Extrait du chapitre 12 "Les volcans extraterrestres" 12 pages (7.8Mo)

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négligeable de l’activité terrestre d’un point de vue thermo-
dynamique, ils n’en représentent pas moins un des phénomènes
naturels les plus fascinants, pouvant être tour à tour majestueux,
silencieux, instables, meurtriers, pourvoyeurs de terrains fertiles ou
perturbateurs du climat mondial. De tels objets naturels ne peuvent
être cernés que par une approche scientifique multidisciplinaire
qui combine physique, chimie et géologie de terrain.
Traité de volcanologie physique propose une synthèse actualisée,
recadrant l’objet géologique « volcan » dans son contexte géodynamique, mais aussi dans les problématiques contemporaines en
fournissant des éléments de quantification techniques, financiers (ou
économiques) et sociétaux. Sont tour à tour abordées des problématiques volcanologiques essentielles telles que la plomberie magmatique, l’impact du volcanisme sur le climat, l’hydrovolcanologie,
les phénomènes para-volcaniques, la notion de risque volcanique
ainsi que le volcanisme paroxysmal, responsable des extinctions de
masse à l’origine de nombreuses ères géologiques, et le volcanisme
extraterrestre.
volcanologie physique
es volcans sont terre de paradoxes. Manifestation quasiment
didats au CAPES et à l’Agrégation de SVT. Il apporte également un
éclairage scientifique et technique aux enseignants de SVT et plus
généralement à tout public intéressé par un aspect particulier du
volcanisme, ou par le sujet dans sa globalité.
Michel Detay présente la double compétence d’être à la fois un universitaire
Michel Detay
C’est un corpus de connaissances complet, richement illustré, que
propose Michel Detay aux étudiants en STU et SVT ainsi qu’aux can-
Michel Detay
Traité de
L
volcanologie
physique
Traité de
(géologue, docteur d’État) et un industriel (au sein du secteur privé - tant en France
qu’à l’international), ce qui lui permet une mise en perspective novatrice et pratique
de la volcanologie physique.
editions.lavoisier.fr
2258-Detay.indd Toutes les pages
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978-2-7430-2258-7
09/01/2017 10:18
IMAGE DE IO, MONTRANT DEUX PANACHES : 140 km de hauteur au-dessus de Prometheus (en haut) et la seconde
dans la caldeira de Pillan Patera (au centre). Image mosaïque recomposée à partir d’une image prise par Galileo
le 17 novembre 1997 et d’images mosaiques provenant de plusieurs survols. © NASA/JPL/University of Arizona.
12
LES VOLCANS
EXTRATERRESTRES
« Ce qui est admirable, ce n’est pas
que le champ des étoiles soit si vaste,
c’est que l’Homme l’ait mesuré. »
Anatole France, Le jardin d’Épicure, 1894.
TRAITÉ DE VOLCANOLOGIE PHYSIQUE
Depuis la fin du XXe siècle, l’exploration du Système solaire nous a révélé que la Terre n’était pas
la seule planète possédant une activité volcanique.
L’objet volcan est ainsi passé d’un cadre local terrestre, à un phénomène général dans le Système
solaire. La volcanologie a largement profité de ce
changement d’échelle. Ce phénomène est incomparablement plus riche qu’on ne le soupçonnait il y
a seulement quelques années. La volcanologie physique peut ainsi élargir son champ d’action.
L’activité volcanique et sa répartition témoignent
de l’évolution thermique des planètes (dynamique
interne). L’évolution thermique d’une planète, et par
conséquent le volcanisme, dépendent notamment
de sa capacité calorifique totale et est fonction de la
taille du corps. Par exemple, vers 3 Ga, les températures internes de la Lune ou de Mercure sont descendues sous une température critique ne permettant
plus la formation de liquide par fusion de l’intérieur
du corps. En revanche, les températures internes de
la Terre ou de Vénus sont encore très supérieures à
cette température critique.
Comme nous l’avons vu, la plupart des roches
volcaniques terrestres trouvent leur origine dans le
manteau, plus rarement dans la fusion de la croûte.
