Les zostères
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2012
Dossier NatureDossier Nature
Les zostères
Par Didier TOQUIN
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Introduction :
Bien que les zostères soient très proches des algues vertes (dont elles
descendent) sur le plan de la chimie et de l’organisation de leurs cel-
lules, ce sont des plantes sous-marines à fleurs, prospérant sur le bas
des estrans sableux et le haut de l'avant-côte sableuse, sur les littoraux
atlantiques de la France. Les zostères forment des herbiers dont le rôle
biologique et sédimentologique est essentiel. L'espèce dominante est
Zostera marina L., mais on rencontre localement Zostera angustifolia
(Hormem.) Reich, et surtout Zostera nana Roth (alias Zostera noltii
Hornem.) qui occupe les positions les plus élevées.
Les zostères sont organisées selon le schéma suivant : une tige ram-
pante plus ou moins souterraine (rhizome) qui donne naissance à des
tiges dressées terminées par un faisceau de feuilles en ruban, à crois-
sance basale et nervures parallèles. Ces feuilles sont dépourvues de sto-
mates. Un réseau de lacunes aérifères (aerarium) parcourt l’ensemble
des feuilles, rhizomes et racines, de sorte que les tissus conservent en
interne l’environnement gazeux habituel aux végétaux terrestres.
Les zostères ont des rhizomes de taille variable selon les espèces, rhizomes qui fixent très efficace-
ment les sédiments, mais lorsque les herbiers sont très développés, ils accélèrent (dans les zones
abritées) la sédimentation de particules fines, qui les étouffent et les font disparaître. La destruc-
tion de l'herbier provoque la remise en route de la vase et la réapparition d'un fond sableux sur le-
quel l'herbier peut se réinstaller. Le cycle est de l'ordre de 30 à 40 ans en Bretagne septentrionale.
Dans les zones balayées par de forts courants, ou battues par de fortes houles, la vase ne peut pas
se maintenir sur l'herbier et celui-ci est présent en permanence, quoique variable. Ce sont proba-
blement ces herbiers permanents qui fournissent les graines qui assurent la reconstitution des her-
biers cycliques, et il est donc important de les préserver. Les zostères tolèrent les eaux fortement
dessalées ce qui leur permet de se développer à l'embouchure des fleuves et dans les étangs litto-
raux.
Un peu d’histoire :
Il y a 475 millions d’années (Ordovicien) sont apparues des Viridiplantae (Archeaplastidia).
Celles-ci sont parties à la conquête des continents. Les plus anciennes Viridiplantae connues sont
les bryophytes.
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Parmi les Viridiplantae continentales terrestres apparaissent les Magnoliophytes qui comptent
234 000 espèces.
Mais au Crétacé (100 Millions d’années), soixante quatre espèces de Magnoliophytes retournent
au milieu marin, tout en conservant les caractéristiques acquises à l’air libre (racines feuilles,
fleurs et graines). Le retour au milieu marin se serait produit au moins trois fois indépendamment.
Pourquoi un si petit nombre de Magnoliophytes marines ? Simplement parce qu’il y une prédomi-
nance de la reproduction végétative sur la reproduction sexuée liée à l’absence de symbiose mu-
tualiste avec les insectes.
En Europe, seules cinq espèces sont présentes, ce qui est faible par rapport aux 1500 espèces
d’algues.
Les deux espèces principales de Zostères :
I - Zostera marina Linnaeus.
Ordre des Najadales, famille des Zosteraceae
Noms communs : varech des bords de mer, varech marin, zos-
tère marine
Description
Zostera marina est une plante chlorophyllienne vivace de cou-
leur vert sombre, avec des feuilles alternes sur deux rangs, ar-
rondies au sommet, larges de 3 à 12 mm comportant 3 à 7 ner-
vures et dépassant en longueur 50 cm. (jusqu’à souvent 1,20 m,
voire 2,10 m). La plante comporte deux types de feuilles : les
feuilles stériles à gaine non échancrée ni auriculée au sommet
et les feuilles florales à gaine aussi large que le limbe et que le
pédoncule comprimé et s'élargissant au sommet. La plante pré-
sente une inflorescence particulière (spadice), plus large que les
feuilles et de 4 à 5 cm de long, formée d'un épi entouré d'une
grande bractée appelée spathe, à bords un peu repliés en dessus,
qui comporte de nombreuses fleurs jaunâtres sans bractéoles.
