l`expertise psychiatrique medicolegale du traumatise cranien

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L’EXPERTISE PSYCHIATRIQUE
MEDICO-LEGALE DU
TRAUMATISE CRANIEN
Dr Christophe LERMUZEAUX
Médecin Chef – Institut Marcel Rivière – MGEN - (78)
Responsable Pôle Formation-Enseignement-Recherche
VIERZON 03 FEVRIER 2012
INTRODUCTION
 Le programme de cette journée le démontre :

De même que la démarche diagnostique,
thérapeutique, rééducative auprès du
traumatisé crânien,

La démarche expertale visant à l’évaluation
précise des préjudices et leurs réparations, dans
une perspective de réhabilitation psycho-sociale
se doit d’être pluridisciplinaire.
INTRODUCTION
 Compte tenu de sa complexité elle doit être
confiée à des experts spécialisés et ayant
l’expérience de ce type de trouble, de même
que l’approche juridique justifie l’intervention
d’avocats spécialisés dans la réparation du
traumatisme crânien.
 Décision prise par la Chancellerie de faire
élaborer en 2002 une mission d’expertise
spécifique pour les TC.
QUELQUES SPECIFICITES SUR LA PLACE DE
L’EXPERTISE PSYCHIATRIQUE DANS LA PROCEDURE
 Fréquence des troubles psychiatriques post-traumatiques,
fréquence et gravité dans les suites des TCS.
 Complexité de leur évaluation : en psychiatrie, plus
qu’ailleurs dans d’autres branches de la médecine, une
part de subjectivité vient infiltrer l’objectivité de
l’évaluation : « pathologie des liens sociaux, souvent
handicap invisible ».
 Complexité de leur évaluation : les troubles psychiatriques
sont en intrication étroite avec, bien sûr le type de
traumatisme crânien, mais aussi :
 les troubles neuropsychologiques,
 les troubles somatiques non cérébraux,
 l’environnement,
 la personnalité de base.
QUELQUES SPECIFICITES SUR LA PLACE DE
L’EXPERTISE PSYCHIATRIQUE DANS LA PROCEDURE
 L’expertise psychiatrique médicolégale du
traumatisé crânien, même si demandée par
l’expert « au principal », au même titre que
dans d’autres domaines pathologiques est
un temps souvent central dans la procédure.
QUELQUES SPECIFICITES SUR LA PLACE DE
L’EXPERTISE PSYCHIATRIQUE DANS LA PROCEDURE
 « central » est peut être excessif :
J’ai rappelé la nécessaire articulation des
différentes approches expertales en évoquant
le programme de cette journée.
 Cependant, depuis « le rapport Vieux » (avril
2002), on ne peut que se réjouir de voir
introduites comme indispensables l’expertise
neuro-psychologique et neuro-radiologique
(une IRM au minimum) dans le cadre de la
mission.
QUELQUES SPECIFICITES SUR LA PLACE DE
L’EXPERTISE PSYCHIATRIQUE DANS LA PROCEDURE
 « central » cependant :
La spécificité de la psychiatrie est d’aborder la
personne souffrante et les causes de sa
souffrance en articulant étroitement :
 Le biologique
 Le psychologique
 Le socio-environnemental
QUELQUES SPECIFICITES SUR LA PLACE DE
L’EXPERTISE PSYCHIATRIQUE DANS LA PROCEDURE
 Le biologique :
le lésionnel, l’atteinte de l’encéphale, les
déséquilibres neuro-hormonaux au niveau cérébral.
 Le psychologique :
la personnalité, la psycho-dynamique, le
fonctionnement psychique de cet individu dans son
unicité et sa singularité.
 Le socio-environnemental :
la famille, les soutiens, les épreuves tout au long du
parcours, dès avant le traumatisme, pendant celui-ci
et sa prise en charge puis en aval jusqu’à la
consolidation au terme de la procédure expertale.
QUELQUES SPECIFICITES SUR LA PLACE DE
L’EXPERTISE PSYCHIATRIQUE DANS LA PROCEDURE
 Pour ces raisons, l’évaluation de l’intrication de
ces trois domaines joue un rôle central dans
l’expertise et ce d’autant que :
 Le traumatisme lésionnel n’exclut pas le
traumatisme psychique,
 Tout au long de l’expérience traumatique et
post-traumatique,
 Pour le patient comme pour sa famille et ses
proches.