La majorité des magmas terrestres est formée par
décompression adiabatique des roches, alors que
leur température décroît. Ce mécanisme est aussi probablement dominant sur d’autres planètes,
comme Vénus ou Mars. La fusion peut aussi se produire par changement de composition. L’eau, même
en très faible quantité, abaisse drastiquement la
température du solidus et joue un rôle majeur notamment dans la production magmatique des zones
de subduction terrestres. La fusion par élévation de
température est le mécanisme le moins important,
quantitativement, en géologie terrestre, mais il peut
être conséquent pour d’autres objets volcaniques du
Système solaire comme Io, satellite de Jupiter, qui est
sujet à un volcanisme gravitationnel.
Vénus connaît un intense volcanisme avec plus
d’un million de volcans, Mars héberge l’Olympus
Mons, haut de 22,5 kilomètres, plus haut sommet du
Système solaire, la Lune est couverte par d’immenses
champs de basalte qui forment les mers lunaires.
Des édifices volcaniques ont été identifiés sur des
402
satellites de Jupiter et de Neptune, notamment Io et
Triton (cryovolcanisme), et les « geysers » d’Encelade,
satellite de Saturne.
1. LA LUNE
La Lune est l’unique satellite naturel de la Terre et
le cinquième plus grand satellite du Système solaire
avec un diamètre de 3 474 km. La distance moyenne
séparant la Terre de la Lune est de 385 000 km, c’est-àdire environ trente fois le diamètre terrestre.
À l’exception de Mercure et Vénus, toutes les planètes du Système solaire possèdent des satellites naturels qualifiés de lunes. Jupiter et Saturne, de leur
côté, en possèdent respectivement 63 et 60 de tailles
et de formes très variées. Dans les années 1970, on
connaissait 32 lunes dans le Système solaire, on en
distingue aujourd’hui plus de 140.
La Lune est composée de parties sombres (mers)
entourées de terrains plus clairs (terres ou continents).
Les terres criblées de cratères d’impact sont constituées d’anorthosites et de roches appelées KREEP parce
Figure 12.1. Plateau volcanique d’Aristarque (40 km
de diamètre), où l’on reconnaît de nombreuses formes
volcaniques (volcans, coulées de lave, tunnels de lave,
dépôts pyroclastiques...). © NASA (image by Lunar
Reconnaissance Orbiter) – JMARS.
CHAPITRE 12 | LES VOLCANS EXTRATERRESTRES
que riches en potassium (K), en terres rares (REE) et
en phosphore (P). Les mers lunaires sont constituées
d’épanchements basaltiques. Par rapport aux basaltes
terrestres, ils sont plus riches en fer et avaient une
viscosité plus faible. La majorité des éruptions basaltiques ont eu lieu entre 3,8 et 3,5 Ga. Il semble cependant que certaines coulées pourraient être beaucoup
plus récentes (1 Ga). Concomitamment à la mise en
place des basaltes, des éruptions siliciques ont éjecté
des matériaux pyroclastiques à des centaines de kilomètres de distance du cratère d’origine, compliquant
ainsi la stratigraphie lunaire au-delà des phénomènes
d’impactisme qui n’ont cessé de la complexifier.
Dans les deux cas, il s’agit de roches différenciées
qui ont environ 4,4 Ga. Les mers, constituées de basaltes plus jeunes (moins d’impacts météoritiques)
sont datées de 4 à 3,2 Ga. Chimiquement, la Lune est
appauvrie en éléments volatils et est extrêmement
réduite. C’est un astre mort dont les dernières éruptions volcaniques sont vieilles de 3,2 Ga.
1.1.
Formation de la Lune
L’origine de la Lune est restée longtemps un sujet
de débat. Plusieurs hypothèses étaient classiquement
évoquées : la capture d’un astéroïde ; la fission d’une
partie de la terre par l’énergie centrifuge voire encore
la co-accrétion de la matière originelle du Système
solaire. Aujourd’hui, la communauté scientifique s’accorde à penser que l’origine de la Lune est la conséquence d’un impact structurant sur la proto-Terre par
un planétoïde de la taille de Mars (6 500 km de diamètre) appelé Théia. Cet événement a éjecté un grand
nombre de débris de l’impacteur ainsi qu’une portion
du manteau terrestre dans l’espace.
