votre patient a mal

publicité
SESSION POUR LES GENERALISTES
VOTRE PATIENT A MAL
I. Nègre, Département d’Anesthésie-Réanimation de Bicêtre, Hôpital de Bicêtre,
78 rue du Général Leclerc, 94275 Le Kremlin-Bicêtre.
INTRODUCTION
A côté de la douleur-symptôme (angor, coliques néphrétiques, traumatologie), le
médecin généraliste est confronté à des douleurs chroniques de multiples origines. La
douleur est en effet un motif fréquent de consultation chez le généraliste, mais peu
d’études ont évalué son incidence dans une clientèle. Une enquête téléphonique réalisée en Espagne auprès de 1 964 adultes a montré que la prévalence de la douleur dans
la population générale était de près de 80 %. Parmi ces personnes qui déclaraient avoir
eu une douleur durant les 6 mois précédents, 30 % l’évaluaient comme intense ou intolérable [1]. En France, une enquête récente (mars 99) portant sur l’évaluation de la
douleur, un jour donné, des 1 701 patients hospitalisés dans 15 établissements de la
MGEN (court séjour médecine : 6,6 % ; moyen séjour : 52,4 % ; long séjour 6,3 % ;
USP : 0,6 % ; maison de retraite : 28,5 %, autres : 5,6 %) pourrait refléter la population
suivie par un généraliste français [2]. Lors de cette enquête, la comparaison des réponses soignants patients révèle que 24 % des douleurs fortes et 40 % des douleurs modérées
sont méconnues par les soignants. Ces résultats sont globalement comparables à ceux
qui avaient été retrouvés lors de l’étude réalisée en 1992 et 1996 et concernant la douleur postopératoire (40 % des patients se déclaraient douloureux alors que le traitement
était jugé maximal par les soignants).
La tâche est donc immense et un effort encore nécessaire dans la détection, l’évaluation et le traitement de la douleur en médecine de ville. Ces résultats illustrent de
façon claire l’importance de la prise en compte de la douleur exprimée par le patient, et
pointent encore du doigt la sous-estimation de la douleur lorsqu’elle est réalisée par les
soignants, qui se trompent une fois sur deux.
Ces éléments ont amené l’ANAES, à proposer une méthodologie de la prise en
charge du patient douloureux en médecine [3]
1 . DEFINIR LE MECANISME
Dans l’enquête de la MGEN, les douleurs autres que postopératoires et cancéreuses
représentent plus de 40 % des cas. Parmi ces douleurs, les plus fréquentes sont rhumatologiques (13 %), du système nerveux (5 %), les autres origines de la douleur ne
821
822 MAPAR 2000
dépassant pas 3 %. Bassols et al retrouvent des lombalgies dans la moitié des cas
(50,9 %), des céphalées (42 %) et des douleurs des membres inférieurs (36,8 %)
De toute évidence, et bien que l’enquête de la MGEN ait été réalisée sur des personnes âgées (72 ans en moyenne), ces répartitions montrent que le médecin généraliste
est confronté à des douleurs de multiples origines (11 origines répertoriées dans l’enquête MGEN, en dehors du postopératoire et de la cancérologie), élément qui ne lui
facilite certainement pas la tâche. C’est dire toute l’importance de la sémiologie de la
douleur et du diagnostic propre à son mécanisme.
On distingue : la douleur nociceptive, correspondant à un dommage tissulaire, au
rythme inflammatoire ou mécanique (l’exemple est la douleur postopératoire) et la douleur neurogène, à type de brûlure, avec ou sans paroxysme à type de décharge électrique,
correspondant à une lésion nerveuse périphérique ou centrale ; l’examen retrouvant des
signes neurologiques : hypo ou hyperesthésies, ou allodynie correspondant à une douleur provoquée par toute stimulation cutanée (l’exemple est la douleur du zona).
La douleur psychogène ne peut être qu’un diagnostic d’élimination, mais ces
3 types de douleurs peuvent bien sûr être intriqués.
2 . EVALUER LA DOULEUR
Malgré les difficultés que cela peut représenter dans le cadre de l’activité d’un
médecin généraliste, en termes de temps passé auprès du patient, l’ensemble de la littérature insiste sur la nécessité d’une évaluation systématique de la douleur. Cette
évaluation permet de servir de point de repère dans l’évolution d’une prise en charge
souvent longue, d’apprécier avec une certaine objectivité le traitement et de juger de
son efficacité, de permettre des adaptations, et en bref, d’éliminer au maximum toute
impression subjective. L’enquête de la MGEN illustre bien le risque de la subjectivité
de l’évaluation. Les résultats des auto-évaluations des patients étaient présentés en 3
groupes d’intensité :
1-Pas de douleur : EVA = 0 : 60 %
2-Douleur moyenne 1< EVA < 5 : 23 %
3-Douleur forte EVA > 5 : 17 %
Les évaluations par les soignants de la douleur des patients montre un résultat de
40 % de douleur moyenne ou forte, ce qui semble cohérent avec l’évaluation des
patients eux-mêmes. Cependant, 24 % des patients avouent une douleur intense et 152
patients (40 %) ont des douleurs moyennes que les soignants ne reconnaissent pas.
