La protection du corps humain

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SOINS ET DROITS FONDAMENTAUX
DE LA PERSONNE HUMAINE
Consultation d’Ethique Clinique - CHU Nantes
Le 7 avril 2015
Sylvie Grunvald
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Introduction
 La personne humaine
 Article 16 Code civil: « La loi assure la primauté de la personne,
interdit toute atteinte à la dignité de celle-ci et garantit le respect
de l'être humain dès le commencement de sa vie »
• La définition juridique actuelle de la personne humaine: l’unité
de l’être humain et de la personne juridique
• Personne humaine et personnalité juridique: aptitude à être sujet de
droit reconnu à tous les êtres humains, de plein droit, sans distinction
• La personne humaine a droit à la protection quels que soit
son âge, sa capacité juridique
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Introduction (suite)
• Personnalité juridique de la naissance à la mort
• La naissance: enfant né vivant et viable
• L’embryon, l’enfant à naître n’est pas une personne (Pas d’homicide involontaire sur
l’enfant à naître, Cour de cassation Assemblée plénière 29 juin 2001 + CA Pau 5 février
2015)
• CCNE (avis n°24, juin 1991): embryon = personne humaine potentielle
• La mort
• La production du certificat médical de décès pour le permis d’inhumer (art. L.2223-42
Code Général Collectivités Territoriales)
• Un exemple de définition de la mort : art. R. 1232-1 CSP (mort préalable à un
prélèvement)
« Si la personne présente un arrêt cardiaque et respiratoire persistant, le constat de la mort
ne peut être établi que si les trois critères cliniques suivants sont simultanément présents : 1°
Absence totale de conscience et d'activité motrice spontanée ; 2° Abolition de tous les
réflexes du tronc cérébral ; 3° Absence totale de ventilation spontanée. »
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Introduction (suite)
• Les droits fondamentaux: « patrimoine juridique commun de l’humanité » (H. Oberdorff)
• Droits reconnus à tout être humain en raison de sa seule qualité d’être humain
« Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit »
• Reconnus en droit interne (depuis la DDHC 1789) avec valeur constitutionnelle, et en droit international (DUDH
1948, CESDH 1950, PIDCP 1966, Charte DFUE 2000),
 reconnaissance universelle?
• Droits fondamentaux et Etat de droit
• Evolution du contenu des droits fondamentaux:
•
•
•
•
1ère génération: Droits individuels civils et politiques (1789), droits libertés opposables à l’Etat
2ème génération: Droits économiques et sociaux (1946), droits créances exigibles de l’Etat
3ème génération : Droits de solidarité, opposables à l’Etat et exigibles de lui, mais induisant l’action des acteurs sociaux.
Voire une 4ème génération : Protection de la dignité humaine des dérives scientifiques (Déclaration universelle sur le
génome humain et les droits de l’Homme 1997, ONU)
 indivisibilité des droits fondamentaux?
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Introduction (suite)
 Soins et droits fondamentaux
 De potentielles atteintes
 Atteinte au corps, à l’intégrité physique
 Atteinte à l’intimité et à la vie privée
 La protection de la personne humaine face à ces atteintes
d’abord assurée par les droits fondamentaux inhérents à l’être
humain, reprise dans des dispositions spécifiques (droit civil,
droit pénal, droit médical…)
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La protection de la vie
• Le droit à la vie et l’interdiction de tuer
• Une obligation négative, ne pas tuer
• « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à
quiconque intentionnellement…» (art. 2 CESDH)
• La répression des atteintes à la vie en droit pénal
• Le droit à la vie et la protection de la vie
• Obligations positives des Etats : l’Etat est « tenu[e] de mettre en place un cadre
réglementaire imposant aux hôpitaux, qu’ils soient publics ou privés, l’adoption de mesures
propres à assurer la protection de la vie de leurs malades » (CEDH 17 janvier 2002, C. et C
c/ Italie)
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La protection de la vie (suite)
• Les contours du droit à la vie
• IVG non contraire au droit à la vie sur le fondement de l’article 8 CESDH (droit à la vie privée)
 Conventionalité de la loi du 22 avril 2005: le dispositif du CSP n’est pas contraire à l’article 2 CESDH relatif au droit à la vie
La nécessaire conciliation des libertés fondamentales que sont « le droit au respect de la vie et le droit du patient de consentir à un
traitement médical et de ne pas subir un traitement qui serait le résultat d’une obstination déraisonnable » (CE 14 février 2014)
• Un « droit à la mort »?