Des simulations informatiques laissent entendre
que seulement une dizaine de pour cent de la masse
originelle de l’impacteur aurait produit un anneau de
débris en orbite. 90 % de la masse de la Lune proviendrait donc du manteau terrestre. Ces débris se seraient
accrétés en quelques dizaines d’années (voire une
centaine d’années au plus) pour donner naissance à
la Lune. Initialement, la distance Terre-Lune était plus
faible. La Lune s’est progressivement éloignée pour se
situer aujourd’hui à 385 000 km en moyenne.
Lors des six missions Apollo (1969-1972), 382 kg de
matériaux lunaires ont été rapportés et leur analyse
a permis de confirmer le caractère cogénétique des
deux planètes.
Une géochronologie lunaire basée
sur l’étude des cratères d’impact
1.2.
L’étude des cratères lunaires met en évidence
que les impacts météoritiques furent intenses pendant les premiers 500 Ma de création de la Lune. La
chronologie comparée de la cratérisation lunaire,
couplée à la datation des roches ramenées des six visites par les missions Apollo, permettent de se faire
une première idée de l’histoire géologique de la
Lune. Cette étude a notamment mis en évidence une
phase de « grand bombardement tardif » (Late Heavy
Bombardment – LHB). Le LHB, tel que théorisé et modélisé, semble affecter de manière globale toutes les
planètes du Système solaire. Sa durée estimée est de
50 à 150 Ma, centrées sur 3,9 Ga. Le taux de bombardement est estimé à 20 000 fois celui actuellement
observé sur Terre, ce qui correspond par exemple à
un impact d’un objet de plus de 1 km tous les 20 ans
(sachant qu’un tel impact provoquerait aujourd’hui
sur Terre une extinction massive).
n Des tunnels de lave sur la Lune et Mars
Avant de pouvoir se rendre physiquement sur
la Lune, ou à l’aide d’engins spatiaux sur Mars, l’observation par télescope était le seul moyen d’appréhender la géologie extraterrestre. L’observation de
tunnels de lave effondrés sur la Lune a permis assez tôt de comprendre que ces objets géologiques
étaient formés de nombreux champs de lave. Les
conditions de gravité de la Lune ont permis la
mise en place de tunnels de tailles plus importantes que sur Terre (Fig. 12.1). Ils font, en général,
plusieurs centaines de mètres de large et plusieurs
centaines de mètres de profondeur et des dizaines
de kilomètres de longueur. Pendant les premières
phases de l’exploration spatiale, ces cavités ont été
considérées comme sites potentiels d’installation
de bases humaines pour les astronautes... ramenés
ainsi à l’âge des cavernes.
403
TRAITÉ DE VOLCANOLOGIE PHYSIQUE
2. MARS
Mars est façonné par des processus géologiques
internes (volcanisme, tectonique) et externes (impactisme). Bien que le volcanisme martien semble
aujourd’hui éteint ou sub-éteint, de nombreux édifices volcaniques sont visibles sur la planète. La planète Mars abrite le plus grand volcan du Système solaire : Olympus Mons qui culmine à 22,5 km d’altitude.
Sa base mesure 600 km.
Certaines structures martiennes font penser à
nos grandes provinces magmatiques (CFB) notamment le dôme de Tharsis où se situent trois gros édifices alignés : Arsia, Pavonis et Ascraeus Mons. Ils sont
du même type que Olympus Mons et leurs caldeiras
sont relativement jeunes. Il semble que cette zone
soit caractérisée par une longue activité volcanique
qui laisse penser à l’existence d’un point chaud lié à
la remontée d’un panache mantellique ou à une activité extensive voire la combinaison des deux comme
l’Islande.
2.1.
Volcanisme
Les premiers volcans se seraient formés vers
3,9 Ga. Ce volcanisme a produit de grands épanchements de lave très fluide de type basaltique qui
ont recouvert les terrains de l’hémisphère nord. Le
dégazage aurait donné naissance à une atmosphère
chaude, humide et bien plus dense que l’actuelle atmosphère martienne.