L’autre avantage de l’évaluation est de permettre un suivi consensuel lors d’une
prise en charge multidisciplinaire du patient, en particulier lors de l’intervention des
infirmières à domicile. Toutes les organisations de lutte contre la douleur prônent ce
type de prise en charge. L’organisation de l’HAD à Paris a d’ailleurs proposé un programme d’évaluation de la douleur à domicile, utilisant les échelles les plus connues[4].
L’évaluation peut être réalisée par le patient (auto-évaluation) ou par une personne
extérieure (hétéro évaluation). Celle-ci étant en général réservée aux patients présentant des difficultés de communication (nouveau-né, enfant, personnes âgées, handicapés).
Chaque type d’évaluation peut prendre en compte, soit l’aspect unidimensionnel de
la douleur, soit l’aspect pluridimensionnel.
3 . ECHELLES D’AUTO-EVALUATION UNIDIMENSIONELLE
Le patient estime de façon globale sa propre douleur en lui attribuant un seul qualificatif ou un seul nombre.
SESSION POUR LES GENERALISTES
3.1. ECHELLE NUMERIQUE SIMPLE
Le patient donne une note de 0 à 10 ; 0 représentant l’absence de douleur, 10 représentant la douleur la plus forte imaginable. Il peut être parfois utile de donner un exemple
au patient, ou de faire appel à ses souvenirs pour bien faire intégrer cette échelle (10
pouvant rappeler un accouchement douloureux pour une femme, ou une colique néphrétique pour un homme).
3.2. ECHELLE VERBALE SIMPLE
Le patient évalue sa douleur à l’aide de qualificatifs simples cotant l’intensité ou la
gêne : Douleur absente, Douleur faible, Douleur modérée, Douleur intense, Douleur
extrême.
3.3. ECHELLE VISUELLE ANALOGIQUE
C’est la réglette que tout le monde connaît, graduée sur une face de 0 à 100 mm et
présentant sur l’autre face une ligne le long de laquelle le patient déplace un curseur
allant de gauche (pas de douleur) à droite (pire douleur imaginable). Le curseur indiquant au soignant le chiffre correspondant sur l’autre face. Cet outil est le plus
recommandé, mais demande au patient une certaine aptitude à la conceptualisation.
Certains pièges peuvent perturber l’évaluation et il est important de s’assurer que l’utilisation est bien comprise par le patient : certaines réglettes (non validées) se présentent
verticalement et le patient peut les comprendre comme une représentation du schéma
corporel (et placer le curseur en position haute pour signifier un mal de tête), la ligne
dessinée sur le curseur est parfois trop fine pour être distinguée par des patients âgés ou
ayant une baisse de l’acuité visuelle.
4 . ECHELLES D’AUTO-EVALUATION MULTI DIMENSIONNELLES
Ces échelles tentent de prendre en compte les multiples aspects du phénomène douloureux. Elles peuvent être une aide au diagnostic, en mettant en évidence des éléments
sémiologiques particuliers, et permettent une évaluation des conséquences de la douleur sur la qualité de vie, sur l’autonomie, sur l’humeur (recherche d’un état dépressif).
Ces échelles sont souvent assez longues à utiliser et sont rarement compatibles avec le
suivi quotidien.
La plus connue est le questionnaire de Saint-Antoine (QDSA), adaptation d’un questionnaire anglo-saxon (Mac Gill questionnaire). D’autres échelles sont consacrées à
l’évaluation du comportement du patient face à la douleur. Des échelles plus spécialisées
évaluent le retentissement sur la qualité de vie, ou l’impact sur le contexte psycho-sociofamilial. Ces dernières sont de maniement délicat et sont plutôt affaire de spécialistes.
5 . EVALUER LE TRAITEMENT
L’évaluation (soit par une échelle traditionnelle, soit par auto-évaluation du pourcentage d’amélioration) permet de juger de l’efficacité du traitement institué. Elle trouve
dans ce cadre une importance particulière, car elle objective les modifications cliniques. En effet, l’amélioration de la symptomatologie en début de traitement permet une
amélioration de la qualité de vie et une plus grande activité qui peut générer de nouvelles douleurs, ce qui pourra faire penser au patient que le traitement est inefficace…
L’objectivation de l’amélioration permettra au thérapeute de poursuivre le traitement,
et de proposer au patient une adaptation de son activité. L’évaluation permet également
de rappeler au patient qu’il y a eu effectivement une amélioration, car lorsque la douleur diminue, l’amnésie de l’ancien état peut rendre la douleur résiduelle intolérable.
