ÉTAT DE LA QUESTION
Dans le prolongement de son plan d’action sur le droit européen des sociétés et la gouvernance
d’entreprise, la Commission européenne mène actuellement une consultation sur les sociétés
unipersonnelles. Si d’importants efforts ont été faits pour faciliter la vie des PME dans un certain
nombre de domaines - notamment avec le Small Business Act pour l’Europe -, la Commission estime
qu’en matière de droit des sociétés, ces entreprises ont besoin d’une simplification et d’un allègement
des conditions de leur activité dans toute l’UE, surtout dans un contexte de renforcement de
l’économie.
Face aux blocages des négociations sur la proposition de statut de SPE ces dernières années, au
manque de confiance dans les formes juridiques de sociétés étrangères, et à des mesures sur la
mobilité des entreprises (fusions transfrontalières, SE, jurisprudence de la CJUE) ne répondant pas à
tous les besoins des PME, la Commission propose de réfléchir à d’autres outils juridiques pour
améliorer le cadre administratif et réglementaire applicable aux PME. Elle évoque à ce titre,
l’harmonisation des législations nationales concernant les sociétés unipersonnelles.
LE POINT DE VUE DE LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE
La Chambre de commerce et d’industrie de région Paris Ile-de-France (CCI Paris Ile-de-France) est
convaincue qu’il faut simplifier et alléger les conditions d’exercice des PME. Une modernisation de
la 12ème directive relative aux sociétés à responsabilité limitée unipersonnelles irait dans le
bon sens, notamment pour les groupes de sociétés exploitant des filiales à 100%, dans la
mesure où elle ne prévoit aujourd’hui qu’une harmonisation partielle. En effet, ce texte n’aborde
pas à ce jour des questions essentielles comme l’immatriculation, la protection des créanciers, le
transfert de siège, le capital minimal, la dissolution, qui relèvent des droits nationaux. Or, la nécessité
de se conformer à plusieurs systèmes juridiques nationaux différents empêche les entreprises de se
développer à l’étranger.
Toutefois, si, comme elle l’indique dans sa consultation, l’ambition de la Commission européenne est
de permettre aux PME de renforcer l’économie de l’Union européenne, une telle initiative n’aura
qu’un effet limité. Le renforcement de l’harmonisation des législations relatives aux sociétés
unipersonnelles ne peut pas être la seule solution pour aider les PME à développer leurs
activités transfrontalières. C’est un outil parmi d’autres à mettre à leur disposition.
C’est pourquoi la CCI Paris Ile-de-France rappelle qu’en parallèle des réflexions menées sur une
éventuelle modernisation de la 12ème directive, les efforts doivent être poursuivis afin que le
projet de SPE devienne réalité. En effet, le blocage actuel sur le statut de la SPE est le fait de
désaccords sur des points (capital, siège social, participations des travailleurs) qui ne remettent en
cause ni la structure, ni l’économie générale ni les objectifs de la SPE. Mettre un terme à ce projet
pour lui substituer des mécanismes issus des droits nationaux ou en ajustant les textes existants ne
répondrait pas aux ambitions de la Commission européenne. Les PME ont besoin d’une structure
juridique adaptée et véritablement transnationale, pour évoluer dans l’UE.
Les prises de position
de la Chambre de commerce et d’industrie de région Paris Île-de-France
SOCIETES UNIPERSONNELLES REPONSE A LA
CONSULTATION EUROPEENNE
SEPTEMBRE 2013
Registre de transparence de
l’Union européenne
93699614732- 82
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RESUME DES REPONSES APPORTEES PAR LA CCI PARIS ILE-DE-FRANCE
1 — Sur la nécessité d’une harmonisation
Le constat
Les PME représentent dans l’Union européenne plus de 90% des entreprises et près de 70% des
emplois du secteur privé. Pourtant, et malgré ce rôle important dans l’économie, seules 8% d’entre
elles participent au commerce transfrontalier et seules 5% ont mis en place des succursales ou des
entreprises communes à l’étranger. Malgré les avancées du « Small Business Act », le
développement des PME sur le marché intérieur est trop faible alors qu’elles ont un potentiel
d’expansion élevé. Si ce constat peut être partagé, il est regrettable qu’il ne mette pas en évidence le
poids économique des seules sociétés unipersonnelles, pourtant au cœur de la consultation…
Les obstacles
Les obstacles au développement transnational des PME sont nombreux. Leur dynamique est freinée
par la multiplication, la lourdeur et la complexité des procédures de constitution (droit
d’immatriculation, conseils juridiques, frais de notaires…) et de fonctionnement (organisation,
structure, organes, droits des actionnaires, etc.) des filiales dont la structure varie d’un Etat membre à
un autre. L’absence d’harmonisation et le défaut d’une forme de société supranationale génèrent une
insécurité juridique importante, des coûts de mise en conformité, de gestion et de conseils juridiques
difficiles à surmonter pour les entreprises de taille modeste.
