Chapitre 7. Synthèse de tous les marchés Le modèle OA-DA Cette nouvelle approche introduit 2 modifications : • 1er but : considérer l’équilibre simultané sur tous les marchés : B&S, monnaie, travail • L’offre agrégée – OA : appréhende l’équilibre sur le marché du travail • La demande agrégée – DA : appréhende l’équilibre sur les marchés des B&S et de la monnaie • Ces 2 relations permettent de déterminer le revenu national et le niveau général des prix au cours du temps • 2ème modification : Lors de l’écriture de la Théorie générale (1936) comme de la première version d’IS-LM (1937), l’inflation n’était pas un problème macroéconomique majeur. Le devient après 1945. • Or IS-LM comporte une hypothèse de prix fixes (CT ; cf. chap 4) • En abordant le moyen terme, nous allons introduire la flexibilité des prix, et les anticipations des agents 7.1. L’offre agrégée, OA • L’offre agrégée rend compte de la relation entre le PIB et le niveau général des prix • Elle est dérivée du marché du travail (cf Courbe de Phillips, chap 8) • On peut montrer qu’il existe une relation entre le niveau général des prix et le taux de chômage : le niveau général des prix est une fonction du niveau anticipé des prix et du taux de chômage (ses variations autour du taux naturel) P = Pe – b ( u – un ) • La loi d’Okun nous apprend qu’il existe une relation inverse entre l’écart du PIB à son niveau nature et l’écart du taux de chômage à son niveau naturel – Arthur Okun : économiste américain qui a mis en évidence la relation statistique entre les variations du chômage et les variations du produit global – Il a mis en évidence les pertes de produit global qui résultent d’une hausse du chômage – Cela s’écrit (1/a) ( Y – Yn ) = - b ( u – un ) • On en déduit la relation entre le niveau général des prix et le PIB : P = Pe + (1/a) ( Y – Yn) • Une augmentation du niveau anticipé des prix entraîne une augmentation du niveau général des prix, « un pour un » : si P double, Pe double Pourquoi ? Agents qui anticipent une hausse des prix vont négocier une hausse des salaires : les prix vont bien augmenter Pe => W => P • Une augmentation du PIB entraîne une augmentation du niveau général des prix Y => N => ↓ u => W => P • La relation entre le PIB et le niveau général des prix est représentée par la courbe d’offre agrégée (OA) • L’expression P = Pe + (1/a) ( Y – Yn) peut s’écrire Y = Yn + a ( P – Pe) • Ceci nous donne l’expression de la courbe d’offre globale, fonction croissante des prix (a > 0) • Cette équation indique que le PIB s’écarte de son niveau naturel (Yn) lorsque les prix ne sont pas parfaitement anticipés (écart entre P et Pe) Quelques observations… • Paramètre a : façon dont va répondre le PIB à des modifications non anticipées du niveau général des prix • 1/a : pente de la courbe d’offre agrégée (Y abscisse, P ordonnée) • La courbe est croissante : pour un niveau donné de prix anticipés, toute augmentation du niveau général des prix entraîne une augmentation du PIB • Si P > Pe, alors => Y > Yn • Si P < Pe alors => Y < Yn • La courbe OA passe par le point A, pour lequel P = Pe, et Y = Yn : si le niveau général des prix est égal à son niveau anticipé, le PIB est à son niveau naturel P Pe OA A Y Yn • On distingue la courbe d’offre agrégée de court terme et celle de long terme – La courbe OA de CT est déterminée pour un niveau anticipé des prix donné (Pe) – Toute hausse dans les anticipations des prix entraîne un déplacement de la courbe OA vers le haut – La courbe OA de LT est verticale : elle correspond au niveau du PIB naturel OA LT P OA pour P’e > Pe OA pour Pe A’ P’e Pe A Y Yn 7.2. La demande agrégée, DA • Elle rend compte de la relation entre le PIB et le niveau général des prix • Elle est dérivée des marchés des B&S et de la monnaie • Les 2 équations qui caractérisent l’équilibre sur des 2 marchés sont respectivement – IS : Y = C ( Y – T ) + I ( Y, i ) + G Courbe IS décroissante : une de tx d’i entraîne une ↓ de demande et de Rv – LM : M/P = Y L ( i ) Courbe LM croissante : une du PIB entraîne une de la demande de monnaie et une du tx d’i • Impact d’une hausse du niveau général des prix, de P vers P’ ? • Le niveau général des prix intervient dans la courbe LM. • Pour M donnée, entraîne une baisse des encaisses réelles M/P • => déplacement de LM vers le haut : la baisse des encaisses réelles entraîne une hausse de tx d’i • Il en résulte une baisse du Rv Y • Autrement dit, la hausse du niveau général des prix entraîne une baisse du PIB : la relation est négative, la courbe de demande agrégée est décroissante • La courbe de demande agrégée LM pou P’ > P i A’ LM pour P i’ A i IS Y Y’ Y P P’ A’ A P DA Y Y’ Y • NB : toute variable autre que le prix qui conduit à un déplacement de IS ou de LM aura pour effet de déplacer également la courbe de demande agrégée • La courbe de demande agrégée est représentée par la relation Y = Y ( M/P (+), G (+), T (-) ) • Le revenu national est – Une fonct° croissante des encaisses réelles – Une fonct° croissante des dépenses publiques – Une fonct° décroissante des impôts (autres facteurs- confiance…- négligés ici pour simplifier) Pour G et T donnés, pour une politique monétaire M donnée, une de P entraîne une ↓ des encaisses réelles et donc une ↓ du revenu national 7.3. Le revenu d’équilibre à court et moyen terme • Offre et demande agrégée prises simultanément • Sont données par les 2 relations suivantes Y = Yn + a ( P – Pe ) OA Y = Y ( M/P, G, T ) DA • La courbe d’offre agrégée de LT est verticale, et correspond au niveau de revenu naturel : tous les points pour lesquels P = Pe • A CT, il n’y a pas de raison Y soit égal à Yn : le revenu d’équilibre dépend à la fois de la position de OA de CT (donc de Pe) et de DA (donc de M, G et T). • L’équilibre à court et moyen terme P OALT OA A P Pe DA Y Yn Y • A CT, l’économie opère à un niveau supérieur au niveau naturel (Y’ > Yn) • A LT, le revenu courant retourne à son niveau naturel 7.3.1. La dynamique du revenu et du niveau général des prix • Jusqu’ici : détermination de l’équilibre pour Pe donné • Mais les anticipations de prix se modifient au cours du temps. Il faut considérer la façon dont les salaires vont s’établir sur le marché du travail • Si l’année précédente P a été différent de Pe, les agents vont prendre en compte cet écart lorsqu’ils feront les nouvelles anticipations de prix pour l’année en cours • = supposer que les agents font des anticipations adaptatives • Dans ce cas, agents anticipent que les prix de l’année en cours (Pt) seront identiques à ceux de l’année précédente (Pt-1) • Le niveau général des prix anticipé de l’année en cours est donc : Pe = Pt-1 • Les relations OA et DA s’écrivent donc Yt = Yn + a (Pt – Pt-1) OA Yt = Y ( M/Pt, G, T) DA • La dynamique qui permet la convergence de Y vers son niveau naturel est représentée sur la figure suivante • En t, supposons que Pe = Pt-1 ; L’équilibre s’établit en A (Yt, Pt) ; Yt > Yn ; Pt > Pet (ou Pt-1) • A l’année t+1, les agents ajustent leurs anticipations : ayant constaté en (t) un écart entre P et Pe, ils vont supposer que Pet+1 va être égal à Pt ; cela va conduire à une augmentation des prix de Pt à Pt+1 : la courbe d’offre OA se déplace en OA’ ; en revanche DA ne bouge pas. • L’économie se déplace donc de A au nouvel équilibre A’ : le revenu national (Yt+1 > Yt) converge vers Yn • Autrement dit, P > Pe => Y > Yn : Pe => P en t+1; pour M donnée, => ↓ M/P => i => ↓demande B&S et de Y en t+1 • Tant que P est > à Pe, Y reste > Yn. • Or l’ajustement du niveau anticipé des prix d’une période à l’autre entraîne un déplacement de la courbe OA vers le haut : au cours du temps, le Rv national Y converge vers son niveau naturel • Après t+1, l’équilibre passe progressivement en A’’ : le Rv arrive alors à Yn, et les prix arrivent à Pn 2 leçons à tirer : • A CT, le Rv national peut être différent de son niveau naturel. Des modifications des variables intervenant dans la relat° OA ou DA modifieront le niveau général des prix et le Rv national • A M-LT, le RV national tend vers son niveau