Des pluies torrentielles ainsi que des crues ont
modifié le relief martien, de quoi recouvrir toute la
planète d’un GEL (Global Equivalent Layer) d’environ
120 m d’épaisseur d’eau. Cependant, Mars est une
planète trop petite pour conserver ces composés volatils. L’énergie fournie par les différentes désintégrations radioactives (Uranium, Potassium, Thorium)
ont rayonné dans l’espace de manière beaucoup trop
efficace. L’eau de l’atmosphère s’est condensée provoquant des précipitations. Le refroidissement s’est
encore accentué suite à l’appauvrissement en CO2
et le cycle continua. Simultanément, l’atmosphère
s’est progressivement dissipée dans l’espace, l’eau a
disparu de la surface et de la glace s’est formée dans
404
le sous-sol et aux pôles ; la température moyenne de
Mars étant de –60 °C.
La température martienne n’autoriserait l’existence d’eau liquide que dans de rares endroits
quelques heures par jour pendant l’été lors de forts
ensoleillements. Aujourd’hui, la faible pression atmosphérique permettrait à l’eau de bouillir à une
température entre 1 °C et 2 °C, ce qui explique que
la surface de Mars est à la fois très sèche et très froide.
Dans l’histoire de Mars, l’arrivée d’une grande
quantité de chaleur lors des impacts météoritiques a
dû faire fondre la majorité de la glace enfouie dans le
sous-sol (pergélisol). L’eau liquide a ensuite emprunté des fissures et des failles pour venir s’épancher en
surface et s’ajouter à celle collectée par les chenaux.
In fine, le volume d’eau a peut être été suffisant pour
donner naissance à un véritable océan. La chaleur
a dû également libérer d’importantes quantités de
gaz initialement piégés dans la croûte martienne et
le dégazage a dû sensiblement augmenter la densité
de l’atmosphère et créer un effet de serre.
C’est la fonte brutale de cette glace, peut-être sous
l’effet d’une activité volcanique, qui a provoqué des
inondations catastrophiques à la surface de Mars.
Les signes les plus anciens du volcanisme sont les
plaines ridées de lave qui datent de 3,8 Ga. Le bassin
d’Hellas a ensuite été comblé par la lave et Hesperia
Planum et Tyrrhena Patera se sont formés.
L’activité volcanique de Mars est localisée dans
deux provinces magmatiques : dans les régions de
Tharsis et d’Elysium Planitia qui hébergent de nombreux volcans-boucliers géants. Les quatre plus
grands volcans étant Olympus Mons (Fig. 12.2), Ascraeus
Mons, Pavonis Mons et Arsia Mons, tous situés dans
province magmatique de Tarsis. Ces volcans ont typiquement une taille de l’ordre de 20 km de hauteur
et 600 km de diamètre. Dans l’histoire volcanique
de Mars, les volcans-boucliers de la région de Tharsis
sont apparus vers 3 Ga, ainsi que les formations d’Isidis Planitia. Les volcans d’Elysium Planitia se sont formés, il y a environ 2,5 Ga (ainsi qu’Alba Patera). Le soulèvement du dôme de Tharsis (ou la déformation de
la lithosphère suite à l’accumulation des formations
volcaniques) a entraîné une nouvelle fracturation
de la croûte et l’ouverture du grand canyon de Valles
Marineris (qui sera ensuite soumise à l’érosion). Le
CHAPITRE 12 | LES VOLCANS EXTRATERRESTRES
soulèvement de la région de Tharsis est attribué à une
anomalie chimique, dynamique ou thermique de la
croûte, ou à la présence d’un point chaud. Le dôme de
Tharsis a eu un rôle très important dans la tectonique
martienne. Les volcans géants comme Olympus Mons
se sont finalement formés.