Les fleurs très discrètes apparaissent en de mai à juillet-août. Le fruit est ovoïde (3 sur 2 mm),
tronqué à la base, blanchâtre, strié en long. Les graines présentent un fort taux de germination. Les
plants issus forment des « genets ». Le plus grand genet mesure 100 mètres de diamètre et aurait
9000 ans (Doubouresque C.F).
Les feuilles sont portées par une tige souterraine ou rhizome rampant et épais (2-6 mm), assez ro-
buste, simple, émettant des radicelles nombreuses à chaque nœud (5-20), ce qui permet l’ancrage
dans le sédiment sablo-vaseux. L’accroissement du rhizome permet par allongement et ramifica-
tion une multiplication végétative des pieds de zostères qui forment alors des peuplements denses
et étendus, véritables prairies sous-marines appelées « herbiers ». Tous ces individus originaires
d’un même pied possèdent donc le même patrimoine génétique et forment un « clone » ou
« ramet ».
La croissance des rhizomes et des feuilles est fortement conditionnée par la température et les con-
ditions d’éclairement du milieu. Dans les zones tempérées le maximum de production de la bio-
masse coïncide avec le pic annuel d’éclairement solaire. Toutefois, au niveau de sa limite pro-
fonde, Z. marina peut survivre dans des conditions d’éclairement relativement faible. Par contre
elle est sensible aux conditions de sédimentation, par déchaussement suite à la perte de sédiment,
ou ensevelissement par excès de sédiment.
Les sels minéraux et le dioxyde de carbone dissous dans l’eau sont captés et assimilés par les
feuilles. La plante fabrique alors sa propre matière organique et s’accroit par la photosynthèse
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grâce à l’énergie solaire. La croissance de la plante dégage de l’oxygène qui est utilisée pour la
respiration de tous les êtres vivants aérobies. Ce rôle peut devenir très important dans les zones
très abritées, où une anoxie pourrait survenir en profondeur.
Répartition géographique et habitat
Z. marina est une magnoliophyte à affinité froide, largement répandue dans l’hémisphère nord :
littoral de la Manche, de l'Océan, Atlantique nord, Mer noire, Pacifique (Japon) jusqu’au cercle
polaire, mais rare en Méditerranée excepté le nord de la Méditerranée occidentale elle est ob-
servée en herbier mixte avec d’autres espèces de Magnoliophytes.
Z. marina reste généralement limitée à des profondeurs inférieures à 5 mètres. Elle a cependant été
observée jusqu’à 10 m de profondeur en Mer Noire et jusqu’à 18-30 m sur la côte pacifique des
Etats-Unis.
Z. marina est une espèce euryhaline que l’on peut rencontrer en eau de mer stricte ainsi que dans
des eaux plus ou moins saumâtres d’étangs littoraux.
Au niveau européen, cette espèce est placée en annexe I de la Convention de Berne. La cueillette,
le ramassage, la coupe ou l’arrachage intentionnels des Zostères marines sont donc interdits par
cette Convention. De plus, cette plante bénéficie en France d'un statut d'espèce protégée au niveau
régional (Provence-Alpes Côte d’Azur, en Basse Normandie et en Poitou-Charentes. Au niveau
national, avec la Loi littoral, ce statut et les mesures de préservation se retrouvent traduits dans
l’article R.146-1 du code de l’urbanisme.
II- Zostera noltii Hornemann (ou Zostera nana Roth)
Ordre des Najadales, famille des Zosteraceae
Noms communs : Varech de Nolti ou Zostère naine.
Cette espèce a été décrite sous d'autres noms scienti-
fiques, considérés de nos jours comme synonymes : Zos-
tera nana Roth, 1827, Zostera uninervis Rchb., 1830,
Zostera minor Nolte ex Rchb., 1842, 1844, Zostera no-
dosa, 1845, Zostera pumila Le Gall, 1850.
Description :
Z. noltii est une espèce marine vivace de plantes à fleurs
de la famille des Zosteraceae, qui se rencontre sur les
fonds marins sableux ou sablo-vaseux de l’hémisphère
Nord. Elle peut être plus ou moins mêlée à Z. marina.
Comme cette dernière, elle possède un rhizome très grêle
qui émet au niveau de ses nœuds des radicelles minces,
groupées par 2 ou 3. Les feuilles sont vert clair, linéaires,
très étroites (0,5 à 2 mm de large), et présentent de une à
trois nervures (une nervure centrale et deux latérales près
des bords). Ces feuilles, longues de 4 à 30 cm, ont un
sommet arrondi et souvent incurvé en son centre.