823
824 MAPAR 2000
6 . EVALUER LES EFFETS SECONDAIRES
Comme tout traitement, les effets secondaires doivent être recherchés et traités. Le
patient (ou ses proches) doit être informé de la survenue d’éventuels effets secondaires.
7 . DIFFICULTES DE PRISE EN CHARGE
La prise en charge de la douleur chronique est parfois difficile en pratique générale.
Le médecin généraliste, souvent seul et débordé peut avoir du mal à assurer des visites
fréquentes. La collaboration avec les infirmières est fondamentale : elles peuvent assurer la surveillance du traitement, et en référer au médecin lors de la survenue d’effets
secondaires ou lorsqu’une adaptation est nécessaire. Cette collaboration étroite entre
infirmière et médecin généraliste ne s’improvise pas : l’infirmière doit avoir été formée
à la prise en charge de la douleur et des documents permettant le suivi des patients à
domicile sont indispensables. Ils comprennent les échelles d’évaluation de la douleur et
des guides concernant les effets secondaires. Ces documents peuvent même comprendre des prescriptions préétablies permettant à l’infirmière d’intervenir immédiatement.
Ces outils doivent évidemment être consensuels, bien compris et bien acceptés.
Leur élaboration doit être faite en commun. Plusieurs généralistes peuvent y participer,
aidés par des médecins référents, issus le plus souvent de centres anti-douleur. L’idéal
étant de pouvoir constituer un réseau, permettant un suivi optimal du patient, et facilitant les relations entre soignants hospitaliers, médecins de ville, infirmières libérales
ou d’HAD. Ce réseau peut être élargi aux autres professionnels de santé, selon les
conditions locales : kinésithérapeutes, assistantes sociales, ergothérapeutes, pharmaciens, psychologues….
Ainsi, dans notre département, le réseau ONCO94 rassemble, en différents groupes
de travail, des médecins hospitaliers (oncologues, algologues, chirurgiens) de l’IGR,
Paul Brousse, Kremlin Bicêtre, des médecins généralistes du département, des infirmières de l’HAD, des infirmières libérales, des psychologues, des pharmaciens.
L’objectif de ce réseau est d’assurer une prise en charge optimale des patients du département, atteints d’un cancer. L’outil informatique permettra, grâce à un site Internet, de
communiquer facilement tous les éléments importants du dossier du patient.
L’élaboration du travail en réseau permet de décloisonner la prise en charge, de
rompre la solitude des différents intervenants, d’harmoniser le travail et d’échanger des
connaissances.
7.1. LE TRAITEMENT
Le schéma thérapeutique de l’OMS est toujours le meilleur guide thérapeutique. Le
passage à un palier supérieur n’est indiqué que lorsque le traitement correctement prescrit, administré et absorbé s’est révélé insuffisant. A chaque étape, des co-analgésiques
peuvent être prescrits [5] :
• par voie orale de préférence,
• contrôle de la douleur sur le nycthémère,
• à horaire fixe sans attendre la plainte,
• respect des paliers de l’échelle de l’OMS,
• réévaluation périodique pluri-quotidienne,
• douleur intense : palier 3 d’emblée,
• prise en compte des accès douloureux.
Il est bien sûr évident que le traitement est avant tout celui de la cause. Des traitements à visée antalgiques peuvent être entrepris même en phase palliative :
chimiothérapie anticancéreuse, radiothérapie, hormonothérapie, chirurgie (levée d’obstacle, évacuation d’abcès, ostéosynthèse ou décompression), traitement anti-infectieux.
SESSION POUR LES GENERALISTES
7.2. MEDICAMENTS DE PALIER 1
• Acide acéthylsalicylique : 0,5 à 1 g 3 fois par jour.
• Paracétamol po : 500 mg à 1 g 3 à 4 fois par jour sans dépasser 3 g par jour.
• Le Néfopam (Acupan®) est une molécule utilisée par les urgentistes il y a une vingtaine d’années. Ce produit était utilisé par voie IM et présentait l’inconvénient de
provoquer des effets secondaires gênants (nausée, vomissements, malaise général).
Cette molécule a retrouvé un regain d’intérêt en perfusion intraveineuse lente dans la
période postopératoire [6]. Certains l’administrent per os sur un sucre [7].
7.3. AINS
Leur utilisation sous forme rapide ou prolongée est limitée par leurs effets secondaires : insuffisance rénale, gastrite ou maladie ulcéreuse. Le mécanisme d’action bien
connu de l’effet antalgique des AINS est l’inhibition des prostaglandines. Dans certains
cas, on pense qu’il pourrait exister un effet périphérique supplémentaire qui pourrait
être lié à la voie arginine - monoxyde d’azote. Les 2 voies actuelles de recherche concernant les AINS s’orientent vers une inhibition sélective des prostaglandines à l’endroit
de l’inflammation, respectant les prostaglandines intestinales et rénales et vers une association d’un agent cytoprotecteur à un AINS (ces composés sont appelés NO-AINS
car ils libèrent du monoxyde d’azote).
