Formation l Esthétique Nouveau concept pour le masquage des taches de l’émail L’infiltration en profondeur - Partie III Traitement d’une MIH sévère Jean-Pierre Attal, Antony Atlan Maud Denis, Elsa Vennat, Gil Tirlet Dans les deux premières parties de cet article [1, 2], nous avons proposé, en l’expliquant en détail, le nouveau concept d’infiltration en profondeur pour masquer les taches blanches profondes. La partie 1 présentait le traitement d’une tache profonde liée à une hypominéralisation d’origine traumatique et la partie 2 le traitement d’un cas de fluorose sévère. Cette 3e partie présente l’application aux MIH. 2 L es deux cas cliniques proposés dans les parties I et II de cet article illustraient le nouveau concept d’infiltration en profondeur appliqué à des lésions profondes, mais de subsurfaces. L’idée était alors d’imprégner plus en profondeur le corps de la lésion. Cette fois, nous présentons l’application aux « Molar Incisor Hypomineralisations » (MIH) de ce nouveau concept d’érosion/infiltration en profondeur, jusqu’alors contre-indiqué. En effet, les MIH sont des hypominéralisations amélaires qui ont la particularité de débuter non pas en subsurface, mais au niveau de la jonction amélo-dentinaire [3]. Elles s’étendent dans l’épaisseur de l’émail en fonction de leur sévérité. Les MIH légères (blanches) présentent donc une localisation interne non accessible par le protocole standard d’érosion. Ainsi, le principe de traitement par érosion/infiltration en profondeur des MIH n’est pas, comme dans les deux premiers cas, d’améliorer l’infiltration dans le corps de la lésion, mais d’aller rechercher par sablage ou par fraisage le plafond de la lésion avant de l’infiltrer. L’INFORMATION DENTAIRE n° XXX - X Mois 2014 taches de l’émail Cas clinique 1 Cette jeune patiente consulte pour le traitement d’une tache blanche disgracieuse sur l’incisive latérale mandibulaire gauche. À l’échelle du visage, nous pouvons noter que les dents sont peu lumineuses et qu’un éclaircissement améliorerait l’harmonie du visage (blanc de la sclérotique). 2 Après avoir observé une hypominéralisation d’au moins une des 4 premières molaires permanentes, le diagnostic de lésion liée à une MIH est posé. La position coronaire, asymétrique, et l’aspect laiteux de la lésion sont autant de confirmations de ce diagnostic. Une infiltration en profondeur sera donc nécessaire, car la lésion débute à la jonction émail-dentine. À l’échelle dento-gingivale, nous pouvons noter aussi une lésion blanche sur 11, mais qui ne gêne pas la patiente. 1 2 3 L’opacité à plus gros plan. Notons une légère coloration brune dans le corps de la lésion. Un éclaircissement améliorerait aussi le traitement de l’infiltration en profondeur. Cependant, la patiente ne souhaite pas d’éclaircissement. Pour infiltrer en profondeur la lésion, il faut avoir accès au plafond de la lésion qui peut se trouver à 0,4 à 0,8 mm de la surface de la dent. La coloration brune (qui est un indice du degré de sévérité de la lésion) nous indique qu’il ne faudra pas aller si loin pour atteindre ce plafond. Dans ce cas, cette étape a été réalisée par fraisage. Elle peut aussi être réalisée par sablage, comme dans le cas des deux premières parties de l’article. 3 4 Vue de la lésion après un premier fraisage. Notons l’extension de la lésion sur la face proximale mésiale. À ce stade, nous allons débuter une succession d’étapes d’érosion (HCl à 15 %, Icon etch) et de séchage par une solution alcoolique (Icon Dry). Cette dernière est utilisée comme indicateur avant infiltration. Si une modification des propriétés optiques a lieu lors du passage de l’alcool, c’est que nous avons atteint le plafond de la lésion, alors l’infiltration est possible. Sinon, un nouveau cycle fraisage ou érosion, rinçage et séchage est réalisé. L’INFORMATION DENTAIRE n° XXX - X Mois 2014 4 3 Formation l Esthétique 5 6 5 Vue de l’une des étapes d’érosion réalisée (HCl à 15 % pendant 2 minutes, en frottant). Idéalement, la digue devrait être mise en place pour éviter les brûlures liées à l’HCl. Dans le cas d’une dent unitaire, un contrôle rigoureux des procédures permet d’éviter les incidents. Après cette étape d’érosion, le passage de l’alcool ne nous a pas permis d’infiltrer, un autre cycle de fraisage et d’érosion a donc été utile. 