 Le suicide est autorisé : « le suicide est devenu en France un acte licite par abstention du droit » (R. Charvin et J-J Sueur)
 La provocation au suicide, ni l’aide au suicide, ni le suicide assisté ne sont autorisés en droit interne (sanctionnés pénalement)
 La jurisprudence européenne n’affirme pas ce droit à la mort (cf. CEDH Pretty c/ R-U, 29 avril 2002 : pas de reconnaissance du
droit à la mort décidé par une personne autorisant un tiers à lui provoquer la mort)
 Peut être admis un droit à choisir sa fin de vie (cf. CEDH Haas c/ Suisse 21 janvier 2011), un droit à l’accompagnement médical
de la fin de vie sur le fondement de l’article 8 CESDH (droit à la vie privée)
Marge d‘appréciation laissée aux Etats
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La protection du corps humain
 La protection de la dignité de l’être humain
 L’interdiction des traitements inhumains et dégradants (art. 3 CESDH)
 « La personne malade a droit au respect de sa dignité » (art. L. 1110-2 CSP): malade sujet de soins et non objet de
soins
 Dignité et indisponibilité du corps
 Interdiction du commerce des individus (esclavage, vente d’enfants et adoption…)
 Respect de la dignité composante de l’ordre public
 Jurisprudence Assemblée plénière 31 mai 1991 (GPA), Conseil d’Etat 27 octobre 1995 (« lancer de nain »)
 L’auto atteinte, auto mutilation non réprimée: droit de disposer de son corps
 Le droit à l’intégrité physique et psychique
Art. 16-1 C. civ. : « Chacun a droit au respect de son corps. Le corps humain est inviolable. »
 L’inviolabilité du corps humain
 Protection renforcée par le droit pénal: répression des violences, du harcèlement
 Protection spécifique contre les expérimentations médicales sans le consentement de la personne : art. 7
PIDCP, art. 223-8 CP
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La protection du corps humain (suite)
 Des limites au principe d’inviolabilité
 La finalité de l’atteinte: nécessité médicale, nécessité thérapeutique
Art. 16-3 code civil « Il ne peut être porté atteinte à l'intégrité du corps humain qu'en cas de nécessité
médicale pour la personne ou à titre exceptionnel dans l'intérêt thérapeutique d'autrui. »
Les atteintes pour des raisons de santé publique : ex. vaccinations
Les vaccinations obligatoires ne sont pas contraires aux libertés constitutionnellement garanties (Conseil
constitutionnel 20 mars 2015 QPC 2015-458)
 Le consentement de la personne:
art. 16-3 code civil: « Le consentement de l’intéressé doit être recueilli préalablement hors le cas où son état
rend nécessaire une intervention thérapeutique à laquelle il n’est pas à même de consentir »
Les recherches médicales et les essais thérapeutiques avec le consentement de la personne
Mais le consentement n’est pas un fait justificatif pour la victime d’une infraction pénale
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La protection des éléments du corps humain
• Le statut des éléments du corps humain: Personne ou chose?
