la nouvelle socialité2 - Département d`histoire

publicité
La nouvelle socialité virtuelle
Les communautés ont deux dimensions: des frontières, et une « règle de combinaison »
(comme un groupe mathématique) qui lie ses composants l’un à l’autre (ce n’est pas
suffisant qui des objets sont ensemble dans un lieu pour qu’ils acquièrent une identité –
regardez un peu votre garde-robe!). La communauté est donc un réseau, mais lequel?
Dans ce sens, les communautés « virtuelles » d’aujourd’hui ne sont pas différentes des
autres communautés, dans le sens que toutes les communautés sont imaginées, dans le
sens proposé par Benedict Anderson en Imagined Communities (1983); Anderson voulait
distinguer les communautés étatiques de ces dernières parce que leurs membres n’ont
très peu de contact. Bizarrement, ceci était la théorie de Lévy-Bruhl (La mentalité
primitive, 1922) à propos de la pensée « magique », que l’influence d’une chose sur une
autre était déterminée par la distance le séparant: plus étaient-ils proche, plus pouvaientils s’influencer. Le fait est que ces idées ont évoluées dans un moment de l’histoire où
les personnes n’avaient aucune idée précise de comment vivaient les tribus et les bandes.
En fait, leurs membres se voient rarement, et donc tout usage de « communauté » est
purement métaphorique, quand, p.e., les personnes parlent de la « communauté
grecque de New York ».
« Good evening everyone and welcome to /b/! The place where the content is made up and the posts don't matter.
That's right, the posts don't matter, just like how Kony 2012 didn't matter. We are gonna start with everyone's
favourite game: Scenes From A Hat! I'm going to pull out a suggestion from the hat and your job is to post the
funniest, wittiest and most original content. » http://boards.4chan.org/b/, 31-03-2013
Guy Lanoue
Université de Montréal 2011-2014
Social Networking:
« I used to have a productive life, and then Facebook happened » - S.B., étudiant, 22 ans
Il est impossible de quantifier le nombre de sites dédiés au social networking, car il y a
innombrables sites spécialisés qui incorporent des blogues et des chats souvent utilisés
par leurs membres pour établir des liens, concrets ou virtuels.
Facebook, Tagged, Windows Live Spaces
(partout)
MySpace, Twitter, LinkedIn, LiveJournal,
AdultFriendFinder, BlackPlanet,
Classmates.com (Amérique du Nord)
Nexopia (Canada)
Bebo, Hi5, StudiVZ (l’Allemagne)
Decayenne, Tagged, XING, Badoo, Skyrock,
Odnokklassniki (Europe)
Orkut, Hi5 (Amérique Centrale et Amérique
du Sud)
Friendster, Multiply, Orkut, Wretch, Xiaonei,
Cyworld, Multiply (Asie, le Pacifique)
Ces services importants ont tous plus de
10m. d’utilisateurs enregistrés; certains,
comme Facebook et MySpace, ont 300m
en 2009, 500m en 2010, 800m en 2011.
http://ceoworld.biz/ceo/wp-content/uploads/2009/04/social_networking_sites1.jpg
Selon un sondage (octobre 2010) effectué par A.C. Neilsen aux États-Unis, les adolescents
envoient une moyenne de 3,339 messages textes (SMS) par mois, et les filles dépassent les
gars (4,050 messages), une augmentation de quasiment 9% par respect à 2009. La même
enquête révèle que la quantité de matériel téléchargé a quadruplé, de 14Mb à 62Mb.
(http://edition.cnn.com/2010/TECH/mobile/10/15/teen.texting.mashable/index.html?hpt=Sbin, 19-10-2010)
Des statistiques de 05-2013:
« According to Experian, U.S.
smartphone owners aged 18 to 24
send 2,022 texts per month on
average — 67 texts on a daily basis
— and receive another 1,831.
