Influence de la bioturbation des macro-invertébrés benthiques sur la biogéochimie de l’uranium dans les sédiments d’eau douce Journées des thèses IRSN, 01-04 octobre 2007 LAGAUZERE Sandra – 3ème année de thèse. Rattachement : IRSN DEI/SECRE/– Laboratoire de Radioécologie et d’Ecotoxicologie (site de Cadarache) Directeur de thèse : Georges STORA Laboratoire de Microbiologie, Géochimie et Ecologie Marines (COM, UMR CNRS 6117) Responsable IRSN : Jean-Marc BONZOM Début de thèse : Octobre 2004 Financement : Thèse autofinancée (IRSN/CFR) RÉSUMÉ - Au sein des écosystèmes aquatiques continentaux, les sédiments constituent le principal compartiment de stockage des polluants métalliques tels que l’uranium. Les métaux peuvent y prendre des formes chimiques plus ou moins toxiques ou réactives selon les variations des conditions physico-chimiques et des activités microbiennes. Ces conditions sont elles-mêmes dépendantes de l’activité des organismes benthiques via les processus de bioturbation. Cependant, les interactions pouvant exister entre la bioturbation, la biogéochimie des sédiments et la distribution, les transferts, la biodisponibilité et la toxicité de l’uranium ont été très peu étudiées. Dans ce contexte, les deux principaux objectifs ont été (i) d’évaluer les effets de l’uranium sur les macro-invertébrés benthiques, particulièrement sur leur activité de bioturbation, et (ii) d’estimer l’influence de la bioturbation sur la biogéochimie du sédiment et ainsi sur la distribution et les flux de l’uranium entre les différents compartiments de l’écosystème benthique. Pour atteindre ces objectifs, plusieurs études en laboratoire ont été menées en conditions contrôlées. Des microcosmes reproduisant l’écosystème benthique ont été mis en place avec du sédiment artificiellement contaminé et l’ajout de deux espèces de macro-invertébrés particulièrement ubiquistes et abondantes en eau douce : des larves de Chironomus riparius (Insectes, Diptères) et des vers Tubifex tubifex (Annélides, Oligochètes). Concernant le premier axe d’étude, les tests écotoxiques montrent des effets significatifs sur la survie, la morphologie, la croissance, la bioaccumulation et le comportement de ces organismes pour de fortes concentrations en uranium. L’activité de bioturbation a été étudiée plus en détail par une mesure du remaniement particulaire induit grâce à des traceurs fluorescents. Les principaux résultats indiquent que seuls les vers Tubifex induisent un important remaniement particulaire et que l’uranium ne l’affecte que pour de fortes concentrations. De plus, ces organismes, même exposés à des niveaux élevés de contamination, entraînent un important relargage d’uranium du sédiment vers la colonne d’eau. Pour estimer les effets toxiques potentiels d’un tel relargage vers la colonne d’eau, un bioessai écotoxique a été réalisé à l’aide d’un organisme pélagique modèle, le têtard de Xénope. Les dommages génétiques ont été évalués à travers la quantification de micronoyaux, ainsi que par la modification de l'expression de gènes susceptibles d’être modifiés par l'uranium. Les résultats révèlent un effet négatif de l’uranium sur ces paramètres mais de façon modérée en comparaison avec les polluants classiquement testés. La seconde partie de la thèse a été consacrée à l’estimation de l’influence de la bioturbation sur les processus biogéochimiques dans le sédiment. Grâce à des mesures précises des concentrations des principales espèces chimiques dissoutes et particulaires, et de la concentration en uranium dans la colonne d’eau, l’eau interstitielle et le sédiment, il a été possible de dégager quelques résultats marquants : il apparaît clairement que la bioturbation modifie la séquence diagénétique dans le sédiment, augmente les flux de l’uranium à l’interface eau-sédiment mais surtout permet une remontée