Flexicurité - ATTAC

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La flexicurité
Origines et causes
Henri Houben (Attac Bruxelles 1)
Université d’été d’Attac Europe (ESU)
Mardi 5 août 2008
La flexicurité
1. Qu’est-ce que la flexicurité?
2. Un projet patronal
3. La stratégie de Lisbonne
4. Débloquer les résistances sociales
5. Analyse des créations d’emploi
6. Conclusions
La flexicurité
1. Qu’est-ce que la flexicurité?
2. Un projet patronal
3. La stratégie de Lisbonne
4. Débloquer les résistances sociales
5. Analyse des créations d’emploi
6. Conclusions
Qu’est-ce que la flexicurité?
La flexicurité est un néologisme créé à partir
de flexibilité et de sécurité.
Il s’agit de combiner les deux.
C’est «une stratégie intégrée visant à
améliorer simultanément flexibilité et la
sécurité sur le marché du travail».
Commission européenne, «Vers des principes
communs de flexicurité: Des emplois plus
nombreux et de meilleure qualité en
combinant flexibilité et sécurité», 27 juin
2007, p.5.
Qu’est-ce que la flexicurité?
Trois exemples promus:
- Pays-Bas: trois femmes sur quatre travaillent
à temps partiel;
- Danemark: 30% des employés changent
d’employeur chaque année en moyenne;
- Autriche: plus d’indemnisations en cas de
restructuration, mais cotisation à un Fonds.
La flexicurité
1. Qu’est-ce que la flexicurité?
2. Un projet patronal
3. La stratégie de Lisbonne
4. Débloquer les résistances sociales
5. Analyse des créations d’emploi
6. Conclusions
Un projet patronal
D’où vient l’adoption du projet?
L’ERT (Table ronde des industriels européens)
est créée en 1983.
Il s’agit de 45 chefs de grandes
multinationales européennes (non
financières): Renault, Bayer, Suez, BP...
Déjà à l’origine de: marché intégré, monnaie
unique, pacte de stabilité...
Un projet patronal
Nouvelle priorité: la compétitivité.
Qu’ont-ils besoin?
1° baisse des salaires;
2° flexibilité pour s’adapter aux «besoins» du
marché;
3° conditions d’embauche et de travail
favorables;
4° orientation vers les secteurs de pointe.
Un projet patronal
Mais opposition des salariés et des syndicats.
La compétitivité ne mobilise pas les foules.
D’où un programme sur l’emploi.
Tout le monde est favorable à la création
d’emplois.
Seulement, derrière cette initiative, se cache
le véritable projet: celui sur la compétitivité.
Seules les firmes compétitives peuvent créer
de l’emploi (selon ERT).
La flexicurité
1. Qu’est-ce que la flexicurité?
2. Un projet patronal
3. La stratégie de Lisbonne
4. Débloquer les résistances sociales
5. Analyse des créations d’emploi
6. Conclusions
La stratégie de Lisbonne
L’ERT inspire, en 1993, le «livre blanc pour
l’emploi, la croissance et la compétitivité» de
Jacques Delors, président de la
Commission. Mais application difficile.
L’ERT propose de créer un groupe d’experts:
consultatif et mis sur pied de 1995 à 1999.
Le comité comprend une dizaine de
personnes: une majorité de patrons, des
professeurs et trois syndicalistes.
Il dépose tous les six mois, durant quatre ans,
des rapports pour améliorer la compétitivité.
La stratégie de Lisbonne
Les propos:
- la compétitivité est essentielle pour l’emploi;
- il faut accélérer la flexibilité des salariés;
- il faut les former en permanence pour qu’ils
puissent s’adapter rapidement;
- il faut abaisser les charges sur les salaires;
- le marché boursier est capital pour l’emploi;
...
Cela aboutit au sommet de mars 2000 à
Lisbonne.
La stratégie de Lisbonne
«L'Union s'est aujourd'hui fixé un nouvel
objectif stratégique pour la décennie à
venir: devenir l'économie de la connaissance
la plus compétitive et la plus dynamique du
monde, capable d'une croissance
économique durable accompagnée d'une
amélioration quantitative et qualitative de
l'emploi et d'une plus grande cohésion
sociale».
(Conseil européen, «Conclusions de la présidence»,
Lisbonne, 23 et 24 mars 2000, point 5).
