nécessité inévitable, de la fatalité consumériste du néolibéralisme, on peut toujours
défendre cette énergie «!iconique!» pour désigner l’infinité des possibles et le champ
inépuisable des transformations. Mais, s’il fallait changer de lexique pour faire bouger
les lignes, je serais prête à le faire. Les générations qui viennent trouveront, tôt ou
tard, j’en suis sûre, les chemins de la transformation et la langue de la liberté à venir. À
nous de leur donner toutes les ressources possibles pour qu’elles usent de leur énergie
créatrice et fassent surgir une autre forme de réalité. Pour moi, les nouveaux penseurs
sont les créateurs qui opèrent dans la zone où ils donnent, à ceux à qui ils s’adressent,
le maximum de ressources insurrectionnelles. Ces ressources sont celles de la parole, de
la poésie, des arts du spectacle et du son. Il faut donc demander et chercher qui sont les
nouveaux acteurs. Benda parlait de la «!trahison des clercs!», Nizan des «!chiens de
garde!»… Ils sont nombreux, aujourd’hui, les rhétoriciens de «!gauche!» qui ne prennent
aucun risque personnel dans les textes et harangues adressés à leurs pairs. Je n’arrive
plus à dialoguer avec ceux-là mêmes dont je partage complètement le jugement
politique et les choix conceptuels. Il n’y a qu’en compagnie des artistes, des créateurs
de tout genre que je me sens légitimée et soutenue dans mes efforts de pensée, il n’y a
qu’en compagnie des jeunes enfants et, parfois, des adolescents et des étudiants que je
trouve l’énergie de poursuivre mon travail. C’est eux qui me donnent l’essentiel, le
désir de me battre pour un monde différent et de leur transmettre le maximum de
ressources en vue de leurs propres combats.
!
7 - En évoquant les notions de désir, d’écran, de poursuite et de chasse dans Images
(à suivre), en plébiscitant la vie en continuel devenir (p. 199), vous montrez
combien les théories psychanalytiques tiennent une place importante dans votre
travail. En quoi sont-elles toujours un instrument de choix dans votre étude sur le
cinéma et pourquoi ? En dehors des grands textes de Freud et de Lacan, quels sont
les autres grands textes contemporains français et étrangers qui irriguent votre
réflexion actuelle, notamment celle sur l’in-différence des sexes!?
Je suis très intéressée par les textes anthropologiques, la pensée de la décolonisation,
les courants féministes et la pensée transgénérique des queer… Je continue de lire les
théologiens, les psychanalystes… C’est aussi un retour incessant à Platon, à Plotin, aux
Pères de l’église mais aussi à Rimbaud, à Artaud, à Genet mais encore à Don Delillo, à
Philip K. Dick, à John Fante comme aux polars islandais, aux poètes iraniens, grecs ou
persans, aux écrivains chinois et japonais… À quoi bon énumérer des noms quand toutes
ces lectures accompagnent aussi le visionnage de films, la fréquentation assidue du
théâtre et du cirque!? Le travail entrepris avec une compagnie de circassiennes est aussi
important pour moi que la lecture des grands textes. Je crois que la philosophie se
nourrit essentiellement de son dehors et, la pluralité de ce dehors, nous donne
l’indication essentielle de la démesure du désir en philosophie!! Cela dit, la
psychanalyse est pour moi un site d’ancrage de la pensée!: d’abord, parce qu’elle m’a
très directement formée et soutenue dans l’expérience analytique elle-même. Mais, plus
encore!: j’ai suivi, durant toute ma scolarité d’étudiante, les séminaires de Lacan. Je ne
comprenais pas tout et j’ai vite compris qu’il ne s’agissait pas de tout comprendre mais
d’entendre différemment ce que je disais moi-même et ce qui constituait le grand
murmure du monde autour de moi depuis ma naissance. La psychanalyse était alors
l’interlocutrice privilégiée de la philosophie et j’aurais bien envisagé alors, comme
nombre de mes camarades, d’abandonner la philosophie, pour le métier d’analyste.
C’est au confluent de ces désirs en tension que la question de l’image est venue se
placer avec ses exigences spécifiques. J’ai alors constaté que Lacan, plus encore que
Freud lui-même, avait «!raté!», disons ignoré le problème de l’image. Je trouvais