Neuchâtel s’illustre à nouveau
parmi les cantons où les person-
nes physiques sont les plus forte-
ment imposées. La réforme des
personnes morales commence à
développer ses effets. L’augmen-
tation des inscriptions au registre
du commerce en témoigne. Mais
pour Raphaël Grandjean, créa-
teur de RG Group et président des
Vert’Libéraux neuchâtelois, les
autorités doivent mieux valoriser
la contribution des hauts revenus
au financement de la collectivité.
Pour lui, s’acquitter de ses impôts
devrait redevenir un acte de no-
blesse. Il s’explique.
Neuchâtel est toujours le canton
où les personnes physiques sont
les plus lourdement taxées en
comparaison nationale.
Comment réagissez-vous face
à ce constat?
Ma réaction serait à un certain
désespoir si j’avais le sentiment
que rien n’avait été entrepris pour
changer cette situation. Néan-
moins, la réforme de la fiscalité
des personnes morales va plutôt
dans la bonne direction. Par ail-
leurs, la réforme des personnes
physiques qui a été engagée ré-
cemment devrait déployer ses ef-
fets les prochaines années. A ce
sujet, le Parlement aurait pu aller
plus loin, mais c’est déjà un début
et il faudra pour l’heure s’en
contenter. Malheureusement, il y
a une érosion des cadres supé-
rieurs et moyens directement en
rapport avec cette fiscalité très
lourde, causant un départ d’en-
viron 500 familles en moyenne
par année. C’est une fiscalité dis-
criminatoire qui a pour effet à la
fois un déficit important pour
l’image du canton et aussi une
perte conséquente en termes de
recettes fiscales. Il faut cesser cet
état d’esprit.
Les raisons de cette politique
fiscale sont-elles idéologiques?
Oui, totalement. Il s’agit d’un éga-
litarisme réducteur, très présent
dans les sociétés latines. Particu-
lièrement en Suisse romande. La
France en est l’illustration la plus
significative. Je trouve ça assez
grave dans le sens où l’on décou-
rage les hyperproductifs. On sait
que 20% des plus hauts revenus
contribuent à hauteur de 80% des
recettes fiscales du canton. Il fau-
drait encourager ces contribu-
teurs. Et aujourd’hui, il serait sou-
haitable que le fait de s’acquitter
de ses impôts redevienne un acte
de noblesse. Une forme de don
pour la collectivité.
Qu’entendez-vous par «égalita-
risme réducteur»?
On n’encourage pas suffisam-
ment ceux qui veulent faire quel-
que chose de leur vie. Finalement,
on ne permet pas à ceux qui veu-
lent s’investir davantage de ten-
dre vers la réussite. Ce qu’il faut,
c’est une véritable implication des
autorités auprès de ces gens qui
contribuent majoritairement au
fonctionnement de notre admi-
nistration. Il s’agit de témoigner
notre respect et notre gratitude
envers ces personnalités qui per-
mettent au canton d’offrir des in-
frastructures de qualité.
Comment faire?
Le conseiller d’Etat vaudois Pas-
cal Broulis a concrétisé cela d’une
façon particulièrement intéres-
sante. Chaque année, il réunit les
100 contribuables les plus impor-
tants autour d’un repas. Ce n’est
pas un gain matériel pour ces in-
dividus, mais c’est une forme de
reconnaissance qui leur donne la
sensation de n’être pas simple-
ment des personnes que l’on taxe
à outrage. Et c’est une incitation
aussi, parce qu’un contribuable
qui n’est plus invité à cet événe-
ment se demandera sûrement
pourquoi. C’est cet état d’esprit-
là qu’il faut impérativement dé-
velopper à Neuchâtel. Je le redis,
mais payer ses impôts doit rede-
venir un acte noble.
L’impôt comme une forme de
don. C’est une idée qui pourrait
déplaire actuellement, puisqu’on
a plutôt tendance à considérer
l’impôt comme une obligation
morale, et non pas un choix.
Qu’en pensez-vous?
