Consultation d`Ethique Clinique

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Consultation d’Ethique Clinique
CHU de Nantes, 7 juin 2016
Le principisme de
Beauchamp & Childress
Philippe TESSIER, faculté de médecine
Emergence de l’éthique clinique
Emergence de l’éthique clinique
 EC est une préoccupation récente (2nde moitié 20ème)
 Perte de confiance vis-à-vis du monde médical


Expérimentation de Tuskegee (E.-U) => rapport Belmont (1979)
Sang contaminé, Mediator, prothèses mammaires… en France
 Le progrès technologique


« Explosion » de l’innovation et des possibilités technologiques
Pouvoir (technologique) de faire => devoir (moral) de faire ?
(descriptif/scientifique vs prescriptif)
 L’évolution de la relation soignant-soigné


Du paternalisme médical (médecin détenteur d’un double savoir)
à l’autonomisation des patients
Loi Kouchner du 4 mars 2002, Loi Leonetti du 22 avril 2005 :
plus d’autonomie
A propos du paternalisme
 Le paternalisme médical français interdit tout débat sur
l’euthanasie, par Martin Winckler, article du 13 mars 2007
 « Tout débat sur la dépénalisation de l’"euthanasie" est d’emblée
brouillé par l’utilisation de ce terme fourre-tout, qui recouvre des
situations radicalement différentes : l’arrêt volontaire de réanimation
d’un patient dans le coma, la prescription d’antalgiques à fortes
doses à un patient dans un état de souffrance insupportable ou le
suicide assisté d’un patient incurable lucide et déterminé ne sont
pas des situations identiques. Car le problème réside
essentiellement dans l’opposition entre la soif légitime de libre
arbitre des patients et la volonté forcenée des médecins de garder
le pouvoir. »
 Source : http://martinwinckler.com/spip.php?article875
De quelle éthique parle-t-on ?
L’éthique clinique
 Ethique


Etymologie identique à celle de morale : les mœurs, la manière
d’être, de se comporter
Discours, réflexion rationnelle sur ce qui est bon dans la manière
de se comporter « face à l’autre » pas pour soi-même
 Ethique clinique


1) Non théorique et 2) Spécifique à la relation soignant-soigné

Aborder des questions du « quotidien » pas débats de société

Ne prétend pas à l’universalité (pas nécessairement transposable)
Un exemple de définition (Jonsen, Siegler & Winslade, 1998)

« l’EC est une discipline pratique qui propose une approche
structurée de la prise de décision, de manière à aider les médecins à
identifier, analyser et résoudre les questions éthiques en médecine
clinique » (trad. personnelle)
Pourquoi une éthique clinique ?
 Théories concurrentes de l’éthique, notamment:

Ethique conséquentialiste

Ethique déontologique
 Difficultés de ces approches

Conceptions irréconciliables entre elles

Parfois peu utiles pour répondre à des questions du quotidien

Difficiles à transposer à tous contextes

Se heurtent à des paradoxes insolubles
 Objet du principisme : justifier des actions concrètes sur
la base de valeurs morales (les principes)
Pourquoi des principes ?
 Dépasser les conflits théoriques


Le principisme s’inscrit dans une vision pluraliste

Emprunte aux deux traditions concurrentes

Pas de solution unique aux problèmes éthiques
Ce n’est pas une théorie mais un outil
 Principes issus de la morale commune


Plus petit dénominateur commun moral entre les
individus (de culture, de religion… différentes)
Issu de l’histoire et de la tradition
Le principisme
 Principles of Biomedical Ethics, 1979,
Tom Beauchamp & James Childress


Non figé : 7ème édition en 2015
Discuter les problèmes éthiques selon 4
principes formant NOTRE « morale commune »
 Objectif : adopter un langage commun entre soignants non
soignants
 Les 4 principes
 La bienfaisance
 La non-malfaisance
 Le respect de l’autonomie
 La justice
Le principe de justice
 Un principe collectif : il intègre d’autres personnes à la relation
soignant-soigné



Les ressources du système de soins sont limitées, ce qui est utilisé pour les
uns ne peut l’être pour les autres (ex. un lit, le temps d’un médecin)
Les bénéfices et les risques des soins peuvent concerner différentes
personnes (ex. greffe donneur vivant)
Principe de justice : quelles sont les distributions justes (équitables)
des ressources et des bénéfices et des risques ?
 Ce principe concerne donc le caractère équitable (et pas légal)
d’une action


Equité horizontale : des personnes égales doivent être traitées également
Equité verticale : des personnes inégales doivent être traitées inégalement
(à proportion des inégalités)
Principe de justice
 Application


Demande à spécifier la base d’information à
prendre en considération
Amartya Sen : « Equality of what? »
 Qu’est-ce qu’une inégalité juste ?





