Les prises de position de la Chambre de commerce et d’industrie de région Paris Île-de-France Registre de transparence de l’Union européenne N° 93699614732- 82 SOCIETES UNIPERSONNELLES – REPONSE A LA CONSULTATION EUROPEENNE SEPTEMBRE 2013 ÉTAT DE LA QUESTION Dans le prolongement de son plan d’action sur le droit européen des sociétés et la gouvernance d’entreprise, la Commission européenne mène actuellement une consultation sur les sociétés unipersonnelles. Si d’importants efforts ont été faits pour faciliter la vie des PME dans un certain nombre de domaines - notamment avec le Small Business Act pour l’Europe -, la Commission estime qu’en matière de droit des sociétés, ces entreprises ont besoin d’une simplification et d’un allègement des conditions de leur activité dans toute l’UE, surtout dans un contexte de renforcement de l’économie. Face aux blocages des négociations sur la proposition de statut de SPE ces dernières années, au manque de confiance dans les formes juridiques de sociétés étrangères, et à des mesures sur la mobilité des entreprises (fusions transfrontalières, SE, jurisprudence de la CJUE) ne répondant pas à tous les besoins des PME, la Commission propose de réfléchir à d’autres outils juridiques pour améliorer le cadre administratif et réglementaire applicable aux PME. Elle évoque à ce titre, l’harmonisation des législations nationales concernant les sociétés unipersonnelles. LE POINT DE VUE DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE La Chambre de commerce et d’industrie de région Paris Ile-de-France (CCI Paris Ile-de-France) est convaincue qu’il faut simplifier et alléger les conditions d’exercice des PME. Une modernisation de ème directive relative aux sociétés à responsabilité limitée unipersonnelles irait dans le la 12 bon sens, notamment pour les groupes de sociétés exploitant des filiales à 100%, dans la mesure où elle ne prévoit aujourd’hui qu’une harmonisation partielle. En effet, ce texte n’aborde pas à ce jour des questions essentielles comme l’immatriculation, la protection des créanciers, le transfert de siège, le capital minimal, la dissolution, qui relèvent des droits nationaux. Or, la nécessité de se conformer à plusieurs systèmes juridiques nationaux différents empêche les entreprises de se développer à l’étranger. Toutefois, si, comme elle l’indique dans sa consultation, l’ambition de la Commission européenne est de permettre aux PME de renforcer l’économie de l’Union européenne, une telle initiative n’aura qu’un effet limité. Le renforcement de l’harmonisation des législations relatives aux sociétés unipersonnelles ne peut pas être la seule solution pour aider les PME à développer leurs activités transfrontalières. C’est un outil parmi d’autres à mettre à leur disposition. C’est pourquoi la CCI Paris Ile-de-France rappelle qu’en parallèle des réflexions menées sur une éventuelle modernisation de la 12ème directive, les efforts doivent être poursuivis afin que le projet de SPE devienne réalité. En effet, le blocage actuel sur le statut de la SPE est le fait de désaccords sur des points (capital, siège social, participations des travailleurs) qui ne remettent en cause ni la structure, ni l’économie générale ni les objectifs de la SPE. Mettre un terme à ce projet pour lui substituer des mécanismes issus des droits nationaux ou en ajustant les textes existants ne répondrait pas aux ambitions de la Commission européenne. Les PME ont besoin d’une structure juridique adaptée et véritablement transnationale, pour évoluer dans l’UE. RESUME DES REPONSES APPORTEES PAR LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE 1 — Sur la nécessité d’une harmonisation Le constat Les PME représentent dans l’Union européenne plus de 90% des entreprises et près de 70% des emplois du secteur privé. Pourtant, et malgré ce rôle important dans l’économie, seules 8% d’entre elles participent au commerce transfrontalier et seules 5% ont mis en place des succursales ou des entreprises communes à l’étranger. Malgré les avancées du « Small Business Act », le développement des PME sur le marché intérieur est trop faible alors qu’elles ont un potentiel d’expansion élevé. Si ce constat peut être partagé, il est regrettable qu’il ne mette pas en évidence le poids économique des seules sociétés unipersonnelles, pourtant au cœur de la consultation… Les obstacles Les obstacles au développement transnational des PME sont nombreux. Leur dynamique est freinée par la multiplication, la lourdeur et la complexité des procédures de constitution (droit