Changement climatique :
le rôle essentiel des espaces naturels
Les aires protégées jouent un rôle
primordial pour le climat. Gilles Kleitz,
directeur du Parc amazonien de
Guyane, revient sur les liens qui unissent
préservation de la biodiversité et lutte
contre le changement climatique.
Gilles Kleitz
Directeur du Parc
amazonien de Guyane
^
Quel est le lien entre la préservation de la biodiver-
sité et la lutte contre le réchauffement climatique ?
On ne peut pas se préoccuper du climat sans prendre garde aux
écosystèmes et à la biodiversité qui constituent la biosphère. Leurs
histoires sont intimement liées. Ce serait comme tenter de conso-
lider les étages supérieurs d’un bâtiment sans se préoccuper de
l’état des fondations. Les forêts, les océans, les sols, les prairies et
les zones humides sont au cœur du cycle du carbone et du devenir de notre atmosphère. Les espaces naturels sont
une composante majeure de la lutte contre le changement climatique, aussi bien pour la réduction des gaz à effet
de serre que pour l’adaptation aux dérèglements climatiques existants.
LE PARC AMAZONIEN
INTÈGRE LE RÉSEAU
DES AIRES PROTÉGÉES
SUD-AMÉRICAINES
Le réseau Redparques réunit
les quelque 2000 aires
protégées, soit 220 millions
d’hectares, de l’Amérique
latine et de la Caraïbe.
Elles représentent 11% du
continent. Le Parc amazonien
de Guyane a participé pour
la première fois à la réunion
annuelle de ce réseau les
11 et 12 août 2015 à Lima, au
Pérou. De nombreux sujets ont
été explorés, notamment dans
le domaine de la coopération
entre espaces protégés. Une
déclaration commune pour la
COP21 a été signée.
Le réseau Redparques a été
créé en 1983 dans le but de
répondre à la nécessité de
progresser dans la gestion des
aires protégées en Amérique
du Sud et à la volonté de
ces pays de partager leurs
expériences et connaissances
sur le patrimoine naturel et
culturel du continent.
^ On parle souvent de l’Amazonie comme le
« poumon vert » de la planète. Quelle est la
capacité du territoire du Parc amazonien de
Guyane en termes de stock de carbone ?
À l’échelle du Parc amazonien de Guyane (3,4 mil-
lions d’hectares), l’écosystème forestier stocke
1,08 milliard de tonnes de carbone. À titre de com-
paraison, 0,37 milliard de tonnes de carbone ont été
émises en France en 2010 : cela représente un tiers
du stock de carbone du Parc amazonien. La conser-
vation de ce stock est donc primordiale. En plus de
cette contribution par la conservation du massif fo-
restier et par un fonctionnement responsable de
l’institution, le parc national promeut activement
des solutions énergétiques durables pour les sites
isolés du Haut-Maroni et de l’Oyapock. Il met égale-
ment en place des protocoles de suivi au long terme
du changement climatique sur des sites de référence,
comme le Mont Itoupé.
^ La transition énergétique est-elle globale-
ment bien engagée en Guyane ?
La Région Guyane, avec l’Ademe (Agence de l’envi-
ronnement et de la maîtrise de l’énergie) et plusieurs
acteurs privés, se sont engagés activement en faveur
des économies d’énergie et du développement des
énergies renouvelables, dans le cadre d’un plan
prospectif visant à l’utilisation rationnelle de l’éner-
gie. Les atouts de la Guyane - le soleil, l’eau, parfois
la biomasse, demain la mer - doivent être valorisés
en priorité pour l’énergie, sans compromettre les
écosystèmes. La possibilité de mettre tout le monde
d’accord à cette échelle est essentielle, comme dans
les autres régions de France et du monde.
LA COP21, QU’EST-CE QUE C’EST ?
La COP21, c’est la 21e conférence des
Nations Unies sur le climat. Elle se tient
à Paris du 30 novembre au 11 décembre
2015. 196 parties (195 pays & l’Union
européenne) doivent arriver à un accord
international sur le climat, applicable à
tous à partir de 2020.
