Ethique de la responsabilité

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Les approches de la
responsabilité en éthique
1er apport de Christian Pian,
Journée de formation Chrétiens &
sida, 21 avril 2007
Plan de l’exposé
1. L’avènement de la responsabilité
2. La précédence du droit
3. L’émergence contemporaine de la
responsabilité comme paradigme éthique
4. Trois approches caractéristiques
5. Les éthiques de la responsabilité en
discussion
1. L’avènement de la responsabilité (1/2)
• L’adjectif « responsable » nous vient du M.A.
 Capacité à « résister »
 Celui de qui l’on répond
• Le substantif « responsabilité » est beaucoup
plus tardif
 Responsabilité : de spondeo = se porter garant, s’engager (cf.
indemnisation du préjudice subi) : « avoir à répondre de ses
actes », « promettre avec solennité »
 Respondeo = « répondre à un appel ou à une sommation »
1. L’avènement de la responsabilité (2/2)
• Concept renvoyant à 3 idées :
 état
 capacité
 Obligation
• A quand remonte l’idée d’imputer l’acte à
l’individu ?
 Les explications de l’action par le destin, les dieux, le daïmon
 La tragédie grecque comme tournant vers l’interprétation
responsabilisante de l’action
2. La précédence du droit
• Un concept qui, au sens d’avoir à répondre de
ses actes, n’a guère intéressé les philosophes
• Une notion qui nous vient du droit :
 En droit : fait pour une personne d’être tenue à certaines
obligations en conséquence de certains actes
 Responsabilité contractuelle (civile) versus délictuelle (pénale)
 Responsabilité morale : pas directement dérivable (mais pas
sans rapport)
3. L’émergence contemporaine de la
responsabilité comme paradigme éthique
• La responsabilité : un maître mot dans les
discours contemporains sur l’agir individuel ou
collectif…
• Une importance qui a son équivalent dans la
théorie éthique
• Un discours pléthorique pas forcément garant
de clarté conceptuelle…
4. Trois approches caractéristiques (1/3)
• Ethique de responsabilité versus éthique de
conviction chez Max Weber :
 Ethique de conviction : nous nous appuyons sur nos
valeurs et nos idéaux pour agir
 Ethique de responsabilité : nous essayons, dans nos
décisions, de prendre en compte, les effets de nos
actions
 La figure de la responsabilité : l’idéal de l’homme
politique selon Weber…
4.Trois approches caractéristiques (2/3)
• Levinas : une éthique de la rencontre
 L’éthique de Levinas : une éthique de la rencontre où
autrui se révèle comme visage
 La rencontre avec le visage d’autrui est rencontre
avec une parole, un commandement qui m’assigne à
être là et répondre…
 La leçon de Levinas : énoncer la primauté de
l’éthique
4.Trois approches caractéristiques (3/3)
• Jonas et le souci des conséquences
 Un souci de fonder une éthique pour les temps
modernes, la civilisation technologique
 Le Principe responsabilité
 Une nouvelle donne
 La proposition d’une heuristique de la peur
 Une difficulté à fonder le principe responsabilité
• Ce que l’on retrouve chez Jonas et Levinas
5. Les éthiques de la responsabilité en
discussion
• Si l’on suit Ricœur :
 Un déplacement de l’objet de la responsabilité : on
devient responsable du dommage parce que d’abord
on est responsable d’autrui (responsable mais pas
coupable)
 Une extension illimitée de la portée de la
responsabilité
• Avec Jean-Louis Chrétien : Jusqu’où assumer
ses responsabilités ?
Quelle place pour la
responsabilité en théologie
morale
2ème apport de Christian Pian,
Journée de formation Chrétiens &
sida, 21 avril 2007
Plan de l’exposé
1.
2.
3.
4.
5.
6.