Une illustration (Pr Y.PELICIER)
ANNEXE 1 – Pr Yves PELICIER






Ici tout particulièrement, l’évènement, en l’occurrence le Traumatisme,
physique et psychologique appartient obligatoirement à une séquence
phénoménale complexe, somato-biologique, psychologique, sociologique,
traumatologique…
Nous dirons qu’il importe peu, pour prendre un exemple qui, en nous
éloignant de l’accidentologie des traumatisés de la route, mais pour
l’éclairer de manière indirecte, qu’il importe certes que la pierre qui se
détache de la montagne et atteint Paul à la tête ait été projetée par le sabot
d’un chamois, la chaussure d’un alpiniste ou l’effet du gel.
Le résultat sera de toute façon une lésion précise, des conséquences,
osseuses, neurologiques, psychologiques.
On pourra ou devra, incriminer la force du projectile et son poids
(Conditions balistiques), le siège du traumatisme, la résistance de la boite
crânienne de Paul et aussi l’état de son système vasculaire, la qualité et la
rapidité des soins dispensés, les rapports de Paul avec la montagne
(Alpiniste, chasseur, berger, soldat en manœuvre, promeneur ?).
Il faut également envisager les relations de Paul avec le milieu humain
(familial, professionnel, hospitalier), ses antécédents héréditaires, les
expériences subies, les attitudes à l’égard de la souffrance, de l’invalidité,
du malheur.
Cela n’enlève rien à l’importance de la pierre mais ajoute beaucoup
également à l’interprétation des faits.
UN ETAT DES LIEUX : TCS et PSYCHIATRIE
 Un problème de Santé Publique enfin reconnu.




Avec le développement de l’accidentologie de la route, la
prise en charge des T.C. devient un problème structurel de
Santé Publique.
160 000 T.C./an en France. 1 800 avec handicap sévère (> à
66 %) lors de la consolidation (Pr J.L TRUELLE).
Rapport LEBEAU : incidence annuelle des T.C. ne pouvant
retrouver une vie normale (GOS 2, 3 et 4) : entre 3 et 5000.
Certaines études ont montré que jusqu’à 50 % des T.C.
graves souffraient d’au moins 1 syndrome psychiatrique à
1 an (Prévalence des troubles psychiatriques 1 an après un
T.C.sévère : Deb.S, Lyons.J, Koutzoukis.C et al. American
Journal of Psychiatry).
UN ETAT DES LIEUX : TCS et PSYCHIATRIE
 Un constat :
Les troubles psychiques (troubles affectifs,
troubles comportementaux, troubles de la
personnalité) représentent le principal facteur
d’exclusion sociale et professionnelle.
Ils conditionnent le handicap du TC sévère.
(Pr J.L.Truelle 2000 Société Française de Psychiatrie)
UN ETAT DES LIEUX : TCS et PSYCHIATRIE
 Des constats encore négatifs.

Du côté des médecins et experts :



Un intérêt tardif et encore faible chez les psychiatres
hors quelques équipes spécialisées et donc une
méconnaissance des intrications médico-légales.
Réticence persistante à recourir au psychiatre dans les
situations d’expertise du dommage corporel, de la part
de certains experts d’autres disciplines médicales et de
certains magistrats.
Conséquences : retard à la reconnaissance de
l’intrication psycho-organique et donc au diagnostic, à la
qualité de l’évaluation et des soins et retard dans la
procédure de réparation/indemnisation.
UN ETAT DES LIEUX : TCS et PSYCHIATRIE
 Des constats encore négatifs.

Du côté des médecins et experts :
 Les imperfections des nomenclatures psychiatriques et le statut
controversé du Traumatique versus Post-Traumatique dans ces

nomenclatures (D.S.M. IV, C.I.M.10)
 Pathologies psychiatriques Traumatiques : réactionnelles à un
traumatisme psychique sans lien avec une lésion somatique.
 Pathologies psychiatriques Post-Traumatiques : lorsque le trouble
psychique a un lien avec une atteinte physique.
 Mais des ambigüités : le Syndrome de Stress Post-Traumatique
(Réaction à un facteur de stress important éventuellement sans
lésion) et troubles de l’adaptation (modifications durables de la
personnalité après une expérience de catastrophe,
éventuellement sans lésion (C.I.M.10)).
L’hétérogénéité des barèmes : avec la mission Dintilhac on ne peut que
se réjouir de bénéficier aujourd’hui d’une nomenclature unifiée des
postes de préjudices mais la question de l’hétérogénéité des barèmes
se pose toujours selon les types de procédures.
UN ETAT DES LIEUX : TCS et PSYCHIATRIE
 Des constats encore négatifs.

Facteurs explicatifs du côté des victimes :



L’anosognosie du traumatisé crânien dans le
domaine psychiatrique,
Le déclenchement souvent retardé des troubles
psychiatriques (victime et proches),
La crainte de la double stigmatisation : victime et
« fou », parents de victime / parents rejetants ?
Parents fusionnels ? Parents défaillants ?
UN ETAT DES LIEUX : TCS et PSYCHIATRIE
 Des constats positifs :
Les évolutions récentes depuis « le rapport
Vieux » ont permis d’atténuer certains de ces
constats négatifs liés à la spécificité de la
psychiatrie et des troubles post-traumatiques
dans le champ psychiatrique, je veux parler
de la difficile question :
 De l’imputabilité et donc de la notion
« d’état antérieur »,
 De la difficile question de la consolidation.
UN ETAT DES LIEUX : TCS et PSYCHIATRIE
 Assouplissement de la notion d’imputabilité et nuanciation
du concept d’état antérieur.