 Corps substratum de la personne même s’il est possible de le décliner en cellules, organes, en
matériau humain
• Rejet de principe de la patrimonialisation, de la réification du corps humain
 Art. 16-1 Code civil: « Le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l'objet d'un droit patrimonial. »
 Art. 16-5 code civil : « Les conventions ayant pour effet de conférer une valeur patrimoniale au corps humain, à ses
éléments ou à ses produits sont nulles. »
 Convention européenne des droits de l’homme et de la biomédecine: art. 21: « le corps humain et ses parties ne
doivent pas être en tant que tels sources de profits. »
 Non brevetabilité du corps humain et de ses éléments (art. L.611-18 Code propriété intellectuelle)
Interdiction du commerce des produits du corps humain
• Protection spécifique des éléments du corps humain
• Art. 511-1 et s. Code pénal: interdiction de prélèvements de cellules ou gamètes pour clonage,
interdiction d’obtenir des organes, tissus, cellules contre paiement
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La protection des éléments du corps humain (suite)
 Des discussions sur la définition des éléments du corps humain: ex. l’embryon
 CJUE 18 déc 2014 (aff. C-364/13, pt 28): « pour pouvoir être qualifié d'"embryon humain", un ovule humain non fécondé doit
nécessairement disposer de la capacité intrinsèque de se développer en un être humain »
Enjeu au regard de la brevetabilité du vivant
 « …difficulté de dire le droit avec un degré minimum de permanence dans des matières dépendant directement de l'état
des connaissances scientifiques dans un domaine en rapide évolution » (concl. av. gén., aff. C-364/13, pt 25)
 Des limites à l’indisponibilité
 Ex.: Les lois encadrant les prélèvements d’organes depuis 1949 du don de cornée jusqu’aux lois bioéthiques
 Ex.: Des contrats sui generis : ex. convention entre un donneur de sperme et un CECOS
 Sous conditions
 Un consentement éclairé et parfois renforcé (ex. art. 1231-1 CSP consentement d’un don d’organe sur personne vivante
devant un magistrat judiciaire)
 Intérêt thérapeutique
 La gratuité du don mais parfois indemnisation (lait maternel…)
 L’anonymat
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La protection de l’espèce humaine
 Protection internationale :
 ONU Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’Homme (11
novembre 1997): art. 1er « Le génome humain est le patrimoine de l’humanité »
 rejet de la manipulation génétique
 Conseil de l’Europe : convention dite d’Oviedo pour la protection des droits de l’Homme
et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la
médecine (14 avril 1997, ratifiée par la France 2011)
 Protection nationale
 Loi du 6 août 2004 relative à la bioéthique : introduction des « crimes contre l’espèce
humaine » dans le code pénal (art. 214-1 Cp)
 Interdiction du clonage reproductif
 Interdiction des pratiques eugéniques
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La protection des intérêts moraux de la personne
 A travers le droit à la vie privée
 En droit interne: article 9 du code civil
« Chacun a droit au respect de sa vie privée. »
 En droit européen: article 8.1. de la CESDH
«Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. »
 En droit de l’UE: article 7 Charte des droits fondamentaux de l’UE:
«Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. »
 La loi Informatique et Libertés relative aux fichiers de données à caractère personnel
Droit à la confidentialité: le secret médical
• Un enjeu démocratique: une dimension collective et politique
• Un enjeu humaniste: le respect de la personne
• Un enjeu social: la confiance dans l’exercice de l’activité médicale
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Une dimension sociale au respect de la
personne humaine: l’accès aux soins
 Droit à la protection de la santé dans les instruments de protection des droits humains
 Charte OMS 1946, art. 25§1 DUDH 1948, art. 12 PIDESC 1966, art. 35 Charte DFUE 2000
 Préambule Constitution française 1946 alinéa 11: La Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant , à la mère, aux
vieux travailleurs, la protection de la santé »
 Mais pas de « droit aux soins » expressément affirmé
 Le principe de non discrimination fondateur
 Sous tendu par les principes d’égalité et de dignité
 État de santé source de discrimination (cf. art. 225-1 Cp)
 Art. L. 1110-3 Csp: « aucune personne ne peut faire l’objet de discriminations dans l’accès à la prévention et aux soins »
 Accès aux soins et précarité
 Mutualisation du risque maladie art. L. 111-2-1 Code Sécurité sociale « La Nation affirme son attachement au
caractère universel, obligatoire et solidaire de l'assurance maladie. »
 Mais tension au regard des contraintes financières de l’Etat
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Pour conclure
 Affirmation des droits fondamentaux de la personne humaine: montée en puissance depuis
une cinquantaine d’années dans tous les domaines, y compris en matière médicale
 Cadre juridique pour la construction des droits internes et des pratiques
 La recherche d’équilibres entre




Les droits de l’individu
L’ordre public
Les évolutions sociologiques
Les évolutions scientifiques
 Cadre juridique mouvant
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