JT2007 sandra Lagauzere _2

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Influence de la bioturbation des macro-invertébrés benthiques sur la biogéochimie
de l’uranium dans les sédiments d’eau douce
Journées des thèses IRSN, 01-04 octobre 2007
LAGAUZERE Sandra – 3ème année de thèse.
Rattachement : IRSN
DEI/SECRE/– Laboratoire de Radioécologie et d’Ecotoxicologie (site de Cadarache)
Directeur de thèse : Georges STORA
Laboratoire de Microbiologie, Géochimie et Ecologie Marines (COM, UMR CNRS 6117)
Responsable IRSN : Jean-Marc BONZOM
Début de thèse : Octobre 2004
Financement : Thèse autofinancée (IRSN/CFR)
RÉSUMÉ - Au sein des écosystèmes aquatiques continentaux, les sédiments constituent le principal compartiment de
stockage des polluants métalliques tels que l’uranium. Les métaux peuvent y prendre des formes chimiques plus ou
moins toxiques ou réactives selon les variations des conditions physico-chimiques et des activités microbiennes. Ces
conditions sont elles-mêmes dépendantes de l’activité des organismes benthiques via les processus de bioturbation.
Cependant, les interactions pouvant exister entre la bioturbation, la biogéochimie des sédiments et la distribution, les
transferts, la biodisponibilité et la toxicité de l’uranium ont été très peu étudiées. Dans ce contexte, les deux
principaux objectifs ont été (i) d’évaluer les effets de l’uranium sur les macro-invertébrés benthiques,
particulièrement sur leur activité de bioturbation, et (ii) d’estimer l’influence de la bioturbation sur la biogéochimie
du sédiment et ainsi sur la distribution et les flux de l’uranium entre les différents compartiments de l’écosystème
benthique. Pour atteindre ces objectifs, plusieurs études en laboratoire ont été menées en conditions contrôlées. Des
microcosmes reproduisant l’écosystème benthique ont été mis en place avec du sédiment artificiellement contaminé
et l’ajout de deux espèces de macro-invertébrés particulièrement ubiquistes et abondantes en eau douce : des larves
de Chironomus riparius (Insectes, Diptères) et des vers Tubifex tubifex (Annélides, Oligochètes).
Concernant le premier axe d’étude, les tests écotoxiques montrent des effets significatifs sur la survie, la
morphologie, la croissance, la bioaccumulation et le comportement de ces organismes pour de fortes concentrations
en uranium. L’activité de bioturbation a été étudiée plus en détail par une mesure du remaniement particulaire induit
grâce à des traceurs fluorescents. Les principaux résultats indiquent que seuls les vers Tubifex induisent un important
remaniement particulaire et que l’uranium ne l’affecte que pour de fortes concentrations. De plus, ces organismes,
même exposés à des niveaux élevés de contamination, entraînent un important relargage d’uranium du sédiment vers
la colonne d’eau.
Pour estimer les effets toxiques potentiels d’un tel relargage vers la colonne d’eau, un bioessai écotoxique a été
réalisé à l’aide d’un organisme pélagique modèle, le têtard de Xénope. Les dommages génétiques ont été évalués à
travers la quantification de micronoyaux, ainsi que par la modification de l'expression de gènes susceptibles d’être
modifiés par l'uranium. Les résultats révèlent un effet négatif de l’uranium sur ces paramètres mais de façon modérée
en comparaison avec les polluants classiquement testés.