de l’uranium piégé dans le sédiment anoxique vers la colonne d’eau où il est réoxydé et donc à nouveau soluble et mobile dans le système. De plus, une interaction complexe entre la chimie du fer, celle de l’uranium et les processus microbiens a pu être mise en évidence. En complément, une analyse 2D de l’oxygène dissous (optodes à oxygène) a permis de montrer que la bioturbation augmente la consommation d’oxygène du sédiment grâce notamment à une stimulation de l’activité microbienne aérobie. Cet effet est encore plus prononcé lorsque le sédiment est contaminé avec de l’uranium, ce qui semble encore une fois indiquer un effet de l’uranium sur les communautés microbiennes. Ce travail préliminaire sur les interactions entre la bioturbation et la biogéochimie de l’uranium au sein des sédiments d’eau douce a permis de dégager des résultats essentiels qui pourront contribuer à une meilleure compréhension des conséquences d’une pollution à l’uranium dans ce type d’écosystème. MOTS-CLÉS : bioturbation, biogéochimie, macro-invertébrés benthiques, sédiment, uranium, Chironomus riparius, Tubifex tubifex. IRSN – Journées des thèses 2007 – LAGAUZERE Sandra Page 1 sur 6 1 INTRODUCTION Au sein des écosystèmes aquatiques continentaux, les métaux sont présents dans tous les compartiments (colonne d’eau, sédiments, organismes) dans lesquels ils peuvent s’accumuler en concentrations parfois très élevées. De nombreuses études révèlent le rôle primordial des sédiments dans le cycle biogéochimique des métaux : ils constituent des sites privilégiés pour l’accumulation de ces éléments (Tessier & Campbell 1988, Luoma 1989, AlfaroDe-la-Torre & Tessier 2002). De plus, selon l’ancienneté de la pollution, les sédiments peuvent aussi se comporter comme des sources endogènes de contamination, par évolution de la spéciation physico-chimique des métaux, laquelle va jouer sur leur transfert et leur biodisponibilité (Soster et al. 1992). Les composés métalliques peuvent être transformés en composés plus ou moins toxiques ou inertes sous l’effet de modifications des conditions physicochimiques (e.g. pH, conditions rédox, force ionique) et microbiologiques du sédiment. Ces conditions sont ellesmêmes sous le contrôle de l’activité des macro-invertébrés benthiques via les processus de bioturbation (Rhoads 1974, Kristensen 2000). La répartition des organismes benthiques au sein des sédiments, et donc leur activité bioturbatrice sont liées à leur déplacement, leur mode alimentaire et leurs besoins respiratoires : creusement de galeries et de terriers (structures biogènes), sillons à la surface et à l’intérieur du sédiment, ingestion de particules sédimentaires (microphagie), production de fèces, circulation d’eau dans les galeries (ventilation)… Ces invertébrés colonisent surtout l’interface eau/sédiment où la matière organique est la plus abondante et la plus fraîche, mais ils peuvent également pénétrer assez profondément dans le sédiment (Gérino 1992, Gérino et al. 1999). La bioturbation a des conséquences directes au niveau de l’interface eau/sédiment et dans le sédiment (mélange, brassage et remise en suspension de particules organiques et minérales, transport de l’eau interstitielle et des solutés). Ces mécanismes vont donc engendrer d’importantes modifications physiques, chimiques, minéralogiques et biologiques (Aller 1994) qui vont avoir une action sur les flux de certains composés chimiques dont les métaux comme l’uranium (Petersen et al. 1995, Reible et al. 1996, Ciutat & Boudou 2003). Parmi les métaux non essentiels, les données concernant les effets chroniques de l’uranium sur les macroinvertébrés benthiques et sur le rôle de ces derniers dans le cycle biogéochimique de l’uranium à l’interface eau/sédiment sont quasiment inexistantes. Ce fait est un obstacle majeur à l’évaluation du risque écologique