La stratégie de Lisbonne
• Indicateur central établi à Lisbonne: le
taux d’emploi.
• Il doit atteindre 70% pour 2010
• Taux d’emploi pour les femmes: 60% en
2010
• Taux d’emploi des travailleurs âgés (55-64
ans): 50%.
La stratégie de Lisbonne
Que mesure le taux d’emploi?
Au numérateur (au-dessus de la barre de
fraction): le nombre de personnes ayant un
emploi, soit toute personne ayant travaillé au
moins une heure par semaine.
Au dénominateur (en dessous de la barre):
toute la population âgée de 15 à 64 ans
(compris).
La stratégie de Lisbonne
Le but:
- non pas augmenter l’emploi;
- mais accroître l’offre de travail.
Pourquoi?
Pour faire jouer la concurrence entre
travailleurs.
Ainsi, faire baisser toutes les conditions
sociales: salaires, flexibilité, temps de
travail...
La stratégie de Lisbonne
Keith Richardson, secrétaire de l’ERT de 1988 à 1998
en conclut:
«Le Conseil européen de Lisbonne de mars 2000 a
représenté un point crucial de ce processus, avec ce
«nouvel objectif stratégique» pour l’Union européenne
durant la prochaine décennie «de devenir l’économie
de la connaissance la plus compétitive et la plus
dynamique du monde». Lisbonne a tracé le lien direct
entre la globalisation et la création d’emplois à travers
la poursuite de la compétitivité aussi clairement que
l’ERT l’a fait (…) dans tant de rapports publiés au
cours de cette décennie...
La stratégie de Lisbonne
«... La longue liste de points précis de
politique décidés à Lisbonne a reflété les
priorités habituelles de l’ERT complètement,
de l’établissement de points de repères pour
l’évaluation des performances à
l’apprentissage la vie durant».
Keith Richardson, “Big Business and the European
Agenda”, Sussex European Institute, Working
Papers, n°35, septembre 2000, p.25.
La flexicurité
1. Qu’est-ce que la flexicurité?
2. Un projet patronal
3. La stratégie de Lisbonne
4. Débloquer les résistances sociales
5. Analyse des créations d’emploi
6. Conclusions
Débloquer les résistances sociales
Le problème: pas appliqué ou pas assez vite.
Résistances ou freins au niveau national:
- la France impose le retrait du CPE (contrat
première embauche);
- la directive sur les dockers pas votée;
- celle sur les services (Bolkestein) aménagée;
- beaucoup de conflits à propos de
restructurations d’entreprises.
Débloquer les résistances sociales
Taux d’emploi dans l’Union européenne ( à 15)
en 1999 et 2005, comparé aux objectifs fixés
1999 2005
Obj.
2005
Obj.
2010
Général
62,5
65,2
67,0
70,0
Femmes
Agés
53,0
37,1
57,4
44,1
57,0
60,0
50,0
Source: Commission européenne, L’emploi en Europe 2007.
Débloquer les résistances sociales
Baron Seillière, président de Business Europe:
«Bon nombre de décideurs politiques
européens sont conscients que des
régulations du travail dépassées et
inutilement rigides freinent les activités
économiques et ralentissent la croissance de
la productivité. La plupart des gens sont
d’accord qu’une taxation élevée du travail et
un manque de mobilité accroissent les coûts
d’ajustement liés à la globalisation et aux
innovations technologiques. (...)
Débloquer les résistances sociales
... Malheureusement, ces choses sont
beaucoup moins consensuelles lorsqu’il
convient de tirer les conséquences des
analyses et de décider les réformes au
niveau des Etats membres. La peur de
l’opinion publique et de la résistance
syndicale, particulièrement dans les
grands pays de l’Union, ralentissent
considérablement les mesures
nécessaires».
Ernest-Antoine Seillière, «Operation
Europe», 26 septembre 2006.
Débloquer les résistances sociales
D’où trois textes de la Commission:
- une Communication en mars 2005 à propos
des restructurations;
- un livre vert en novembre 2006 sur la
modernisation du droit du travail;
- une Communication à propos de la
flexicurité de juin 2007.
Débloquer les résistances sociales
Le document sur les restructurations est le
mieux représenté lors d’une intervention de
Günther Verheugen, vice-président de la
Commission et chargé de l’Entreprise et de
l’Industrie (membre du SPD), devant le
Parlement européen.