La seconde partie de la thèse a été consacrée à l’estimation de l’influence de la bioturbation sur les processus
biogéochimiques dans le sédiment. Grâce à des mesures précises des concentrations des principales espèces chimiques
dissoutes et particulaires, et de la concentration en uranium dans la colonne d’eau, l’eau interstitielle et le sédiment,
il a été possible de dégager quelques résultats marquants : il apparaît clairement que la bioturbation modifie la
séquence diagénétique dans le sédiment, augmente les flux de l’uranium à l’interface eau-sédiment mais surtout
permet une remontée de l’uranium piégé dans le sédiment anoxique vers la colonne d’eau où il est réoxydé et donc à
nouveau soluble et mobile dans le système. De plus, une interaction complexe entre la chimie du fer, celle de
l’uranium et les processus microbiens a pu être mise en évidence. En complément, une analyse 2D de l’oxygène
dissous (optodes à oxygène) a permis de montrer que la bioturbation augmente la consommation d’oxygène du
sédiment grâce notamment à une stimulation de l’activité microbienne aérobie. Cet effet est encore plus prononcé
lorsque le sédiment est contaminé avec de l’uranium, ce qui semble encore une fois indiquer un effet de l’uranium
sur les communautés microbiennes.
Ce travail préliminaire sur les interactions entre la bioturbation et la biogéochimie de l’uranium au sein des
sédiments d’eau douce a permis de dégager des résultats essentiels qui pourront contribuer à une meilleure
compréhension des conséquences d’une pollution à l’uranium dans ce type d’écosystème.
MOTS-CLÉS : bioturbation, biogéochimie, macro-invertébrés benthiques, sédiment, uranium, Chironomus riparius,
Tubifex tubifex.
IRSN – Journées des thèses 2007 – LAGAUZERE Sandra
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1 INTRODUCTION
Au sein des écosystèmes aquatiques continentaux, les métaux sont présents dans tous les compartiments (colonne
d’eau, sédiments, organismes) dans lesquels ils peuvent s’accumuler en concentrations parfois très élevées. De
nombreuses études révèlent le rôle primordial des sédiments dans le cycle biogéochimique des métaux : ils
constituent des sites privilégiés pour l’accumulation de ces éléments (Tessier & Campbell 1988, Luoma 1989, AlfaroDe-la-Torre & Tessier 2002). De plus, selon l’ancienneté de la pollution, les sédiments peuvent aussi se comporter
comme des sources endogènes de contamination, par évolution de la spéciation physico-chimique des métaux,
laquelle va jouer sur leur transfert et leur biodisponibilité (Soster et al. 1992). Les composés métalliques peuvent être
transformés en composés plus ou moins toxiques ou inertes sous l’effet de modifications des conditions physicochimiques (e.g. pH, conditions rédox, force ionique) et microbiologiques du sédiment. Ces conditions sont ellesmêmes sous le contrôle de l’activité des macro-invertébrés benthiques via les processus de bioturbation (Rhoads 1974,
Kristensen 2000).
La répartition des organismes benthiques au sein des sédiments, et donc leur activité bioturbatrice sont liées à leur
déplacement, leur mode alimentaire et leurs besoins respiratoires : creusement de galeries et de terriers (structures
biogènes), sillons à la surface et à l’intérieur du sédiment, ingestion de particules sédimentaires (microphagie),
production de fèces, circulation d’eau dans les galeries (ventilation)… Ces invertébrés colonisent surtout l’interface
eau/sédiment où la matière organique est la plus abondante et la plus fraîche, mais ils peuvent également pénétrer
assez profondément dans le sédiment (Gérino 1992, Gérino et al. 1999). La bioturbation a des conséquences directes
au niveau de l’interface eau/sédiment et dans le sédiment (mélange, brassage et remise en suspension de particules
organiques et minérales, transport de l’eau interstitielle et des solutés). Ces mécanismes vont donc engendrer
d’importantes modifications physiques, chimiques, minéralogiques et biologiques (Aller 1994) qui vont avoir une
action sur les flux de certains composés chimiques dont les métaux comme l’uranium (Petersen et al. 1995, Reible et
al. 1996, Ciutat & Boudou 2003).
Parmi les métaux non essentiels, les données concernant les effets chroniques de l’uranium sur les macroinvertébrés benthiques et sur le rôle de ces derniers dans le cycle biogéochimique de l’uranium à l’interface
eau/sédiment sont quasiment inexistantes. Ce fait est un obstacle majeur à l’évaluation du risque écologique associé
à l’uranium et à une gestion optimale, basée sur de bonnes connaissances scientifiques, des écosystèmes pollués.