7.3.1. INHIBITEURS SÉLECTIFS DE LA CYCLO-OXYGENASE 2 (COX 2).
Diverses formes de COX sont produites par l’organisme, la COX 2 est produite à
l’endroit de la douleur. Les molécules élaborées (etodolac, nabumétone et méloxicam)
possèdent :
• Une action analgésique et anti inflammatoire comparable aux AINS actuels,
• Une toxicité gastro-intestinale réduite (moins de 1 % contre 2 à 4 %),
• Une grande sélectivité de la COX 2.
• Ces nouvelles molécules (Anticox 2) devraient arriver prochainement sur le marché
7.3.2. LES NO – AINS
Le NO participe activement à la protection gastro-intestinale : son effet est similaire à celui des prostaglandines. L’association de NO aux AINS connus (pluriprofène,
diclofénac, aspirine, etc…) réduit la toxicité gastrique, même sur des périodes prolongées et augmenterait l’effet antalgique, mais ces effets demandent à être démontrés
plus précisément en clinique [8-10].
7.4. MEDICAMENTS DE PALIER 2
Outre les produits déjà bien connus par le prescripteur : dextropropoxyphène, association paracétamol et codéine (dafalfan codéiné) ou dextropropoxyphène (diantalvic®),
de nouvelles molécules sont apparues :
• dihydrocodéine 60 mg : dicodin® : Présenté sous forme de comprimé LP, la posologie est de 1 cp toutes les 12 heures. Il s’agit d’une forme retard de codéine
correspondant au contenu en codéine de 2 cp de Dafalgan codéiné.
• Codenfan, permettant l’administration de codéine à l’enfant de plus de 1 an.
• Tramadol (Topalgic®, Zamadol LP®) : Apparu en France il y a peu de temps, ce
produit est plutôt classé au niveau IIb de la classification de l’OMS.
Cette molécule de synthèse est un analgésique d’action centrale présentant une faible affinité pour les récepteurs opioïdes. Il est administré par voie orale et ses indications
sont les douleurs aiguës d’intensité modérée à sévère. Son affinité pour les récepteurs
est 6 000 fois moins importante que celle de la morphine, 100 fois moins que celle du
dextropropoxyphène.
825
826 MAPAR 2000
Son mode d’action ne semble pas seulement morphinique et les observations suggèrent la participation d’une modulation mono-aminergique centrale.
Le produit est peu susceptible d’entraîner une pharmaco dépendance et n’entraîne
pas ou peu de modification du transit intestinal ni de dysurie. Il est métabolisé par le
foie et éliminé par voie rénale, ce qui implique des précautions chez les patients présentant une insuffisance rénale ou hépatique sévère (augmentation de 2 à 3 fois de la demi-vie
d’élimination).
L’effet antalgique d’une dose orale de 100 mg semble équivalent à celui de 100 mg
de codéine par voie orale [11] celui d’une dose de 75 mg est comparable à l’effet d’une
association de 650 mg de paracétamol et 100 mg de dextropropoxyphène [12].
Les principaux effets secondaires ne sont pas rares (2 à 7 %). Les plus courants sont
vertiges, sécheresse buccale et sudation. D’autres effets sont plus rares (< 1 %) : céphalées, constipation et troubles digestifs, quelques cas d’euphorie ont été signalés. Des
réactions d’allergie croisée ayant été signalés, le tramadol est contre-indiqué chez les
patients présentant une hypersensibilité aux opioïdes, y compris la codéine [13].
Le tramadol augmente le risque de convulsion chez les patients ayant une prédisposition ou chez les patients recevant un traitement concomitant abaissant le seuil
épileptogène (antidépresseurs tricycliques, inhibiteurs sélectifs de la recapture sérotoninergique), chez les patients épileptiques. Les signes de surdosage ou d’intoxication
sont comparables à ceux des autres opioïdes (myosis, dépression respiratoire) et sont
réversibles sous naloxone (ce qui pourrait provoquer des épisodes convulsifs). Les syndromes de sevrages à l’arrêt du traitement sont rares et moins sévères que ceux provoqués
par les autres opioïdes. Les détournements et usages abusifs du tramadol semblent moins
fréquents qu’avec les autres opioïdes, mais sa prescription doit demeurer prudente chez
les patients toxicomanes ou anciens toxicomanes [14].
Ce produit est donc un analgésique central de puissance intermédiaire. Il a pu montrer son efficacité dans les douleurs post-zostériennes [15], dans les douleurs néoplasiques
où son efficacité est meilleure que celle de la buprénorphine [16].