naturel. L’ajustement se réalise à travers les prix : si P > Pe, le Rv national diminue. Ce modèle va permettre d’analyser 3 types de changements : une politique monétaire expansionniste, un déficit budgétaire et un choc d’offre 7.4. Les effets d’une politique monétaire expansionniste • Effets à CT et à MT • Politique monétaire expansionniste = augmentation de la masse monétaire de M à M’ 7.4.1. La dynamique d’ajustement • On suppose que l’économie se situe au niveau du PIB naturel (point A) • Considérons l’accroissement de la masse monétaire : a un impact sur la courbe DA puisque M intervient dans sa spécification Yt = Y ( M/Pt, G, T) • Pour P donné, une hausse de M entraîne une hausse des encaisses réelles (M/P) qui entraîne une augmentation du revenu national : • La courbe DA se déplace donc vers la droite, l’équilibre passe de A à A’ ; Rv national et prix ont augmenté • En A’, Yt ≠ Yn, et Pt ≠ Pe : • Les agents vont demander des compensations salariales : d’où une nouvelle augmentation des prix – à chaque augmentation de prix, la courbe OA va se déplacer vers le haut • L’économie se déplace donc le long de DA • Le processus d’ajustement s’arrête lorsque le Rv national aura atteint son niveau naturel et lorsque le niveau des prix sera parfaitement anticipé • A l’arrivée, l’économie est en A’’, le Rv est retourné en Yn, mais les prix ont augmenté en Pn • Il en découle que si le Rv national est à son niveau initial, les encaisses réelles (M/P) sont également revenues à leur niveau initial • l’augmentation des prix compense totalement la hausse de la masse monétaire • Si D M = 10%, alors DP = 10% 7.4.2. Que se passe-t-il pour IS-LM ? • M intervient dans LM : pour un niveau Yt donné, la hausse de M entraîne une baisse de taux d’i, qui déplace la courbe LM en 2 temps – la hausse de M déplace LM vers le bas (LM’’) : le nouvel équilibre s’établit en B (où Yt ≠ Yn) – L’augmentation de Rv national s’accompagne d’une augmentation de prix : d’où P ≠ Pe : cet écart conduit à un ajustement des anticipations de prix : le niveau général des prix courants augmente – Ceci équivaut à une baisse des encaisses réelles : donc LM se déplace vers le haut (de LM’’ à LM’) – L’économie se déplace le long de IS jusqu’en A, où elle revient à son niveau initial 7.4.3. Un résultat, la neutralité de la monnaie • Ce que l’on a appris à travers cette approche – A CT, une expansion monétaire conduit à un accroissement du Rv, une baisse des taux d’i et une hausse des prix – A MT, du fait de l’augmentation de prix, les effets de l’augmentation de M (sur Y et i) disparaissent – Autrement dit, à MT, la masse monétaire n’a aucun effet ni sur les taux d’intérêt, ni sur le Rv national • C’est ce que les économistes nomment la neutralité de la monnaie – Cela ne signifie pas que la masse monétaire ne peut ou ne doit pas être utilisée comme instrument de politique économique – Cela veut dire que ses effets sont réels à CT (peut aider à sortir d’une récession), mais passagers 7.5. Une baisse du déficit budgétaire Impact d’une politique budgétaire sur IS, OA et DA ? • Supposons que – le gouvernement menait une politique budgétaire reposant sur le déficit du budget – Il décide de le supprimer en réduisant G (dépenses publiques), laissant les impôts inchangés – Au départ, l’économie se situait à son niveau naturel au point A • Comment va se comporter l’économie ? – La baisse de G va entraîner une baisse de la demande, donc du Rv national, et déplacer DA vers la gauche (DA’) – Csq : baisse du Rv (= récession), et du niveau général des prix 7.5.1. Dynamique d’ajustement • En A’, Yt < Yn, et Pe > Pt • Tant que Yt reste < Yn, la courbe OA va se déplacer vers le bas • L’économie se déplace le long de DA’ jusqu’en A’’ (sur OA’’ et OALT) • En A’’, Y = Yn et les prix sont plus faibles qu’au départ • La politique budgétaire restrictive est dite déflationniste • L’impact sur Y n’a été que temporaire 7.5.2. Que se passe-t-il pour IS-LM ? • L’économie se situe initialement en A (intersection IS et