QUEL EST SON OBJECTIF ?
Maintenir le réchauffement climatique
sous la barre des 2°C en 2100 par rapport
à 1850. En 2012, la température moyenne
mondiale a déjà progressé de 0,89°C. Si
rien n’est fait, elle pourrait augmenter
jusqu’à 5,3 °C d’ici 2100. Les consé-
quences seraient catastrophiques pour la
planète.
QUELLE EST LA CAUSE DE L’AUGMENTA-
TION DES TEMPÉRATURES ?
Les émissions de gaz à effet de serre dans
l’atmosphère (dont le CO2, le dioxyde
de carbone) dues aux activités humaines
contribuent au réchauffement climatique.
2,6à3,7°CC’est l’augmen-
tation moyenne
des tempéra-
tures en Guyane d’ici 2050, selon les projections climatiques
calculées par les modèles mondiaux du climat. On peut
s’attendre à des saisons sèches plus longues et plus sévères,
et à des saisons des pluies plus intenses. Ce changement
climatique pourrait durablement affecter les écosystèmes
et la biodiversité, et avoir des impacts importants sur les
populations du littoral et de l’intérieur.
1Plus d’un milliard de tonnes
de carbone sont stockées sur
le territoire du Parc amazo-
nien de Guyane. Cela représente un
tiers des émissions de CO2 en France
en 2010. Selon le bilan énergétique
de OREDD/GEVC, la Guyane a émis
2,9 millions de tonnes de carbone
en 2009, soit 0,26% du stock de
carbone du territoire du Parc.
371hectares. Le Parc amazonien de Guyane suit
de près l’occupation du sol, et notamment les
surfaces déforestées pour l’agriculture, l’habitat
ou par l’orpaillage illégal. Les données sont obtenues à l’aide
d’images satellitaires puis collectées au sein de l’Observatoire de
l’occupation du sol. Chaque année, sur le territoire du parc, 371ha
sont en moyenne déforestés pour l’agriculture, principalement sous
la forme d’abattis (soit 0,010 % du territoire du parc), et 157 ha
dans le cadre de l’activité minière légale et illégale (en moyenne
ces cinq dernières années), soit 0,004 % de la surface du Parc.
25 L’humanité contribue doublement au
changement climatique. D’abord, en
libérant directement des gaz à effet
de serre. Mais aussi en transformant la bios-
phère. Ainsi, on estime que 25 % des émissions
de gaz à effet de serre, au niveau mondial, sont
dus à la modification des couverts forestiers,
herbagers et naturels. Cette transformation
diminue également durablement la quantité de
carbone stocké dans les écosystèmes.
PUBLICATION DU SERVICE
COMMUNICATION DU PARC
AMAZONIEN DE GUYANE
Conception PAG Novembre 2015
directeur de la publication
Gilles Kleitz
responsable de la communication
Jean-Maurice Montoute
06 94 40 21 42
Parc amazonien de Guyane
1 rue Lederson 97354 Rémire-Montjoly
Tél. 05 94 29 12 52
www.parc-amazonien-guyane.fr
http://parc-amazonien.wmaker.tv
ParcAmazonienGuyane
^ La Guyane vient d’intégrer le réseau
Redparques, qui réunit les parcs naturels
d’Amérique du Sud et de la Caraïbe. Une
déclaration commune a été signée en
août 2015 en vue de la COP21, la
Conférence sur le climat à Paris.
Que prévoit-elle ?
Cette déclaration des gestionnaires d’aires
protégées défend que leurs espaces font par-
tie des solutions dans la lutte contre le chan-
gement climatique. C’est un acte fort, une
première, à ma connaissance, à l’échelle
d’un continent. Plus précisément, cette dé-
claration recommande que les aires proté-
gées, leur gestion et leur financement soient
directement reliés aux actions en faveur du
climat, et notamment aux plans nationaux
d’adaptation. Elle prévoit également que les
aires protégées puissent bénéficier de finan-
cements liés au carbone, pour les services et
les co-bénéfices qu’elles engendrent.