7.5. MEDICAMENTS DE PALIER 3
Ils sont constitués par les opiacés forts agonistes purs, sans posologie-plafond.
• Sous forme prolongée : Moscontin® et Skénan® en 2 prises quotidiennes, Kapanol®
en 1 prise quotidienne.
• Sous forme à libération immédiate : comprimés de Sévrédol® à 10 et 20 mg, Gélules
d’Actiskénan® à 10 et 20 mg, Ampoules buvables à 5, 10, 20 mg/10 mL.
• Sous forme de patch : fentanyl transdermique Durogesic® à 25, 50, 75 et 100 µg.h-1.
• Sous forme de suppositoire d’oxycodone (Eubine®) ayant une durée d’action de 4 à
6 heures.
Récemment, une nouvelle molécule l’hydromorphone a été mise sur le marché sous
le nom de Sophidone LP®. Il s’agit d’un dérivé semi-synthétique de la morphine agissant comme un agoniste opioïde sélectif des récepteurs µ. Sa biodisponibilité est de l’ordre
de 50 % par voie orale et de 80 % par voie sous cutanée. Sa demi-vie est équivalente à
celle de la morphine (entre 2 et 4 heures). Sa métabolisation est hépatique, aboutissant à
des dérivés dont moins de 2 % semblent actifs, son élimination est urinaire.
Par voie orale, les doses équi-analgésiques sont d’environ 1 mg d’hydromorphone
pour 7,5 mg de morphine (mais ce rapport peut être très variable). L’efficacité et la
tolérance de l’hydromorphone semblent être équivalentes à celles de la morphine.
Ce produit a obtenu l’AMM pour le traitement de deuxième intention des douleurs
intenses d’origine cancéreuses, en cas de résistance ou d’intolérance à la morphine. Il
SESSION POUR LES GENERALISTES
827
est disponible sous forme de gélules à libération prolongée à 4, 8, 16 et 24 mg, équivalents à 30, 60, 120 et 180 mg de morphine LP.
Ce produit a donc une place importante dans l’arsenal thérapeutique des patients
cancéreux ne tolérant pas la morphine, ou lors des rotations d’opioïdes en cas de résistance au traitement morphinique [17, 18]
8 . TRAITEMENTDE LA DOULEUR NEUROP
ATHIQUE
8.1. ANTIEPILEPTIQUES
Classiquement indiqués, à posologie lentement progressive, dans les douleurs paroxystiques à type de décharges électriques. Carbamazépine (Tégrétol®) (de 100 à
1 200 mg.j-1) et autres dont la posologie doit être progressive, Clonazépam (Rivotril®)
de 5 à 20 gouttes au coucher. Les antiépileptiques de nouvelle génération : gabapentine
(Neurontin®), lamotrigine (Lamictal®) peuvent être prescrits (hors AMM) dans le traitement des douleurs neuropathiques, mais les études cliniques ne sont pas encore
disponibles.
8.2. ANTIDEPRESSEURS
Indiqués dans les douleurs spontanées à type de brûlure. Classiquement Laroxyl®
ou Anafranil® à dose lentement progressive, sans qu’une de ces molécules n’ait montré
une supériorité par rapport à l’autre [19]. Dans ces indications, de nouvelles molécules
ont fait leur apparition, en particulier les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine :
paroxétine (Déroxat®, fluvoxamine (Floxifral®), citalopram (Séropram®) dont certaines études ont montré l’effet antalgique en l’absence de dépression [20], mais une
efficacité moindre que celle des tricycliques [19]. Malgré ces résultats prometteurs,
l’usage de ces produits doit être prudent dans l’attente de données de la littérature précisant les indications.
9 . MODALITES GENERALES D’UNTRAITEMENTMORPHINIQUE ET
NOUVELLES INDICA
TIONS
9.1. SPECIFICITES DU TRAITEMENT MORPHINIQUE
La grande variabilité interindividuelle nécessite :
• une évaluation pluri-quotidienne en début de traitement,
• une anticipation des effets secondaires surtout la constipation,
• pas de limite supérieure à priori,
• pas d’augmentation du nombre de prises quotidiennes pour les formes à libération
prolongée,
• utilisation des forme à libération immédiate comme «doses de secours» ou mode de
titration,
• pas d’association d’opioïdes de différents modes d’action (pas d’intérêt mais risque
élevé),
• contre-indication de l’association morphine-agoniste-antagoniste (Temgésic® Nubain®).
9.2. MORPHINE DANS LES DOULEURS NON CANCEREUSES
De nombreuses enquêtes réalisées chez des centaines de patients montrent une
action favorable à l’utilisation des morphiniques dans des douleurs non cancéreuses.
