5 novembre 2015, Paris
Pour une finance au service du climat :
la société civile appelle à changer de modèle
En préparation à la COP21, les chefs d’Etat prient les grandes banques et investisseurs privés de
s’intéresser à l’enjeu climatique. Quel en sera le résultat quand on sait que la financiarisation – à
travers 20 ans de dérèglementation – a imposé à l’économie réelle une logique de profits à court-
terme ? Les rendements à court-terme étant dépendants des énergies fossiles, le véritable défi n’est
pas seulement celui des montants des financements mais du modèle : il revient à la puissance
publique de montrer le chemin d’une économie durable qui doit impulser ses valeurs et ses besoins à
la finance. C’est à cette condition que le secteur financier pourra retrouver la confiance des citoyens.
Une approche structurelle de la question du financement des objectifs climatiques inclut cinq priorités :
1. Augmenter la capacité d’investissement de la puissance publique : l’histoire montre
que les innovations les plus importantes ont bénéficié d’un engagement financier
déterminé de l’Etat1. Comme le rappellent de nombreux économistes européens et
américains2, la restriction dogmatique du budget public est contre-productive dans la
conjoncture actuelle. Elle empêche l’innovation indispensable à la transition.
2. Mettre un terme aux subventions aux énergies fossiles, estimées à $ 5.300 milliards
par an3, pour les réorienter vers le soutien aux objectifs climatiques.
3. Appeler le secteur privé à s’engager sur le climat : Ces cinq dernières années, les
soutiens aux énergies fossiles des 25 plus grandes banques françaises et
internationales ont été de sept à neuf fois plus importants que ceux alloués aux énergies
renouvelables. Les 25 plus grandes banques internationales ont ainsi soutenu les
fossiles à hauteur de 847 milliards d’euros contre seulement 89 milliards d’euros vers les
renouvelables4.
4. Aligner le secteur privé sur l’intérêt général par la réglementation: Les outils à la
disposition des autorités publiques pour encadrer le désinvestissement des énergies
fossiles et favoriser l’investissement « vert » existent et sont parfois déjà appliqués dans
d’autres régions du monde5 – taxe carbone, lignes directrices pour l’allocation du crédit,
transparence systématique sur les bilans bancaires et fonds d’investissement et calcul
de leur risque et performance carbone (l’Art. 173 de la Loi Transition Energétique
française est un premier pas), assouplissement quantitatif « vert », etc.
5. Promouvoir les modèles financiers pionniers : les bonnes pratiques des banquiers et
investisseurs qui mettent l’intérêt général au cœur de leurs objectifs doivent s’étendre au
système financier traditionnel. Usagers et citoyens ont un rôle à jouer à cet égard.
Les associations de la société civile signataires préconisent ce changement de modèle et
souhaitent être une force de propositions concrètes. Le danger du dérèglement climatique peut
contribuer à transformer positivement la finance, là où la réforme post-2007/2008 s’est limitée à
tenter de la stabiliser.
1 Voir par exemple les travaux de M.Mazzucato.
2 Parmi d’autres, récemment : Larry Summers.
3 IMF WP/15/105, "How Large Are Global Energy Subsidies?", Guardian "Fossil fuels subsidised by $10m a
minute, says IMF", 18 may 2015
4 « Banques françaises : quand le vert vire au noir », novembre 2015, Fair Finance France, Oxfam France et les
Amis de la Terre France.
5 Voir par exemple: UNEP Inquiry, rapport Canfin-Grandjean