Aides Auditives et Acouphènes Stéphane GALLEGO docteur es biomédical, audioprothésiste DE Audition Jean Rouquet, 10 rue de Brest, 69002 Lyon, Email : [email protected] Avec la collaboration de : Paul BERGER, audioprothésiste DE Renaud GAYTE, audioprothésiste DE Morgan POTIER, audioprothésiste DE Elodie FAUVEL, troisième année Audioprothèse Céline CROZIER, troisième année Audioprothèse Arnaud NORENA, docteur es Neuroscience Définitions Deux formes d’acouphène : Les acouphènes objectifs, les moins nombreux, résultent d’une pathologie objectivable : anomalies vasculaires, contractions anormales des muscles de la sphère ORL, hypertension artérielle... Les acouphènes subjectifs lorsque leur origine n’est pas objectivable. L’acouphène devient donc bien un symptôme et non une pathologie. Prévalence On peut estimer que 8 à 10 % de la population adulte d’un pays économiquement développé (le Royaume-Uni ou la France), est touché par un acouphène (Coles, 1984). Plusieurs facteurs : (Sirimanna et al., 1996 ; Mrena et al, 2002). La perte auditive (Sirimanna et al., 1996) : 92% des acouphéniques présentent une perte auditive associée. 7,5% si l’exposition professionnelle a été nulle ou faible, à 20,7% si le sujet a été exposé à un bruit important durant la vie active (Dauman, 1997). (Brown, 1990), le facteur démographique le plus significatif est l’âge. Brown montre que le symptôme affecte principalement les sujets âgés (65-74 ans) avec un âge moyen d’apparition autour de 50 ans. Approche thérapeutique D’un point de vue acoustique, s’il était possible de compenser cette diminution des entrées afférentes, alors les modifications centrales liées à la perte auditive devraient être inversées, et l’acouphène modifié, diminué voire stoppé. Comment compenser une diminution des entrées afférentes? - L’implant cochléaire (Ito et al., 1994), - La stimulation acoustique dans la région de la perte auditive : (Norena et al., 2002, travail avec MXM en collaboration avec le Pr J. Magnan et le Dr B. Jeoffray), - La prothèse auditive. Cette étude consiste à étudier les effets du port d’un ACA sur les acouphènes. Il a été suggéré que le spectre de l’acouphène correspondait aux modifications centrales après perte auditive (le spectre de l’acouphène correspond à la région réorganisée : Henry et al., 1999 ; Norena et al., 2002). La solution acoustiques, les résultats: La mesure du niveau minimum de stimulation acoustique requis pour masquer l’acouphène (NMM) : D’après plusieurs études de Mitchell (Mitchell, 1983 ; Mitchell et al., 1991), ce masquage serait possible dans 19% des cas par n’importe quel son, et dans 75% des cas par une stimulation acoustique appropriée (citée par Vernon et al., 1990). Notons que dans 89 % des cas, les sujets présentent une réduction partielle ou complète de la sonie de l’acouphène après l’exposition au masqueur. Les différents types d’instruments Plusieurs sortes : appareils de correction auditive (ACA), générateurs de bruit blanc seul ou combinés à un ACA, et générateur de bruit d’ambiance. Surr et al., 1985 montre que sur 200 acouphéniques nouvellement appareillés, 50% rapportent une réduction totale ou partielle de leur acouphène (lors du port de leur ACA), une inhibition résiduelle. Il soulignait aussi que la diminution des acouphènes rapportée par les malentendants était l’un des facteurs de réussite de l’appareillage. Parallèlement Vernon montre que la hauteur tonale de plus de la moitié des acouphéniques qui consultent se trouve dans les fréquences aiguës (Vernon, 1994). Hors, pendant longtemps la plage fréquentielle des ACA ne permettait pas d’amplifier les fréquences supérieures à 3000 Hz. Aujourd’hui cette plage fréquentielle est bien plus grande et permet de traiter plus aisément les acouphènes liés à la presbyacousie (certaines ACA amplifient jusqu’à 14khz). Objet de l’étude : Acouphène et aides auditives nouvelles générations Nous proposons deux tests