LEVÉE DE DOUTE BIOLOGIQUE SUR POUDRES SUSPECTES LES LIMITES DE LA SPECTROMÉTRIE INFRAROUGE À TRANSFORMÉE DE FOURIER (IRTF) Martine BARBE-LE BORGNE, Fanny RIEUNIER, Angélique BOUCLY Laboratoire Central de la Préfecture de Police, 39bis rue de Dantzig 75015 PARIS - www.lcpp.fr IDENTIFICATION DE PROTÉINES ÉTAT DE L’ART La détection de protéines est basée sur la reconnaissance de la fonction amide La spectrométrie infrarouge est une méthode donnant l’accès à la reconnaissance des fonctions chimiques présentes dans une molécule. Plus finement, les informations fournies peuvent aboutir à l’identification de cette molécule. O 3 bandes caractéristiques : • bande amide A , vers 3300 cm-1 : vibration d’élongation N-H ( ou O-H) Son principe repose sur l’interaction entre les radiations émises par un rayonnement issu du domaine de l’infrarouge moyen et les molécules constituant la matière. R • bande amide I , 1700-1600 cm-1, vibration d’élongation C=O et C-N C • bande amide II, 1580-1510 cm-1, vibration de déformation N-H et vibration d’élongation C-N N R’’ R’ L’alerte biologique se déclenche lorsque la fonction amide est détectée si des bandes d’absorption sont présentes simultanément dans les trois régions. Warning : The sample spectrum appears to have features consistent with a protein and therefore may contain biological material. (Protein check) QUELQUES EXEMPLES RÉELS 1 - Analyse d’un échantillon de poudre noire de nature inconnue. 2 - La levure est une substance biologique mais n’est pas pathogène. Le spectre de l’échantillon de poudre noire est comparé par le logiciel à ceux des spectrothèques. Le nom du composé de référence présentant le plus de similitudes avec l’échantillon inconnu est proposé sur la première ligne (1 - Aniline blue black). Les spectromètres infrarouges à transformée de Fourier (IRTF) de terrain mettent en oeuvre le plus souvent la réflexion totale atténuée au travers d’un cristal mis en contact avec l’échantillon (ATR), échantillonnage selon lequel le faisceau infrarouge traverse le cristal puis se réfléchit partiellement au travers de l’échantillon qui absorbe certaines longueurs d’onde du faisceau initial. Le tracé du spectre correspondant (en bleu) est superposé à celui de l’échantillon (en rose). L’appareil a proposé une identification. L’opérateur peut interpréter de deux façons possibles : • soit le colorant est présent en quantité notoire mais mélangé avec un ou plusieurs autres constituants (des bandes supplémentaires sont présentes), Ce mode d’échantillonnage permet une étanchéité totale du spectromètre et donc une décontamination possible. • soit le colorant possède une structure proche d’un autre composé présent en quantité notoire dans l’échantillon de poudre noire. 3 - Le paracétamol est un médicament qui contient une fonction amide mais ce n’est pas une substance biologique. Le spectre du solide ou du liquide inconnu examiné est comparé à ceux proposés par les spectrothèques de référence accessibles par le logiciel. Les spectres de référence correspondent soit à des produits purs, soit à des produits manufacturés tels que les détergents, les coupes de produits pétroliers, etc. Les limitations de la technique sont nombreuses • des substances non identifiables par infrarouge Certains produits chimiques n’ont pas de spectre infrarouge, c’est le cas du chlorure de sodium ou de certains oxydes métalliques, d’autres absorbent totalement l’énergie apportée par le faisceau infrarouge, c’est le cas du carbone. Ces substances ne sont donc pas identifiables par spectrométrie infrarouge. 4 - Présente en faible quantité, quelques pourcents, la levure mélangée à une autre matrice n’est pas détectable. • une interprétation difficile pour les mélanges Lorsqu’un produit inconnu contient plusieurs substances, le spectre obtenu est la superposition des spectres de chacune de ces substances, l’identification est difficile, voire impossible, en particulier pour des personnels non spécialistes. • un produit peut masquer l’autre Dans un mélange binaire, le constituant minoritaire, présent par exemple à quelques pourcents en concentration, peut passer totalement inaperçu. • des propriétés d’absorbance trompeuses Le constituant majoritaire en infrarouge peut être minoritaire en concentration puisque les absorbances sont différentes en fonction des molécules.; • des produits corrosifs pour le spectromètre Certains produits chimiques peuvent endommager le cristal ou la platine supportant l’échantillon (cas des acides forts). CE QU’IL FAUT RETENIR Un spectromètre infrarouge à Transformée de Fourier est un excellent outil pour identifier un grand nombre de substances chimiques. Toutefois des précautions sont indispensables pour permettre une interprétation correcte des résultats. faux négatif ! En présence de bactéries pathogènes, si le pourcentage en concentration massique par rapport à une matrice quelconque est faible, elles ne seront pas détectées. faux positifs en présence de protéines et de bactéries non pathogènes ! La méthode ne distingue pas les protéines entre elles, encore moins les bactéries pathogènes de celles qui ne le sont pas. utilisateurs non spécialisés en physico-chimie Microscope couplé à un spectromètre infrarouge à Transformée de Fourier (IRTF) Les conditions d’interventions sur site ne permettent pas de faire appel à l’ensemble des techniques disponibles en laboratoire. Elles s’effectuent en outre dans des conditions opératoires souvent difficiles. Seule l’interprétation d’un résultat par un opérateur qualifié prenant en compte le contexte de la découverte permet de réaliser une levée de doute biologique sur poudres suspectes par spectrométrie infrarouge. En cas de doute la poudre doit être dirigée vers un laboratoire habilité. Aussi est-il indispensable de confirmer par des analyses physico-chimiques en laboratoire les résultats obtenus sur site. Correspondants : [email protected] - [email protected] : attention ! Les critères d’alerte permettent d’identifier la fonction amide. Ils ne permettent pas de distinguer les protéines des molécules chimiques possédant cette même fonction : l’interprétation des résultats repose sur l’opérateur. - [email protected] 6e Séminaire du réseau national des laboratoires «Biotox-Piratox», 28 et 29 avril 2011 - EASSA, Val-de-Grâce, PARIS