Antérieurement le lien de causalité devait être certain direct et exclusif.
Il imposait la concordance de temps, la concordance de siège et une
explication pathogénique précise.  Deux écueils, entre la recherche ou
l’exclusion d’une lésion causale d’une part, l’inclusion des symptômes dans
la notion vague d’une personnalité fragile d’autre part.
Aujourd’hui le consensus pour une genèse multifactorielle des troubles
mentaux à favorisé cet assouplissement :
désormais la relation doit être directe et certaine entre les séquelles et
les lésions causées par l’accident mai non plus exclusive avec nécessité
de préciser la relation en la forme :
 Si l’éventuel état antérieur aurait évolué de façon identique en
l’absence d’accident.
 Si l’accident a eu UN EFFET DECLENCHANT D’UNE DECOMPENSATION
 S’il a entraîné une aggravation dans l’ évolution, imprévisible en
l’absence de ce traumatisme.

UN ETAT DES LIEUX : TCS et PSYCHIATRIE
 Consolidation


En psychiatrie la notion de consolidation est particulièrement
complexe : ni trop tôt, (entrave au projet thérapeutique), ni
trop tard (retard dans le processus de réparation, levier du
projet thérapeutique et du projet de vie).
Là encore un consensus se précise :






Déficits neurologiques généralement fixés au cours de la 2ème
année.
Déficits neuropsychologiques pas fixés avant la 3ème année.
Plus difficile de fixer un terme aux modifications du comportement
et aux troubles affectifs (Notion de séquelles difficile à
appréhender en psychiatrie).
Peut-on consolider si les troubles psychiatriques non pas été traités
ou ont reçu un traitement inadapté ?
Il faut cependant fixer une date de consolidation : pas avant la
3ème année après le traumatisme crânien.
Cas particulier de l’enfant ou de l’adolescent
UN ETAT DES LIEUX : TCS et PSYCHIATRIE
 Là encore la Mission Dintilhac,
tout en respectant les deux adages fondamentaux de la
médecine légale et de l’expertise médico-légale :
 « toute la mission, rien que la mission »
 « tout le préjudice, rien que le préjudice »
permet dans ce champ complexe du TCS et de ses
complications psychiatriques, de préciser et d’adapter
au plus près des besoins de la victime et de ses proches
la mission confiée aux experts.
 Rappelons ici la formule de K.Jaspers :
 « Toute particularité est fausse si la totalité dont il
fait partie est négligée »
METHODOLOGIE DE L’EXPERTISE
PSYCHIATRIQUE DU TCS
 Après avoir précisé, avec les interventions précédentes
et certains aspects de mon intervention, les acquis
récents en matière d’expertise du TC, je reviendrai
rapidement sur l’expertise psychiatrique souvent au
carrefour des expertises dans les autres domaines
spécialisés.
 L’examen du patient devra comporter :
Une psychobiographie complète et soigneuse,
 Préciser les circonstances de l’accident,
 Décrire les conséquences de celui-ci.

METHODOLOGIE DE L’EXPERTISE
PSYCHIATRIQUE DU TCS
 Ceci permet d’apprécier grâce à la participation
active de la victime ses capacités de mémoire,
d’orientation temporo-spatiale, de jugement,
d’approfondir l’analyse de sa personnalité de
base, de préciser les caractéristiques évolutives
du trouble psychiatrique, en fonction ou non
des PEC psychiatriques médicamenteuses et/ou
psychologiques reçues.
METHODOLOGIE DE L’EXPERTISE
PSYCHIATRIQUE DU TCS
 L’entourage de la victime doit aussi être reçu et
entendu, soit avant soit après, ce qui est
souvent mieux, pour compléter ou préciser
certains symptômes ou comportements décrits
par la victime ou parfois laissés de côté par
celui-ci (anosognosie partielle…).
 Ceci est d’autant plus valable que la victime est
jeune ou lorsque les séquelles
neuropsychologiques sont très importantes.
Ceci permet d’apprécier aussi les souffrances
endurées par les familles et de les analyser aux
fins de les évaluer.
CONCLUSION
 Pour la victime comme pour ses proches, tout
au long de l’expérience traumatique, dans la
dimension d’évaluation expertale comme dans
la dimension thérapeutique, et au sein d’une
pluridisciplinarité assumée, l’expert psychiatre,
en articulation avec les experts d’autres
disciplines, peut être le garant de la
reconnaissance et de la prise en compte de
l’organo-psychique, c’est-à-dire de l’intrication
des répercussions relationnelles,
comportementales, affectives et intellectuelles
dans les suites du traumatisme.
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