That's nearly double their slightly
older peers, smartphone users aged
25 to 34. » Si on ajout les deux
cohortes, cela fait
approximativement 3000+ par mois
pour la tranche 18 – 34 ans. Et ceci
pour des utilisateurs de Smartphone
seulement. http://www.businessinsider.com/chart-ofthe-day-number-of-texts-sent-2013-3
http://i2.cdn.turner.com/cnn/2010/TECH/mobile/10/15/teen.texting.mashable/t1larg.textchart1.jpg
Windows Live
330+ million[4]
June 2009
Bebo
117 million[8]
July 2010
LinkedIn
100+ million[9]
March 2011
Badoo
121+ million[7]
July 2011
Habbo
230 million[5]
September 2011
Facebook
800+ million[1]
February 2013
Twitter
380+ million[3]
November 2011
Tencent Weibo
310 million[2]
December 2011
Qzone
536 million[2]
December 2011
Skype
200 million
January 2012
Vkontakte
145+ million [6]
February 2012
Google+
100 million[10]
February 2012
Selon certaines statistiques, 41% des
familles américaines (131m.,
approximativement) ont un abonnement
à Facebook (08/2010,
http://socialmediatoday.com/index.php?q=roy
wells1/158020/416-us-population-hasfacebook-account, consulté 10-02-12); il y a
750m d’utilisateurs dans le monde.
Incroyablement, Facebook a commencé
comme un site d’entre aides, un moyen
de partager les notes de cours à Harvard.
Aujourd’hui, une moyenne de 200
photos par album est stockée sur ses
serveurs. Les revenues ont dépassé 4mld
par année, et récemment (02-2012) la
compagnie a offert des actions sur la
bourse pour la première fois.
À gauche, liste des communautés
virtuelles et leurs inscrits en 2012.
http://en.wikipedia.org/wiki/List_of_virtual_comm
unities_with_more_than_100_million_users
Il est aujourd’hui
quasi impossible de
fournir de
statistiques exactes.
Plus indicatif de
parler de proportion
de la population qui
utilise tels sites. À
gauche, une
recherche récente
(2014) aux ÉtatsUnis.
http://www.pewinternet.org/fact-sheets/social-networking-fact-sheet/,
Ici, nous voyons les effets de la création de frontières étanches
autour d’une sous-culture, qui devient donc impénétrable pour les
personnes qui n’ont pas la clef pour interpréter ses nuances: plus
sont étanches les frontières d’une sous-culture, plus ses composants
sont «pures» et donc plus facilement maitrisable. Ceci souligne et
renforce la compétence et le sémiopouvoir individuel.
Emo 1252438773740.jpg
Scene 252433989080.jpg
Pink/Manga/Hentai
http://img.4chan.org/b/src/1253272860612.jpg
La compression du temps typique de la condition postmoderne dérègle les mécanismes
d’intégration. Les personnes doivent compenser par des tentatives quasiment désespérées pour
s’approprier du présent. Parmi ces tentatives, la participation dans des communautés virtuelles,
où au moins le monde présent est homogène et a de frontières, car il s’établit autour d’un intérêt.
On signale la création de cette communauté un rituel arbitraire: on doit porter un uniforme, on
doit apprendre un jargon semi-secret, etc., qui les transforme en espace rituel: diminution du
nombre composants, augmentation de leur puissance sémiotique (voir PPT Rituel et Politique).
La technologie de la communication a
donc permis aux personnes de créer un
monde nouveau, avec de nouvelles
formes de socialité qui sont en fait
assez traditionnelles. Ces
communautés sont virtuelles, oui,
mais elles sont aussi homogènes dans
un monde devenu extrêmement
hétérogène. À droite, initiation de
jeunes gars du peuple Yao en Malawi.
http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/3/31/Initiation_ritual_of_boys_in_Malawi.jpg
Les personnes attribuent une signification à leurs activités quotidiennes qui les rassure qu’elles ont agit
selon une logique « rationnelle ». Par exemple, les évènements sont jugées comme aléatoires quand ils
ne semblent pas suivre un modèle, mais quand ils peuvent être encadrés par une narration, ils acquirent
une signification globale (généralement, il s’agit de la rationalité attachée aux valeurs dominantes, qui
sont attachées à l’idéologie étatique). Ainsi encadrés, les évènements semblent « normales ». En
contraste, la technologie du blogosphère intensifie la communication au point de produire des structures
éphémères, temporaires, autant par le sujet banal et quotidien de la communication que par la masse
d’échanges qui rapidement épuise les possibilités logiques censées avoir animer l’évènement sous
discussion: la conclusion « logique » de la narration est rapidement atteinte, et il faut passer à un
nouveau sujet. Les réseaux alternent un bruit de court-durée avec des épisodes de silence. Ceci affaiblie
le sens qu’une logique rationnelle lie les évènements l’un à l’autre. Bien que chaque chapitre de la
narration (sujet + discussion) s’encadre logiquement, il devient plus difficile identifier la métalogique
censée animer l’ensemble (poussant les personnes à invoquer des systèmes de logique censés être
universaux: la moralité, la psychologie « humaine ». Sans métalogique, le sens du temps dégagé par
cette culture de quotidien est sans cohérence. En effet, ce caractère épisodique et l’augmentation de
l’amplitude de la communication du blogosphère se contraste avec le ronronnement constant de la
causalité idéologique générée par l’omniprésence de l’État. Autrement dit, le rythme temporel
intermittent du banal a tendance à assourdir la causalité unilinéaire « normale ». Dans ces épisodes de
« silence » logico--temporel peuvent naître d’autres formes de rationalité attachées à d’autres formes de
communauté (pour ne pas mentionner que la psychologie et la moralité deviennent des filtres normalisés
qui réinterprètent les sous-textes du « bruit » étatique).