d’immatriculation, conseils juridiques, frais de notaires…) et de fonctionnement (organisation, structure, organes, droits des actionnaires, etc.) des filiales dont la structure varie d’un Etat membre à un autre. L’absence d’harmonisation et le défaut d’une forme de société supranationale génèrent une insécurité juridique importante, des coûts de mise en conformité, de gestion et de conseils juridiques difficiles à surmonter pour les entreprises de taille modeste. En outre, lorsqu’elles souhaitent transférer leurs sièges sociaux, les PME (mais aussi les grandes entreprises) se heurtent à de nombreuses incertitudes : quelle loi applicable ? Quel effet sur la nationalité et la personnalité morale ? Quelle fiscalité ? Quelle procédure interne ? Comment protéger les minoritaires, les créanciers et les travailleurs ? Quel process entre les registres du commerce ? La jurisprudence de la CJUE relative à la liberté d’établissement ne permet pas de résoudre ces problématiques et les recours à la fusion transfrontalière et à la société européenne, complexes et coûteux, ne sont pas adaptés aux PME. Il convient d’ajouter enfin que la fiscalité est également une source de difficulté pour les entreprises notamment en raison de l’absence d’uniformisation. Les solutions proposées L'harmonisation législative des dispositions concernant les sociétés unipersonnelles au niveau de l'UE peut faciliter l'accroissement des activités transfrontalières des PME au sein de l'UE, au bénéfice notamment des groupes de sociétés exploitant des filiales détenues à 100%. Pour autant, ce choix exclut de facto les PME dont le capital est réparti entre plusieurs actionnaires pour des raisons de partenariat ou de gestion des fonds propres. Par conséquent, pour répondre aux attentes des PME, indépendantes ou filiales de groupes, les efforts doivent être poursuivis afin de concrétiser le projet de société privée européenne (SPE). En définitive, c’est principalement le mode d’adoption des textes relatifs au droit des sociétés qui pose problème, comme l’a démontré déjà le processus difficile de la Société européenne. Ne pourrait-on pas trouver une alternative dans la mise en place d’une procédure de coopération renforcée, ainsi que cela a été fait avec succès pour le brevet européen, pour adopter la SPE ? Il serait par ailleurs intéressant d’approfondir l’idée avancée par la Commission européenne d’utiliser des « points de contact uniques ». Un service proche de ce qui existe en France avec le guichet unique « guichet-entreprises.fr » devrait être étendu à la création d’entreprises dans les autres Etats membres de l’Union européenne. 2 2 — Sur le contenu d’une éventuelle harmonisation Telle qu’envisagée par la Commission européenne, l’harmonisation pourrait porter sur les aspects suivants : L’immatriculation en ligne de sociétés et de succursales La proposition de la Commission européenne d’instituer un formulaire d’immatriculation normalisé et accessible en ligne serait une avancée majeure. Plus simple et garantissant une meilleure sécurité juridique, la constitution de sociétés ou la création de succursales dans un autre Etat membre serait aussi moins coûteuse. Il conviendra de s’assurer que le remplissage du formulaire tout comme le suivi du dossier et les éventuels échanges avec les registres compétents puissent être réalisés dans toutes les langues de l’Union. La plateforme centrale d’interconnexion des registres du commerce nationaux pourrait constituer un support efficace dans le respect du contrôle effectué par les registres. Le capital social minimal obligatoire et la protection des créanciers En droit français, l’absence de capital minimum obligatoire offre une liberté indéniable au créateur d’entreprise pour organiser son projet avec un coût de départ maîtrisé. Il est vrai que certains Etats membres continuent d’imposer un montant de capital minimum et c’est pourquoi cette question a largement cristallisé les débats sur le projet de SPE. Un compromis pourrait consister à donner aux Etats membres la possibilité de fixer librement un capital minimum sans que celui-ci puisse excéder un certain montant. S’agissant de la protection des créanciers, la CCI Paris Ile-de-France n’est pas favorable à l’introduction de règles relatives à la distribution de dividendes (« certificat de solvabilité », « test de bilan »). En revanche, et dans la mesure où une réduction significative du capital social est susceptible de porter atteinte aux intérêts des créanciers, il est important de leur accorder un droit d’opposition. Il convient