la réponse dans les gènes

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Le pronostic des méningites bactériennes est déterminé par les
délais de prise en charge diagnostique et thérapeutique.
Malgré des recommandations récentes, qui ont certainement
permis une optimisation de la prise en charge, certains décès ne
peuvent toujours pas être évités. La mortalité attribuable aux
infections invasives à méningocoque en France est de 10 % [1].
Nous publions ici le cas d’un patient de 23 ans décédé d’une
méningite aiguë foudroyante à méningocoque pour laquelle
des facteurs de risque génétiques liés à la bactérie et à l’hôte
ont été cherchés.
Observation
Un homme de 23 ans a consulté au service des urgences pour
un syndrome méningé fébrile associé à des pétéchies inframillimétriques non extensives et non nécrotiques des membres
inférieurs. Il n’y avait pas d’instabilité hémodynamique. Rapidement, le patient a été atteint d’une confusion et d’une
hémiparésie gauche. Une antibiothérapie intraveineuse par
4 g de ceftriaxone a immédiatement été débutée, avant la
réalisation d’une tomodensitométrie (TDM) cérébrale non injectée. Cette TDM était normale (figure 1). La réalisation
secondaire de la ponction lombaire a mis en évidence un
liquide céphalorachidien (LCR) purulent et des diplocoques
Gram négatif à l’examen direct. Du fait d’une dégradation
rapide de la vigilance, le patient a été transféré en réanimation.
La prise en charge a consisté en une protection des voies
aériennes par intubation orotrachéale, une poursuite de l’antibiothérapie intraveineuse ciblée sur le méningocoque par
Figure 1
Coupes tomodensitométriques passant par les ventricules
latéraux à H + 5 et H + 7 montrant l’apparition d’un oedème
cérébral avec une hypertension intracrânienne
tome 42 > n83 > mars 2013
Lettres à la rédaction
Why meningococcal meningitis is still lethal:
Response in genes?
ceftriaxone à 100 mg/kg/j en deux injections et l’injection
de 10 mg de dexaméthasone toutes les six heures. Une heure
plus tard, le patient avait une mydriase bilatérale aréactive
ainsi qu’une hypertension artérielle à 180/100 mmHg et une
tachycardie sinusale à 180/min. Une TDM cérébrale a montré
une hypertension intracrânienne (HTIC) par oedème cérébral,
avec un engagement sous-falcoriel, sous-tentoriel et foraminal
(figure 1). Après un avis neurochirurgical, l’indication de craniectomie de décompression n’a pas été retenue. Malgré un
traitement médical de l’HTIC par osmothérapie, pentothal
intraveineux et une prévention des agressions cérébrales secondaires d’origine systémique, le patient a eu, moins de
12 heures après son admission aux urgences, des signes
cliniques de mort encéphalique. Le diagnostic a été confirmé
par deux électro-encéphalogrammes successifs, à distance de
l’arrêt des hypnotiques, en normothermie et après négativation
de la barbitémie. L’analyse du LCR a permis d’identifier a
posteriori un méningocoque B ST-32. La recherche de polymorphismes génétiques chez le patient a révélé un variant
homozygote rare du facteur tissulaire.
Discussion
Chez l’adulte jeune, 95 % des décès par méningite aiguë
bactérienne sont attribués aux pneumocoques et aux infections
invasives à méningocoque (IIM) [1]. Le pronostic est lié au délai
d’introduction de l’antibiothérapie probabiliste et de la corticothérapie. Son instauration doit être stéréotypée, rapide et
conforme aux recommandations éditées par la Société de
pathologie infectieuse de langue française (SPILF) [2]. Malgré
une prise en charge optimisée, la mortalité des IIM reste à 10 %
depuis 2003, témoignant de la virulence redoutable de la
bactérie. Dans le cas des méningites à méningocoques associées à un Purpura fulminans, la mortalité est de 30 %.
Cependant, 2,8 % des décès surviennent chez des patients
n’ayant ni instabilité hémodynamique, ni purpura extensif [3]
et sont attribuables à une mort encéphalique, parfois sans que
l’on n’ait d’élément explicatif. Ces décès pourraient être liés à
une virulence encore plus importante de la bactérie et/ou à la
présence d’un polymorphisme génétique chez le patient.
Le méningocoque est un diplocoque à coloration Gram négatif.