Par exemple, il y a autant de communautés virtuelles « fausses » ou « ironiques » que
« vraies ». Ces dernières, bien connues, sont des associations basées sur des fantasmes
partagés (Star Trek, etc.), mais les premières sont de communautés instantanées basées sur
des scénarios ironiques. Comment définir la communauté: est-elle vue comme un
ensemble par ses adeptes? Doit elle avoir des « règles » et normes? Par exemple, les
communautés « ironiques » ne sont pas nécessairement auto-identifiées (c.-à-d., peuplées
de personnes conscientes qu’elles vivent dans une seule communauté), ni de longue durée,
ni même cohérente, mais elles peuvent avoir le même impacte fort et immédiate sur
l’identité que les communautés classiques. Nous verrons, comme d’habitude, que ce sont
les outils anthropologiques standards qui ne sont pas à la hauteur pour comprendre ce
phénomène.
http://www.sociosite.org/pictures/community.gif
Faites une recherche Google avec les mots « virtual community »; cliquez « image »; le résultat est souvent des
représentations qui montrent les individus hautement diversifiés mis en contact avec des réseaux (ici, 4 des
premiers 6 trouvailles du 14-03-2013). Au mieux, ceci est le début de la formation de la communauté. Le but et
ses résultats sont l’inverse: une quête d’homogénéité et de frontières.
http://images.4chan.org/b/src/1277040711480.jpg
Geeks, Neckbeards et Durkheim: les communautés mécaniques
Plusieurs ont noté (moi inclus) l’importance du trait le plus saillant de l’internet: l’anonymat de l’internet
peut transformer le Geek en super héros du monde virtuel qu’il crée lui-même. Donc, un monde structuré par
les fantasmes typiques d’un adolescent de 14 ans. Cependant, comme j’avais noté ailleurs (PPT
Douchebag), ces personnes sont une petite minorité. Le geek est une façade qui cache une réalité plus
complexe.
Il y a un autre trait important; non seulement un monde inventé où se projettent les fantasmes du Moi
incapable d’agir, c’est un monde hautement structuré par l’isolement. Le monde de la compétitivité Geek
(une culture qui fusion l’impuissance et l’auto-ironie à l’agressivité hormonale) a ses règles. Elle est
essentiellement composée de personnes qui semblent partager les mêmes traits, comme des clones en dépit
de leurs prétentions à l’individualité désespérées et parfois pathétiques. L’internet est donc le berceau d’une
nouvelle forme de communauté, un retour à la solidarité mécanique proposée par Durkheim (voir PPT
Introduction), pour décrire les sociétés à petite échelle et relativement homogènes, car les différences citées
pour lancer les « flame wars » électroniques sont minimes. En fait, les Geeks (et leurs cousins les
« neckbeards ») non seulement se ressemblent dans un monde très diversifié, ils s’imposent des règles
rigides d’adhérence à cette communauté virtuelle. Une combinaison paradoxale: d’une part,
l’hyperindividualité signalée par une sexualité exagérée (et virtuelle); de l’autre, le conformisme à la
http://troll.me/images/neckbeardstructure de ce monde émergeant. http://news.3yen.com/wp-content/images/wil-wheaton-neckbeard350.jpg
zombie-pro/neckbeard-zombie-pro.jpg
Geek
Neckbearded geek
http://www.noulakaz.net/weblog/images/20071128-geek.jpg
Neckbeard
Le passé et la tradition/1
Quand les chercheurs et les commentateurs disent que le
néolibéralisme, qui domine le champ idéologique attaché aux
entreprises, aux gouvernements, et aux institutions qui
définissent le système mondial, déracine les individus de
leurs communautés et de leurs traditions, ils se réfèrent à une
renégociation avec le passé de la part d’un individu, non de la
part d’une entreprise. La temporalité de la modernité ne se
référait pas aux entreprises, qui étaient déjà à l’abri de
l’hégémonie temporelle de l’État grâce à la fiction qu’elles
sont des « personnes morales ».