^ Qu’attendez-vous de la COP21 ?
Au niveau politique, les gestionnaires
d’aires protégées, d’espaces naturels, de fo-
rêts et de zones marines souhaitent que
l’accord de Paris 2015 mentionne la conser-
vation des écosystèmes et de la biodiversité
comme une composante cruciale des solu-
tions, tant en termes de mitigation que
d’adaptation au changement climatique.
Pas de solution au climat sans préservation
de la biosphère, des espaces naturels et de
la biodiversité. L’introduction, quelques se-
maines avant la conférence, du sujet océan
est, à ce titre, une excellente décision. Ici, il
faut inclure les espaces naturels dans la
stratégie d’adaptation de la Guyane face
aux changements climatiques. n
Vue aérienne du Maroni dans la région des abattis Kotika.
© Guillaume Feuillet / PAG
les chiffres
LA COP21 EN qUELqUES mOTS…
Les principaux
impacts
Le changement climatique est une réalité. La perturbation des grands équilibres
écologiques s’observe déjà : un milieu physique qui se modifie et des êtres vivants
qui s’efforcent de s’adapter ou disparaissent. On commence aussi à envisager
les conséquences sur les sociétés humaines : migrations forcées, multiplication
des conflits (utilisation des ressources en eau, appropriation des terres fertiles...).
Les impacts du changement
climatique peuvent être très
différents d’une région à une
autre, mais ils concerneront toute
la planète. Des conséquences
sont d’ores et déjà prévisibles.
L’augmentation
des températures
de l’air est l’un des signes
les plus visibles
du changement climatique.
C’est pourquoi l’expression
réchauffement
climatique
est fréquemment utilisée.
Des événements
météorologiques
extrêmes plus
nombreux :
vagues de chaleur,
submersions marines,
sécheresses des sols
Des écosystèmes
perturbés
20 à 30 % des
espèces animales
et végétales
menacées
d’extinction
Des productions
agricoles en baisse
dans de nombreuses
parties du globe
Des risques
sanitaires accrus,
notamment
en raison de
l’avancée d’insectes
vecteurs
de maladies
En France, le nombre de journées estivales, c’est-à-dire avec
une température dépassant 25 °C, a augmenté de manière significative
sur la période 1950-2010. Toulouse Paris
Années
e nombre de journées
estivales présente de fortes
variations d’une année sur
l’autre mais, en moyenne,
il augmente à Paris et à
Toulouse. Cette augmentation
est de l’ordre de 4 jours tous
les 10 ans à Paris et de plus
de 5 jours tous les 10 ans
à Toulouse. Cet indicateur
permet d’identifier le caractère
exceptionnel des étés 1976
et 2003.
Nombre
de jours
1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010
120
100
80
60
40
20
0
Canicule 1976
Canicule
2003
Source : Onerc
Une montée
du niveau
des océans
accompagnée
d'un réchauffement
et d'une acidification
des eaux
LES IMPACTS
déjà visibles
La combustion du pétrole, du charbon et du gaz produit en effet des gaz à effet de serre. La disparition
des forêts aggrave le phénomène, car les arbres absorbent et stockent le CO2 de l’atmosphère.
QUELS SONT LES EFFETS DU CHANGEMENT CLIMATIQUE ?
Le changement climatique a des conséquences dans tous les domaines : environnement, santé, so-
ciété, économie… L’élévation du niveau de la mer, due à la fonte des glaciers, pourrait par exemple
contraindre des populations à quitter leur région ou leur pays.
QUE PEUT-ON FAIRE ?
Il est possible de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans de nombreux secteurs : production
d’énergie (en développant par exemple le recours aux énergies renouvelables), transport, production
industrielle, agriculture, construction… Mais aussi en limitant la déforestation et en augmentant le
nombre d’espaces naturels protégés.
Les impacts du changement climatique
Infographies extraites du numéro «Spécial Paris climat 2015»
www.cop21.gouv.fr