Une part égale à chacun
A chacun selon ses besoins
A chacun selon ses efforts
A chacun selon ses mérites
A chacun selon les lois du marché…
Bienfaisance et non-malfaisance
 Principe de bienfaisance


Promouvoir le bien d’autrui : 2 sous-principes

Principe de bénéfice positif

Principe d’utilité
2 facettes de la bienfaisance

Spécifique : devoir d’action dans certaines relations (enfants,
patients…)

Générale / absolue
 Principe de non-malfaisance : primum non nocere

ne pas infliger de tort intentionnellement
 Les deux principes amènent à considérer les balances
bénéfices-risques et bénéfices-« fardeau »
En pratique
 Bienfaisance : obligation morale

D’empêcher le mal ou la souffrance

De supprimer le mal ou la souffrance

De promouvoir le bien
 Non malfaisance : obligation morale

De ne pas faire de mal ou faire souffrir
 Remarque

La bienfaisance « commande » des actions

La non malfaisance proscrit certaines actions
Le respect de l’autonomie
 Autonomie : « se donner à soi-même ses propres lois »
Sens anglo-saxon de l’autonomie : avoir des préférences singulières

« Respecter l’autonomie d’un agent, c’est, au minimum, reconnaître qu’une
personne est en droit d’avoir sa façon de voir, de faire ses choix, et de
décider d’actions fondées sur ses valeurs et croyances personnelles. »
(Beauchamp et Childress, 2001)

 C’est donc a minima l’obligation de respecter la volonté du patient
dans les décisions concernant sa santé
 Un individu est autonome s’il est libre et capable de jugement
(jugement non invalidé par l’état de santé)

Obligation négative : pas de contrainte de la part de tiers

Obligation positive : promouvoir l’autonomie dans les décisions
Le respect de l’autonomie
 Respecter l’autonomie du patient en pratique = a minima

Fournir toute l’information

Recueillir un consentement
 A propos de l’autonomie

Elle comporte différents degrés (non binaire)

Elle est caractéristique d’un acte, pas d’une personne

Elle est à promouvoir :
 liberté
de pensée : être capable de choisir en accord avec ses croyances
 liberté
d’agir : faire face à un ensemble d’options intéressantes
L’autonomie en pratique
 Selon Beauchamp et Childress implique





1) De dire la vérité
2) Respecter la vie privée des autres
3) Protéger les informations confidentielles
4) Obtenir le consentement pour les interventions
5) Aider les autres à prendre des décisions importantes lorsqu’ils
le demandent
 Pour résumer, l’autonomie suppose



Le choix d’une personne doit être volontaire
Il doit être informé de manière adéquate
La personne doit être capable de décision (compétente) dans le
contexte d’intérêt (pas nécessairement d’une manière générale)
L’utilisation des principes
 1) L’interprétation


Les principes doivent être interprétés dans chaque contexte de décision
appliqué
Spécification : essayer de donner à l’interprétation des principes un
sens susceptible de guider l’action
 2) Principes = obligations prima facie


Tous les principes doivent être systématiquement respectés sauf si
certains entrent en conflit
A priori donc, aucun ne prime sur les autres
 3) Pondération ou respécification

Intervient lorsque des principes entrent en conflit

Il faut leur accorder des poids moraux pour arbitrer entre les principes

Sinon, il faut reprendre la spécification pour les rendre compatibles
Conclusion
« Sans principes communs,
ce n’est pas la peine de discuter. »
(Confucius, Les entretiens)
Le principisme : une méthode – parmi d’autres – pour
discuter ensemble, pas une « recette »
Les principes : des « guides » et non pas des
commandements
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