Il s’agit d’une bactérie potentiellement mortelle du fait de son
tropisme méningoencéphalitique et de la gravité du sepsis
qu’elle peut entraîner. Cependant, il existe une multitude de
méningocoques dont le degré de pathogénie diffère. L’identification du méningocoque peut se fait par l’examen direct du
LCR et par des techniques de biologie moléculaire telles que la
Polymerase Chain Reaction (PCR), qui a une sensibilité de 90 %
dans l’identification bactérienne [4]. Le sérogroupe B est
majoritaire puisqu’il représente 72 % des souches en France
et 56 % en Europe [1]. Par ailleurs, la carte d’identité génétique
de chaque méningocoque isolé peut actuellement être identifiée par la méthode de Multi Locus Sequence Typing (MLST), qui
363
Pourquoi meurt-on encore d’une
méningite à méningocoque : la
réponse dans les gènes ?
Lettres à la rédaction
Tableau I
Cibles et conséquences du polymorphisme génétique associé au risque infectieux [11–13]
Cible des polymorphismes
Système ABO
Immunité innée :
TLRs
MBL
Properdin (Facteur P)
Immunité acquise :
Récepteurs FCgIIa des
polynucléaires neutrophiles
Inflammation :
TNF-alpha
Interleukine-1
Interleukine-6
Coagulation :
Facteur V
Facteur tissulaire
t-PA et PAI
Implications immunologiques
Implication clinique
Favorise le portage pharyngé du méningocoque
Susceptibilité accrue aux méningites
Défaut de reconnaissance de l’antigène
Défaut d’activation du complément
Susceptibilité accrue aux chocs septiques
Défaut d’activation de l’immunité acquise
Défaut de reconnaissance des bactéries
encapsulées (Neisseria meningitidis)
Hyperproduction de cytokines pro-inflammatoires
Défaillances d’organes
Activation de la fibrinoformation
et inhibition de la fibrinolyse
Hypercoagulabilité, CIVD, Purpura fulminans
TLRs : Toll-like Receptors ; MBL : Mannose Binding Lectin ; t-PA : Tissue-type Plasminogen Activator ; PAI : Plasminogen Activator Inhibitor ; CIVD : coagulation intravasculaire
disséminée ; TNF-a : Tumor Necrosis Factor alpha.
364
permet la reconnaissance du séquence-type (ST) grâce à la
caractérisation de sept gènes constants dits « de ménage » [5].
Un réseau européen de laboratoires s’est alors organisé dans
les buts de cartographier la distribution des souches et de
déterminer le pronostic par l’attribution d’un degré de virulence
à chaque souche [6]. La pathogénie d’une souche peut se
déterminer par son caractère hyperendémique telles que les
souches ST-32 et ST 41/44, qui sont majoritaires en France. De
plus, certaines souches hypervirulentes telles que la ST-269 sont
responsables d’un tableau clinique plus grave [7]. La souche ST32, telle que celle trouvée chez notre patient, est prédominante
en France (20 %), mais n’est pas responsable d’une surmortalité [1].
Les polymorphismes génétiques sont définis par la présence de
variants géniques rendant certains individus plus sensibles face
au risque infectieux. Ils entraînent soit une susceptibilité accrue
aux infections, soit une surmortalité en cas de sepsis [8]. On
estime que 1 % de la population est porteuse de tels variants
géniques associés au risque infectieux [9]. Ils peuvent toucher
cinq grandes fonctions : le système ABO, l’immunité innée,
l’immunité acquise, la cascade inflammatoire et la coagulation (tableau I). Dans notre observation, une recherche exhaustive des variants géniques susceptibles d’entraîner un
sepsis plus grave a été réalisée. Un variant homozygote rare
du facteur tissulaire, responsable d’un état d’hypercoagulabilité en cas de sepsis, a été trouvé chez notre patient [10].
Ceci évoque l’hypothèse d’une artérite cérébrale thrombosante suraiguë, responsable d’un oedème vasogénique et
cytotoxique lui-même ayant pu entraîné l’arrêt circulatoire
cérébral.
Le pronostic d’une méningite bactérienne est surtout conditionné par la qualité de la prise en charge, mais l’observation
que nous rapportons illustre l’influence incontestable de la
génétique bactérienne et humaine sur la gravité de l’infection.
Le génotypage bactérien et la recherche de polymorphismes
génétiques chez les patients pourraient à l’avenir être intégrés
dans notre démarche diagnostique face à une IIM dont la
gravité est inhabituelle. En effet, la connaissance de la carte
génétique du patient et du méningocoque est une voie
de recherche prometteuse. Elle pourrait intervenir dans la
réflexion diagnostique et pronostique et permettre de fournir
des éléments de réponse aux praticiens et aux familles en cas
de décès. Dans un avenir plus lointain, on peut espérer le
développement de vaccins ciblés sur les souches de méningocoques les plus virulentes, ainsi que d’armes thérapeutiques
novatrices telles que les thérapies géniques ou l’immunothérapie chez les patients porteurs de polymorphisme génétique.