associé à l’uranium et à une gestion optimale, basée sur de bonnes connaissances scientifiques, des écosystèmes pollués. L’uranium est un métal naturellement présent dans les écosystèmes aquatiques. Cependant, certaines activités anthropiques (combustible nucléaire, exploitation minière, utilisation d’engrais phosphatés, applications médicales, scientifiques et militaires) sont responsables d’un accroissement de sa teneur dans l’environnement, particulièrement au niveau des sédiments des écosystèmes aquatiques (Hynes et al. 1987). Le « bruit de fond » pour les principaux fleuves français est compris entre 0,4 et 7 µgU/g sédiment sec (Lambrechts et al. 1992). Mais des concentrations allant de <100 à >1000 µgU/g sédiment sec ont été mesurées dans des milieux impactés par des rejets miniers (Swanson 1985, McKee et al. 1987, Joshi et al. 1989), et des concentrations maximales de 5600 et 18000 µgU/g sédiment sec ont été relevées en aval de mines au Canada (Neame et al. 1982, Hart et al. 1986). 2 OBJECTIFS SPECIFIQUES Les deux principaux objectifs ont été (i) d’évaluer les effets de l’uranium sur les macro-invertébrés benthiques, particulièrement sur leur activité de bioturbation, et (ii) d’estimer l’influence de la bioturbation sur la biogéochimie du sédiment et ainsi sur la distribution et les flux de l’uranium entre les différents compartiments de l’écosystème benthique. Pour atteindre ces objectifs, plusieurs études en laboratoire ont été menées en conditions contrôlées. Des microcosmes reproduisant l’écosystème benthique ont été mis en place avec du sédiment artificiellement contaminé IRSN – Journées des thèses 2007 – LAGAUZERE Sandra Page 1 sur 6 et l’ajout de deux espèces de macro-invertébrés particulièrement ubiquistes et abondantes en eau douce : des larves de Chironomus riparius (Insectes, Diptères) et des vers Tubifex tubifex (Annélides, Oligochètes). Ces deux taxons sont largement répandus dans les sédiments potamaux et lacustres. Ils peuvent parfois y être très abondants et sont souvent les seuls invertébrés présents dans les milieux pollués et/ou très riches en matière organique. Ils constituent donc des modèles de choix pour étudier des systèmes contaminés à l’uranium. De plus, bien que pouvant vivre dans le même type de milieu, ces deux groupes d’invertébrés sont caractérisés par des activités bioturbatrices bien distinctes : bioconvoyage pour les Oligochètes (Matisoff et al. 1999), bioirrigation pour les Chironomes (Matisoff & Wang 2000). Il est donc intéressant, par rapport à notre problématique, de constater les effets combinés ou non de ces deux modes de bioturbation. 3 EFFETS DE L’URANIUM SUR LES MACRO-INVÉRTÉBRÉS BENTHIQUES 3.1 Survie, morphologie, croissance et bioaccumulation Pour Chironomus riparius, dans nos conditions expérimentales (i.e. sédiment et eau d’origine naturelle) nous avons pu calculer une CL50 de 857 µgU/g sédt sec. Dans d’autres conditions expérimentales (sédiment et eau artificiels), Dias et al. (accepté) ont mis en évidence une diminution significative de la survie des larves à partir de 512 µgU/g sec (CL50 = 562.41 µg U/g sec). Ceci semble indiquer que la toxicité de l’uranium pour cette espèce serait moindre dans nos conditions expérimentales. Concernant, Tubifex tubifex, aucune donnée n’étant disponible, nous avons entrepris plusieurs tests écotoxiques grâce à l’aide d’une étudiante en Master 2 (Raphaële Terrail). Ainsi, dans ces conditions expérimentales, l’uranium a entraîné une diminution de la survie, des modifications morphologiques (autotomie, malformations), de la bioaccumulation et des changements comportementaux, de façon significative pour de très fortes concentrations en uranium. Là-encore, la toxicité de l’uranium apparaît plus faible que celle d’autres contaminants testés sur ces organismes. Concernant la biomasse, il