Les pathologies étudiées incluent des lombo-sciatiques chroniques, des affections
ostéo-articulaires, des douleurs chroniques faciales, abdominales ou pelviennes et des
douleurs neurologiques (post-zostériennes, membres fantômes). Cet élargissement des
indications de la morphine repose sur plusieurs considérations :
828 MAPAR 2000
9.2.1. QUALITE DE VIE
La douleur chronique a un retentissement important sur la qualité de vie, ce d’autant
qu’elle est souvent associée à des phénomènes d’angoisse et de dépression, aboutissant
à un isolement social du sujet. Des études montrent que la douleur limite la participation aux activités (54 % des patients), gêne la déambulation (53 %), perturbe le sommeil
(53 %) [21].
Parmi les associations de patients douloureux, 36 % déclaraient être incapable de
travailler ou de mener à bien les tâches ménagères, 28 % rapportaient une limitation
dans leurs activités quotidiennes et 9 % une modification de leurs habitudes et une
diminution de leurs relations sociales. Le sentiment de désespoir et les pensées suicidaires sont présents chez presque 70 % des patients [22]. La douleur est à l’origine de
dépression (dans 30 % des cas), d’anxiété (dans 25 % des cas) et de troubles de
mémoire (dans 12 % des cas).
9.2.2. COUT DE LA DOULEUR CHRONIQUE NON CANCEREUSE
La perte d’emploi et l’augmentation des dépenses de santé sont les conséquences de
certaines douleurs chroniques. Le coût des lombalgies chroniques a été estimé entre 50
et 100 billion de dollars US par an ou à 34 billion de DM en Allemagne. Au RoyaumeUni, les lombalgies chroniques ont été responsables en 1993 de 52 millions de jours
non travaillés [23]. Dans leur enquête en Catalogne, Bassols et al retrouvent des arrêts
de maladie chez 10 % des travailleurs, dont 33,8 % supérieurs à 1 semaine, la moyenne
étant de 47 jours d’incapacité.
9.2.3. RISQUES DES TRAITEMENTS MORPHINIQUES
L’efficacité des morphiniques a été largement démontrée dans la littérature, cependant les controverses concernant les effets secondaires, la tolérance, le sevrage et la
dépendance persistent.
9.2.3.1. Dépendance physique et sevrage
Les signes apparaissent entre 6 et 12 heures après l’arrêt d’un morphinique de
courte durée d’action (comme la morphine) et atteignent leur maximum d’intensité
24 à 72 h après. La sévérité des symptômes dépend de la dose et de la durée du traitement. Cependant la présence de ces symptômes chez le douloureux chronique n’est
pas synonyme de dépendance psychologique [24].
9.2.3.2. Tolérance
La nécessité d’augmenter les doses pour obtenir le même effet chez les patients non
cancéreux est extrêmement rare [25]
9.2.3.3. Dépendance
La vraie dépendance psychologique associe la recherche compulsive du produit,
l’incapacité à limiter les prises, l’utilisation du produit pour d’autres motifs que la douleur, et la persistance de l’utilisation malgré les effets secondaires. Cette crainte de
dépendance est en grande partie responsable de l’hésitation ou du refus de prescription
de morphiniques dans les douleurs non cancéreuses. Certains articles sont alarmistes,
en 1982, Taub décrit 13 cas de surconsommation chez 313 malades [26]. En 1984,
Lagemark mettait en évidence un risque toxicomaniaque chez 2/3 des migraineux à qui
de la morphine avait été prescrite [27]. En 1992, Portenoy note 2 cas de surconsommation chez 20 patients [28].
Cependant, il est actuellement reconnu que la seule exposition aux morphiniques
n’est pas suffisante pour provoquer une dépendance, en l’absence d’antécédents de
toxicomanie. Sur 2 000 patients migraineux, la dépendance a été retrouvée 3 fois [29].
SESSION POUR LES GENERALISTES
Il a été retrouvé seulement 4 cas de dépendance sur 12 000 patients (sans antécédents de toxicomanie) traités par morphiniques [30].
9.2.3.4. Effets cognitifs
Les études, concernant les patients cancéreux traités au long cours avec de la morphine retard ou à libération immédiate, montrent l’absence de modification de l’aptitude
à la conduite, la coordination motrice, la mémoire visuelle, la cognition, les capacités
d’information [31].
9.3. INDICATIONS
Les traitements morphiniques des douleurs non cancéreuses sont indiscutablement
utiles, y compris les douleurs neuropathiques, lorsque le palier 2 est insuffisant [32].
L’utilisation des morphiniques pour traiter les douleurs sévères cancéreuses est actuellement recommandée par de nombreuses sociétés savantes (American Academy of Pain
Médicine, American Pain Society), en respectant des règles de prudence. Comme pour
les douleurs cancéreuses, il est recommandé d’utiliser des formes prolongées (prise uni
ou bi-quotidienne) associées à des formes d’absorption rapide utilisées comme doses
de secours ou doses de titration en début de traitement [33].