néanmoins de circonscrire cette mesure aux seuls cas dans lesquels la réduction de capital n’est pas motivée par des pertes. Le transfert de siège social Dans la perspective de l’achèvement du marché unique, il n’est plus envisageable d’évoquer une modernisation du droit des sociétés sans traiter la question de la mobilité. Il est donc essentiel qu’une éventuelle initiative prévoit des dispositions relatives au transfert de siège social (maintien de la personnalité morale, processus décisionnel, formalités de publicité, contrôle de légalité et coordination des registres, mécanismes de garanties et de protection des minoritaires, des autorités nationales, des salariés, etc.). Mais la Commission européenne devrait être animée par une ambition plus grande encore pour l’ensemble des sociétés immatriculées en Europe : adopter une 14ème 1 directive . La « conversion » en société pluripersonnelle Pour la CCI Paris Ile-de-France, il appartient au droit national de régler les conséquences de la conversion de la société unipersonnelle en société pluripersonnelle. En droit français, les sociétés unipersonnelles (EURL, SASU) ne sont pas des formes de sociétés distinctes des sociétés commerciales dont elles émanent (SARL, SAS). Elles sont ainsi soumises à toutes les règles applicables au type de société de référence, sous réserve d’adaptations nécessaires par l’existence d’un associé unique. Il semble donc logique de laisser les droits nationaux régler les conséquences du passage en une forme de société « pluripersonnelle » (laquelle d’ailleurs n’est pas juridiquement assimilable à une transformation). 11 Cf. CCI Paris Ile-de-France, Favoriser la mobilité des sociétés en Europe, Vers une 14ème directive en droit des sociétés, Rapport de D. KLING, 21 oct. 2010. 3 La limitation du nombre de sociétés unipersonnelles pour une même personne En droit Français, il n’existe aucune restriction de ce genre, ni pour les personnes physiques ni pour les personnes morales. En vertu de la liberté du commerce et de l’industrie, les exploitants d’entreprises sont libres d’exercer l’activité économique de leur choix et selon les modalités qui leur conviennent. Un entrepreneur doit pouvoir exploiter comme il l’entend l’activité économique qu’il a choisi, y compris en multipliant les sociétés. Comme toute liberté, seule une limite tirée de la protection de l’intérêt général peut être envisagée. Il n’y a donc pas lieu d’imposer une telle limitation à l’échelle européenne. L’existence de règles simplifiées pour les PME La Commission pose la question de savoir s’il faut prévoir des règles simplifiées pour les PME, révélant que ces dernières ne sont pas tout à fait visées par la consultation. Au-delà de cette remarque incidente, il est vrai que le principe « think small first » pourrait commander que les PME puissent bénéficier de dispositions simplifiées par rapport aux grandes entreprises. Néanmoins, afin ème directive d’éviter des effets de seuils, les mesures de simplification qui seront opérées sur la 12 doivent profiter à toutes les entreprises sans distinction de leur taille. Le choix d’une abréviation commune Pour la Commission, il ne serait pas inutile d’uniformiser l’appellation des sociétés unipersonnelles. ème directive modifiée n’auraient rien de Même si les sociétés unipersonnelles résultant d’une 12 « supranational », une telle idée peut être soutenue, à la condition que les éléments fondamentaux de cette forme sociale ne puissent pas varier d’un Etat membre à un autre. L’application aux sociétés anonymes Selon la CCI Paris Ile-de-France, l’éventuelle initiative doit voir son champ d’application circonscrit aux seules sociétés à responsabilité limitée. En effet, les disparités entre formes sociales assimilables aux sociétés anonymes (SA) sont encore trop grandes pour envisager des « SA unipersonnelles européennes ». On peut par ailleurs s’interroger sur la possibilité d’introduire des dispositions relatives aux SA dans une directive dont le champ d’application initial est celui, exclusif, de la société à responsabilité limitée. Au demeurant, s’agissant du droit français, la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) permet de répondre aux besoins existants tout en étant adaptée aux PME. Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France 27, avenue de Friedland F - 75382 Paris Cedex 8 http://www.etudes.cci-paris-idf.fr Contact presse Isabelle de Battisti : 01 55 65 70 65 [email protected] Département Droit civil et commercial Tanguy ALLAIN : 01 55 65 7515 [email protected] 4