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Friedrich List
économiste américain
et militant de l’unité allemande
Christian Deblock
Pol. 1900-2014
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
Friedrich List (1789 - 1846)
Outlines of American Political Economy (1827)
Système national d’économie politique ( 1841)
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
List fut
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•
Un industriel
Un diplomate
Un pamphlétaire
Un journaliste
Un activiste du nationalisme allemand
• Il fut le théoricien de l’unité allemande et du Zollverein, mais ce
ne fut pas en tant que professeur (il le fut au début de sa
carrière) ni en tant qu’homme politique.
• Il ne fut peut-être pas original, mais son oeuvre est brillante,
inspira les penseurs du protectionnisme économique et fait partie
des grands classiques de la littérature économique
• Il contribua largement à refonder la pensée holiste, ridiculisée
par l’école classique anglaise, en redonnant au nationalisme
économique ses lettres de noblesses
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
Références
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Maurice Bouvier-Adam, Frédéric List, Monaco, Éditions du Rocher, 1953.
Karl Marx et Friedrich Engels, Critique de l’économie nationale, Paris, EDI,
1975
Margaret Hirst, Life of Friedrich List, New York, A. M. Kelley, 1965 [1909]
Keith Tribe, Strategies of Economic Order. German Economic Dsicourse,
1750-1950, Cambridge, Cambridge University Press,1995.
Keith Tribe, « Friedrich List and the Critique of "Cosmopolitical Economy »,
The Manchester School of Economics and Social Studies,1988, vol. 56, n°
1, pp. 17-36
J. Morini-Comby, Mercantilisme et protectionnisme, Paris. Félix Lacan,
1930
Christian Deblock, « Du mercantilisme au compétitivisme : le retour du
refoulé, dans Michel Van Cromhaut, L’État-nation à l’ère de la
mondialisation, Paris, L’Harmattan, 2003, pp. 79-101
Éric Boulanger, « Théories du nationalisme économique », Alternatives
Économiques/Économie politique, Quel patriotisme économique ?, n°
31, 2006, pp. 82 - 95.
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
« On doit remarquer, en passant, que la défense de la protection
douanière présentée par List rejoint en dernière analyse la défense du
libre-échange ; si on ne s’en rend pas compte immédiatement, on peut
s’en convaincre en remarquant que J. S. Mill acceptait la théorie de
l ’ industrie naissante, comprenant évidemment qu ’ elle n ’ était pas
incompatible
avec
la
logique
du
libre-échange
»
Joseph
A.
Schumpeter,
Ibidem,
p.
176
« Son oeuvre la plus mûrie … demeure un classique au sens élogieux du terme, en
dépit de tous les commentaires que nous avons faits ci-dessus »
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
La vie de List
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
Les étapes de sa vie
Né le 6 août 1789 à Reutlingen (Würtemberg)
• Journaliste, professeur (Tübingen) et politicien libéral. Élu député de
Reutlingen, il est expulsé du parlement et condamné pour sédition à dix mois
de prison. Exil à Strasbourg, va à Paris, rencontre La Fayette, revient à Stuttgart,
est mis en prison, puis libéré sur promesse de s’exiler.
Séjour aux États-Unis : 1825-1832
• Arrive aux États-Unis en 1825, où il rejoint son ami Lafayette. Celui-ci l’introduira
dans les milieux politiques et industriels
• S’installe à Reading (100 km de philadelphie), devient directeur du readinger
Adler
• Très en rapport avec les hommes politiques (participe aux campagnes
présidentielles) et les milieux industriels du Nord, notamment la Pennsylvania
Society for the Promotion of Manufactures and Mechanic Arts (Charles J.
Ingersoll, Mathew Carey et Pierre du Ponceau). Devient propagandiste de la
société et des idées de henry Clay.
• Douze lettres à Ingersoll (Outlines of American Political Economy), qui lui
demandera d’écrire un manuel d’économie politique, contre Thomas Cooper
• Découvre un filon de charbon, fait fortune et découvre les chemins de fer
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Le retour en Allemagne
• List est célèbre. Il devient citoyen américain en 1830, retourne en
Allemagne comme consul des États-Unis (Baden (1832-34) et Leipzig
(1834-37). En route pour l’Allemagne, il passe par Paris, retrouve La
Fayette et écrit des textes.
• 1837 : Système naturel d’économie politique
• Militera pour l’unité allemande, pour la construction d’un réseau
ferroviaire national et pour une union douanière.
• 1841 : Système national d’économie politique (Stuttgart)
• 1842 : Congrès du Zollverein / échec / le poids de la Prusse
–
–
Rappel : multitude d’états, avec au Nord la Prusse, protestante et libre-échangiste,
et au Sud l’Autriche, catholique et protectionniste.