L’uranium est un métal naturellement présent dans les écosystèmes aquatiques. Cependant, certaines activités
anthropiques (combustible nucléaire, exploitation minière, utilisation d’engrais phosphatés, applications médicales,
scientifiques et militaires) sont responsables d’un accroissement de sa teneur dans l’environnement, particulièrement
au niveau des sédiments des écosystèmes aquatiques (Hynes et al. 1987). Le « bruit de fond » pour les principaux
fleuves français est compris entre 0,4 et 7 µgU/g sédiment sec (Lambrechts et al. 1992). Mais des concentrations
allant de <100 à >1000 µgU/g sédiment sec ont été mesurées dans des milieux impactés par des rejets miniers
(Swanson 1985, McKee et al. 1987, Joshi et al. 1989), et des concentrations maximales de 5600 et 18000 µgU/g
sédiment sec ont été relevées en aval de mines au Canada (Neame et al. 1982, Hart et al. 1986).
2 OBJECTIFS SPECIFIQUES
Les deux principaux objectifs ont été (i) d’évaluer les effets de l’uranium sur les macro-invertébrés benthiques,
particulièrement sur leur activité de bioturbation, et (ii) d’estimer l’influence de la bioturbation sur la biogéochimie
du sédiment et ainsi sur la distribution et les flux de l’uranium entre les différents compartiments de l’écosystème
benthique.
Pour atteindre ces objectifs, plusieurs études en laboratoire ont été menées en conditions contrôlées. Des
microcosmes reproduisant l’écosystème benthique ont été mis en place avec du sédiment artificiellement contaminé
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et l’ajout de deux espèces de macro-invertébrés particulièrement ubiquistes et abondantes en eau douce : des larves
de Chironomus riparius (Insectes, Diptères) et des vers Tubifex tubifex (Annélides, Oligochètes). Ces deux taxons sont
largement répandus dans les sédiments potamaux et lacustres. Ils peuvent parfois y être très abondants et sont
souvent les seuls invertébrés présents dans les milieux pollués et/ou très riches en matière organique. Ils constituent
donc des modèles de choix pour étudier des systèmes contaminés à l’uranium. De plus, bien que pouvant vivre dans le
même type de milieu, ces deux groupes d’invertébrés sont caractérisés par des activités bioturbatrices bien
distinctes : bioconvoyage pour les Oligochètes (Matisoff et al. 1999), bioirrigation pour les Chironomes (Matisoff &
Wang 2000). Il est donc intéressant, par rapport à notre problématique, de constater les effets combinés ou non de
ces deux modes de bioturbation.
3 EFFETS DE L’URANIUM SUR LES MACRO-INVÉRTÉBRÉS BENTHIQUES
3.1 Survie, morphologie, croissance et bioaccumulation
Pour Chironomus riparius, dans nos conditions expérimentales (i.e. sédiment et eau d’origine naturelle) nous avons
pu calculer une CL50 de 857 µgU/g sédt sec. Dans d’autres conditions expérimentales (sédiment et eau artificiels),
Dias et al. (accepté) ont mis en évidence une diminution significative de la survie des larves à partir de 512 µgU/g sec
(CL50 = 562.41 µg U/g sec). Ceci semble indiquer que la toxicité de l’uranium pour cette espèce serait moindre dans
nos conditions expérimentales.