est important de noter qu’un effet Hormesis a pu être observé (Fig. 1): pour la concentration la plus faible testée (150 µgU/g sédt sec), la biomasse a augmentée significativement pendant les douze jours d’exposition, tandis qu’elle ne varie pas jusqu’à 1200 µgU/g sédt sec et qu’elle subi une perte significative pour les deux traitements les plus forts (1200 et 2400 µgU/g sédt sec). Dans une perspective de biologie évolutive, une des causes ultimes pouvant expliquer ce phénomène serait que pour la plus faible concentration en uranium, les vers augmenteraient leurs réserves énergétiques pour produire plus de descendants. Au final, la probabilité de voir apparaître au sein de la population des individus génétiquement adaptés à l’uranium serait accrue. Cette hypothèse reste à vérifier. Par contre, pour les plus fortes concentrations en uranium, la toxicité est trop importante pour que les Tubifex puissent réagir en augmentant leur activité de recherche de nourriture, et la mortalité et l’autotomie sont trop importantes. Enfin, malgré le peu de données existantes, il est important de noter que ces deux espèces présentent une relative tolérance à l’uranium comparativement à d’autres invertébrés. 2,5 * 2 ∆ W (g) 1,5 1 0,5 0 -0,5 ** -1 0 150 300 600 1200 2400 ** 4800 Figure 1 - Évolution de la biomasse (∆W) des vers T. tubifex après 12 jours d’exposition, en fonction de la concentration en U dans le sédiment. Les valeurs sont des moyennes (± ET), et les étoiles représentent les valeurs significativement différentes du contrôle. Nominal uranium concentration (µgU.g-1 dry sediment) 3.2 Bioturbation IRSN – Journées des thèses 2007 – LAGAUZERE Sandra Page 2 sur 6 Grâce à l’utilisation de traceurs particulaires fluorescents, le remaniement particulaire induit par bioturbation, a été estimé au sein des carottes de sédiment. A partir de profils de concentration en fonction de la profondeur, différents paramètres permettant d’estimer l’intensité de bioturbation ont été calculés grâce à un modèle mathématique. Les deux principaux sont un coefficient de biodiffusion Db et une vitesse de bioadvection W (Fig. 2). 80 70 0 vitesse W (cm/yr) 12 0 2 biodiffusion Db (cm /yr) 150 150 300 60 10 300 600 600 50 8 40 6 30 4 20 2 10 0 0 chiro tubifex tubifex+chiro control chiro tubifex tubifex+chiro control Figure 2 - Vitesse d’advection (W) et coefficient de biodiffusion (Db) en fonction des traitements (présence de Chironomes et/ou de Tubifex) pour 4 niveaux de contamination du sédiment (0, 150, 300 et 600 µgU/g wt) Concernant les larves de Chironomes, les valeurs pour ces deux paramètres sont très faibles et ne sont pas significativement différentes du contrôle. Cette méthode ne met donc pas en évidence de remaniement particulaire induit par ces organismes et de ce fait aucun effet de l’uranium n’est visible. Par contre, les valeurs sont plutôt élevées pour les Tubifex, notamment pour les concentrations intermédiaires (150 et 300 µgU/g sédt sec). Pour la vitesse d’advection, l’uranium a un effet pour la concentration maximale (600 µgU/g sédt sec) et on observe un effet Hormesis pour le coefficient de bio diffusion qui peut être mis en relation avec l’effet de l’uranium sur la biomasse (cf. 3.1) : les vers augmente leur activité - recherche de nourriture - à la concentration de 150 µgU/g sédt sec, ce qui se traduit par une augmentation de la biomasse. Enfin, aucune différence significative n’apparaît entre les traitements Tubifex et Tubifex-Chironomes, ce qui confirme que seuls les vers Tubifex induisent un important remaniement particulaire. 