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Caecilia 5/2010 : Liturgie
© Union Sainte Cécile - Strasbourg
La fête de Noël donne souvent lieu à des effusions de sentiments confus. L'âme d'enfant qui som-
meille en nous se réveille, s'émerveille ; le sens de la famille et celui de notre responsabilité en faveur
des plus démunis se font plus aigus, plus vifs, plus présents… Tout cela concourt en cette période à
faire naître au sein de nos liturgies un état de sentimentalisme permanent.
On s'extasie volontiers devant le petit enfant de la crèche, dont l'innocence et la fragilité se mirent
dans les yeux de nos propres enfants. Autour de nous, tout à Noël invite à la féérie, à l'insouciance. Or
la liturgie ne peut et ne doit se tenir à l'écart d'un tel environnement. Néanmoins, si elle s'en nourrit, elle
ne peut s'en satisfaire car son œuvre est sacramentelle. Elle conduit à Dieu et ne reste jamais au niveau
de l'auto-célébration des sentiments humains, si beau et si nobles soient-ils. Cette auto-célébration
engendre un sentimentalisme. Noël est avant tout la venue du Verbe éternel de Dieu dans l'histoire des
hommes.
Le « sentiment », dont le terme apparaît dans la langue française en 1314, désigne à la fois la sen-
sation, la sensibilité dans une conscience plus ou moins claire, ou bien un état affectif complexe mais
stable et s'inscrivant dans la durée.
Le « sentimentalisme » est, par contre, un terme bien plus récent. Il est employé pour la première fois
en 1801 et désigne une tendance sentimentale. Nerval disait : « On faisait de l'esprit, mais cela était
empreint de sentimentalisme ».
Ainsi le sentiment fait-il appel à la capacité de sentir, à une disposition qui se déploie dans le temps,
alors que le sentimentalisme décrit un état diffus, s'opposant à la raison et empreint de subjectivité.
En liturgie, il faut donc passer de l'écueil de ce sentimentalisme mal géré à la grâce « du » sentiment
dont la première manifestation sera celle du
sentiment de foi dans la beauté de ses consé-
quences : louange, adoration, action de grâce.
Le sentiment manifeste en nous la capacité à
nous ouvrir de manière juste à l'initiative de Dieu
et à nous en émouvoir. À Noël, nous sommes
invités à célébrer la merveille de Dieu pour nous
en la personne de son Fils.
Trop de sentimentalisme, de mièvreries
dans les liturgies de Noël risque de ne plus
- vraiment - nous conduire à Dieu qui se donne
en son Fils !
On sera sensible aux paroles d'accueil, aux
homélies, aux intentions de prière universelle,
mais aussi aux textes des chants ou même aux
décors floraux et à la manière de construire les
crèches afin que tous les signes posés appel-
lent à découvrir Celui qui est l'enfant de la crè-
che mais que nous cessons d'adorer, y compris
à Noël, comme le Messie livré et le Seigneur de
Pâque !
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MichelSTEINMETZ
Dusentiment,oui!
Dusentimentalisme,non!
Photo Agnès Léderlé
Crèche en ceps de vigne.
Exposition de crèches à Bergheim (68) en 2008.