La responsabilité dans l’enseignement de l’Église
La responsabilité comme thème dans l’éthique
théologique contemporaine
Trois types de rapport entre responsabilité et théologie
morale
Les thèmes des contributions théologiques à l’éthique
de la responsabilité
Une reprise théologique intéressante : les figure
bibliques du prophète et du témoin
Le moral et le théologal dans la réflexion sur la
dimensions collective de la responsabilité : du péché
aux structures de péché
1. La responsabilité dans l’enseignement de
l’Église
• Compendium de la DSE (article n°16) :
 « La frontière et la relation entre la nature, la technique et la
morale sont des questions qui interpellent à coup sûr la
responsabilité personnelle et collective à l’égard des
comportements à assumer par rapport à ce que l’homme est, à
ce qu’il peut faire et à ce qu’il doit être. »
• Importance de la notion de responsabilité en lien
 Avec la vérité (cf. Veritatis Splendor)
 Avec la liberté (cf. Compendium, article n° 135)
• Significatif : près de 2 pages dans l’index du
Compendium sur « Responsabilité – Coresponsabilité »
2. La responsabilité comme thème dans
l’éthique théologique contemporaine
• Les éthiques chrétiennes de la responsabilité sont
essentiellement un phénomène du XXe s.




Karl Barth (1886-1968)
H. Richard Niebuhr (1894-1962) : cf. The Responsible Self
B. Häring (1912-1998) : cf. La Loi du Christ
D. Bonhoeffer (1906-1945) : l’ Éthique
• Non seulement la responsabilité devient un thème général sous
lequel la vie morale chrétienne est pensée, mais elle y constitue la
pierre angulaire de la méthodologie de l’éthique théologique
 Dans le rapport aux ressources (fidélité et interprétation)
 Dans le souci de répondre aux défis d’aujourd’hui (liberté, créativité)
3. Trois types de rapport entre responsabilité
et théologie morale (1/4)
• Un rapport de subordination dans un cadre
légaliste étroit
 Conception quasi juridique de la responsabilité
 Théologie morale de type légaliste
 La responsabilité y est invoquée comme condition de
l’imputabilité de l’agent moral
 Sont alors examinées les conditions dirimantes de la
responsabilité lorsqu’un acte est posé ou omis
 Une approche largement préconciliaire…
3. Trois types de rapport entre responsabilité
et théologie morale (2/4)
• Une intégration de la responsabilité parmi
d’autres catégories de la théologie morale
 L’étroit cadre légaliste d’interprétation de la responsabilité éclate,
sans toutefois faire de celle-ci une clé de voûte
 Chez B. Häring
• La responsabilité devient le lien indispensable entre la téléologie
comme perfectionnement de soi-même et la déontologie, d’une
part, et l’imitation du Christ, de l’autre
• Il met en avant une notion de responsabilité comme fonctionnant en
dialogue
• L’idée de responsabilité demeure liée à la notion de
commandement (responsabilité devant Dieu)
3. Trois types de rapport entre responsabilité
et théologie morale (3/4)
• La responsabilité comme fondement d’un
paradigme original en théologie morale
 Approche liée l’insatisfaction ressentie face aux modèles
déontologique et téléologique qui structurent alors le champ de
la théologie morale : cf. l’extension du champ de liberté et
responsabilité laissé à la conscience personnelle
 H. Richard Niebuhr et sont « Responsible Self » inverse les
rapports :
• Ce ne sont plus la bonté (goodness) et la droiture (righteousness)
qui sont les catégories centrales pour évaluer l’action morale
• Mais ce qui est de l’ordre de la justesse, de l’ajustement
(fittingness) : une éthique de la pertinence de l’action (justesse de
l’action dans un contexte précis, qui tombe juste et à point)
3. Trois types de rapport entre responsabilité
et théologie morale (4/4)
• La responsabilité comme fondement d’un
paradigme original en théologie morale (suite)
 René Simon : Ethique de la responsabilité
 William Schweiker : Responsability and Christian Ethics
 Denis Müller : L’éthique protestante dans la crise de la modernité
 L’exemple de René Simon :
 Met en œuvre une méthode de double ancrage
• dans un dialogue avec les philosophes (Ricœur, Levinas, Jonas)
• « dans la mouvance de la foi » : L’éthique de la responsabilité,
jusque-là pensée sans référence confessionnelle, reçoit une
détermination de foi. Simon la replace dans un cadre théologique se
situant à la croisée des notions d’« Alliance-création » et de
christologie.