Concernant, Tubifex tubifex, aucune donnée n’étant disponible, nous avons entrepris plusieurs tests écotoxiques
grâce à l’aide d’une étudiante en Master 2 (Raphaële Terrail). Ainsi, dans ces conditions expérimentales, l’uranium a
entraîné une diminution de la survie, des modifications morphologiques (autotomie, malformations), de la
bioaccumulation et des changements comportementaux, de façon significative pour de très fortes concentrations en
uranium. Là-encore, la toxicité de l’uranium apparaît plus faible que celle d’autres contaminants testés sur ces
organismes. Concernant la biomasse, il est important de noter qu’un effet Hormesis a pu être observé (Fig. 1): pour la
concentration la plus faible testée (150 µgU/g sédt sec), la biomasse a augmentée significativement pendant les
douze jours d’exposition, tandis qu’elle ne varie pas jusqu’à 1200 µgU/g sédt sec et qu’elle subi une perte
significative pour les deux traitements les plus forts (1200 et 2400 µgU/g sédt sec). Dans une perspective de biologie
évolutive, une des causes ultimes pouvant expliquer ce phénomène serait que pour la plus faible concentration en
uranium, les vers augmenteraient leurs réserves énergétiques pour produire plus de descendants. Au final, la
probabilité de voir apparaître au sein de la population des individus génétiquement adaptés à l’uranium serait accrue.
Cette hypothèse reste à vérifier. Par contre, pour les plus fortes concentrations en uranium, la toxicité est trop
importante pour que les Tubifex puissent réagir en augmentant leur activité de recherche de nourriture, et la
mortalité et l’autotomie sont trop importantes.
Enfin, malgré le peu de données existantes, il est important de noter que ces deux espèces présentent une relative
tolérance à l’uranium comparativement à d’autres invertébrés.
2,5
*
2
∆ W (g)
1,5
1
0,5
0
-0,5
**
-1
0
150
300
600
1200
2400
**
4800
Figure 1 - Évolution de la biomasse (∆W) des vers T.
tubifex après 12 jours d’exposition, en fonction de la
concentration en U dans le sédiment. Les valeurs
sont des moyennes (± ET), et les étoiles représentent
les valeurs significativement différentes du contrôle.
Nominal uranium concentration (µgU.g-1 dry sediment)
3.2 Bioturbation
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Grâce à l’utilisation de traceurs particulaires fluorescents, le remaniement particulaire induit par bioturbation, a
été estimé au sein des carottes de sédiment. A partir de profils de concentration en fonction de la profondeur,
différents paramètres permettant d’estimer l’intensité de bioturbation ont été calculés grâce à un modèle
mathématique. Les deux principaux sont un coefficient de biodiffusion Db et une vitesse de bioadvection W (Fig. 2).
80
70
0
vitesse W (cm/yr)
12
0
2
biodiffusion Db (cm /yr)
150
150
300
60
10
300
600
600
50
8
40
6
30
4
20
2
10
0
0
chiro
tubifex
tubifex+chiro
control
chiro
tubifex
tubifex+chiro
control
Figure 2 - Vitesse d’advection (W) et coefficient de biodiffusion (Db) en fonction des traitements (présence de Chironomes
et/ou de Tubifex) pour 4 niveaux de contamination du sédiment (0, 150, 300 et 600 µgU/g wt)
Concernant les larves de Chironomes, les valeurs pour ces deux paramètres sont très faibles et ne sont pas
significativement différentes du contrôle. Cette méthode ne met donc pas en évidence de remaniement particulaire
induit par ces organismes et de ce fait aucun effet de l’uranium n’est visible.
Par contre, les valeurs sont plutôt élevées pour les Tubifex, notamment pour les concentrations intermédiaires (150
et 300 µgU/g sédt sec). Pour la vitesse d’advection, l’uranium a un effet pour la concentration maximale (600 µgU/g
sédt sec) et on observe un effet Hormesis pour le coefficient de bio diffusion qui peut être mis en relation avec l’effet
de l’uranium sur la biomasse (cf. 3.1) : les vers augmente leur activité - recherche de nourriture - à la concentration
de 150 µgU/g sédt sec, ce qui se traduit par une augmentation de la biomasse. Enfin, aucune différence significative
n’apparaît entre les traitements Tubifex et Tubifex-Chironomes, ce qui confirme que seuls les vers Tubifex induisent
un important remaniement particulaire.