L’activité volcanique de ces objets est mal
connue, mais il est vraisemblable que le volcanisme étant localisé en deux provinces bien identifiées soit la manifestation de deux panaches mantelliques. En effet, des simulations informatiques
de la convection mantellique terrestre mettent en
évidence l’existence de 20 à 30 points chauds, ce qui
est bien le cas sur Terre. Pour Mars, ces mêmes simulations mettent en évidence l’existence possible
de 2 à 3 points chauds. Cela laisse entendre que les
deux provinces magmatiques martiennes, Tharsis
et Elysium, pourraient bien être la manifestation de
panaches mantelliques pérenne depuis quelques
milliards d’années. Selon certains auteurs, l’activité
volcanique se serait éteinte il y a 800 Ma, même si
on pense que les volcans Arsia et Olympus auraient
pu être encore actifs il y a 200 Ma. Des recherches récentes ont mis en évidence une activité volcanique
sur les flancs du volcan Hecates Tholus il y a 350 Ma.
Enfin, des activités volcaniques et hydrauliques,
entre 2 Ma et 10 Ma, ont été mises en évidence récemment dans la région de Cerberus Fossae.
Figure 12.2. Image composite de Olympus Mons. © NASA.
Géomorphologie volcanique
et dynamisme éruptif martien
2.2.
Les caldeiras martiennes ont typiquement des
tailles de 20 à 40 km de diamètre et une profondeur de
2 000 m alors que les caldeiras basaltiques terrestres
ont rarement plus de 3 km de diamètre et 200 m de
profondeur. Ces objets apparaissent être d’au moins
un ordre de grandeur plus grand sur Mars que sur
Terre. De même, les coulées de lave sur Mars font entre
30 et 300 km de long, ce qui est significativement plus
long que les coulées classiques hawaïennes actuelles
qui font entre 5 et 20 km de longueur.
Ces différences morphologiques peuvent être facilement comprises en comparant les conditions environnementales martiennes notamment la gravité
et la pression atmosphérique. C’est la raison pour
laquelle il n’y a que peu de dépôts pyroclastiques sur
Mars bien que cela puisse s’expliquer par leur dispersion qui est significativement plus importante
sur Mars que sur Terre.
Au sommet d’un édifice volcanique martien de
20 km de hauteur, la pression atmosphérique est
seulement 13 % de sa valeur au pied du volcan qui est
elle-même 200 fois moins que sur Terre. Il y a donc
un facteur 1 500 entre les conditions de mise à l’atmosphère des produits pyroclastiques martiens par
rapport aux terrestres. Par ailleurs, la fragmentation
sera également plus poussée sur Mars, produira des
produits pyroclastiques de taille plus petite, et la
vitesse de libération sera plus forte (environ deux
fois plus). Enfin, la gravité étant plus faible, les pyroclastes seront répartis sur des surfaces nettement
plus importantes.
Des simulations informatiques des panaches
pliniens sur Mars donnent des hauteurs cinq fois
plus importantes sur Mars que sur Terre. Comme les
vents martiens sont deux fois plus violents que les
vents terrestres, cela impose une dispersion nettement plus importante que sur Terre. Cependant des
satellites ont identifié une zone à l’ouest de Tharsis
qui pourrait bien être un réceptacle de dizaines de
mètres de produits pyroclastiques accumulés par les
vents martiens.
Les conditions d’alimentation des édifices martiens posent cependant problème. En effet, compte
405
TRAITÉ DE VOLCANOLOGIE PHYSIQUE
tenu de la taille des caldeiras, le volume des chambres
magmatiques apparaît être de l’ordre de 300 fois la
taille des chambres magmatiques terrestres. L’analyse de la surface des épanchements permet d’en
estimer le volume et l’analyse des cratères d’impact
d’en déduire la durée. Il est donc possible d’en déduire le flux de masse.
Pour Tharsis, par exemple, le volume est de
l’ordre de 106 km3 qui se serait épanché en 2 Ga, ce
qui donne un flux de masse de 0,015 m3.s–1 ce qui
est très faible (400 fois moins) par comparaison
avec le flux de masse d’une éruption à Hawaï. Le
magma ne pourrait donc pas séjourner pendant
des périodes aussi importantes dans la chambre
magmatique sans prendre en masse. L’éruption
ne pouvait pas être continue et devait nécessairement être épisodique. Il est probable que les
épisodes volcaniques ont été de l’ordre d’un million d’années suivis de périodes de dormance de
100 Ma.
2.3.
