24Pratiques en Ophtalmologie • Janvier 2012 • vol. 6 • numéro 50
EXPLORATIONS ET INNOVATIONS
examen invasif, est diérente des
larmes basales. Les résultats des
tests peuvent donc être influencés
de façon indésirable.
ETIOLOGIES DE LA
SÉCHERESSE OCULAIRE
Le rapport de 2011 du DEWS établit
que l’œil sec est une maladie multi-
factorielle pouvant être classée en
deux groupes étiologiques prin-
cipaux : l’œil sec par déficience
de la fraction aqueuse et l’œil
sec par évaporation (déficit de
la couche mucinique ou anomalie
de la composante lipidique) (1,7).
L’œil sec par déficience aqueuse
comprend tant le syndrome de Sjö-
gren que les causes non-Sjögren
de dysfonctionnement des glandes
lacrymales (atteinte neurologique,
cause médicamenteuse, obstruc-
tion de l’évacuation du canal de la
glande lacrymale…). L’œil sec par
déficience aqueuse survient
lorsque les glandes lacrymales
principales ou accessoires sont
altérées. L’œil sec par évapo-
ration est divisé en causes in-
trinsèques et extrinsèques. Les
facteurs intrinsèques incluent un
dysfonctionnement des glandes
de Meibomius (MGD), les anoma-
lies des paupières, les troubles de
l’occlusion palpébrale et les insu-
sances du clignement. Les facteurs
extrinsèques comprennent le port
de lentilles de contact ainsi que les
aections de la surface oculaire, au
premier rang desquels se place l’al-
lergie ainsi que l’instillation de cer-
tains collyres. Concernant l’œil sec
par évaporation, il est davantage
question de glandes de Meibomius
défectueuses, de surface oculaire
irrégulière, de structure des pau-
pières anormale ou de port de len-
tilles de contact (1). Les lentilles de
contact induiraient la sécheresse
oculaire par la perturbation de la
couche lipidique, l’amincissement
du film lacrymal, le dessèchement
cornéen suite à la déshydratation
de la lentille, le changement de
structure des paupières et/ou une
altération du clignement. Toutes
les lentilles de contact perturbent
plus ou moins la structure du film
lacrymal.
Les yeux secs par déficience aqueuse
et les yeux secs par évaporation peu-
vent coexister, mais il est important
d’établir la cause la plus probable par
un contrôle approfondi, afin de trai-
ter le plus ecacement possible la
sécheresse oculaire.
LE DIAGNOSTIC DE L’ŒIL
SEC : LES POINTS CLÉS
ET LIMITES
L’évaluation objective du film la-
crymal et de la surface oculaire
peut être subdivisée en quatre
secteurs principaux. Lors d’un
examen approfondi de l’œil sec, il
est important d’évaluer les quatre
secteurs, en eectuant au moins
un test par secteur (8).
QUALITÉ DU FILM LACRYMAL
Tant pour l’œil sec par déficience
aqueuse que pour l’œil sec par
évaporation, la stabilité du film
lacrymal est réduite tandis que
son osmolarité est augmen-
tée. Ces deux mesures fournis-
sent des informations utiles sur la
qualité générale du film lacrymal.
Des tests de stabilité non invasifs
eectués sans toucher le film la-
crymal ni la surface oculaire, sont
plus valides que des tests tradi-
tionnels (Break Up time : B.U.T.),
car la fluorescéine peut déstabi-
liser le film lacrymal et modifier
les valeurs mesurées (9). Les tests
non invasifs sont eectués à l’aide
des mires de certains instruments
ophtalmiques. Ces mires sont re-
flétées dans le film lacrymal. Le
laps de temps entre un clignement
et le premier signe de déformation
ou bris des mires, le patient ne cli-
gnant pas, correspond au temps
d’amincissement du film lacrymal
(10). On considère en général que
la limite entre un œil sain et un
œil sec est indiquée par un temps
d’amincissement du film lacrymal
supérieur à 20 secondes pour un
test non invasif, et supérieur à 10
secondes pour un test B.U.T. tradi-
tionnel à la fluorescéine (11).
L’osmolarité du film lacrymal
est un test de laboratoire de
l’œil sec bien connu. Il est
considéré comme le meilleur
test prédictif du diagnostic de
la sécheresse oculaire (7, 12).
Les mesures d’osmolarité sont
désormais eectuées en consul-
tation (TearLab®, Ocusense®). Le
bâtonnet de mesure jetable, mis
en contact avec le prisme lacrymal
inférieur au niveau du bord de la
paupière, recueille un échantillon
d’un nanolitre de larmes, qui est
analysé en quelques secondes. Le
clinicien dispose alors d’une va-
leur d’osmolarité. Les valeurs nor-
males se situent aux alentours de
304 mOsm/L, tandis que des va-
leurs supérieures à 320 mOsm/L
indiquent une sécheresse oculaire.
QUANTITÉ LACRYMALE
Le test de Schirmer est extrê-
mement invasif et induit une
quantité significative de lar-
moiement réflexe. Il n’a donc
qu’un intérêt limité, surtout lors
de l’évaluation de cas limites de
sécheresse oculaire. Un test ob-
jectif similaire, mais nettement
moins invasif, est le test du fil
rouge de phénol (Phenol Red
Thread - PRT), où un mince fil de
coton, imprégné de teinture de
phénol rouge, est accroché à hau-
teur du tiers latéral de la paupière
inférieure, de façon similaire à un
strip de Schirmer. L’absorption
du liquide lacrymal légèrement
alcalin (pH 7.4) induit un change-