Textes de l'exposition
© Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
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MOUCHES
Textes de l’exposition
©
Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel
Les mouches ? Vous croyez les connaître, ces petites bestioles qui s’invitent
partout avec effronterie. Ces mal aimées, qui voudrait s’y intéresser, sinon
pour les exterminer ?
Mais la mouche des maisons est l’arbre qui cache la forêt - l’extraordinaire
diversité, l’inventivité exubérante de la vie.
Mouches, moustiques ou moucherons: ces termes du langage courant
s’appliquent tous à des Diptères, les «mouches à deux ailes» des
entomologistes.
Ce sont les MOUCHES de cette exposition.
Chœur et solistes
Écoute !... Ecoute le bruit de leurs ailes, pareil au ronflement
d'une forge. Elles nous entourent, Oreste. Elles nous
guettent; tout à l'heure elles s'abattront sur nous, et je
sentirai mille pattes gluantes sur mon corps.
Les mouches. Jean-Paul Sartre
Volière
Mouche domestique
Musca domestica
Cette souche de mouche domestique est dite «sensible»,
c’est-à-dire qu’elle ne présente aucune résistance aux
insecticides. Il s’agit de la souche de référence de l’OMS.
Elevée en laboratoire, elle est exempte de germes infectieux.
Elevage assuré par Novartis, Centre de Recherche Santé
animale SA, St-Aubin FR.
Mangeurs de chair
En guise de palais, je vous donnerai le trou d’un tombeau,
obscur et puant, en guise de mets délicieux, des vers qui
rongent de l’intérieur les chairs pourries.
La Dança general de la Muerte
. Espagne, XVe siècle
Charogne
Eboueurs de la nature
Il suffit de 3 semaines environ aux asticots nés des
pontes de quelques mouches vertes
Lucilia sericata
pour venir à bout du cadavre d’un petit animal de la
taille d’un lapin. Seuls les os, la peau et les poils ne
sont pas consommés, mais d’autres espèces de
diptères ou de coléoptères s’en chargeront.
Elevage: Novartis, Centre de Recherche Santé animale SA,
St-Aubin FR.
Une charogne
Rappelez-vous l'objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d'été si doux :
Au détour d'un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l'air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d'une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d'exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu'ensemble elle avait joint ;
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s'épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l'herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D'où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s'élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d'un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l'eau courante et le vent,
Ou le grain qu'un vanneur d'un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s'effaçaient et n'étaient plus qu'un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l'artiste achève
Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d'un œil fâché,
Épiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu'elle avait lâché.
Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
À cette horrible infection,
Étoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !
Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l'herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j'ai gardé la forme et l'essence divine
De mes amours décomposés !
Charles Baudelaire