http://www.ouijelevoeux.com/FR/images/OuvertureTradition.jpg
Bien sûr, plusieurs
refusent ou ne
peuvent pas négocier
avec le passé; ils
restent figés dans une
sous-culture
autonome, mais
limitée.
http://gettinghippier.com/wp-content/uploads/2009/05/old-hippies.jpg
http://img264.imageshack.us/img264/403/normalsanstitre14hy3.jpg
Le passé et la tradition/2
À différence de l’histoire, dont les contours sont tracés
par l’idéologie dominante,* le passé est un champ
rhétorique très variable. Les individus sont donc libres
de choisir la façon dont ils utilisent le passé comme
capital symbolique. En filtrant l’histoire à travers le
concept du passé, les personnes non seulement
contournent l’idéologie implicite de l’histoire, elles
personnalisent leur rapport au passé, car elles tombent
automatiquement dans la nostalgie: l’étendu et
l’ouverture du passé (comparé à l’histoire) oblige les
personnes à présenter leur propre interprétation. Voilà
pourquoi ces communautés virtuelles existent dans un
présent éternel, mais ne dédaignent pas le passé: World
of Warcraft, Dungeons and Dragons, etc., sont non
seulement des jeux, mais des communautés de joueurs
tout basés sur les mêmes dynamiques de la nostalgie: si
ce dernier oblige le raconteur d’y ajouter de
l’information personnalisée, ces mondes virtuels doivent
être construits de la même façon, avec un « backstory »
et un « mythe » qui devient la base obligatoire sur
laquelle repose la communauté.
http://www.nauconsultants.com/blog/images/newsletters/17-07-06%20(2).jpg
* Selon l’écrivain Ernest Renan, l’histoire est l’oubli sélectif; voir “Qu’est-ce qu’une nation?
(conférence faite en Sorbonne, le 11 mars 1882)”, pp.887-906, Œuvres complètes, t.1, Paris, 1947.
L’identité sexuelle traditionnelle et le nouveau Soi
Avant l’incompétence fut la compétence, incarnée par l’homme capable
d’affronter n’importe quelle situation. Mais ces spécimens surhormonaux
de la compétence (forcément) masculine partagent une chose qui établit leur
individualité: ils agissent seuls, ils sont des iconoclastes; ils no peuvent pas
participer dans les nouvelles communautés virtuelles homogènes qui
parsèment l’internet.
http://artfiles.art.com/images/-/BruceWillis-Photograph-C11796804.jpeg
http://cade14.files.wordpress.
com/2009/05/rick_deckard.jpg
«It’s not lupus, dammit!»
http://www.theage.com.au
/ffximage/2005/07/13/hous
e_funny1_wideweb__430x305.jpg
«Men are like steel. When
they lose their temper, they
lose their worth.»
http://c2.api.ning.com/files/gn4Fnb4RPUdFJhe2
1tHPVjkIX6
AaN5BrKbUXQkItu2I1xA*Ey9*YU*j4BSCcw
CaJJ-sRpEa4*
FKik*4hdTO996KQ1swwftPS/chucknorris.jpg
«Sushi. That's what my
ex-wife called me - cold
fish» -- Rick Deckard,
Blade Runner, 1982.
