2
marocain. Que signifie donc cette entrée de plain-pied de l’islamisme dans l’espace
politique institutionnalisé (le Parlement) pour l’avenir du Maroc ? Quel est le devenir
des relations entre politique et religion dans un pays où le roi est
constitutionnellement défini comme « commandeur des croyants »,, et où les
Marocains auraient pu avoir un gouvernement dirigé par un Premier ministre
d’obédience islamiste ou un gouvernement de coalition incluant les islamistes ?
Pourquoi la monarchie accepte-t-elle qu’une partie de l’islamisme politique réalise
son expérience parlementaire mais refuse dans le même temps qu’il fasse lui-même
l’expérience du pouvoir, de son usure et de ses compromissions ? Que peut alors
devenir la construction religieuse de la légitimité monarchique ? On le voit, les
relations entre monarchie et islamisme amènent bien plus loin qu’à la seule
problématique de la relation (sur le mode de la confrontation) entre un Etat et son
opposition à fondement religieux. Dans le cas du Maroc, elles permettent de
développer plus largement la question du rapport entre politique et religion.
« Le roi, amîr al-mu`minîn (« commandeur des croyants »), représentant suprême de
la nation, symbole de son unité, garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat,
veille au respect de l’islam et de la Constitution. Il est le protecteur des droits et
libertés des citoyens, groupes sociaux et collectivités ». En 1962, sous les conseils
de deux figures politiques nationalistes, Allal al-Fassi et le Dr. Al-Khatib1, le roi du
Maroc, par l’article 19 de la Constitution, devint officiellement une figure spirituelle,
chargée, entre autres, de protéger l’islam mais aussi la liberté de culte. La nation et
l’Etat marocains sont définis à partir de deux données : la Constitution et l’islam,
celui-ci étant directement inscrit dans le texte constitutionnel sans qu’il soit défini
autrement que par la « protection » royale, c’est-à-dire par la monarchie elle-même.
1 Allal al-Fassi, un lettré formé à la Karaouyine, fut un des fondateurs du parti nationaliste de l’Istiqlal.
Il en devint le chef à partir de 1959. Abdelkrim Khatib fut le chef de l’Armée de libération nationale
(ALN), a eu, comme Al-Fassi, un rôle politique important dans le Mouvement populaire démocratique
et constitutionnel (MPDC), et a, comme lui encore, fait référence à l’islam dans sa représentation du
politique.