4 INFLUENCE DE LA BIOTURBATION SUR LA BIOGÉOCHIMIE DU SÉDIMENT 4.1 Flux d’oxygène dissous à l’interface eau-sédiment Grâce à une mesure de la distribution 2D de l’O2 dans le sédiment, le flux d’O2 entrant à l’interface eau-sédiment a pu être calculé grâce à la première loi de Fick (Fig. 3). Les deux espèces de macro-invertébrés augmentent significativement la consommation totale en O2 du sédiment. En effet, en plus de la respiration propre de ces organismes, la bioturbation entraîne une pénétration accrue de l’oxygène dans le sédiment qui favorise les communautés microbiennes aérobies et la surface d’échange à l’interface est augmentée. L’effet des Chironomes est plus élevé que celui des Tubifex du fait de leur modes de vie différents: les Chironomes peuvent bioirrigués des terriers et leur respiration se fait dans le sédiment, tandis que les vers Tubifex respirent uniquement par diffusion cutanée au niveau de la partie caudale libre dans la colonne d’eau. Lorsque le sédiment est contaminé avec de l’uranium, aucune différence significative n’apparaît dans le cas des Chironomes, par contre la consommation en oxygène est fortement augmentée en présence de Tubifex. Ceci semble indiquer que les communautés microbiennes qui sont en relation avec les Tubifex (ex. au sein du mucus dont la production augmente lors d’une exposition à un polluant) peuvent également avoir des activités métaboliques modifiées en réponse à une exposition à de l’uranium. IRSN – Journées des thèses 2007 – LAGAUZERE Sandra Page 3 sur 6 L’oxygène dissous étant l’un des paramètres majeurs de la minéralisation de la matière organique et donc déterminant dans les processus diagénétiques, des conséquences de la bioturbation sur la biogéochimie globale du sédiment paraissent évidentes. 11,5 d 11,0 10,5 10,0 a a O2 9,5 c 9,0 8,5 8,0 b 7,5 7,0 Control Chironomus Chironomus + U Tubifex Tubifex + U Treatment Figure 3 – Consommation totale d’oxygène dissous par le sédiment (flux intégré en mmolO2/cm2/j) Les histogrammes avec des lettres différentes sont statistiquement différents (p<0,05) 4.2 Biogéochimie du sédiment et répartition de l’uranium Afin de quantifier et comprendre la répartition de l’uranium entre les différents compartiments du système, plusieurs paramètres ont été suivis : (i) des prélèvements réguliers dans la colonne d’eau pour mesurer l’U total par ICP-AES, (ii) des mesures dans l’eau interstitielle de l’U dissous grâce à des gels DET, (iii) des mesures de l’U total dans le sédiment pour déterminer par différence l’U particulaire, et (iv) des mesures de bioaccumulation dans les organismes. Tous les résultats ne sont pas encore disponibles, mais il apparaît clairement que l’uranium est globalement relargué vers la colonne d’eau sous l’effet de la bioturbation des vers Tubifex (Fig. 4) malgré un flux entrant d’U dissous vers le sédiment (Fig. 5). La bioaccumulation dans ces organismes est relativement faible. Ceci confirme le bioconvoyage exercé par les Tubifex, processus qui permet la remontée de particules du sédiment anoxique vers la colonne d’eau via le tractus digestif également anoxique. Ainsi, l’uranium réduit et plutôt immobilisé dans le sédiment anoxique est directement remonté en surface où les conditions permettent sa réoxydation et donc sa remobilisation. Concernant les espèces géochimiques majeures (NO3-, SO42-, Ca, Fe, Mn…), les analyses sont encore en cours, mais un des premiers résultats marquants concerne le Fe dissous dans le sédiment. En effet, en l’absence d’uranium, on peut observer des profils en accord avec les données de la littérature et un effet potentiel de la bioturbation sur cette répartition. Mais, en présence d’uranium, les niveaux de Fe dissous sont très inférieurs et il ne semble pas avoir d’effet de la bioturbation (Fig. 6). Les résultats du dosage du fer et de l’uranium particulaires devraient permettre d’interpréter ces résultats. 