Il s’agit bien d’un état d’esprit. Ef-
fectivement, nous payons dans le
canton de Neuchâtel bien plus
que la moyenne suisse, et il y a un
sentiment d’injustice au sein de la
population. Au fond, lorsque des
citoyens s’acquittent de montants
très élevés pour financer la collec-
tivité, ils font un don. Or au-
jourd’hui, c’est le contraire. On
tend à faire penser que l’impôt est
une obligation morale et que cela
n’a rien d’extraordinaire de s’en
acquitter. Ceux qui ne partagent
pas ce point de vue finissent par
s’en aller. C’est à mon avis-là que
les autorités doivent jouer un rôle
plus actif et faire comprendre à la
population ce côté «positif» de
l’impôt. Tout le monde contribue
au bon fonctionnement de la so-
ciété. Il faudrait davantage de pé-
dagogie en la matière.
Et quelles mesures pédagogi-
ques envisageriez-vous?
Réunir les bons contribuables par
exemple, comme je le disais plus
haut. Ce n’est pas forcément un
remerciement matériel dont il
s’agit. Simplement des petites in-
tentions fondées sur l’aspect psy-
chologique des contributeurs, per-
mettant ainsi de leur faire voir
qu’il y a une prise de conscience
de leur importance pour le bon
fonctionnement de la société. Et
en leur témoignant un intérêt cer-
tain, ils se sentent valorisés. Ainsi,
ils seront moins tentés de penser
qu’ils sont là uniquement pour fi-
nancer l’Etat. C’est une récipro-
cité nécessaire.
Comment voyez-vous l’avenir du
canton en matière de fiscalité?
Notre situation actuelle s’appa-
rente à celle d’un enfer fiscal. C’est
un constat indéniable. Mais cer-
taines décisions récentes vont
vraiment dans le bon sens, et dans
quelques années, nous pourrions
nous retrouver dans un contexte
inverse, avec une fiscalité plus
adaptée et un bien-être accru. Les
citoyens ne regardent pas unique-
ment le taux d’imposition. Ce qui
leur importe, c’est leur revenu dis-
ponible et ils le calculent en fin
d’année. Il faudrait davantage
aborder l’impôt en ce sens.
Connaître le revenu disponible
moyen pour l’ensemble des
contribuables. Nos choix seraient
donc encore plus sensés. Et puis
Neuchâtel possède un savoir-faire
en microtechnique qui est parmi
les plus importants au monde.
Même une fiscalité lourde ne peut
pas nous enlever ça. Face à cette
richesse unique, notre canton a un
avantage concurrentiel impor-
tant. D’autres régions ont des sec-
teurs économiques vieillissants si
je puis m’exprimer ainsi. Comme
l’industrie financière. Nous de-
vons orienter notre politique en
faveur d’un développement in-
dustriel efficace. Et la réforme de
la fiscalité des personnes morales
en est un excellent avant-goût.
Justement, concernant cette
réforme, constatez-vous déjà
des retombées positives?
Oui bien sûr. Il y a une augmen-
tation des inscriptions au registre
du commerce. C’est une politique
volontariste de réindustrialisation
qui va dans le bon sens. Cela per-
met aux entrepreneurs qui sou-
haitent créer de la richesse d’en
avoir les moyens. Les effets s’éten-
dront sur plusieurs années.
Vous dites que la réforme de la
fiscalité des personnes morales
va dans le bon sens. Si l’établis-
sement de nouvelles entreprises
dans le canton améliore les
recettes fiscales, envisagez-vous
de proposer au Parlement une
baisse de l’impôt sur le revenu?
En effet, la réforme fiscale des en-
treprises est un succès. La compé-
titivé de notre canton est renfor-
cée et les retombées financières
semblent se confirmer. S’agissant
de la réforme fiscale des person-
nes physiques, le Grand-Conseil
doit encore valider les dernières
étapes. Alors oui, une diminution
des impôts doit être décidée et vo-
tée par le parlement cantonal,
comme d’ailleurs l’engagement
de réformes structurelles de l’Etat.
Les députés devront oser l’audace,
l’audace de dire oui à un canton
tourné dorénavant vers l’avenir.