psychoacoustiques simples et rapides qui permettent d’évaluer la possibilité de masquage de l’acouphène par une ACA, le choix de l’ACA la plus adaptée à l’acouphène du patient, le suivi des effets de l’ACA sur les caractéristiques psychoacoustiques de l’acouphène. Intensité de l’acouphène Dès 1983, une étude a montré que dans la plupart des cas, le niveau de l’acouphène (exprimé en niveau de sensation : dB SL) était compris entre 5 et 10 dB SL au dessus du seuil d’audition (Cazals et Bourdin, 1983). « On va chercher à équilibrer le volume des sons envoyés avec le volume de votre acouphène (la même force, la même intensité) en ne se préoccupant pas de la fréquence, de la tonalité des sons ! Peut importe si c’est plus grave ou plus aigu ! ». Seuil de détection Seuil d’inconfort Intensité de l’acouphène Fréquence (Hz) 250Hz 500Hz 750Hz 1000Hz 1500Hz 2000Hz 3000Hz 4000Hz 6000Hz 8000Hz Intensité (dB HL) 0 20 40 60 80 100 120 Seuils de détection, d’inconfort et intensité de l’acouphène en fonction des fréquences chez 34 patients ayant une surdité de perception et des acouphènes. La sonie de l’acouphène est en moyenne de 8,7 dB au dessus du seuil de perception, soit 14,5% de la dynamique (seuil d’inconfort – seuil de perception). Sonie de l’acouphène (% de la dynamique) 25 20 15 10 5 0 250Hz 500Hz 750Hz 1000Hz 1500Hz 2000Hz 3000Hz 4000Hz 6000Hz 8000Hz Fréquence (Hz) Niveau de sonie en fonction des fréquences chez 34 patients ayant une surdité de perception et des acouphènes. La sonie de l’acouphène est en moyenne de 8,7 dB au dessus du seuil de perception, soit 14,5% de la dynamique (seuil d’inconfort – seuil de perception). Spectre de l’acouphène La mesure de la hauteur de l’acouphène (son spectre) est un élément essentiel dans la connaissance du symptôme. Certains auteurs ont donc essayé d’utiliser des sons complexes, plutôt que des sons purs, pour estimer la hauteur de l’acouphène (Hazell, 1981 ; Penner, 1993). L’utilisation de cette méthode montrent que les sons complexes synthétisés selon les indications du sujet étaient jugés plus ressemblants à l’acouphène que les sons purs censés caractériser la hauteur dominante de l’acouphène. Nous pouvons donc dire que, même si l’acouphène semble être un son avec une tonalité dominante, il est probable qu’il s’apparente plus à un son complexe plutôt qu’à un son pur. Spectre de l’acouphène Ainsi, au lieu de chercher cette tonalité dominante, notre méthode vise à estimer toutes les composantes de l’acouphène. Pour cela, le sujet affecte une note (un coefficient) aux différents sons purs présentés aléatoirement par le programme. Ainsi à la fréquence considérée, on se place à la sonie de l’acouphène précédemment trouvée, le sujet n’ayant plus qu’à émettre une note (de 0 à 10) pour quantifier l’importance du son présenté dans le spectre de son acouphène (il administre une note au son pur présenté). Notons que, par soucis de reproductibilité du test, chaque fréquence est présentée plusieurs fois (3 fois) et aléatoirement. La consigne au patient étant « On cherche la tonalité, la fréquence de votre acouphène. J’envoie un son, dites moi s’il fait partie de votre acouphène en donnant une note de 0 à 10 : - c’est 0 si ça ne fait pas du tout partie des composantes de l’acouphène, - entre 1 et 10 ça fait partie (avec 1 : très très peu ; et 10 : complètement) » Contribution par Fréquence de l’acouphène (%) 70 60 50 40 30 20 10 0 250Hz 500Hz 750Hz 1000Hz 1500Hz 2000Hz 3000Hz 4000Hz 6000Hz 8000Hz Fréquence (Hz) Moyenne du spectre de la contribution fréquentielle de l’acouphène chez 34 patients ayant une surdité de perception et des acouphènes. Seuil de détection (T) et spectre de la contribution fréquentielle de l’acouphène chez 34 patients ayant une surdité de perception et des acouphènes. Spectre de l’acouphène (%) 65 2 R = 0,91 60 55 50 45 40 35 30 25 15 25 35 45 55 65 75 Seuil de détection (dB HL) Relation entre le seuil de détection et le spectre de la contribution fréquentielle de l’acouphène chez 34 patients ayant une surdité de perception et des acouphènes. La corrélation explique 91% de la variance. En résumé Hypothèse: Une perte auditive (qu’on assimilera à une diminution des entrées afférentes) induit des modifications plastiques centrales. Une aide auditive permettrait de compenser la perte auditive, et ainsi agirait sur les modifications cérébrales. Nous vous avons présenté une méthode (A. Norena, 2002) qui permet de mesurer le spectre et l’intensité de l’acouphène. 