0 5000 10000 15000 20000 25000 30000 35000 100 40000 control tubifex 35000 80 Day 0 60 control Day 12 Tubifex Day 12 40 -1 [U]tot water (µg.L ) 30000 25000 20 20000 0 15000 -20 10000 -40 5000 -60 -80 0 0 5 10 15 -100 time (days) Figure 4 – Concentration en U total dans la colonne d’eau IRSN – Journées des thèses 2007 – LAGAUZERE Sandra Figure 5 – Profils d’U dissous et colloïdal dans la colonne d’eau et l’eau interstitielle (µg/L) mesuré par DET Page 4 sur 6 0 60000 120000 180000 240000 300000 360000 420000 0 control t0 -10 control t12 control +Tubifex t12 -20 U t0 U t12 -30 U + Tubifex t12 -40 -50 -60 -70 -80 -90 -100 Figure 6 – Profils de Fe dissous et colloïdal dans l’eau interstitielle en µg/L (contrôle : trait plein, avec uranium : croix) mesuré par DET 5 CONSÉQUENCES POUR LA FAUNE PÉLAGIQUE Afin d’estimer les conséquences potentielles du relargage d’uranium dû à la bioturbation des vers Tubifex, des têtards de Xénope (Amphibiens, Anoures), organisme pélagique modèle, ont été introduits dans la colonne d’eau des microcosmes. Les dommages génétiques ont été mesurés par la quantification de micronoyaux, ainsi que par l'expression de gènes susceptibles d’être modifiés par l'uranium (MT, HSP70, XeMDR, CYP1A1). Des effets significatifs ont été observés dans le test micronoyaux. Les analyses statistiques sont en cours concernant les résultats de génomique. 6 CONCLUSIONS ET PERSPECTIVES Lors d’une exposition à un sédiment contaminé à l’uranium, les macro-invertébrés benthiques peuvent être affectés par une mortalité accrue, l’apparition de malformations, une perte de biomasse et des modifications comportementales. Cependant, dans le cas d’espèces polluo-résistantes comme les Chironomes ou les Oligochètes, ces effets apparaissent pour des niveaux de contamination relativement élevés. Ainsi, bien que leur activité bioturbatrice puisse être diminuée à forte concentration, celle-ci entraîne tout de même des modifications de la biogéochimie des sédiments superficiels avec notamment une consommation accrue d’oxygène par le sédiment et des effets sur les communautés microbiennes qui vont avoir un rôle non négligeable dans la diagenèse sédimentaire. La distribution de l’uranium est ainsi modifiée et malgré sa tendance à s’accumuler dans le sédiment par réduction, il peut être remobilisé vers la colonne d’eau où sa réoxydation le rend potentiellement biodisponible pour des organismes pélagiques. Ce travail novateur a été réalisé avec un sédiment d’origine naturelle et dans des conditions d’exposition constantes (température, bullage d’air, temps d’exposition, densité d’organismes, etc…) et constitue donc une approche préliminaire dans la compréhension des interactions existant entre la bioturbation et la biogéochimie de l’uranium au sein des sédiments d’eau douce. Il a permis de dégager des résultats essentiels qui pourront contribuer à mieux appréhender les conséquences d’une pollution à l’uranium dans ce type d’écosystème. Compte-tenu de la complexité de la chimie de l’uranium et des nombreux effets de la bioturbation, il serait pertinent de mener des études similaires avec d’autres types de sédiment et avec des conditions physico-chimiques différentes, de caractériser les communautés microbiennes et d’évaluer les effets de l’uranium et/ou de la bioturbation sur celles-ci, de tester les effets d’autres macro-invertébrés avec des modes de bioturbation différents et également de mener des expériences de terrain sur des sites concernés par une contamination en uranium, par exemple près d’anciens sites miniers. IRSN – Journées des thèses 2007 – LAGAUZERE Sandra Page 5 sur 6 5 RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES Alfaro-De-la-Torre MC, Tessier A (2002) Cadmium deposition and mobility in the sediments of an acidic oligotrophic lake. Geochimica et Cosmochimica Acta 66:35493562 Aller RC (1994) Bioturbation and remineralization of sedimentary organic matter: effects of redox oscillation. Chemical Geology:331-345 Ciutat A, Boudou A (2003) Bioturbation