9.4. RECOMMANDATIONS
• Critères d’exclusion : antécédents de toxicomanie ou d’abus de substances psychoactives (alcool, tranquillisants), environnement social défavorable, troubles du
comportement.
• La prescription doit être effectuée et renouvelée par un seul médecin, après que les
autres antalgiques aient été essayé en vain.
• Une information claire et précise doit être donnée au malade avant de débuter le
traitement en ce qui concerne le médicament, les effets secondaires susceptibles de
survenir, les associations à éviter et l’objectif général.
• L’objectif ne peut se limiter à la simple amélioration de la douleur au repos mais doit
être envisagé dans le cadre de l’amélioration globale de la fonction.
• La voie orale doit toujours être envisagée en première intention, en respectant les
durées d’action.
• Les produits ayant une durée d’action prolongée seront préférés.
• A chaque visite seront analysés le bénéfice antalgique, les effets secondaires, l’amélioration de la fonction, l’apparition d’un comportement anormal de type
toxicomaniaque.
• En cas de non respect «du contrat», le médecin ne renouvelle plus la prescription [34].
1 0 .AUTRES PRISES EN CHARGE
L’élargissement des indications de la morphine aux douleurs non cancéreuses ne
doit pas faire oublier les autres types de prise en charge, qu’il s’agisse de rééducation,
de physiothérapie, ou d’aide psychologique.
La prise en charge psychologique des patients douloureux chroniques est un élément fondamental du traitement et doit absolument en faire partie. L’évaluation du
contexte psychologique en début de traitement, des conséquences de la douleur sur
l’environnement familial et social débouchent très souvent sur l’indication d’une aide
psychologique. Il semble que cette partie de la prise en charge soit plus difficile à mettre en œuvre en pratique de ville. En effet, dans une étude danoise comparant la prise en
charge de patients non cancéreux dans un centre anti-douleur et en ville, les auteurs
notaient que le pourcentage de prise en charge psychologique était de 39 % dans le
829
830 MAPAR 2000
centre anti-douleur contre 5,6 % en ville (les patients étaient randomisés à l’admission
dans l’étude et ne différaient pas de façon significative [35].
On sait qu’il n’y a pas de parallélisme entre l’importance de la douleur et le retentissement psychologique. Une approche purement intuitive risque de méconnaître des
signes de gravité, une interprétation hâtive peut avoir des conséquences lourdes. C’est
dire toute l’importance de l’approche pluridisciplinaire de la douleur, car si l’abord psychologique ne doit pas entraîner de rupture avec le somaticien, il permet d’éviter la
surenchère médicale, en tenant compte des facteurs somatiques. Il prend en charge les
facteurs psychologiques tenant à la personnalité du malade, à son histoire ainsi qu’aux
conflits intra-psychiques et aux défenses mises en jeu, il repère les facteurs évènementiels qui peuvent déstabiliser le patient, analyse les bénéfices primaires ou secondaires.
Dans un premier temps, l’abord psychologique, non spécifique, doit être assuré par le
médecin. Dans un deuxième temps, l’abord spécifique doit être assuré par un spécialiste [36].
CONCLUSION
Le médecin généraliste est très souvent le premier intervenant dans la prise en charge de la douleur chronique. L’évaluation est indispensable pour mettre en route un
traitement et l’adapter régulièrement. La prise en charge multidisciplinaire de la douleur est particulièrement difficile à mettre en œuvre dans le contexte de la médecine de
ville. Les réseaux associant les différents intervenants, ainsi que les centres antidouleur devraient améliorer cette prise en charge.
REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES
[1] Bassols A, Bosch F, Campillo M, Canellas M, Banos JE. An epidemiology of pain complaints in the
general poulation of Catalonia (spain). Pain 1999;83:9-16
[2] ANAES, Mars 99. L’observatoire de la douleur ; janvier 2000:55-66
[3] ANAES, Février 1999. Evaluation et suivi de la douleur chronique chez l’adulte en médecine ambulatoire.