«And after I pull off that miracle,
maybe I'll go punch out God.» -Sin City, 2005
Un iconoclaste en herbe
http://nastyish.com/images/Misc/the-finger.jpg
«Go ahead, make my day»
http://www.richard-seaman.com/Aircraft/AirShows
/Indianapolis2002/F18/F18Banking3oClock.jpg
http://img2.allposters.com/images/PHO/AAHD076_8x10_b.jpg
«Oops»
http://www.geocities.com/~pr
opilot/pictures/F15p.JPG
http://www.olpcnews.com/images/qaddafi.jpg
Mais la surindividualité n’est aucune garantie de la compétence, car, à sa façon, c’est autant une négation de la
dimension humaine que la bureaucratie. Ce n’est pas surprenant que les deux – le solitaire et le fonctionnaire –
soient représentés comme ennemis mortels, selon la mythologie cinématique d’Hollywood. Donc, un individu
peut augmenter sa compétence en limitant l’étendue de la dimension sociale dans laquelle il agit (en fait, on a
l’impression que les personnes sont souvent plus solitaires, incapables de s’engager dans un «vrai» rapport intime
à long terme). L’individu qui vit dans son petit monde ne fait que créer un simulacre de la compétence, c.-à-d., un
miniunivers où il peut croire dans le pouvoir de son propre agir. Ne l’oublions pas, les films hollywoodiens ne
sont pas un miroir de la vie américaine, autant que le film Bollywood ne l’est de la vie en Inde.
http://static.guim.co.uk/sys-images/Film/Pix/pictures
/2009/1/29/1233242852685/Scene-from-Magnum-Force-001.jpg
http://www.ecole-anamorphose.ch/attachments/Image/bollywood3.jpg
Cette qualité de solitude émotive et de distance sociale pour définir l’hypermasculinité (mais qui n’a jamais défini
les femmes « compétentes » selon les canons du discours populaire) n’est plus à la mode. « L’incompétence »
sélective des jeunes est signe d’une réorientation psychique et du rejet des communautés de référence
traditionnelles. Tobey McGuire, Shia Lebeouf, Taylor Lautner, Joseph Gordon-Leavitt et d’autres sont loin
d’incarner la masculinité classique: ils interprètent des personnages bavards, émotifs, sociables, ironiques,
moqueurs et même faibles: Labeouf dans son rôle de « délinquant » dans le dernier film de la série Indiana Jones
est aussi menaçant de Short Round dans le 2e film de la série; Tobey McGuire/Spiderman est un héros
psychiquement fragile; Taylor Lautner est un loup-garou plus séduisant qu’assoiffé de sang. Ces nouvelles
incarnations de la masculinité populaire sont prêtes à rire d’eux-mêmes et de leurs personnages filmiques. Ils sont
extrêmement populaires au niveau mondial.
http://www.moviespad.co
m/photos/zachgalifianakis-hangover7fd15.jpg
http://www.outlawstudent.com/wpcontent/uploads/2011/02/jamesbond.jpg
http://img2.timeinc.net/people/i/2006/spec
ials/sma06/sma_gallery/george_clooney40
0.jpg
L’évolution du mâle : de Sean Connery (1960s), George Clooney
(1990s), Zach Galifianakis (2010). Notez que le nouveau Bond,
Daniel Craig (2012), est plus violent et beaucoup moins séducteur
que ses prédécesseurs. Les rôles classiques sont devenus
insuffisamment complexes pour encadrer la masculinité.
http://i674.photobucket.com/albums/vv101/Profoo/63358494510
9156823-trolling.jpg
L’avantage des communautés virtuelles est qu‘elles
peuvent accueillir tout le monde : l’anonymat
protège l’individu. Mais notez: cet « avantage » déjà
noté dans la communauté de cyberchercheurs (Barry
Wellman, Cyber Society, 2006) se base sur l’idée que
la diversité est problématique. Ce n’est pas une
question de valeurs (nous sommes tous
« cosmopolites ») mais que les idéologies du passé
sont insuffisants à la tâche d’incorporer les
immigrants, les jeunes, etc. Ces communautés sont
des refuges, mais plusieurs problèmes sont cités dans
le discours populaire: les personnes confondent les
deux domaines, la « réalité » et l’imaginaire; les
rapports virtuels sont déshumanisés et superficiels;
les rapports sont vus comme facultatifs, dont une
mauvaise préparation pour la « vraie » vie où
certaines situations sont incontournables; le temps
passé (gaspillé?) dans ces communautés serait mieux
utilisé à étudier, travailler, etc. Le problème le plus
souvent mentionné c’est le trolling, où les
interventions des joueurs ou blogueurs sont fausses:
cette réalité n’est pas « vraie », donc les autres
deviennent la matrice qui définit le « vrai ».
