Approches du Léninisme et de la NEP
Sur la base d’un rapport à établir entre ces deux objets d’interrogation : 1.le Léninisme : « Capacité de Lénine à
penser les tournants » (M. Lewin, Le siècle soviétique Paris, Fayard, Le Monde diplomatique, 2003) ; 2. la NEP :
un tournant dans l’orientation politique et économique de Lénine.
Trois perspectives proposées
1/ Carrère d’Encausse (France) : L’URSS, de la révolution à la mort de Staline 1917-1953, Paris, seuil,
1993, coll. Points histoire
Une approche historico-politique, basée sur l’étude et la confrontation d’une suite d’événements qui ont marqué
le printemps 1921 :
la révolte du Cronstadt (du 8 février au 18 mars 1921)
simultanément, du 8 au 18 février 1921 : les différentes étapes de la publication du projet de Lénine sur la
révision du communisme de guerre
18 mars 1921 : ouverture du Xème congrès du parti bolchévique –
Mars 1921 : échec de l’insurrection allemande organisée par Bela Kun et inspirée par Zinoviev – 3ème congrès
du Komintern : fin des espoirs révolutionnaires en Europe
Une étude comparative de ces différents événements qui conduit à privilégier une interprétation de la NEP :
retour à une prise en compte réelle de la situation du pays et recherche des normes permettant la
reprise d’une évolution normale de la société. Reprise de l’idée de la nécessité d’une pause prolongée.
A ce sujet : cf. p. 88 – 89, en particulier :
« En 1921, Lénine insiste longuement sur l’idée d’une transition : « On ne peut pas supprimer la
paysannerie comme on peut supprimer les capitalistes ou les propriétaires fonciers. Il faut la
transformer et la transformer exige une très longue période qu’il faut chiffrer peut-être par
dizaines d’années. » On est loin d’une simple pause de courte durée.
Ce chiffre de « dizaines d’années » se retrouve d’ailleurs chez Lénine à propos de la construction
de l’industrie : « Construire une grande industrie dans ce pays attardé nous demandera des
dizaines d’années ». Lénine semble donc considérer que la Russie soviétique n’est pas mûre
pour le socialisme ; c’est le communisme de guerre qui a été une façon de brusquer l’histoire, une
sorte de parenthèse bien plus que ne saurait l’être la NEP. La NEP est au contraire une
reconnaissance du niveau réel, social et culturel, du pays et du peuple russe. »
2/ Moshe Lewin (USA) : Le siècle soviétique (Paris, Fayard, Le Monde diplomatique), traduction de :
Russia’s Twentieth Century. The Collapse of the Soviet System, 2003.
Une approche visant à mettre en valeur les principes politiques et socio-économiques de la politique conduite
par Lénine au moment de la NEP, avec insistance sur :
la question des nationalités, liée à l’idée de révolution européenne. L’année de 1922 et la lutte entre Lénine et
Staline sur cette question (1ère partie, chap. II)
la question économique (l’agriculture et l’industrie) et la modernisation globale du pays : faire le choix
d’une aide aux paysans et d’un développement de la propriété privée afin de stimuler la production. But
recherché : améliorer la situation de la paysannerie et améliorer la situation économique du pays afin de pouvoir,
à plus long terme, donner des bases solides au développement de l’industrie et à la modernisation de la Russie
(cf. les thèses de Vinogradski, Witte et Stolypine). Simultanément, maintien d’une concurrence avec l’État
(capitalisme d’État susceptible de remplacer temporairement le socialisme – économie mixte). Cf. 3ème partie,
chap.II : p. 373-377 « Les léninismes et la dernière révison ».
la question politique et le rôle du parti : maintenir le cap socialiste par la consolidation des structures du parti
bolchévique, pensé comme lieu de débats et d’adaptation de l’idée du socialisme à l’évolution concrète de la
société. Cf. 3ème partie chap.II : p. 377-384 : « Qu’est-ce que le bolchévisme ? » (en particulier p. 382)
3/ Vichnevski A., La faucille et le rouble, La modernisation conservatrice en URSS, Paris, Gallimard, 2000.
(traduit du russe) :
Une approche à base socio-économique mais à visée idéologique, cherchant à faire ressortir la NEP
comme un échec et à rechercher les causes de cet échec dans une distance trop grande prise par rapport à la
réalité russe, en particulier celle du monde paysan (avec renvoi au type de production et de possession
archaïques).
Mise en avant de l’idée d’une modernisation rapide de l’industrie du pays avec collectivisation
systématique et radicale dans l’agriculture. La modernisation de la Russie en tant qu’elle n’exclut pas le recours
à des formes archaïques. Idée de la « révolution conservatrice », et simultanément bien que de façon implicite :
le projet stalinien comme correspondant à des caractéristiques propres de la société russe.