LM) • La baisse de G entraîne une baisse de la demande et du RV, donc IS se déplace vers la gauche (IS’) : l’éco arrive en B (Y et i + faibles) • Si raisonnement à prix fixes, terminé • Mais la baisse de Y s’accompagne d’une baisse de prix (M/P ). D’où baisse du taux d’i, et LM se déplace vers le bas • Ceci va continuer jusqu’à ce que Y ait rejoint Yn • Donc l’éco arrive en A’’ (sur LM’’) • L’économie est retournée à son niveau naturel, avec des prix et des taux d’i plus faibles • Mais la composition du Rv est différente L’équation est Yn = C ( Yn – T ) + I ( Yn, i) + G – Yn et T n’ayant pas changé, la consommation non plus – G ayant augmenté, il faut que l’investissement augmente • Autrement dit, à MT, une réduction du déficit budgétaire conduit à une baisse des taux d’intérêt et à une hausse de l’investissement 7.5.3. Déficit budgétaire, revenu et investissement Ce que nous avons appris : • A CT, une baisse du déficit budgétaire (sans po monétaire pour compenser) conduit à une baisse du Rv (récession) – peut entraîner une baisse de I • A MT, le Rv revient à Yn avec i plus faible, ce qui entraîne une hausse de I • A plus LT, la hausse de l’investissement peut avoir pour conséquence d’accroître le Rv (I, Y et N) 7.6. Effets d’un choc d’offre – hausse du prix du pétrole • Années 70, pays de l’OPEP ont décidé de réduire leur offre de pétrole brut • D’où hausse des prix du pétrole, en 2 vagues successives, entre 73 et 75, puis entre 79 et 81 • Où ce prix intervient-il ? • Matière première entrant dans la composition de nombreux biens, plus énergie : conduit à une hausse des coûts de production des entreprises, et hausse de leurs prix • D’où une hausse du niveau général des prix • Supposons qu’avant le choc l’économie se situe à son niveau naturel Yn, pour un niveau général des prix Pt = Pt-1 (point A) • Suite au choc, le niveau général des prix augmente, et les entreprises sont contraintes sur l’offre (moins de pétrole) • Le Rv national diminue (vers Yn’ : OA se déplace vers la gauche (OA’) : elle passe par le point B (correspond à Pet = Pt-1) P OALT OA A Pt-1 DA Yn Y • A CT, l’éco se déplace donc vers A’ : la demande et le Rv ont baissé • Mais NB : cette fois, il n’y a pas déflation, parce que les prix ont augmenté • A M/LT, le Rv a diminué (en A’) mais moins que le Rv naturel (en B) : les prix courants sont toujours supérieurs aux prix anticipés • Ceci conduit à un accroissement supplémentaire des prix, déplacement de OA jusqu’à OA’’ (en A’’) • La demande agrégée est-elle affectée ? Oui • La hausse du prix du pétrole et la baisse de Rv national les incite à annuler des investissements • D’autres entreprises pourront modifier leurs choix d’investissements (matériels plus économes en énergie…) • Par ailleurs, la hausse du prix du pétrole modifie la répartition du Rv des agents éco qui consomment le pétrole vers ceux qui qui le produisent ou le vendent • Autrement dit, certains effets déplacent DA vers la droite, d’autre vers la gauche… • Pour simplifier, nous supposons qu’au total l’effet est neutre sur DA • Dans les faits, les conséquences du choc pétrolier ont bien été conformes • Entre 1973 et 1975, prix du pétrole + 77,3% • Résultat : combinaison de récession et de hausse des prix • Dans la plupart des pays occidentaux, la croissance du PIB a été nulle ou négative, accompagnée d’inflation • La combinaison de stagnation économique et d’inflation a été qualifiée de stagflation, une véritable surprise pour les économistes d’alors Conclusion : court terme versus moyen terme • Une modification dans la politique économique peut avoir des effets différents à CT et à MT • Cette différence entre les effets à CT et MT d’une politique ou d’un évènement est une source majeure de désaccord entre économistes • Il faut retenir que les économies sont constamment touchées par des chocs économiques qui affectent la demande agrégée, l’offre agrégée ou les deux • Les effets dynamiques sur le Rv et ses composants touchent donc C, I, la confiance, la productivité, etc…