vendredi 21 avril 2017 18:35 Montpellier-Le-Vieux n’est pas une ville en ruines. Ce sont des roches, parfois de centaines de mètres de haut, qui semblent effectivement les ruines d’une ancienne cité, vues de loin. D’autant qu’elles semblent dessiner des rues, des avenues, des places… Cette appellation aurait été donnée par les bergers qui faisaient la transhumance. Ils ne connaissaient qu’une grande ville : Montpellier, familièrement désignée en patois « Lou Clapas », qui signifie « le tas de pierres ». Voyant au loin ces amas rocheux, ils les appelèrent tout naturellement « Lou Clapas Vieil », traduit par Montpellier-Le-Vieux. Ce chaos dolomitique est impressionnant. Les photos n’en donnent qu’une faible idée… J’espère que au moins quelques-uns parmi vous s’intéressent à la géologie, sans cela ce diaporama sera terriblement ennuyeux ! Que ceux qui n’aiment pas cette science me pardonnent ! La Légende Las faderellas son passadas per aqui… (les fées sont passées par là) Elles sont venues des garrigues du Sud, les trois petites fées, poursuivies par le mauvais génie Mourghi : Amy, la sérieuse, Amyne, la rêveuse, et Benjamine la rieuse. De leurs mains, à la hâte, elles construisirent une citadelle fantastique, avec ses remparts, ses palais, ses ponts, ses places et ses monuments. Elles plantèrent des pins, des chênes, des herbes folles et des fleurs sauvages. Et tout cela faisait un tel univers d’enchevêtrement mystérieux que même Mourghy le malin s’y perdit et renonça. Alors commença pour elles une longue période de paix et de bonheur. Lasses, même les fées se lassent du bonheur… La nostalgie des garrigues s’empara d’elles, et elles s’en retournèrent près de la mer et du soleil. La ville s’endormit alors dans son silence. Puis, sans doute amenés là par quelque diable, le Vent, la Pluie, la Neige sont revenus et se sont acharnés sur la cité. Las farfadellas s’en son tornadas ! (les fées sont reparties). Mais leur souvenir habite toujours la cité. Dans la rigueur des ordonnances, la sérieuse Amy reste présente. Le chant des oiseaux, le bruissement du vent, le grelot des troupeaux ne sont-ils pas les échos du rire de Benjamine ? Et cette atmosphère étrange n’est-elle pas l’image même du rêve d’Amyne ? Las farfadellas son aqui, la farfadellas mestrejas la somi. (Les fées sont ici, les fées maîtresses du songe) D’après André Delon Historique Dès les temps les plus reculés, les rochers de Montpellier-Le-Vieux ont servi d’abris naturels aux animaux, et l’homme y a trouvé refuge. Des ossements d’Ursus Speleus découverts dans une grotte montrent que le site était déjà constitué au début du quaternaire. À l’écart des « drailles », ces grandes voies de transhumance qui sillonnaient les causses, le site, seulement connu des gens du voisinage, resta longtemps ignoré. Il faut dire que l’aspect fantastique de ces rochers ruiniformes dominant l’épaisse forêt qui couvrait alors les lieux favorisait l’éclosion de légendes plus terrifiantes que celles des trois petites fées ! N’était-ce pas là quelque cité antique, bâtie par des géants et ravagée par Satan lui-même ? Ce n’est qu’en 1883 que M.de Barbeyrac découvre le site. Il en est alors fait mention à la Société de Géographie de Toulouse, sous le nom de Montpellier-Le-Vieux. Notions géologiques Remontons à plus de 200 millions d’années en arrière. (Cela vous donne le vertige ? Cramponnez-vous !) La mer occupe alors la région. Climat tropical. Dans cette mer chaude et peu profonde, analogue à celle des atolls du Pacifique actuel, des coraux et des algues calcaires construisent des récifs autour desquels vivent en abondance éponges, mollusques, oursins et crustacés. Les coraux sont fragiles et cassent, leurs débris s’accumulent en un sable fin autour et au sein même du récif. La barrière récifale est continuellement renouvelée, reconstruite par une multitude d’organismes et d’animaux marins qui vivent autour et aux dépens du récif. Ces organismes finissent par mourir, leurs restes et leurs squelettes vont ainsi contribuer à l’édification de la roche. Comment ? Tous ces débris tombent sur le sol et forment une boue riche en carbonate de calcium. Les couches s’accumulent. Peu à peu, se tassant sous leur propre poids, ces couches successives chassent l’eau qu’elles contiennent et se transforment en roche calcaire. Ainsi, près de 300 m de roches vont se former, mais tout de même en 10 millions d’années ! Plus tard, dans cette masse encore poreuse, des circulations de solutions de sels, notamment de magnésium, vont transformer le calcaire en dolomie. On voit bien ici les couches successives, et le plissement de ces strates. Ce n’est pas passionnant, la géologie ? Longtemps encore la mer occupera la région, déposant couche après couche d’autres roches sur les dolomies jurassiques. Mais ce sont pourtant ces dolomies qui forment actuellement le site de Montpellier-Le-Vieux. Un grand chambardement est responsable : il y a environ 100 millions d’années, les Alpes et les Pyrénées émergent et commencent à se mettre en place. Au fond des mers, les récentes assises calcaires à peine consolidées vont subir de formidables poussées. Bien que roche compacte et rigide, les couches calcaires soumises à ces poussées se plissent ou se fracturent. Sous ces énormes poussées tectoniques, la masse des grands Causses s’élève progressivement et la mer disparaît peu à peu de la région. Peu à peu !!! Car il faudra 80 millions d’années pour que les Causses émergent complètement ! À peine à