Une augmentation de la densité des faisceaux de feuilles
est observée au printemps, avec une diminution des la
longueur moyenne des feuilles. A partir de l’automne, ce
phénomène s’inverse. Le taux de renouvellement des
feuilles est d’environ une quinzaine de jours. L’élongation du rhizome dans le plan horizontal est
de l’ordre de 35 à 70 cm par an.
La reproduction est soit asexuée (rhizome) soit sexuée (fleurs unisexuées, cachées par les gaines
des feuilles). Les fleurs, qui apparaissent entre avril et juin, sont regroupées en épis simples. Ces
derniers sont presque plats et portent 3 à 12 fleurs. Les fruits sont ovales (1 mm sur 2), arrondis à
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la base, brunâtres et lisses. Mais la stratégie de reproduction s’effectue principalement par boutu-
rage à partir du rhizome (reproduction végétative). La reproduction sexuée est rarement observée
dans la nature.
Répartition géographique et habitat
Les herbiers de Zostera noltii se répartissent en Manche, Atlantique (notamment en rade de Brest,
dans le Golfe du Morbihan, autour de l’Ile de Noirmoutier, au banc d’Arguin et le bassin d’Arca-
chon).Plus néralement cette espèce se rencontre le long des côtes atlantiques de l’Europe, de la
Suède et Norvège méridionale au nord, jusqu’à la Mauritanie au sud; plus rare en Méditerranée,
mer Noire, mer Caspienne et mer d’Aral elle se cantonne aux lagunes littorales et à certaines
baies abritées.
Les Zostera noltii coexistent dans les mêmes zones géographiques que les Z. marina, sans hybrida-
tion entre elles, dans des herbiers monospécifiques ou mixtes. Cependant, l'espèce Zostera noltii
semble plutôt localisée dans les eaux peu profondes (inférieures à 5 m), sur des fonds couverts par
des sédiments riches en matière organique. En zone exondable, dans certains fonds de baies abri-
tées peu profondes, l’extrémité des feuilles peut atteindre la surface de l’eau et l’herbier ainsi
émergé est alors soumis à de fortes variations d’intensité lumineuse et de température. L’espèce
est ainsi considérée comme une plante adaptée aux conditions difficiles. Au niveau national, avec
la Loi littoral, les mesures de préservation sont traduites dans l’article R.146-1 du code de l’urba-
nisme.
Rôle des herbiers à Zostères :
Ces herbiers produisent une quantité considé-
rable de matières organiques et constituent un
habitat exceptionnel, un abri contre les préda-
teurs et une véritable nurserie pour les jeunes
après les naissances. Cela explique la richesse
animale de ces herbiers (et le rôle majeur qu'on
leur attribue!), qui comportent des espèces épi-
phytes, des espèces herbivores et des espèces
carnivores qui viennent y faire des incursions.
De plus, ces herbiers sont utilisés par nombre
d'espèces pour y déposer leurs oeufs, et ils atti-
rent ainsi les animaux gobeurs d'œufs.
Les herbiers de zostères abritent une grande diversité d'espèces, parmi lesquelles les pois-
sons Syngnathus typhle et Nerophis ophidion, la crevette Hippolyte inermis : leur couleur sou-
vent verte et leur forme allongée les rendent bien peu visibles au milieu des zostères qui leur pro-
curent un parfait camouflage.
Les herbiers à Z. marina servent d’abri à de nombreux organismes marins (poissons, pectinidés,
crabes..). Les feuilles vivantes sont souvent colonisées par des vers tubicoles, comme par exemple
des vers polychètes du genre Spirorbis, ou par d'autres organismes épiphytes qui utilisent la zos-
tère comme un substrat solide s'accrocher. La biodiversité dans les herbiers à Zostères marines
peut être supérieure à 300 espèces. Outre les organismes résidants tout au long de l'année, de nom-
breux sidents temporaires fréquentent les herbiers à Zostères marines et se relaient au cours des
saisons, comme par exemple le rouget, la plie, la crevette rose, l’araignée de mer ou la seiche.
Toute cette faune, permanente ou temporaire, attire des prédateurs tels que les bars.
L’espèce fait partie du régime alimentaire de certains Anatidés, comme la bernache cravant, qui
consomme feuilles et rhizomes, ou le canard siffleur, qui ne consomme que les feuilles
Ces herbiers ont aussi un rôle dans la stabilisation des sédiments et un rôle tampon dans l'amortis-
sement de la houle
Ponte d’une seiche
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