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Comment contrôler les transferts de gènes chez les bactéries pathogènes ?
Xavier Charpentier
CNRS UMR 5240, Université Claude Bernard, à Lyon.
Lauréat ATIP-Avenir 2011.
Toutes les bactéries sont-elles capables d’acquérir des gènes ? Oui, selon
Xavier Charpentier dont le projet ATIP-Avenir est de le démontrer
expérimentalement. Le mode d’acquisition le mieux contrôlé par la bactérie
est la compétence naturelle, état physiologique particulier et transitoire qui
leur permet d'importer activement de l'ADN extérieur. « Ces gènes issus de
transferts horizontaux constituent souvent l’arsenal pathogène des
bactéries. J’ai décidé d’explorer ce mécanisme dans les bactéries Gram
négatives », explique Xavier Charpentier. Il choisit de s’attacher en
particulier à la bactérie responsable de la légionellose et de regarder
comment les antibiotiques peuvent induire cette compétence.
Cette bactérie lui est familière puisqu’il a effectué son stage postdoctoral à la Columbia University, à New
York, au sein du département de microbiologie, pionnier dans l’étude de ce pathogène. « Avant mon départ
pour les Etats-Unis, deux épidémies de légionellose s'étaient déclarées à l’hôpital européen Georges
Pompidou et dans le Pas de Calais, et j’ai découvert qu’aucune équipe de recherche ne travaillait alors sur
ce pathogène », se rappelle Xavier Charpentier. L’idée germe ainsi de monter une équipe sur ce thème en
analysant plus spécifiquement l’incorporation de gènes étrangers.
Xavier Charpentier a l’habitude d’aller jusqu’au bout de ses projets. Dès la fin de sa thèse, il a mis au point
une technologie pour mesurer et suivre en temps réel le système de sécrétion de type III, mécanisme qui
permet à de nombreux pathogènes d’injecter des protéines dans la cellule cible. Le jeune chercheur n’a
pas hésité à partir six mois dans un laboratoire israélien pour perfectionner cette technologie qui connaîtra
ensuite une large diffusion dans les laboratoires de recherche. En 2012, nouveau défi avec l’équipe ATIP-
Avenir, qui pour la communauté scientifique est un label de qualité et une clé pour étendre son réseau de
collaborations. Et pourquoi pas avec Sanofi ? « Les questions posées par mon projet peuvent avoir un
impact sur un plan thérapeutique », convient le lauréat.
Son projet
Connaitre et contrôler les conditions qui permettent aux bactéries d'acquérir des gènes par compétence.
Ce phénomène est utilisé pour diversifier leur matériel génétique et s'adapter à un nouvel environnement.
Ces acquisitions permettent en particulier aux bactéries de devenir résistantes aux antibiotiques ou de
modifier leur capacité à causer des maladies. L'analyse des génomes bactériens suggère que la plupart
des bactéries sont potentiellement capables de devenir compétentes. L’équipe travaille sur l’induction et le
contrôle de la compétence par les antibiotiques en étudiant notamment la bactérie responsable de la
légionellose, ce qui pourrait permettre de limiter les échanges de gènes et l'émergence
de bactéries résistantes aux antibiotiques.
Regard du correspondant Sanofi :
Michael Mourez, responsable du groupe MDR, Unité des maladies infectieuses.
« Ces lauréats sont jeunes, dynamiques, et foisonnent d’idées. Ils sont allés à l’étranger et ont déjà un
réseau de recherche. Ce programme collaboratif nous permet de garder contact avec la recherche
académique et avec ses réseaux, monde que je connais bien, ayant été moi-même chercheur académique.
Quant aux lauréats, ils peuvent ainsi découvrir la recherche privée, et la chaîne de valeur de l’industrie
pharmaceutique. L’approche de Xavier Charpentier sur le mécanisme fondamental de la compétence
bactérienne est intéressante avec l’utilisation de techniques de pointe, et notamment les microarrays
phénotypiques pour le criblage, techniques que nous utilisons aussi. »