6 7 Après un autre cycle de fraisage et d’érosion, cette vue présente le résultat obtenu après application de l’alcool. Ici, nous estimons qu’un certain effet optique est obtenu. L’infiltration est donc possible. En cas de doute sur cet effet optique, il vaut mieux compléter par un nouveau cycle de fraisage/érosion, en sachant qu’il ne faudra jamais s’approcher à plus de 500 µm de la jonction émail-dentine. Le nouveau fraisage devra prendre en compte le résultat du séchage alcoolique. En effet, ce fraisage est sélectif et ne devra concerner que les zones qui n’auront pas subi de modifications optiques. 7 8 4 Après le passage de l’alcool et avant l’infiltration, un séchage est de nouveau nécessaire. Il est bien évident qu’il faut éviter toute contamination par le jet d’air. Deux remarques à ce stade : - si nous appliquions un composite sans infiltration en profondeur, nous serions dans l’impossibilité de masquer ce « placard blanc », le résultat esthétique serait très insuffisant, à moins d’éliminer cette lésion hypominéralisée jusqu’à la dentine ; - notons l’atténuation des reliefs liés au fraisage par l’étape d’érosion à l’HCl. L’INFORMATION DENTAIRE n° XXX - X Mois 2014 taches de l’émail 9 10 8 Vue après l’infiltration de la résine (Icon Infiltrant) pendant 3 minutes puis photopolymérisation. L’opacité a presque totalement disparu, même si la lésion n’est pas tout à fait translucide. Une matrice a été mise en place afin d’éviter la contamination de la résine sur la face adjacente. 9 A ce stade, un composite dentine (Asteria, Tokuyama) est mis en place. On évite le composite émail lorsqu’une résurgence colorée apparaît après l’infiltration (fig. 8). Ce composite est mis en place directement sur la résine sans interposition d’adhésif. 11 10 11 12 Après finition et polissage. À l’échelle dento-gingivale, à la fin de la séance, la tache n’est plus visible La patiente est agréablement surprise du résultat obtenu en 45 minutes. L’ensemble de la séance se fait généralement sans anesthésie, car nous restons totalement dans l’émail. 13 Résultat à l’échelle du visage. 12 L’INFORMATION DENTAIRE n° XXX - X Mois 2014 13 5 Formation l Esthétique Conclusion Ainsi, dans cette 3e partie, nous avons montré qu’il était possible, dans le cas d’une MIH, d’obtenir un très bon résultat esthétique (masquage des taches) et biologique (préservation tissulaire maximale). Rappelons que, jusqu’à présent, il n’existait pas de solution esthétique peu mutilante pour traiter ce type de lésion. Certes, nous avons consenti une très légère mutilation d’émail sain afin d’atteindre le plafond de la lésion, mais cette thérapeutique reste ultra préservatrice, car elle ne concerne que l’émail ; jamais le tissu dentinaire n’est atteint. Le fait de réaliser un composite en très fine couche ne doit pas nous inquiéter non plus, justement car nous restons dans l’émail, substrat sur lequel nous savons parfaitement coller. Au regard des nombreuses difficultés de collage dans la dentine, et plus particulièrement la dentine des dents atteintes par MIH, l’érosion/infiltration en profondeur est une alternative intéressante aux traitements conventionnels. Au total, même si cette infiltration en profondeur semble résoudre des situations jusqu’ici sans traitement efficace, il nous faudra davantage de recul clinique afin de mieux cerner sa place en pratique quotidienne. Auteurs Jean-Pierre Attal URB2i (Unité de Recherches, Biomatériaux, Innovations et Interfaces), EA 4462 UFR de Montrouge, Paris Descartes Antony Atlan URB2i, EA 4462 bibliographie 1. Attal JP, Denis M, Atlan A, Vennat E, Tirlet G. L’infiltration en profondeur : un nouveau concept pour le masquage des taches de l’émail – Partie 1. Inf Dent 2013, 19 : 74-79. 2.Denis M, Atlan A, Vennat E, Tirlet G, Attal JP. L’infiltration en profondeur : un nouveau concept pour le masquage des taches de l’émail – Partie 2. Traitement d’une fluorose sévère. Inf Dent 2014, ?????????????. 3. Denis M, Atlan A, Vennat E, Tirlet G, Attal JP. White defects on enamel : diagnosis and anatomopathology: two essential factors for proper treatment (part 1). Int Orthod 2013, 11 (2) : 139-165. Correspondance [email protected] Liens d’intérêt Gil Tirlet et Jean-Pierre Attal remercient DMG pour son soutien dans l’élaboration de nouveaux protocoles cliniques. Maud Denis URB2i, EA 4462 Consultation d’Esthétique, Charles Foix, Ivry-sur-Seine Elsa Vennat Laboratoire MSSmat, UMR 8579, École Centrale Paris Gil Tirlet Consultation d’Esthétique, Charles Foix, Ivry-sur-Seine 6 L’INFORMATION DENTAIRE n° XXX - X Mois 2014