Il doit répondre à l’émoi que suscite la
fermeture de l’usine de GM à Ajambura au
Portugal.
Débloquer les résistances sociales
Günter Verheugen, vice-président de la Commission, en
charge des Entreprises et de l’Industrie:
«Nous avons mis en route une politique européenne
commune pour la croissance et l’emploi. (...) Une
politique pour la croissance et l’emploi ne peut être
qu’une politique favorable aux entreprises. Dans
l’économie, dans les entreprises, des emplois
apparaissent ou disparaissent – et aucun ordre de
l’État ou de l’Union ne peut rien y changer. (...) Les
décisions de fermeture ou de délocalisation des
entreprises des entreprises leur appartiennent et
aucun Etat, ni l’Union européenne ne peut ni ne doit
intervenir dans l’affaire».
Günter Verheugen, «La compétitivité – la réponse à
la restructuration et la concurrence», 4 juillet 2006.
Débloquer les résistances sociales
La nouvelle politique européenne:
- ne pas condamner une restructuration,
puisque c’est «naturel».
- désamorcer le brûlot social;
- offrir immédiatement des emplois ou des
plans d’emploi aux salariés menacés;
- enfin, prendre aux syndicats la gestion du
conflit.
Débloquer les résistances sociales
Le livre vert:
- déclarer la flexibilité comme circonstance
«naturelle»;
- promouvoir les contrats atypiques comme
devenant «normaux»;
- préférer une solution individuelle à une réponse
collective aux problèmes du travail;
- encourager la sécurité dans l’emploi plutôt que
celle de l’emploi (employment vs job security).
Propos repris dans la Communication de juin
2007.
La flexicurité
1. Qu’est-ce que la flexicurité?
2. Un projet patronal
3. La stratégie de Lisbonne
4. Débloquer les résistances sociales
5. Analyse des créations d’emploi
6. Conclusions
Analyse des créations d’emploi
Depuis Lisbonne (de 1999 à 2006), il y a eu
13,5 millions d’emplois créés.
Dont 1,5 million d’indépendants.
Ce 1,5 million se concentre dans trois pays:
Allemagne, Grande-Bretagne et Espagne.
Dans les 12 millions d’emplois salariés créés,
quatre pays en assurent la plus grand part:
Espagne (4 millions), Italie (2 millions), France
et Grande-Bretagne (1,5 million chacun).
Analyse des créations d’emploi
Dans les 12 millions d’emplois salariés,
8 millions sont à temps partiel et 4 millions à
temps plein.
Les femmes représentent l’essentiel des
créations d’emploi: 9 millions dont 6 à temps
partiel.
Mais il n’y a quasiment plus de création (nette)
d’emplois masculins à temps plein.
Analyse des créations d’emploi
Dans plusieurs pays, il y a destruction nette
d’emplois à temps plein au profit du partiel
(ou création uniquement d’emplois à temps
partiel):
Allemagne (2,7 millions), Pays-Bas, Autriche,
Danemark, Suède et Belgique.
C’est cette flexibilité que la Commission veut
généraliser.
En lui adjoignant une pseudo sécurité.
Evolution de la création nette d’emplois salariés dans
l’Union européenne (à 15) par type (en % du total)
85-91
Hommes
Temps plein
Temps partiel
Femmes
Temps plein
Temps partiel
Total
Temps plein
Temps partiel
Total
95-99
99-06
25.8
6,5
26,5
12,2
9,2
18,8
41,6
26,1
27,1
34,2
24,4
47,5
67,4
32,6
100,0
53,6
46,4
100,0
33,7
66,3
100,0
La flexicurité
1. Qu’est-ce que la flexicurité?
2. Un projet patronal
3. La stratégie de Lisbonne
4. Débloquer les résistances sociales
5. Analyse des créations d’emploi
6. Conclusions
Conclusions
Les enjeux de la flexicurité:
- généraliser la flexibilité;
- accepter les décisions d’entreprise et donc le
système économique comme tels;
- favoriser les solutions individuelles plutôt que
collectives;
- marginaliser les syndicats dans leur fonction
de résistance;
- laisser le libre pouvoir aux firmes pour
imposer flexibilité et baisse de salaires.
Un programme à contrecarrer absolument!
FIN
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