En mai dernier, vous et quatre
de vos collègues de parti ont été
élus à la députation.
Allez-vous proposer des projets
en ce sens au Parlement?
Nous y travaillons. Ce que nous
souhaitons surtout, c’est d’insuf-
fler un état d’esprit positif. Le can-
ton de Neuchâtel a un potentiel
fantastique. Il faudra bien évi-
demment songer à la réfection de
certaines infrastructures. Et au ni-
veau du budget de l’action sociale,
il faudra s’attaquer à des réformes
puisque nous sommes également
ceux qui dépensent le plus en la
matière. Nous avons donc beau-
coup d’objectifs à atteindre, ce qui
laisse entrevoir une législature des
plus intéressantes.
INTERVIEW:
GRÉGOIRE BARBEY
mercredi 14 août 2013
10 SUISSE
PAGE
HENRI SCHWAMM
*
Qu’il s’agisse de conditions éco-
nomiques cadres, de prospérité,
de qualité de vie, de compétiti-
vité ou d’innovation, la Suisse fi-
gure en haut du tableau dans les
classements internationaux. Il lui
arrive même parfois d’occuper
la première place du podium.
L’Economic-Freedom-Index, mis
au point par le Fraser Institute ca-
nadien, mesure la liberté écono-
mique (pas la liberté politique).
Dans la dernière édition, la Suisse
y occupe le quatrième rang mon-
dial. Hongkong, Singapour et la
Nouvelle-Zélande font mieux
qu’elle. Cet indice comporte cinq
parties: la dimension du secteur
public, le système juridique et la
protection des droits de propriété,
la stabilité de la monnaie, la libre
circulation des biens, du capital et
des hommes, et les réglementa-
tions en vigueur sur les marchés
de capitaux et de marchandises
comme dans la vie économique
en général. Aucun pays ne per-
forme également bien ou mal dans
toutes ces dimensions mais, ob-
serve Gerhard Schwarz, directeur
du think tank libéral Avenir
Suisse, en règle générale, les résul-
tats reflètent quand même une cer-
taine consistance. À preuve, pré-
cise-t-il, le fait que les pays qui ne
sont pas libres économiquement
ne le sont à aucun titre et que les
pays économiquement libres oc-
cupent les meilleures places.
La Suisse, qui pour l’ensemble de
ses prestations se situe au qua-
trième rang de ce classement, se
traîne en matière d’ «ouverture
des frontières» à la place 80 (sur
144 pays), à un niveau compara-
ble à celui de la Tunisie, de
l’Ukraine, du Mali ou du Viet-
nam. Seuls des pays aussi peu li-
bres économiquement que la Rus-
sie ou l’Inde (perçue par l’opinion
publique comme plus libre qu’elle
n’est) sont encore plus mal placés
que la Suisse. Même l’Italie et la
France, qui ne passent pas pour
des parangons de liberté écono-
mique, la distancent largement.
La Suisse fait florès en ce qui
concerne le système juridique et
les réglementations (du marché
du travail et des entreprises) mais
réussit tout juste à se maintenir
dans le premier quart du classe-
ment pour ce qui est de l’ampleur
du secteur public et de la stabi-
lité de la monnaie.
Gerhard Schwarz cherche à expli-
quer le très mauvais score de la
Suisse dans le domaine économi-
que extérieur. Ce score n’a, selon
lui, pas grand-chose à voir avec le
contrôle relativement sévère de
l’immigration à l’égard des pays
tiers, malgré la liberté de circula-
tion des personnes avec l’Union
européenne. Il n’a pas davantage
sa source principale dans les res-
trictions persistantes en matière
d’investissements directs et de
mouvements de capitaux (d’étran-
gers). Non, la racine du mal se
trouve dans la confusion et la com-
plexité des tarifs douaniers. Il est
clair que si l’on veut contrôler
étroitement les importations, on
doit s’immiscer fortement dans la
libre formation des prix qui consti-
tue un pilier de toute économie
ouverte. À cet égard, la Suisse fait
piètre figure. Principale responsa-
ble: l’agriculture. À coup de bar-
rières tarifaires et non tarifaires,
elle s’isole du reste du monde et
est le talon d’Achille de l’écono-
mie helvétique. Alors qu’en dehors
de l’agriculture, les droits de
douane à l’importation ne dépas-
sent pas en moyenne 2,3%, ils ex-
cèdent 30% dans le secteur agri-
cole. La viande et les produits
laitiers sont même protégés de la
concurrence par des tarifs doua-
niers allant jusqu’à 100%.