Tectonomagmatisme
Des ensembles associant magmatisme et tectonique, complexes (tectonomagmatiques) de
grandes tailles, ont été mis en évidence sur la Terre
et Mars. La dynamique de ces objets est largement
influencée par la dynamique mantellaire et la circulation convective dans le manteau et la zone de
transition (panache, super-panache). Deux complexes ont été étudiés : sur Terre : le plateau Mongol, et le dôme de Tharsis sur Mars. Des interactions magma-glace, caractéristiques des volcans
sous-glaciaires du plateau Mongol, ont également
été identifiées sur Mars. Cette activité magmatique
entraîne la création de barrages sous-glaciaires responsables, lors de leur rupture, d’inondations cataclysmiques comme celles mises en évidence dans
le gigantesque système de canyons de Valles Marineris. Le dôme de Tharsis a récemment été interprété
comme étant un super-panache mantellique. Des
formations glaciaires et la formation de permafrost
ont pu être mélangées à des laves lors d’éruptions
martiennes produisant ainsi des écoulements sur
Mars du type jökulhlaup.
406
3. MERCURE
Compte tenu de sa distance par rapport à la Terre,
Mercure n’est pas aussi bien connu. La sonde spatiale Mariner 10 l’a survolé en 1974, mais la résolution
des images était assez faible (avec une définition de
l’ordre de 4 000 m par pixel). Une sonde américaine,
Messenger, a été lancée en août 2004 et s’est insérée
en orbite mercurienne le 17 mars 2011, pour cartographier et étudier la planète. Les missions à destination
de Mercure sont donc rares, et cette planète est, par
voie de conséquence, la moins bien connue du Système solaire interne. Une nouvelle mission « BepiColombo » devrait permettre de combler partiellement
ces lacunes. Cette mission d’exploration de l’Agence
spatiale européenne (ESA) vers la planète Mercure
doit être lancée en 2017. Les sondes devraient être
en orbite en 2022-2023 pour réaliser l’exploration de
Mercure.
Dans l’état actuel de nos connaissances, Mercure
est la planète la plus proche du Soleil. Elle est près de
trois fois plus petite et presque vingt fois moins massive que la Terre. Sa densité est due à l’importance
de son noyau métallique, qui occupe plus de 40 %
de son volume, contre seulement 17 % pour la Terre.
Il est vraisemblable que, comme pour la Terre, Mercure ait été percuté par un gros objet, probablement
une proto-planète, dans sa prime jeunesse.
La surface de Mercure est façonnée, comme
toutes les planètes du Système solaire, par de nombreux cratères d’impact (Fig. 12.3). Certains impacts
ont déclenché des coulées de lave comme pour le
bassin de Caloris, (1 550 km de diamètre) qui est
cerné par des anneaux concentriques atteignant
3 000 mètres d’altitude. Le fond du cratère est
constitué de coulées de lave vraisemblablement induites par l’impact. Des éjecta sont visibles jusqu’à
800 km du centre du bassin. Des dépôts pyroclastiques ont été identifiés dans la partie sud du bassin de Caloris. Ils sont les témoins d’un volcanisme
explosif sur Mercure. Il n’y aurait pas de tectonique
des plaques sur Mercure qui ne disposerait que
d’une seule plaque. Le volcanisme serait ainsi principalement sous le contrôle des impacts et d’événements extensifs provoquant une fracturation de la
plaque.
CHAPITRE 12 | LES VOLCANS EXTRATERRESTRES
Fugure 12.3. Mercure. Image Messenger © NASA/Johns
Hopkins University Applied Physics Laboratory/Carnegie
Institution of Washington.
Certains cratères de Mercure présentent des irrégularités (pit-floor crater) qui laissent entendre
qu’ils se sont formés suite à un effondrement de
leur chambre magmatique comme une caldeira terrestre. Il semble que les plaines aient été recouvertes
par des laves très fluides ressemblant à des basaltes
voire aux komatiites terrestres.