4 INFLUENCE DE LA BIOTURBATION SUR LA BIOGÉOCHIMIE DU SÉDIMENT
4.1 Flux d’oxygène dissous à l’interface eau-sédiment
Grâce à une mesure de la distribution 2D de l’O2 dans le sédiment, le flux d’O2 entrant à l’interface eau-sédiment a
pu être calculé grâce à la première loi de Fick (Fig. 3). Les deux espèces de macro-invertébrés augmentent
significativement la consommation totale en O2 du sédiment. En effet, en plus de la respiration propre de ces
organismes, la bioturbation entraîne une pénétration accrue de l’oxygène dans le sédiment qui favorise les
communautés microbiennes aérobies et la surface d’échange à l’interface est augmentée. L’effet des Chironomes est
plus élevé que celui des Tubifex du fait de leur modes de vie différents: les Chironomes peuvent bioirrigués des
terriers et leur respiration se fait dans le sédiment, tandis que les vers Tubifex respirent uniquement par diffusion
cutanée au niveau de la partie caudale libre dans la colonne d’eau. Lorsque le sédiment est contaminé avec de
l’uranium, aucune différence significative n’apparaît dans le cas des Chironomes, par contre la consommation en
oxygène est fortement augmentée en présence de Tubifex. Ceci semble indiquer que les communautés microbiennes
qui sont en relation avec les Tubifex (ex. au sein du mucus dont la production augmente lors d’une exposition à un
polluant) peuvent également avoir des activités métaboliques modifiées en réponse à une exposition à de l’uranium.
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L’oxygène dissous étant l’un des paramètres majeurs de la minéralisation de la matière organique et donc
déterminant dans les processus diagénétiques, des conséquences de la bioturbation sur la biogéochimie globale du
sédiment paraissent évidentes.
11,5
d
11,0
10,5
10,0
a
a
O2
9,5
c
9,0
8,5
8,0
b
7,5
7,0
Control
Chironomus
Chironomus + U
Tubifex
Tubifex + U
Treatment
Figure 3 – Consommation totale d’oxygène dissous par le sédiment (flux intégré en mmolO2/cm2/j)
Les histogrammes avec des lettres différentes sont statistiquement différents (p<0,05)
4.2 Biogéochimie du sédiment et répartition de l’uranium
Afin de quantifier et comprendre la répartition de l’uranium entre les différents compartiments du système,
plusieurs paramètres ont été suivis : (i) des prélèvements réguliers dans la colonne d’eau pour mesurer l’U total par
ICP-AES, (ii) des mesures dans l’eau interstitielle de l’U dissous grâce à des gels DET, (iii) des mesures de l’U total
dans le sédiment pour déterminer par différence l’U particulaire, et (iv) des mesures de bioaccumulation dans les
organismes. Tous les résultats ne sont pas encore disponibles, mais il apparaît clairement que l’uranium est
globalement relargué vers la colonne d’eau sous l’effet de la bioturbation des vers Tubifex (Fig. 4) malgré un flux
entrant d’U dissous vers le sédiment (Fig. 5). La bioaccumulation dans ces organismes est relativement faible. Ceci
confirme le bioconvoyage exercé par les Tubifex, processus qui permet la remontée de particules du sédiment
anoxique vers la colonne d’eau via le tractus digestif également anoxique. Ainsi, l’uranium réduit et plutôt immobilisé
dans le sédiment anoxique est directement remonté en surface où les conditions permettent sa réoxydation et donc sa
remobilisation.
Concernant les espèces géochimiques majeures (NO3-, SO42-, Ca, Fe, Mn…), les analyses sont encore en cours, mais
un des premiers résultats marquants concerne le Fe dissous dans le sédiment. En effet, en l’absence d’uranium, on
peut observer des profils en accord avec les données de la littérature et un effet potentiel de la bioturbation sur cette
répartition. Mais, en présence d’uranium, les niveaux de Fe dissous sont très inférieurs et il ne semble pas avoir
d’effet de la bioturbation (Fig. 6). Les résultats du dosage du fer et de l’uranium particulaires devraient permettre
d’interpréter ces résultats.