effects on cadmium and zinc transfers from a contaminated sediment and on metal bioavailability to benthic bivalves. Environ. Toxicol. Chem. 22:1574-1581. Dias V, Vasseur C, Bonzom JM (accepted) Exposure of Chironomus riparius larvae to uranium: effects on survival, development time, growth, and mouthpart deformities. Chemosphere Gérino M (1992) Etude expérimentale de la bioturbation en milieux littoral et profond : Quantification des structures de bioturbation et modélisation du remaniement biologique du sédiment., Thèse de doctorat de l'Université de Aix-Marseille II. Gérino M, Stora G, Weber O (1999) Evidence of bioturbation in the Cap-Ferret Canyon in the deep northeastern Atlantic. Deep-Sea Research Part II: Topical Studies in Oceanography 46:2289-2307 Hart DR, McKee PM, Burt AJ, Goffin MJ (1986) Benthic community and sediment quality assessment of Port Hope Harbour, Lake Ontario. Journal of Great Lakes Research 12:206-220 Hynes TP, Schmidt RM, Meadley T, Thompson NA (1987) The impact of effluents from a uranium mine and mill complex in Northern Saskatchewan on contaminant concentrations in receiving waters and sediments. Water pollution research journal of Canada 22:559-569 Joshi SR, Waite DT, Platford RF (1989) Vertical distribution of uranium mill tailings contaminants in Langley Bay, lake Athabasca sediments. Science of the Total Environment 87-88:85-104 Kristensen E (2000) Organic matter diagenesis at the oxic/anoxic interface in coastal marine sediments, with emphasis on the role of burrowing animals. Hydrobiologia 426:1-24 Lambrechts A, Foulquier L, Garnier-Laplace J (1992) Natural radioactivity in the aquatic components of the main French rivers. Radiation Protection Dosimetry 45:253256 Luoma SN (1989) Can we determine the biological availability of sediment-bound trace elements? Sediment/water interactions. Proc 4th symposium, Melbourne, 1987:379-396 Matisoff G, Wang X (2000) Particle mixing by freshwater infaunal bioirrigators : midges (Chironomidae :diptera) and mayflies (Ephemeridae :Ephemeroptera). J. Great Lakes Res. 26:174-182 Matisoff G, Wang X, McCall PL (1999) Biological redistribution of lake sediments by tubificid Oligochaetes : Branchiura sowerbyi and Limnodrilus hoffmeisteri/Tubifex tubifex. J Great Lakes Res. Internat. Assoc. Great Lakes Res. 25:205-219 McKee PM, Snodgrass WJ, Hart DR, Duthie HC, McAndrews JH, Keller W (1987) Sedimentation rates and sediment core profiles of 238U and 232Th decay chain radionuclides in a lake affected by uranium mining and milling. Canadian Journal of Fisheries & Aquatic Sciences 44:390-398 Neame PA, Dean JR, Zytaruk BG (1982) Distribution and concentrations of naturally-occurring radionuclides in sediments in a uranium mining area of northern Saskatchewan, Canada. Hydrobiologia 91-92:355-361 Petersen W, Wallmann K, Pinglin L, Schroeder F, Knauth H-D (1995) Exchange of trace elements at the sediment-water interface during early diagenesis processes. Marine & Freshwater Research:19-26 Reible DD, Popov V, Valsaraj KT, Thibodeaux LJ, Lin F, Dikshit M, Todaro MA, Fleeger JW (1996) Contaminant fluxes from sediment due to Tubificid oligochaete bioturbation. Water Res. 30:704-714. Rhoads DC (1974) Organism-sediment relations on the muddy sea floor. Oceanogr. Mar. Biol. Ann. Rev. 12:263-300 Soster FM, Harvey DT, Troksa MR, Grooms T (1992) The effect of tubificid oligochaetes on the uptake of zinc by Lake Erie sediments. Hydrobiologia 248:249-258 Swanson SM (1985) Food-chain transfer of U-series radionuclides in a northern Saskatchewan aquatic system. Health Physics 49:747-770 Tessier A, Campbell PGC (1988) Partitioning of trace metals in sediments. In: Allen HE (ed) Metal speciation : Theory, Analysis and Application. Lewis Publishers Inc., MI, p 183-199. IRSN – Journées des thèses 2007 – LAGAUZERE Sandra Page 6 sur 6