Cette façon dont la Suisse s’écarte
dans le domaine agricole du cours
habituel de sa politique économi-
que extérieure libérale est d’au-
tant plus difficile à comprendre
que l’agriculture fournit une
contribution très marginale à la
valeur ajoutée brute et à l’emploi.
À peine 1% de la population du
pays parvient à tenir en otage
toute une économie et lui impose
et ses intérêts particuliers et ses re-
commandations interventionnis-
tes. Absurde, mais vrai.
* Université de Genève
Liberté économique favorisée
sauf dans le secteur agricole
La Suisse occupe le quatrième rang mondial de l’Economic Freedom Index du canadien Fraser Institute.
L’impôt doit être un acte de noblesse
NEUCHÂTEL.
Le nouveau député vert’libéral estime que les importants contribuables doivent être considérés et non pas simplement taxés.
RAPHAËL GRANDJEAN. La réforme
de l’imposition des personnes physi-
ques devra être votée par les députés.
FIDA: Michel Mordasini
nommé vice-président
L’ambassadeur suisse Michel
Mordasini, vice-directeur de la Di-
rection du développement et de
la coopération (DDC), a été
nommé vice-président du Fonds
international pour le développe-
ment agricole (FIDA). L’agence
constitue avec le Programme ali-
mentaire mondial (PAM) et l’Or-
ganisation des Nations unies pour
l’alimentation et l’agriculture
(FAO) la plateforme alimentaire
et agricole de l’ONU. «Avec cette
nomination, la Suisse renforce sa
présence au sein du cadre diri-
geant du système onusien», a sou-
ligné dans un communiqué le Dé-
partement fédéral des affaires
étrangères (DFAE). – (ats)
ECONOMIESUISSE:
Heinz Karrer proposé
à la présidence
Le comité directeur d’Economie-
suisse propose à sa présidence
Heinz Karrer, actuel directeur gé-
néral d’Axpo, pour succéder à Ru-
dolf Wehrli. La faîtière des entre-
prises devra se prononcer lors de
sa séance du 29 août. Le futur pré-
sident reprendra les rênes de l’or-
ganisation dans un délai d’un an
suivant son élection, une durée
correspondant au préavis de ré-
siliation de ses fonctions à la tête
d’Axpo, précise Economiesuisse.
«La reprise totale des activités in-
combant à la présidence dépen-
dra du règlement de la succession
de Heinz Karrer» au sein de l’élec-
tricien zurichois, précise le texte.
Durant cette phase de transition,
les dossiers continueront d’être
traités «par les trois vice-prési-
dents, comme c’est le cas actuel-
lement», indique encore Econo-
miesuisse. – (ats)
FORMATION
COOP: plus de 1000 apprentis recrutés en août
Les magasins Coop accueillent 1086 jeunes au mois d’août pour une
formation initiale. La grande majorité (45%) de ces élèves se destine
aux métiers de la vente. Cette année, le magasin a employé 48 appren-
tis de plus que l’année dernière. Dans plusieurs régions de Suisse, le
marché de l’emploi en apprentissage a changé: certaines entreprises
connaissent des difficultés pour recruter suffisamment de collabora-
teurs. La responsable de la formation professionnelle de Coop, An-
nika Keller, estime que les postes proposés ont été pourvus de manière
satisfaisante. « Nous avons dû, certes, recruter sur une période un
peu plus longue que les autres années», admet-elle dans un commu-
niqué. À l’issue de leur apprentissage, une importante partie de ces élè-
ves sont ensuite recrutés chez Coop. L’année dernière, plus de 68%
d’entre eux ont été embauchés par l’enseigne.