[4] Patte R. Evaluation et traitement de la douleur à domicile : une initiative de l’hospitalisation à domicile AP-HP. Houdé Magazine Médical. N°28- Septembre 1996
[5] Recommandations pour la prise en charge de la douleur du cancer chez l’adulte en médecine ambulatoire. Paris : Andem, 1995
[6] Guirimand F, Dupont X , Bouhassira D, Brasseur L, Chauvin M. Nefopam strongly depresses the
nociceptive flexion (RIII) reflex in humans. PAIN March 1999;80:399-404
[7] Emery P, Gibson T. A double blind study of the simple analgesic nefopam in rheumatoid arthritis. Br
J Rhumatol 1986;25:72-6
[8] Barner A. Review of Clinical Trials and benefit/risk radio of Meloxicam. Scand J Rheumatol
1996;25 :29-37
[9] Ehzich EW, Dallob A. Characterization of rofecoxib as a cyclo-oxygenase-2 isoform inhibitor and
demonstration of analgesia in the dental pain model. Clin Pharmacol and Therapeutics 1999;65:336-347
[10] Bannwarth B, Berenbaum F. Nouveaux anti-inflammatoires non stéroïdiens : donneurs de NO et
inhibiteurs sélectifs de COX 2. Rev Med Interne 1999;20 :341-5
[11] Desmeules J, Gascon MP, Dayer P et al. Impacts of environnemental and genetic factors on codeine
analgesia. Eur J Clin Pharmalol 1991;41:23-6
[12] Sunshine A. New clinical experience with Tramadol. Drugs 1994;47:8-18
[13] Nightingale SL. Important new safety information for tramadol hydrochloride. JAMA 1996;275:12-24
[14] Dayer P, Desmeules J, Collart L. Pharmacologie du tramadol. Drugs 1997;53:18-24
[15] Göbel H, Stadler Th. Traitement des douleurs post-zostériennes par le tramadol. Drugs 1997;53:34-39
SESSION POUR LES GENERALISTES
[16] Bono AV, Cuffari S. Efficacité et tolérance du tramadol dans les douleurs néoplasiques. Etudes
comparative par rapport à la buprénorphine. Drugs 1997;53:40-49
[17] McDonald CJ, Kelly DJ, Miller AJ. Hydromorphine. CME Bulletin Palliative Medicine 1998;1:10-12
[18] Moriarty M, McDonald CJ, Miller AJ. A randomized cross-over comparison of controlled release
hydromophine tablets with controlled release morphine tablets in patients with cancer pain. J Clin Res
1999;2:1-8.
[19] Mc Quay HJ, Tramer M, Nye BA, Carroll D, Wiffen PJ, Moore RA. A systematic review of
antidepressants in neuropathic pain. Pain 1996;68:217-227
[20] Atkinson JH, Slater MA, Wahlgre DR, Williams RA, Zisook S, Pruitt SD, Epping Jordan JE, Patterson
TL, Grant I, Abramson I, Garfin SR. Effects of noradrenergic and serotoninergic antidepressants on chronic
low back pain intensity. Pain 1999;83:2 ;137-45
[21] Ferrel BA, Ferrel BR, Osterweil D. Pain in the nursing home. J Am Geriatr Soc 1990;38:409-14
[22] Hitchcock LS, Ferrel BR, McCapperty M. The experience of chronic non-malignant pain. J Pain
Symptom Manage 1994;9:312-18
[23] Bolten N, Kempel-Waibel A, Pfoeringer W. Analysis of cort of illnen of low back pain. Mediziniskhe
Klinic 1998;93:388-393
[24] Portenoy RK. Opioid therapy for chronic non-malignant pain: a review of tricical issues. J Pain
Symptom manage 1996;1 :203-17
[25] Zeug M, Strumpf M, Tryba M. Long term oral opioid therapy in chronic non malignant pain. J Pain
Symptom Manage 1992;7:69-77
[26] Taub A. Opioid analgesics in the treatment of chronique intractable pain of non-neophasis origin. In:
Kitahata LM, Collins D (eds). Narcotics Analgesia in anesthesiology. Williams and Wilkins.
Baltimore 1982:199-208
[27] Langemark M, Olesen J. Drug abuse in migraine patients. Pain 1984;19:81-86
[28] Portenoy RK. Chronic opioid therapy for non malignant pain. From models to practive. APS Journal
1992;1:285-288
[29] Medina JL, Diamond S. Drug dependency in patients with chronic headache. Headache 1977;17:12-14
[30] Porter JH, Jick H. Addiction rare in patients treated with narcotics. N Engl J Med 1980;302:123
[31] Haythornthwaite JA, menefee LA, Quatrano-Piacentini AL, Papagallo M. Outcome of chronic opioid
therapy for non-cancer pain. J Pain Symptom Manage 1998;15:185-94
[32] Dellemyn PLI, Vanneste JAL. Randomised double-blind active placebo controlled cross over trial
intravenous fentanyl in neuropathic pain. Lancer 1997;349:753-8
[33] The use of opioids for the treatment of chronic pain a consensus statement from the American Academy
of pain Medicine and the American Pain Society. Clin J Pain 1997;13:6-8
[34] Portenoy RK. Opioid for chronic non-malignant pain : current status. In : Fields HL, Liebeskind JC.
Profess in pain research and management. Seattle : IASP press 1994;247-87
[35] Becker N, Sjogren P, Bech P, Olsen AC, Eriksen J. Treatment outcome of chronic non-malignant pain
patients managed in a Danish multidisciplinary pain centre compared to general practice : a randomised
controlled trial. Pain 2000;84:203-211
[36] Ferragut E. La dimension de la souffrance chez le malade douloureux chronique. Masson 1996
831
Téléchargement