4. Les thèmes des contributions théologiques à
l’éthique de la responsabilité (1/3)
• La responsabilité comme « dialogisme » ancré dans les
Écritures
 Importance du recours au texte biblique ou à des théologies
d’inspiration biblique (cf. ex. chez René Simon)
 L’enjeu : montrer en quoi la notion de responsabilité peut
recevoir à la fois une confirmation dans sa prétention à structurer
l’éthique théologique et une teinte spécifique par rapport aux
autres disciplines qui pensent l’éthique de la responsabilité
 Deux points de convergences :
• un approfondissement de la signification de la disposition à
répondre, une disposition qui se construit et s’exerce dans la
rencontre des différentes instances de l’altérité…
• une affirmation de la passivité originaire constituant la
responsabilité individuelle (une initiative qui vient d’un autre…)
4. Les thèmes des contributions théologiques à
l’éthique de la responsabilité (2/3)
• Du dialogisme à l’altérité
 Développer la dimension dialogique de la responsabilité fut en
fait un premier pas vers une conception de la responsabilité
comme ouverture à l’altérité
 Si les premiers temps du dialogisme ont surtout fait la part belle
à la disposition de répondre hic et nunc aux contemporains et à
Dieu, le dernier quart du vingtième siècle a vu s’élargir la notion
d’altérité à la nature
 Dès lors que Dieu, l’altérité par excellence pour les croyants, est
considéré comme partenaire dialogique de l’agent moral, la
perspective d’un élargissement à d’autres instances d’altérité
devient une possibilité inscrite dans le dialogisme même.
4. Les thèmes des contributions théologiques à
l’éthique de la responsabilité (3/3)
• Du rapport à l’autre au rapport de pouvoir sur l’autre
 Ex. de W. Schweiker : prenant la réalité de l’exercice du pouvoir
comme objet de la responsabilité en éthique théologique, il
entend bien relativiser l’importance du dialogisme.
 Schweiker oriente résolument sa réflexion sur le pouvoir et sur
son utilisation pour promouvoir « le respect et la mise en valeur
de l’intégrité de la vie devant Dieu »
 L’impératif de responsabilité qu’il propose a pour but justement
de limiter le pouvoir humain négatif de manipulation ou de
destruction et de libérer le pouvoir positif de construction
 Il demeure que la limite et le frein du pouvoir sont à trouver dans
l’altérité, dans la différence de l’autre qui me fait face…
5. Une reprise théologique intéressante : les
figure bibliques du prophète et du témoin
• André-Pierre GAUTHIER, Paul Ricoeur et l’agir
responsable. Les figures bibliques du prophète et du
témoin (2001)
 le prophète incarne une figure de la responsabilité humaine :
Pensée résolument sous l’égide de l’ouverture à l’altérité, la
responsabilité est alors « comprise comme réponse confiante à
un appel »
 « si le prophète vétéro-testamentaire parle encore au nom d’un
Autre, le témoin néo-testamentaire, lui, parle certes d’un Autre,
mais en son nom propre »
 « [L]e témoin promet, tacitement, de ne pas trahir la confiance,
ce qui confère au témoignage et au témoin leur fragilité mais
aussi leur grandeur »
6. Le moral et le théologal dans la réflexion sur la
dimensions collective de la responsabilité :
du péché aux structures de péché
• Le moral et le théologal dans la réflexion sur la
responsabilité : de la faute moral au péché
• Des péchés qui sont des péchés sociaux…
• La notion de « structures de péché » (Sollicitudo Rei
Socialis, n° 36)
• Nous mettre face à nos responsabilités sociales devant
Dieu pour comprendre :
 qu’elles sont une dimension essentielle de la foi chrétienne
 qu’elles impliquent, dans bien des cas une démarche de conversion
 et donc qu’elles supposent un effort loyal et persévérant pour faire disparaître ou
transformer en bien ces structures de péché dont nous sommes complices.
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