parasitoïdes, «conformers» ou «regulators», qui synchro-
nisent leur croissance avec celle de l’hôte ou au contraire,
qui modifient le cycle de développement de l’insecte
parasité. Une telle conception a depuis été remise en
cause par la description de plusieurs parasitoïdes présen-
tant à la fois des traits de type «conformers » et «regula-
tors» (Vinson 1988; Mackauer & Sequeira 1993; Harvey
1996 ; Strand 2000). S’il est vrai que la classification
proposée ne saurait rigoureusement s’appliquer aux para-
sitoïdes eux-mêmes, elle reste néanmoins pertinente pour
qualifier leurs stratégies de développement; l’interven-
tion de différentes stratégies, de «conformité » ou de
«régulation », au cours du développement d’un même
parasitoïde n’a en effet rien d’incompatible.
Sur le plan des interactions avec le système immu-
nitaire hôte, il est encore souvent considéré que les para-
sitoïdes présentent soit des stratégies d’immunosup-
pression « actives », soit des mécanismes « passifs »
d’évitement de la réaction d’encapsulement (Coudron
1991 ; Strand & Pech 1995a;Vass & Nappi 2000 ;
Schmidt et al. 2001). Les stratégies «actives», princi-
palement caractérisées chez des espèces endoparasitoïdes,
reposent sur des facteurs maternels ou ovo-larvaires
(virus, particules de type viral, protéines venimeuses et
ovariennes, tératocytes) et sont de loin les plus étudiées
(Coudron 1991; Strand & Pech 1995a). Elles peuvent
altérer sévèrement la réponse immunitaire de l’hôte dont
la mise en place nécessite plusieurs étapes successives :
détection du corps étranger, recrutement des cellules
immunitaires (hémocytes), formation d’une capsule par
les hémocytes autour de l’intrus, et mélanisation de la
capsule (Coudron 1991;Ratcliffe 1993 ; Sugumaran &
Kanost 1993 ;Locker 1994 ;Strand & Pech 1995a;
Schmidt et al. 2001;Sorrentino et al. 2002). Les méca-
nismes «passifs» regrouperaient quant à eux, différentes
adaptations physiologiques et comportementales permet-
tant à certains parasitoïdes de se développer sans alté-
rer les capacités immunitaires de leurs hôtes. Ils concer-
neraient notamment les espèces dont les œufs sont soit
pondus dans des hôtes ayant un système immunitaire
immature, soit protégés par des capacités de «mimé-
tisme» moléculaire, soit capables d’effectuer leur déve-
loppement hors d’atteinte des hémocytes (ectoparasi-
tisme, endoparasitisme dans des organes inaccessibles)
(Strand & Pech 1995a).
Le terme même de mécanisme « passif», suggéré par
l’absence d’effet immunosuppresseur observé, nie intrin-
sèquement l’existence de molécules effectrices suscep-
tibles d’intervenir dans la protection des œufs parasi-
toïdes. Or, des études récentes font apparaître que
certains mécanismes « passifs » impliquent l’interven-
tion activede facteurs physiologiques et moléculaires
pouvant interférer avec la formation d’une capsule hémo-
cytaire (Asgari et al. 1998; Kinuthia et al. 1999; Richards
&Edwards 1999, 2000a). Par analogie avec le distin-
guo de P. Lawrence, ces mécanismes pourraient donc
participer, ne serait-ce que localement, à une « régula-
tion» de la réponse immunitaire de l’hôte au même titre
que les facteurs dits «actifs ». D’autres mécanismes, en
revanche, relèveraient d’avantage d’une «conformité »
aux défenses immunitaires, pouvant être définie par la
faculté d’un parasitoïde à échapper aux défenses cellu-
laires ou humorales de l’organisme qu’il parasite sans en
altérer directement l’efficacité. Là encore, des adapta-
tions physiologiques et moléculaires prennent une part
active dans l’évitement de l’encapsulement. Ces
remarques soulignent la possibilité de substituer à la
dichotomie «mécanismes passifs – mécanismes actifs »,
une classification introduisant les notions de stratégies
de « conformité » ou de « régulation » vis-à-vis de la
réponse immunitaire des hôtes, à l’image des stratégies
mises en œuvrepar les parasitoïdes envers le dévelop-
pement des insectes parasités.
Loin de vouloir initier une polémique sémantique,
cette proposition vise, à travers la présente revue, à souli-
gner la diversité des moyens employés par les
Hyménoptères parasitoïdes pour lutter contre le système
immunitaire de leurs hôtes, et d’en prendre plus préci-
sément la mesure grâce aux nouvelles données dispo-
nibles en ce domaine. Nous verrons notamment, grâce
àla présentation de modèles originaux, que différentes
adaptations comportementales et physiologiques
peuvent contribuer aux succès parasitaires d’espèces
endoparasitoïdes ou ectoparasitoïdes pourvues ou non
de capacités immunosuppressives. Cette synthèse, loin
d’être exhaustive, visera également à évoquer les prin-
cipales perspectives fondamentales et appliquées atten-
dues des recherches menées en ce domaine.
I. Stratégies de « conformité»
au système immunitaire de l’hôte
I.1. Sélection d’hôtes immunodéficients
Les stratégies de «conformité » au système immunitaire
de l’hôte se définissent par la faculté d’un parasitoïde à
échapper aux défenses cellulaires ou humorales de
l’organisme qu’il parasite sans en altérer directement
l’efficacité. Ceci peut être notamment réalisé en infes-
tant des hôtes dont le système immunitaire est déficient
ou immature, ce qui suppose l’existence de capacités de
sélection ou de discrimination de la partde certaines
femelles parasitoïdes. Ainsi, les Trichogrammes, endo-
parasitoïdes oophages, parasitent des œufs de Lépi-
doptères dépourvus d’hémocytes à ce stade de dévelop-
pement. Dans une même perspective, l’endoparasitoïde
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S.J. M. M
OREAU