dossier_35 - Parc naturel régional des Vosges du Nord

Parc
naturel
régional
des Vosges du Nord
SYCOPARC 35 - OCTOBRE 2008
DOSSIER
Depuis les années 1950 qui ont vu la modernisation
de l’agriculture, les boisements spontanés ont augmenté
en France. La région des Vosges du Nord n’a pas échappé
à ce processus de succession naturelle, qui transforme un
milieu ouvert créé par l’homme vers l’écosystème naturel
qui est la forêt.
Dans le Parc naturel régional des Vosges du Nord,
les habitants ont tous vu les conséquences de la déprise
agricole des années 1950 dans les fonds de vallées humides
avec l’apparition de friches marécageuses, ça et là parsemées
de saules à la place des anciennes prairies. Les mêmes
abandons d’usage ont également eu lieu sur la plupart des
prairies sur pente forte, induisant la colonisation forestière,
puis l’édification d’une jeune forêt en évolution libre.
Ces boisements spontanés n’ont encore pas fait l’objet de
recherches dans la région, et c’est pour mieux en appréhender
l’évolution et la biodiversité qu’une étude a été lancée
cette année par le Sycoparc.
Les boisements spontanés
dans le Pays de Bitche
La déprise agricole sur les pentes
Photo datant de 1912 Photo prise le 5 août 2008,
soit 96 ans plus tard
SYCOPARC 35 - OCTOBRE 2008
DOSSIER Les boisements spontanés
dans le Pays de Bitche
Parc
naturel
régional
des Vosges du Nord
II
L’ÉVOLUTION EN 50 ANS
Cette étude a été confiée à Marion Jacquot, une étudiante
en Master « Espace rural et environnement » de l’université
de Bourgogne, sous la responsabilité scientifique
de Annik Schnitzler, professeur à l’université de Metz
et membre du conseil scientifique du Sycoparc.
L’étude a tout d’abord consisté à évaluer l’évolution
spontanée de la forêt sur 12 communes mosellanes du Parc.
La surface forestière a augmenté de 28% en l’espace
de 53 ans (4089 ha en 1951 contre 5729 ha en 2004).
L’augmentation la plus spectaculaire a été celle de
la commune de Schorbach, où chaque année la forêt
a colonisé environ 7 ha.
DES FORÊTS JEUNES
Puis l’étude des caractéristiques phyto-écologiques
de ces boisements spontanés s’est concentrée sur une zone
de 24 ha de la commune de Bousseviller, représentative
de la situation des communes étudiées dans la première
partie. L’analyse des relevés phyto-sociologiques prouve
que ces boisements spontanés appartiennent à l’associa-
tion végétale de la hêtraie-chênaie-charmaie.
Plusieurs éléments montrent que cette jeune forêt n’a
pas encore acquis toute la richesse du stade de maturité :
la biodiversité n’est que de 38 espèces contre 85 espèces
dans une forêt mature, car il manque les espèces à colonisa-
tion lente, ou celles qui ne peuvent s’installer en raison de
modifications des sols (excès de phosphates notamment).
La forêt est constituée d’espèces pionnières telles que le
bouleau, le tremble, le pin sylvestre, le chêne pédonculé.
Il comporte aussi quelques bouquets de hêtre qui existaient
avant la déprise agricole, et qui se sont étendus dans les
espaces laissés vacants. Le niveau lumineux est relativement
élevé en raison des propriétés du feuillage et de l’architecture
forestière, Le volume de bois mort relevé (5,72 m3/ha)
est encore faible mais devrait augmenter avec la maturité
du milieu. Dans quelques décennies, ces forêts devraient
dépasser largement les volumes de bois mort qu’on peut
trouver dans des forêts exploitées (une moyenne de 10 m3/ha
pour l’Europe)..
Enfin, les traces d’utilisation agricole sont encore visibles
comme la présence de murets en pierre, de terrasses
avec des arbres de bordure (chênes, cerisiers) et d’espèces
végétales typiques des sols enrichis par l’agriculture
comme l’ortie et le géranium herbe à Robert.
1 400
1 200
1 000
800
600
400
200
0
BOUSSEVILLER
SURFACE
EN HECTARE
SURFACE
BOISÉE EN 1951
SURFACE BOISÉE
EN 2004
BREIDENBACH
ENCHENBERG
HANVILLER
HOTTEVILLER
LAMBACH
LIEDERSCHIEDT
ROPPEVILLER
SCHORBACH
SIERSTHAL
WALDHOUSE
WALSCHBRONN
SURFACE BOISÉE EN 1951 ET 2004, POUR LES DOUZE COMMUNES ÉTUDIÉES
III
QUEL USAGE POUR CES FORÊTS ?
Lorsque les boisements spontanés colonisent les coteaux
proches des habitations, ils peuvent poser des problèmes
de sécurité tels que la chute de branches ou d’arbres
sur les toits ou les réseaux électriques ou téléphoniques.
Il peut également y avoir des problèmes microclimatiques ;
ainsi les arbres maintiennent une certaine humidité,
nécessitant un entretien des toitures. Lorsque les arbres
atteignent le stade mature, ils maintiennent les habitations
à l’ombre, les habitants sont ainsi privés de soleil dans les
villages en fond de vallée. Il est donc légitime d’intervenir
dans le cas où ces boisements sont en bordure des habita-
tions en évitant des coupes fortes pour ne pas provoquer
d’érosion, tout aussi gênante pour le village. Certaines
parcelles font l’objet de sylviculture, d’autres servent
à produire du bois de chauffage, enfin d’autres sont
aménagées pour la chasse.
En dehors de leur usage à vocation économique,
ces boisements ont une grande importance écologique.
Ils évitent l’érosion des sols sur des pentes parfois fortes.
Le mélange en espèces et en âge rend ces boisements
plus résistants au vent, évitant de grandes zones de chablis
comme ce que l’on peut voir dans les forêts trop régulières.
Dans un contexte de changement climatique, le stockage
du carbone par ces forêts apparaît comme une solution à
ne pas négliger. Enfin leur rôle pédagogique et scientifique
est fondamental pour mieux connaître ce que l’on appelle
la sylvigenèse naturelle, car les forêts en libre évolution
et sans intervention depuis plus de 50 ans sont très rares
dans le Parc à l’exception du terrain militaire de Bitche.
Ces boisements spontanés sont les forêts à haute naturalité*
de demain, si nous savons protéger certaines zones dès
maintenant.
* La naturalité est associée à l’état de nature spontanée, non contrariée mais
influencée par l’homme. Elle attribue une forte valeur intrinsèque aux processus
dynamiques, quels qu’ils soient, même s’il y a modification de la biodiversité.
Colonisation par le chêne
à partir de la prairie
Le bouleau est très présent
car c’est une espèce pionnière
SYCOPARC 35 - OCTOBRE 2008
DOSSIER Les boisements spontanés
dans le Pays de Bitche
Parc
naturel
régional
des Vosges du Nord
Les boisements spontanés évoluent
vers une hêtraie-chênaie-charmaie
Le bois mort n’est pas négligeable
dans les boisements spontanés
MARION JACQUOT, ANNIK SCHNITZLER
ET JEAN-CLAUDE GÉNOT
PROTECTION DE LA NATURE
Maison du Parc
château - BP 24 / F-67290 La Petite-Pierre
l. 03 88 01 49 59 / Fax 03 88 01 49 60
Courriel : contact@parc-vosges-nord.fr
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