En outre, lorsqu’elles souhaitent transférer leurs sièges sociaux, les PME (mais aussi les grandes
entreprises) se heurtent à de nombreuses incertitudes : quelle loi applicable ? Quel effet sur la
nationalité et la personnalité morale ? Quelle fiscalité ? Quelle procédure interne ? Comment protéger
les minoritaires, les créanciers et les travailleurs ? Quel process entre les registres du commerce ?
La jurisprudence de la CJUE relative à la liberté d’établissement ne permet pas de résoudre ces
problématiques et les recours à la fusion transfrontalière et à la société européenne, complexes et
coûteux, ne sont pas adaptés aux PME.
Il convient d’ajouter enfin que la fiscalité est également une source de difficulté pour les entreprises
notamment en raison de l’absence d’uniformisation.
Les solutions proposées
L'harmonisation législative des dispositions concernant les sociétés unipersonnelles au niveau de l'UE
peut faciliter l'accroissement des activités transfrontalières des PME au sein de l'UE, au bénéfice
notamment des groupes de sociétés exploitant des filiales détenues à 100%.
Pour autant, ce choix exclut de facto les PME dont le capital est réparti entre plusieurs actionnaires
pour des raisons de partenariat ou de gestion des fonds propres. Par conséquent, pour répondre aux
attentes des PME, indépendantes ou filiales de groupes, les efforts doivent être poursuivis afin de
concrétiser le projet de société privée européenne (SPE). En définitive, c’est principalement le mode
d’adoption des textes relatifs au droit des sociétés qui pose problème, comme l’a démontré déjà le
processus difficile de la Société européenne. Ne pourrait-on pas trouver une alternative dans la mise
en place d’une procédure de coopération renforcée, ainsi que cela a été fait avec succès pour le
brevet européen, pour adopter la SPE ?
Il serait par ailleurs intéressant d’approfondir l’idée avancée par la Commission européenne d’utiliser
des « points de contact uniques ». Un service proche de ce qui existe en France avec le guichet
unique « guichet-entreprises.fr » devrait être étendu à la création d’entreprises dans les autres Etats
membres de l’Union européenne.
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2 — Sur le contenu d’une éventuelle harmonisation
Telle qu’envisagée par la Commission européenne, l’harmonisation pourrait porter sur les aspects
suivants :
L’immatriculation en ligne de sociétés et de succursales
La proposition de la Commission européenne d’instituer un formulaire d’immatriculation normalisé et
accessible en ligne serait une avancée majeure. Plus simple et garantissant une meilleure sécurité
juridique, la constitution de sociétés ou la création de succursales dans un autre Etat membre serait
aussi moins coûteuse. Il conviendra de s’assurer que le remplissage du formulaire tout comme le
suivi du dossier et les éventuels échanges avec les registres compétents puissent être réalisés dans
toutes les langues de l’Union. La plateforme centrale d’interconnexion des registres du commerce
nationaux pourrait constituer un support efficace dans le respect du contrôle effectué par les
registres.
Le capital social minimal obligatoire et la protection des créanciers
En droit français, l’absence de capital minimum obligatoire offre une liberindéniable au créateur
d’entreprise pour organiser son projet avec un coût de départ maîtrisé. Il est vrai que certains Etats
membres continuent d’imposer un montant de capital minimum et c’est pourquoi cette question a
largement cristallisé les débats sur le projet de SPE. Un compromis pourrait consister à donner aux
Etats membres la possibilité de fixer librement un capital minimum sans que celui-ci puisse excéder
un certain montant.