Morcellement économique, des obstacles à la circulation des marchandises, mais
ouverture extérieure
Le militant du chemin de fer et de l’unité allemande
• Se nomme ambassadeur itinérant du Zollverein, va en Angleterre,
plaide pour un rapprochement de l’Angleterre et de l’Allemagne
• Problèmes financiers et de santé, se suicide le 30 novembre 1846
• Échec de la révolution libérale de 1848. La voie est ouverte à
Bismarck
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Le système national
d’économie politique
« Et la patrie et l’humanité ! »
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
1. L’histoire occupe
une place centrale dans ses écrits
• List veut se démarquer tout autant de la vision universaliste de
« l’école » que de la vision centraliste du mercantilisme
– L’histoire doit permettre de tirer des leçons
– L’histoire doit permettre de comprende le destin des sociétés
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
Une citation célèbre
• « C’est une règle de prudence vulgaire, lorsqu’on est parvenu au faîte
de la grandeur, de rejeter l’échelle avec laquelle on l’a atteint, afin
d’ôter aux autres le moyen d’y monter après nous. Là est le secret de la
doctrine cosmopolite d’Adam Smith et des tendances cosmopolites de
son illustre contemporain, William Pitt, ainsi que de tous ses successeurs
dans le gouvernement de la Grande-Bretagne. Une nation qui, par des
droits protecteurs et par des restrictions maritimes, a perfectionné son
industrie manufacturière et sa marine marchande au point de ne
craindre la concurrence d’aucune autre, n’a pas de plus sage arti que
de repousser loin d’elle ces moyens de son élévation, de prêcher aux
autres peuples les avantages de la liberté du commerce et d’exprimer
tout haut son repentir d’avoir marché jusqu’ici dans les voies de l’erreur
et de n’être arrivée que tardivement à la connaissance de la vérité »
(Friedrich List, Système national d’économie politique, Paris, Éditions Gallimard, 1998, pp. 503-503).
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
Les stades du développement
•
Rejet du système logique d’Adam Smith et des lois naturelles. Les nations
ont une histoire ; les lois économiques sont historiques
•
Les nations passent par des stades successifs de développement. Ce
n’est pas très clair cependant. Il a deux périodisations.
•
Première périodisation:
–
–
–
–
–
•
sauvage
pastoral
agricole
agricole-manufacturier
agricole-manufacturier-commercial
Seconde périodisation : états 3, 4 et 5.
–
–
–
–
•
1. État
2. État
3. État
4. État
5. État
Stade agricole : exportation de produits agricoles et importation de produits industriels
Démarrage industriel : développement des manufactures et importations
Maturation industrielle : le marché intérieur est alimenté par l’industrie
Exportation de produits industriels et importation de produits agricole
List ne retient qu’un seul élément dynamique dans le développement :
l’industrialisation ; c’est elle qui porte et apporte le progrès
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2. La primauté de la communauté
nationale
•
L’individu n’est pas un citoyen du monde, il appartient à une
communauté. C’est la référence à la nation qui définit l’économie
politique et distingue celle-ci de l’économie cosmopolite.
–
L’économie cosmopolite n’est vraie que dans l’idéal : lorsque « toutes les nations du globe
ne forment qu’une société unique vivant dans une paix perpétuelle ».( p. 214) L’économie
politique, c’est l’étude des lois qui président à l’économie de la nation
•
« Le trait caractéristique du système que j’expose, c’est la nationalité.
Tout mon édifice est construit sur l’idée de nation, comme intermédiaire
entre l’individu et le genre humain » (p. 82 / édition de 1857/Capelle)
•
« De même que l’individu acquiert, principalement, par la nation et dans
le sein de la nation, culture intellectuelle, puissance productive, sûreté et
bien être, la civilisation du genre humain ne peut se concevoir et n’est
possible qu’au moyen de la nation et du développement des nations »
(p. 279 / édition de 1857/Capelle)
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
La puissance de la nation
• « L’économie de ce corps (la nation, CD) n’a pas pour seul
objet la richesse, comme dans une économe individuelle et
cosmopolite, mais la puissance et la richesse nationale, tout
comme celle-ci augmente et garantit la première. Ses principes
directeurs sont donc autant politiques qu’économiques. Il peut
arriver que des individus soient très riches ; mais si la nation n’a
pas le pouvoir de les protéger, tous - nation et individus - risquent
de perdre un jour la richesse qu’ils ont mis des siècles à acquérir,
ainsi que leurs droits, leurs liberté et leur indépendance même ».
• On retrouve dans cette citation tout l’esprit du Système
américain.