0
5000
10000
15000
20000
25000
30000
35000
100
40000
control
tubifex
35000
80
Day 0
60
control
Day 12
Tubifex
Day 12
40
-1
[U]tot water (µg.L )
30000
25000
20
20000
0
15000
-20
10000
-40
5000
-60
-80
0
0
5
10
15
-100
time (days)
Figure 4 – Concentration en U total dans la colonne d’eau
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Figure 5 – Profils d’U dissous et colloïdal dans la colonne
d’eau et l’eau interstitielle (µg/L) mesuré par DET
Page 4 sur 6
0
60000
120000
180000
240000
300000
360000
420000
0
control t0
-10
control t12
control +Tubifex t12
-20
U t0
U t12
-30
U + Tubifex t12
-40
-50
-60
-70
-80
-90
-100
Figure 6 – Profils de Fe dissous et colloïdal dans l’eau interstitielle en
µg/L (contrôle : trait plein, avec uranium : croix) mesuré par DET
5 CONSÉQUENCES POUR LA FAUNE PÉLAGIQUE
Afin d’estimer les conséquences potentielles du relargage d’uranium dû à la bioturbation des vers Tubifex, des
têtards de Xénope (Amphibiens, Anoures), organisme pélagique modèle, ont été introduits dans la colonne d’eau des
microcosmes. Les dommages génétiques ont été mesurés par la quantification de micronoyaux, ainsi que par
l'expression de gènes susceptibles d’être modifiés par l'uranium (MT, HSP70, XeMDR, CYP1A1). Des effets significatifs
ont été observés dans le test micronoyaux. Les analyses statistiques sont en cours concernant les résultats de
génomique.
6 CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES
Lors d’une exposition à un sédiment contaminé à l’uranium, les macro-invertébrés benthiques peuvent être affectés
par une mortalité accrue, l’apparition de malformations, une perte de biomasse et des modifications
comportementales. Cependant, dans le cas d’espèces polluo-résistantes comme les Chironomes ou les Oligochètes,
ces effets apparaissent pour des niveaux de contamination relativement élevés. Ainsi, bien que leur activité
bioturbatrice puisse être diminuée à forte concentration, celle-ci entraîne tout de même des modifications de la
biogéochimie des sédiments superficiels avec notamment une consommation accrue d’oxygène par le sédiment et des
effets sur les communautés microbiennes qui vont avoir un rôle non négligeable dans la diagenèse sédimentaire. La
distribution de l’uranium est ainsi modifiée et malgré sa tendance à s’accumuler dans le sédiment par réduction, il
peut être remobilisé vers la colonne d’eau où sa réoxydation le rend potentiellement biodisponible pour des
organismes pélagiques.
Ce travail novateur a été réalisé avec un sédiment d’origine naturelle et dans des conditions d’exposition
constantes (température, bullage d’air, temps d’exposition, densité d’organismes, etc…) et constitue donc une
approche préliminaire dans la compréhension des interactions existant entre la bioturbation et la biogéochimie de
l’uranium au sein des sédiments d’eau douce. Il a permis de dégager des résultats essentiels qui pourront contribuer à
mieux appréhender les conséquences d’une pollution à l’uranium dans ce type d’écosystème. Compte-tenu de la
complexité de la chimie de l’uranium et des nombreux effets de la bioturbation, il serait pertinent de mener des
études similaires avec d’autres types de sédiment et avec des conditions physico-chimiques différentes, de
caractériser les communautés microbiennes et d’évaluer les effets de l’uranium et/ou de la bioturbation sur celles-ci,
de tester les effets d’autres macro-invertébrés avec des modes de bioturbation différents et également de mener des
expériences de terrain sur des sites concernés par une contamination en uranium, par exemple près d’anciens sites
miniers.
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