34 patients acouphéniques, nous ont permis de valider sa méthode et de trouver une forte corrélation entre le spectre de l’acouphène et la perte auditive. Nous vous exposons les résultats de l’effet d’une amplification auditive sur une population de 20 sujets sourds acouphéniques. Les appareillages 20 patients Le mode d’appareillage est de 12 en binaural, 5 en monaural gauche, et 3 en système cross. 17/20 patients ont acheté leur(s) appareil(s) à la suite des essais. Sur les 20 patients, 5 n’ont pas constaté subjectivement d’amélioration au niveau de leur acouphène. Exemple de mesures effectuées sur l’oreille droite du patient Mr Ver atteint d’une presbyacousie classique couplée d’acouphène sévère oreille droite. seuils de détection, seuil d’inconfort, sonie de l’acouphène, ainsi que trois fois la mesure du spectre de l’acouphène. 250 500 750 1000 1500 2000 3000 4000 6000 8000 seuil Absolu 21 28 30 30 33 37 40 66 71 59 seuil d'Inconfort 100 105 110 110 110 110 110 105 105 105 seuil Acouphène 23 30 32 32 34 38 44 69 74 61 spectre 1 20 20 30 70 30 30 30 70 50 60 spectre 2 30 30 40 40 60 60 30 80 80 70 spectre 3 30 40 40 50 60 70 60 80 80 50 moyenne spectre 27 30 37 53 50 53 50 77 70 60 20 18 % de la dynamique 16 14 J0 12 J8 10 J15 8 * * M1 6 4 2 0 250 500 750 1k 1,5k 2k 3k 4k 6k 8k fréquences (Hz) Niveau de sonie en fonction des fréquences chez 20 patients ayant une surdité de perception et des acouphènes a J0, J8, J15 et M1 après appareillage. évolution du spectre contribution dans l'acouphène (%) 90 80 70 60 J0 50 J8 40 J15 M1 30 20 10 0 250 500 750 1k 1,5k 2k 3k 4k 6k 8k fréquences (Hz) Moyenne du spectre de la contribution fréquentielle chez 20 patients ayant une surdité de perception et des acouphènes a J0, J8, J15 et M1 après appareillage. L’évolution de l’intensité du bruit masquant * Intensité du bruit (dB HL) * 63 62 61 60 59 58 57 56 55 J0 J8 J15 M1 Questionnaire sur le handicap lié à l’acouphène (d’après Méric et al, 1997) * Score Handicap (%) * 60 55 50 45 40 35 30 25 J0 J8 J15 M1 Questionnaire sur la sévérité de l’acouphène (d’après Méric et al, 1996) 12 Score Sévérité 11 10 9 8 7 6 J0 J8 J15 M1 Questionnaire sur la sensibilité auditive (d’après Khalfa et al, 2002) * * Score Sensibilité Auditive * 35 30 25 20 15 J0 J8 J15 M1 La prothèse auditive influe de manière positive sur des caractéristiques de l’acouphène. De plus 17/20 (85%) patients ont acheté les appareils, pour 15 d’entre eux (75%) le port d’appareil a subjectivement un effet bénéfique sur leur acouphène. La sonie de l’acouphène en % de la dynamique diminue au fur et à mesure de l’appareillage et significativement à partir de J15. Cette observation laisse supposer que les acouphéniques ont une perception diminuée de l’intensité de leur acouphène par la stimulation acoustique nouvellement apportée de leur ACA. Cette période de test (2 à 3 semaines) est compatible avec la période d’essai classique d’une ACA, ce qui permet au patient d’évaluer l’effet de l’appareillage sur l’acouphène avant d’avoir pris la décision de les acheter . Une aide auditive est efficace sur l’acouphène à condition que son spectre d’amplification corresponde à la même gamme que le spectre de l’acouphène. Dans certain cas, ou le spectre de l’acouphène est très aigue, l’ACA aura probablement peu d’effet sur l’acouphène. Le choix de l’aide auditive devra être fonction de sa courbe en fréquence