l’air libre, ces reliefs subissent l’attaque des éléments. Les eaux de pluie vont, en désagrégeant et entraînant les terrains qui les recouvrent, mettre à nu les assises dolomitiques. De loin, cette dolomie peut paraître massive et dure, mais en se rapprochant, elle nous apparaît caverneuse comme une dent cariée. De plus près encore, on remarque des parties dures, et d’autres qui s’effritent sous les doigts en donnant une sorte de sable très fin : le « grésou », en patois local. Débris de roches provenant de l’érosion, et jonchant le sol autour des grands rochers monolithiques. Partout des fleurs de toutes sortes, de toutes couleurs, mais je n’ai pas eu la possibilité de les photographier. Cette dolomie est donc très hétérogène, et c’est là une partie de l’explication des formes tourmentées des rochers de Montpellier-Le-Vieux. Mais comment expliquer ces alignements rectilignes qui forment des « rues », des « avenues », et se coupent presque à angle droit ??? Revenons au début du grand chambardement. Des tensions s’exercent, des couches résistent, se plient et finissent par céder. Ainsi font se former des réseaux de petites cassures parallèles. (Enfin, petites… à l’échelle du site, qui couvre 120 ha !) Ces fissures sont autant de zones de faiblesse, et les déformations successives les amplifieront. De sa lente et éprouvante montée du fond des mers, la roche hérite d’un réseau de cicatrices : ce sont les diaclases et les failles. La roche fragilisée par la fracturation, y est moins dure et souvent plus perméable. Les eaux d’infiltration vont circuler en suivant ces fissures, faisant leur lent travail d’érosion. Cette action dissolvante élargira les passages, les transformant en « canaules ». Ces canaules donneront les rues et les ravins du site, et, localement, de leur réunion naîtront les « cirques » du site actuel (ou « places »). Bon. Jusque là, j’ai suivi. Mais d’ou viennent ces formes étranges, figurant des silhouettes d’animaux souvent, d’où viennent ces creux, ces niches, ces anfractuosités, ces arches, ces encorbellement défiant les lois de l’équilibre ? Eh oui, toujours de l’érosion ! C’est dans la formation même de la roche, dans sa structure intime, que réside le mystère. Souvenez-vous ! Nous avons vu que ces roches étaient hétérogènes, que certaines parties étaient dures, d’autres friables. Dans les roches dolomitiques coexistent des cristaux de calcite et des cristaux de dolomie. Ces cristaux sont eux-mêmes de tailles différentes,et peuvent former des couches à fins cristaux ou « micrites », et des couches à gros cristaux ou « sparites ». Toutes ces hétérogénéités vont entraîner une corrosion et une érosion différentielles. (Je vous rassure, la phrase n’est pas de moi !) Les eaux de pluie se chargent d’acide dans l’atmosphère. En pénétrant dans les roches, elles dissolvent les carbonates, à l’intérieur de la roche, créant des vides, tandis que les éléments non dissous se transforment en « grésou ». Il se forme donc intérieurement des cavités de toutes dimensions, plus ou moins remplies de sable. Mais l’érosion continue son travail ! Certaines de ces cavités se fragilisent, puis s’ouvrent. Le sable s’écoule au pied de la roche, et les formes les plus bizarres sont ainsi sculptées. Dans combien de milliers d’années ce rocher qui semble pourtant en équilibre instable s’écrasera-t-il sur les arbres qui entourent le pied de son « piédestal » ? On appelle cela un « roc camparolié ». Le Touring Club de France a ouvert et entretient des circuits fléchés permettant de visiter le site. Mais il est impossible de tout découvrir en une seule visite ! Il y a aussi un circuit en petit train, qui dure une heure trente. Vous nous voyez sur le départ. J’en profite pour vous présenter ma sœur et mon beau-frère ! Le petit train, c’est formidable, mais, lorsqu’on a un appareil à la main, c’est frustrant. Vous ne pouvez imaginer toutes les belles photos que j’aurais aimé vous partager ! Notamment de la flore, très riche. La dolomie est un amendement excellent pour les terres ! À préciser d’ailleurs qu’il y a aussi de la dolomie dans les Alpes (les Dolomites, cela vous dit quelque chose ?) et dans les Pyrénées. Mais elle est bien plus homogène. Elle est exploitée dans des carrières et vendue comme amendement naturel. Mon beau-frère exploitait une de ces carrières. Partout, la flore colonise la roche. Pas seulement à Montpellier-LeVieux, mais sur tout le Causse. Ils ont même 35 espèces d’orchidées et il existe, entre autres circuits touristiques, un « safari-orchidées », notamment très prisé par les japonais ! Nous, nous passons en autocar, ou en petit train… Adieu, les orchidées ! Mais enfin, nous avons tout de même vu beaucoup de choses. Et, même de l’autocar, nous avons pu admirer bien des coussins fleuris, aux couleurs éclatantes ! Tous ces rochers ont reçu des noms évocateurs, donnés par les premiers bergers, et qui ont été respectés. Ainsi, c’est « le chameau » qui vous dit « au revoir ». J’espère ne pas vous avoir trop ennuyés… Je me suis aidée pour les textes de l’excellent livre « Montpellier-Le-Vieux », des Éditions « l’Aven Armand » Musique : Cançon des vendemias (chanson de vendanges) extraite d’un CD édité, ainsi que le livre documenté qui l’accompagne (notamment tous les textes, leur origine et leur traduction) par « Les Vagabonds des Grands Causses ». Diaporama de Jacky Questel, ambassadrice de la Paix [email protected] http://jackydubearn.over-blog.com/ Site : http://www.jackydubearn.fr/