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
3. Les forces productives
• L’économie nationale ne doit pas seulement augmenter les
richesses, mais également le pouvoir de les créer. Ce que List
appelle les forces productives
• L’accumulation du capital relève de l’économie privée ; le
développement des forces productives, de l’économie
nationale
• La théorie des forces productives est au système de List ce
qu’est la théorie de la valeur d’échange à l’école classique. Il y
a chez lui un lien entre la géographie et l’histoire, tout comme il
y a un lien entre l’histoire et l’économie.
• Les quatre forces productives (selon Bouvier-Ajam):
–
–
–
–
Les forces naturelles
Les forces instrumentales
Les forces financières
Les forces nationales
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
« Le pouvoir de créer des richesses est infiniment
plus important que la richesse elle-même » (p. 239)
• « La prospérité des peuples ne dépend pas, comme on le pense,
de la quantité de richesses et de valeurs échangeables. Mais du
degré de développement des forces productives. (p. 212)
• L’association des forces individuelles au sein de la nation est
pour List le moyen le plus efficace d’accroître la richesse et le
bonheur des individus.
• La division du travail : « association morale et matérielle pour un
but commun »
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
4. Le protectionnisme
•
Morini-Combi : « le protectionnisme du XIXe siècle a été l’expression
économique du nationalisme…. Il a été d’abord et essentiellement une
doctrine destinée à permettre l’industrialisation, ce qu’il y a un siècle on
appelait tout simplement le progrès » (1930, p. 137)
•
Foi dans le progrès et dans les vertus de l’industrialisation : l’industrie
amène une plus grande division du travail, plus de diversité, plus de
talent, élargit les possibilités du génie humain, de la liberté, du
développement artistique et scientifique
•
Le protectionnisme sera associé au nationalisme du dix-neuvième siècle,
mais pour List, la protection n’est pas une fin, mais un moyen ; une
nécessité pour permettre l’épanouissement de l’industrie
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
L’industrie et le progrès
• « les manufactures sont filles des sciences et des beaux arts, et
ce sont elles aussi qui les entretiennent et les nourrissent. (p. 308)
• « Les fabriques et les manufactures sont des plantes qui croissent
lentement… » (p. 437/Capelle)
• « C’est principalement la liberté de penser et la liberté civile,
l’excellence de la constitution et des institutions politiques en
général qui ont mis la politique commerciale anglaise à même
d’exploiter les richesses du sol et de développer les forces
productives de la nation. Mais qui oserait contester aux autres
nations la faculté de s’élever au même degré de liberté ? Qui
oserait soutenir que la nature a refusé aux autres peuples les
moyens de se livrer à la fabrication ? » (p. 454/Gallimard)
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
Une autre citation célèbre …
• « Sans doute, l’expérience nous apprend que le vent transporte
la graine d’un pays à l’autre, et qu’ainsi des bruyères désertes
se transforment en forêts épaisses ; mais serait-il sage de la part
du forestier d’essayer par des semis d’attendre au cours des
siècles que le vent ait réalisée ce progrès ? Aurait-il tort d’essayer
par des semis d’atteindre ce but en quelques dizaines
d’années ? L’histoire enseigne que des nations entières ont fait
avec succès ce que nous voyons faire au forestier » (p. 217)
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
La protection éducatrice
• Les droits doivent s’élever au fur et à mesure que l’industrie se
développe. Ils doivent accompagner le passage de l’état
agricole à l’état industriel, pour décliner et devenir modérés par
la suite.
• Au stade agricole, c’est le libre-échange qui doit prévaloir
(encore une influence américaine ?), mais, parallèlement, il
admet que ce ne sont pas toutes nations qui peuvent faire le
passage de l’état agricole à l’état industriel. Il faut certaines
conditions : un climat tempéré, un haut niveau de civilisation,
des institutions politiques… L’Allemagne remplit ces conditions,
les nations tropicales non…
• « Le commerce extérieur ne peut être important que là où
l’industrie nationale est parvenue à un haut degré de
développement » (p. 307 / Gallimard)
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
In fine…
• « Nous ne craignons pas d’affirmer que du perfectionnement du
système protecteur dépendent l’existence, l’indépendance et
l ’ avenir de la nation allemande. L ’ esprit national ne peut
prendre racine, ne peut donner de belles fleurs et des fruits
abondants que sur le terrain de l’aisance générale. De l’unité
des intérêts matériels, seulement, peut sortir l’unité morale, et de
l’un et de l’autre réunies, la force de la nation « (p. 571)
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
Conclusion
• Marx et List : Tous deux reconnaissent que l’Angleterre montre la
voie. Marx et List n’y voient rien à redire. Mais Marx suit l’école
classique et penche pour le libre-échange, en autant que celuici détruise les conservatismes et accélère la marche du progrès,
autrement dit vers le communisme. List préconise, au contraire,
de faire comme elle et de protéger l’industrie en attendant
d’être son égal.
Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation
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