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits
d’intérêts en relation avec cet article.
Références
[1]
[2]
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France, en 2009. BEH 31-32/27 juillet 2010.
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Maximilien Cruc, Nicolas François, Ariane Gentile,
Jean-Louis Koeck, David Tran-Van, Philippe Labadie
Fédération d’anesthésie-réanimation, d’urgence et de chirurgie
ambulatoire, HIA Robert-Picque, 33882 Villenave D’Ornon,
France
Correspondance : Maximilien Cruc,
Hôpital d’instructions des armées Robert-Picqué, 351, route de
Toulouse, CS 80002, 33882 Villenave d’Ornon cedex, France.
[email protected]
Reçu le 16 octobre 2011
Accepté le 15 mars 2012
Disponible sur internet le 13 mai 2012
ß 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés
http://dx.doi.org/10.1016/j.lpm.2012.03.011
Hépatite E aiguë révélée par des
polyarthralgies inflammatoires
Inflammatory polyarthralgia reveling acute
hepatitis E
La révélation de l’hépatite virale E par une polyarthrite aiguë ou
des polyarthralgies inflammatoires a rarement été publiée,
mais elle mérite d’être connue. L’hépatite virale E peut en
tome 42 > n83 > mars 2013
effet évoluer vers la chronicité chez les patients immunodéprimés et l’efficacité du traitement antiviral a été récemment
rapportée. Il est donc important d’évoquer le diagnostic d’hépatite virale E devant un tableau articulaire inflammatoire
associé à une cytolyse hépatique aiguë de cause incertaine
et, en cas de confirmation du diagnostic, de surveiller l’évolution des patients immunodéprimés.
Observation
Une patiente de 40 ans consultait à la fin de l’été pour des
polyarthralgies inflammatoires acrales symétriques apparues
10 jours plus tôt. Elle n’avait aucun antécédent personnel
notable, ne possédait pas d’animal de compagnie, n’avait
pas ingéré de viande de porc ou de sanglier mal cuite, ni fait
de séjour en pays tropical. Dix jours plus tôt, elle avait eu un
syndrome pseudo-grippal transitoire. Les arthralgies avaient
atteint les articulations interphalangiennes proximales, les
poignets et les avant-pieds. Elles suivaient un rythme inflammatoire avec un dérouillage matinal de 30 minutes. À l’examen, la patiente était apyrétique et non ictérique. L’examen
trouvait une limitation douloureuse de ces articulations sans
épanchement articulaire, sans synovite ni ténosynovite. Il
n’existait pas d’exanthème ou de lésion des muqueuses, pas
d’adénopathies superficielles ni d’hépatosplénomégalie.
Sur le plan biologique, l’hémogramme était normal sans syndrome inflammatoire (C-reactive protein [CRP] = 4,2 mg/L). Il
existait en revanche une cytolyse hépatique (aspartate aminotransférase [ASAT] = 8 N ; alanine aminotransférase [ALAT] =
12 N), sans cholestase associée (phosphatases alcalines 60 UI/
L ; bilirubine = 15 mmol/L). Le TP était à 100 %. On notait
l’absence d’IgM anti-VHA, d’IgM anti-HBc, d’Ac anti-VHC,
d’IgM anti-CMV, HSV 1 et 2 et parvovirus B19. La sérologie
pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) 1 et 2 et la
polymerase chain reaction (PCR) pour le virus de l’hépatite C
(VHC) étaient négatives. Il existait en revanche des IgM antiVHE et la PCR du virus de l’hépatite E dans le sérum était
positive ; la PCR du VHE dans les selles n’a pas été réalisée. Le
bilan auto-immun était par ailleurs négatif (facteur rhumatoïde,
anticorps anti-CCP, anticorps anti-nucléaires).
Le diagnostic retenu était une hépatite virale E aiguë autochtone avec polyarthralgies inflammatoires révélatrices. L’évolution était favorable sous traitement symptomatique et la
patiente est resté totalement asymptomatique sur le plan
articulaire avec un recul de 2 ans. La biologie hépatique s’est
normalisé après 6 semaines d’évolution.
Lettres à la rédaction
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Discussion
Le virus de l’hépatite E (VHE) est un virus à ARN dont les sources
de contamination et les modes de transmission sont actuellement connus [1,2]. Dans les régions tropicales et sub-tropicales,
la maladie évolue sur un mode endémo-épidémique : de
transmission féco-orale, elle se transmet par la consommation
d’eau contaminée ou d’aliments souillés. Dans les pays
365
[3]
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