Modification des paramètres morphologiques et fonctionnels des hémocytes de la moule bleue (Mytilus edulis) exposés à des contaminants environnementaux T. MONSINJON*, S. BOUSSA†, Z. DAGHER*, L. PETIT††, D. RIOULT* & F. LE FOLL* *Laboratoire d’Ecotoxicologie UPRES-EA 3222, IFRMP 23, Université du Havre †Groupe de Recherche en Electrotechnique et Automatique du Havre, UPRES-EA 3220, Université du Havre †† Institut de Pharmacologie Cellulaire et Moléculaire, UMR6097, UNSA, CNRS, Université de Nice Sophia Antipolis Chez les invertébrés, la protection contre les microorganismes envahisseurs implique l'immunité innée à médiation cellulaire. Chez les mollusques bivalves, telle la moule bleue (Mytilus edulis), la destruction des pathogènes repose principalement sur l'activité des hémocytes circulants, cellules phagocytaires capables d'atteindre tous les tissus de l'organisme via le système hémolymphatique semi-ouvert. Récemment, divers paramètres fonctionnels hémocytaires ont été étudiés, révélant des altérations globales de la réponse immune à médiation cellulaire après une exposition à des contaminants environnementaux de l'eau de mer côtière qui s'avèrent potentiellement immunotoxiques. Typiquement, après prélèvement par ponction au niveau du muscle adducteur postérieur et dépôt sur un substrat plastique non traité, les hémocytes de moule modifient rapidement (<2 min) leur morphologie isotrope pour adopter diverses formes d'étalement, ce qui génère une population hétérogène aux contours variés, depuis la petite cellule bipolaire jusqu'à la cellule de section circulaire de grand diamètre. Ces caractéristiques propres aux hémocytes, et sous-tendues par l'exceptionnelle dynamique de leur marge membranaire, n'ont jusqu'alors pas été étudiées. Nous avons donc entrepris une analyse précise et quantitative de la motilité hémocytaire, fondée sur des enregistrements en videomicroscopie à contraste d'Hoffman. Les séquences d'images sont traitées grâce à un programme spécifique développé sous Matlab, qui génère un unique morphogramme, représentation simple de la déformation angulaire du contour cellulaire centré sur le barycentre. Des paramètres utiles comme la trajectoire, la vitesse et la surface sont également obtenus, pour chaque cellule. Les données collectées sont utilisées pour comparer les caractéristiques morphocinétiques d'hémocytes témoins, prélevés sur des moules échantillonnées dans des zones de référence, à celles cellules traitées par des xénobiotiques ou provenant d'animaux vivant dans des moulières fortement impactées par la pollution marine. Nos résultats nous permettent de proposer une modèle de déplacement hémocytaire. Ces cellules alternent en effet les périodes de faible déformation, pendant lesquelles elles occupent une surface minimale et elles se déplacent rapidement (> 30 µm/min) avec des périodes d'étalement et déplacement chaotique (vitesse < 5 µm/min). Les déformations sont très souvent bipolaires, avec deux extensions à 180° et dépendent fortement du substrat. Le coating de surface à la laminine/polyornithine accentue ce comportement alors que le traitement au polyéthylènimine induit un étalement isotrope important. Des expériences sont en cours pour déterminer i) si plusieurs sous-populations hémocytaires peuvent être distinguées sur critère morphocinétique après séparation sur gradient de Percoll, ii) si certains xénobiotiques peuvent, à des concentrations écotoxiques, perturber la motilité hémocytaire libre ou dirigée par un peptide chimiotactique comme le fMLP (N-formyl-Met-Leu-Phe). Si cette hypothèse se trouvait confirmée, nous proposerons l'étude d'un pilote d'analyse de la qualité de l'eau, sur le plan de l'immunotoxicité, fondé sur un biocapteur hémocytaire.