4. VÉNUS, MUSÉE DE LA MORPHOLOGIE
VOLCANIQUE
La surface de Vénus montre très peu de cratères
d’impact (900 environ). La température de surface
de Vénus est élevée, environ 700 K et la pression atmosphérique est 92 fois celle de la Terre. Son atmosphère est composée de gaz carbonique et d’épais
nuages d’acide sulfurique précipitent en fines pluies
permanentes ce qui rend son observation difficile.
Cependant plusieurs missions spatiales ont permis
de rapporter des images radar avec une résolution
suffisante (~ 100 m) pour permettre de jeter les bases
de la volcanologie vénusienne.
Comme tous les corps du Système solaire ont
subi une phase de bombardement intense, la faible
densité de cratères d’impact laisse entendre que la
surface de Vénus est jeune de quelques centaines
de millions d’années tout au plus. Vénus est entièrement recouverte de roches volcaniques récentes, qui
ont fait disparaître la mémoire fossilisée des traces
d’impacts météoritiques anciens. 20 000 dômes de
géomorphologie volcanique de taille ≤ 15 km ont
été identifiés. Certains de ces édifices se regroupent
en archipels. Environ 500 forment des structures
de l’ordre de 150 km de diamètre ; 270 objets volcaniques qualifiés d’intermédiaires ont une taille
de 25 km de diamètre. Enfin, il y a également ~ 150
volcans-boucliers de taille avoisinant 400 km de
diamètre et 2 000 à 4 000 m de hauteur. Plus de 80
de ces volcans possèdent une caldeira de l’ordre de
60 km de diamètre. Elles sont significativement plus
grosses que les caldeiras terrestres ou martiennes
alors que la gravité est du même ordre que sur
Terre. Les coulées de lave les plus longues atteignent
6 000 km d’expansion.
Les édifices volcaniques semblent endormis,
mais il n’est pas certain que le volcanisme de Vénus
soit éteint. En effet, Vénus ayant une taille et une
masse comparables à celles de la Terre il est probable
que la production d’énergie interne soit également
voisine de celle de la Terre. Cependant, on n’a pas
identifié de tectonique globale sur Vénus. Vénus a
un volcanisme proche de celui des points chauds. Il
est possible que des panaches continuent d’exister
et qu’ils soient toujours potentiellement actifs.
Neuf points chauds avaient été détectés en 2006
avec Venus Express. La morphologie volcanique de
Vénus est très caractéristique avec des édifices volcaniques étonnants, mélangeant de grandes fractures
(dykes géants), de nombreux stratovolcans, en couronne, des volcans en forme de crêpe (farrum), de
couronnes (coronae) et d’arachnoïdes, d’anémones,
etc. Ces objets ont des tailles impressionnantes pouvant atteindre 2 500 km de diamètre et des coulées
de lave de 700 km de long. La vallée de Baltis avec
ces 6 400 km de long représente le plus long écoulement de lave connu.
Il est possible que le nombre d’édifices volcaniques soit beaucoup plus important. Il est également possible que de nombreuses laves soient des
carbonatites comme celles de Ol Doinyo Lengaï en
407
TRAITÉ DE VOLCANOLOGIE PHYSIQUE
Tanzanie. Ces laves ont la propriété d’être liquides à
490 °C et pourraient rester à l’état liquide pendant
de très longues périodes sur Vénus compte tenu de
la température de surface de la planète.
Plus de 1 600 volcans et complexes volcaniques,
de diamètre plus grand que 20 km, couvrent la surface de Vénus, et il y a près d’un million de volcans
de plus d’un kilomètre de diamètre. Certaines structures identifiées sur Vénus et sur Miranda (lune
d’Uranus), les coronae (Fig. 12.4), sont interprétées
comme pouvant être des têtes de panache dont une
partie participerait à un phénomène de subduction
particulier. Ces objets font entre 100 et 2 500 km de
diamètre et pourraient s’effondrer sur eux-mêmes
dans un processus de subduction passive participant ainsi au surfaçage caractéristique de cette planète. Cette manifestation atypique du volcanisme
serait semblable au comportement de certains lacs
de lave où une partie solidifiée centrale finit par
s’enfoncer dans le lac comme à Kilauea (Hawaï) en
1965. Une forme de subduction est comparable à la
sagduction qui s’est opérée sur la jeune Terre il y a
2,5 Ga. La sagduction est essentiellement gravitaire.
