travail de valeur égale. En particulier, les grossesses ne doivent pas constituer un obstacle à l'emploi ni justifier la perte d'emploi. Enfin, l'accent devrait être mis sur le lien entre le fait que les femmes ont souvent moins accès à l'éducation que les hommes et que certaines cultures traditionnelles compromettent les possibilités d'emploi et d'avancement des femmes ». Comité pour l'élimination de la discrimination raciale : Affaire Yilmaz-Dogan contre les Pays-Bas Dans l'affaire Yilmaz-Dogan contre les Pays-Bas, une travailleuse migrante enceinte a été licenciée quand elle est tombée enceinte. Son employeur s'est justifié, en affirmant que : « Quand une fille néerlandaise se marie et a un bébé, elle cesse de travailler. Nos travailleuses étrangères, par contre, emmènent l'enfant chez des voisins ou la famille et à la moindre difficulté disparaissent en congé de maladie en vertu de la loi sur la maladie. Elles le répètent sans cesse. Dans la mesure où nous devons tous faire tout notre possible pour éviter la faillite, nous ne pouvons pas nous le permettre. » Le CEDR a jugé que les Pays-Bas - par l'acceptation de la demande de son employeur de résilier son contrat devant la Cour cantonale - avait failli dans la lutte contre la discrimination et la protection de l'égalité devant la loi en ce qui concerne le droit au travail. Voir CEDR, Yilmaz-Dogan contre les Pays-bas, Communication n° 1/1984, september 1988, aux paragraphes 9.2-9.3. avis du 29