S’agissant de la protection des créanciers, la CCI Paris Ile-de-France n’est pas favorable à
l’introduction de règles relatives à la distribution de dividendes (« certificat de solvabilité », « test de
bilan »). En revanche, et dans la mesure où une réduction significative du capital social est
susceptible de porter atteinte aux intérêts des créanciers, il est important de leur accorder un droit
d’opposition. Il convient néanmoins de circonscrire cette mesure aux seuls cas dans lesquels la
réduction de capital n’est pas motivée par des pertes.
Le transfert de siège social
Dans la perspective de l’achèvement du marché unique, il n’est plus envisageable d’évoquer une
modernisation du droit des sociétés sans traiter la question de la mobilité. Il est donc essentiel qu’une
éventuelle initiative prévoit des dispositions relatives au transfert de siège social (maintien de la
personnalité morale, processus décisionnel, formalités de publicité, contrôle de légalité et
coordination des registres, mécanismes de garanties et de protection des minoritaires, des autorités
nationales, des salariés, etc.). Mais la Commission européenne devrait être animée par une ambition
plus grande encore pour l’ensemble des sociétés immatriculées en Europe : adopter une 14ème
directive1.
La « conversion » en société pluripersonnelle
Pour la CCI Paris Ile-de-France, il appartient au droit national de régler les conséquences de la
conversion de la société unipersonnelle en société pluripersonnelle. En droit français, les sociétés
unipersonnelles (EURL, SASU) ne sont pas des formes de sociétés distinctes des sociétés
commerciales dont elles émanent (SARL, SAS). Elles sont ainsi soumises à toutes les règles
applicables au type de société de référence, sous réserve d’adaptations nécessaires par l’existence
d’un associé unique. Il semble donc logique de laisser les droits nationaux régler les conséquences
du passage en une forme de société « pluripersonnelle » (laquelle d’ailleurs n’est pas juridiquement
assimilable à une transformation).
11 Cf. CCI Paris Ile-de-France, Favoriser la mobilité des sociétés en Europe, Vers une 14ème directive en droit
des sociétés, Rapport de D. KLING, 21 oct. 2010.
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La limitation du nombre de sociétés unipersonnelles pour une même personne
En droit Français, il n’existe aucune restriction de ce genre, ni pour les personnes physiques ni pour
les personnes morales. En vertu de la liberté du commerce et de l’industrie, les exploitants
d’entreprises sont libres d’exercer l’activité économique de leur choix et selon les modalités qui leur
conviennent. Un entrepreneur doit pouvoir exploiter comme il l’entend l’activité économique qu’il a
choisi, y compris en multipliant les sociétés. Comme toute liberté, seule une limite tirée de la
protection de l’intérêt général peut être envisagée. Il n’y a donc pas lieu d’imposer une telle limitation
à l’échelle européenne.
L’existence de règles simplifiées pour les PME
La Commission pose la question de savoir s’il faut prévoir des règles simplifiées pour les PME,
révélant que ces dernières ne sont pas tout à fait visées par la consultation. Au-delà de cette
remarque incidente, il est vrai que le principe « think small first » pourrait commander que les PME
puissent bénéficier de dispositions simplifiées par rapport aux grandes entreprises. Néanmoins, afin
d’éviter des effets de seuils, les mesures de simplification qui seront opérées sur la 12ème directive
doivent profiter à toutes les entreprises sans distinction de leur taille.
Le choix d’une abréviation commune
Pour la Commission, il ne serait pas inutile d’uniformiser l’appellation des sociétés unipersonnelles.
Même si les sociétés unipersonnelles résultant d’une 12ème directive modifiée n’auraient rien de
« supranational », une telle idée peut être soutenue, à la condition que les éléments fondamentaux
de cette forme sociale ne puissent pas varier d’un Etat membre à un autre.
L’application aux sociétés anonymes
Selon la CCI Paris Ile-de-France, l’éventuelle initiative doit voir son champ d’application circonscrit
aux seules sociétés à responsabilité limitée. En effet, les disparités entre formes sociales
assimilables aux sociétés anonymes (SA) sont encore trop grandes pour envisager des « SA
unipersonnelles européennes ». On peut par ailleurs s’interroger sur la possibilité d’introduire des
dispositions relatives aux SA dans une directive dont le champ d’application initial est celui, exclusif,
de la société à responsabilité limitée. Au demeurant, s’agissant du droit français, la société par
actions simplifiée unipersonnelle (SASU) permet de répondre aux besoins existants tout en étant
adaptée aux PME.
Chambre de commerce et d'industrie de région Paris Ile-de-France
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