Elle se produit lorsqu’une structure géologique impose un gradient inverse de densité qui conduit à
l’enfoncement des roches les plus denses dans les
moins denses.
(a)
Des structures exovolcaniques particulières
(farrum, farra au pluriel) provenant de volcansboucliers, souvent associées à des coronae, sont visibles sur Vénus. Il s’agit de formations dites « en
crêpe » ou « en galette » – (pancake domes), provenant
d’épanchement volcanique de lave très visqueuse,
riche en silice, qui s’étend de manière circulaire sur
une ou deux dizaines de kilomètres de rayon avant
de se solidifier (Fig. 12.4).
LA SAGDUCTION À L’ORIGINE DES TTG
ARCHÉENNES
La sagduction représente un modèle alternatif à
celui de la subduction archéenne pour former les
TTG. Les épanchements de komatiites (densité 3,3)
sur des proto-continents de nature TTG (densité
2,7) sont susceptibles d’avoir occasionné des instabilités gravitationnelles à l’origine de phénomènes
de sagduction.
Elle peut être concomitante de remontée de
panaches mantelliques qui favoriseraient le phénomène. De tels objets ont été identifiés dans le craton
australien où des formations rondes (diapirs ?) de
TTG sont présentes au sein de roches vertes komatitiiques (craton de Pilbara, nord-ouest de l’Australie,
par exemple) (voir Fig. 3.30).
(b)
Figure 12.4. (a) Farra (Domical Hills) vus par Magellan (chaque farrum mesure environ 25 km de diamètre et environ
750 m de hauteur). (b) Image radar de la région de Fotla (Aine Corona) avec quelques farra (zone d’environ 300 km
de large). Magellan © NASA.
408
négligeable de l’activité terrestre d’un point de vue thermo-
dynamique, ils n’en représentent pas moins un des phénomènes
naturels les plus fascinants, pouvant être tour à tour majestueux,
silencieux, instables, meurtriers, pourvoyeurs de terrains fertiles ou
perturbateurs du climat mondial. De tels objets naturels ne peuvent
être cernés que par une approche scientifique multidisciplinaire
qui combine physique, chimie et géologie de terrain.
Traité de volcanologie physique propose une synthèse actualisée,
recadrant l’objet géologique « volcan » dans son contexte géodynamique, mais aussi dans les problématiques contemporaines en
fournissant des éléments de quantification techniques, financiers (ou
économiques) et sociétaux. Sont tour à tour abordées des problématiques volcanologiques essentielles telles que la plomberie magmatique, l’impact du volcanisme sur le climat, l’hydrovolcanologie,
les phénomènes para-volcaniques, la notion de risque volcanique
ainsi que le volcanisme paroxysmal, responsable des extinctions de
masse à l’origine de nombreuses ères géologiques, et le volcanisme
extraterrestre.
volcanologie physique
es volcans sont terre de paradoxes. Manifestation quasiment
didats au CAPES et à l’Agrégation de SVT. Il apporte également un
éclairage scientifique et technique aux enseignants de SVT et plus
généralement à tout public intéressé par un aspect particulier du
volcanisme, ou par le sujet dans sa globalité.
Michel Detay présente la double compétence d’être à la fois un universitaire
Michel Detay
C’est un corpus de connaissances complet, richement illustré, que
propose Michel Detay aux étudiants en STU et SVT ainsi qu’aux can-
Michel Detay
Traité de
L
volcanologie
physique
Traité de
(géologue, docteur d’État) et un industriel (au sein du secteur privé - tant en France
qu’à l’international), ce qui lui permet une mise en perspective novatrice et pratique
de la volcanologie physique.
editions.lavoisier.fr
2258-Detay.indd Toutes les pages
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978-2-7430-2258-7
09/01/2017 10:18
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