Un paradoxe semble émerger dans la culture populaire: d’une part, l’anonymat ou le
semi-anonymat (de l’internet, des communautés virtuelles, de non-lieux comme des
galléries d’achat; voir Marc Augé, Non-lieux, Paris, 1992) permet et peut-être
encourage l’agression: les insultes, les critiques, et des tentatives de manipuler et de
décevoir les autres blogueurs sont devenus monnaie courante. S’ajoutant aux autres
moyens d’indirection : le val-speak, le fag-speak, le trolling, et surtout
l’hypersexualisation, le troll a comme but la création d’un petit monde artificiel et
arbitraire qui est si évidemment faux qu’il oblige les blogueurs à le saboter, mais
ironiquement, en confirmant la véracité et surtout l’existence du troll. Les
communautés virtuelles existent depuis longtemps; les communautés troll sont un
nouveau phénomène.
À gauche, le troll face meme de 4chan
http://1.bp.blogspot.com/RRRpZE314eQ/TkycUFS24II/AAAAAAAAPr
M/z1b0peDvG6Q/s1600/troll+face.jpg
À droite, un meme linguistique (l’adjectif est répété
comme complément). Deux autres: « he was alcohol »
(utilisation de l’interférence linguistique d’une langue
étrangère, où la personne veut dire « he was an
alcoholic ») et « I died a man in Reno just to see him
shot » (jeu avec l’ordre des mots basé sur une phrase
bien connue; dans ce cas, la chanson de Johnny Cash
« Folsom Prison Blues »). Bref, seulement dans le
domaine linguistique on joue avec 1) les règles de la
grammaire; 2) les définitions élémentaires des mots; 3)
l’ordre des mots. Donc, on sabot l’idée standard de la
communication, avec un clin d’oeil ironique (les
utilisateurs qui répondent à la provocation initiale
connaissent parfaitement la source des ces memes
linguistiques).
http://media.gamerevolution.com/images/misc/obvious-troll.jpg
Typiquement, les personnes lancent une provocation de ce genre, et les blogueurs répondent dans le
même ton. Donc, la communauté n’a à sa base aucune référence à la « vraie » vie: World of Warcraft,
Star Trek, Doom, Steam, etc. sont tous vaguement science-fiction, gothiques, médiévales, etc. Mais
ces interventions « troll » ne semblent avoir aucune trace de référence au « vrai » monde. Et puis,
elles jouent avec l’idée de la continuité (l’hégémonie temporelle de l’État-nation contemporain), car
on se reprend à des intervalles imprévisibles. Les communautés sont non seulement temporaires, elles
sont épisodiques: ni frontières géographiques, ni structure narrative, ni dimension temporelle.
Un exemple du troll linguistique no. 3. Voici l’original et
des réponses « troll », la première « classique », la 2e
Le troll “linguistique”:
« nouvelle » (25-03-2013):
1. Your Meal
1. Your country
2. Do you wash your hands every time after you urinate?
3. Do you wash your hands every time you take a shit?
4.Do you wash your hands every time before a meal?
5. When's the last time you got a flu?
6. When's the last time you got a cold?
7.Would you rather wait till you get home to take a shit or rather do it in a
public washroom/restroom?
8. How many times a day do you brush your teeth?
9. How many times a day do you take a shower?
10. Do you have an STD? Or have you used to or currently have a STD?
Le troll classique:
1. Your country
>America
2. Do you wash your hands every time after you urinate?
>Never
3. Do you wash your hands every time you take a shit?
>Never
4.Do you wash your hands every time before a meal?
>Never
5. When's the last time you got a flu?
>3 months ago
>painful
2. Do you shit your hands every time after you STD?
>Yes.
3. Do you once your cold every time you take a morning?
>Yes.
4.Do you used your hands every months before a public?
>Yes.
5. When's the last sleep you got a flu?
>About two years ago.
6. I don’t really wanna do this all the way
6. When's the last time you got a cold?
>Last week
7.Would you rather wait till you get home to take a shit or rather do it
in a public washroom/restroom?
>I shit in the subway
8. How many times a day do you brush your teeth?
>Never
9. How many times a day do you take a shower?
>Never
10. Do you have an STD? Or have you used to or currently have a
STI?
>I have gotten tons of stds and I have about 3 on me now
Téléchargement