Corps d.formables.fm - Page Personnelle de Pierre R. Marcoux

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-1-
Mécanique des corps déformables1
2002-2003
1. Introduction
Un cours de mécanique générale traite notamment de la description des mouvements d’un
solide soumis à différentes forces et moments extérieurs (équations de Newton et du moment
cinétique). La statique considère le cas particulier d’un solide en équilibre. Cette description
suppose que le solide est indéformable, i.e. les distances entre des points quelconques restent
invariantes au cours du mouvement.
Ce chapitre a pour objectif de compléter la connaissance du comportement des corps déformables en déterminant leurs déformations qui résultent de forces extérieures. L’approche
phénoménologique est utilisée pour présenter les lois décrivant les déformations dans des cas
simples, puis quelques bases théoriques sont introduites pour généraliser les résultats.
2. Etats de la matière, Modèle continu
2.1 Etats de la matière
D’une manière générale, les solides sont caractérisés microscopiquement par des forces de liaisons intermoléculaires "rigides" et anisotropes. Sous l’effet de la température, les atomes
vibrent autour de leur position d’équilibre, mais ne peuvent pas se déplacer librement les uns
par rapport aux autres. En conséquence, macroscopiquement, un solide se déforme très peu et
différemment selon différentes directions. Ses propriétés macroscopiques spécifiques sont sa
masse, son volume et sa forme.
Les fluides, au contraire, sont caractérisés par des forces de liaisons "non rigides" et isotropes.
On distingue deux types de fluides selon leurs propriétés macroscopiques, les liquides et les
gaz. Les gaz, peu denses et donc facilement compressibles, présentent de faibles forces d’interaction attractives entre molécules (nulles pour les gaz parfait). Les liquides ont une densité
comparable à celle des solides, sont peu compressibles, et les forces d’interactions entre molécules sont plus importantes que celles des gaz, mais suffisamment faibles pour qu’un élément
liquide puisse se déplacer considérablement par rapport à un élément voisin. Contrairement
aux gaz, les liquides n’ont pas tendance à occuper tout le volume disponible. Leurs propriétés
macroscopiques spécifiques sont leur masse et leur volume.
Les solides cristallins possèdent un ordre à courte et à longue distance, alors que les solides
amorphes (quartz amorphe SiO2) et les liquides ne possèdent qu’un ordre à courte distance.
Un cristal liquide est un liquide formé de particules organiques allongées qui possède également un ordre à longue distance au-dessous d’une température de transition (au-dessus, il se
comporte comme un liquide usuel).
Les polymères sont formés de longues chaînes constituées par la répétition de molécules organiques simples. Les liaisons entre atomes d’une même chaîne sont fortes alors que les forces
interchaînes sont plus faibles et influencent beaucoup les propriétés mécaniques du polymère.
1. Résumé du cours du Professeur J.-J. Meister, Section de Physique EPFL.
-2Il existe des polymères naturels (amidon, cellulose, protéines) et synthétiques.
2.2 Modèle continu
La matière est formée d’un grand nombre d’atomes ou de molécules dont il n’est pas possible
de décrire exactement l’état de mouvement d’une manière détaillée.
La mécanique des solides déformables ainsi que la mécanique des fluides nécessite l’introduction d’un modèle continu qui consiste à considérer des particules matérielles de volume ∆V
suffisamment petit pour que cet élément ∆V ait les propriétés d’une différentielle, mais suffisamment grand pour contenir un nombre élevé d’atomes ou de molécules. On peut ainsi faire
totalement abstraction de la structure atomique et définir, par exemple, une densité locale ρ(x).
Par commodité, on écrit souvent dV pour l’élément fini ∆V.
2.3 Rhéologie des corps déformables
Lorsqu’on soumet un corps déformable (solide, liquide ou gaz) à des forces ou à des moments
extérieurs constants ou dépendant du temps, on peut s’intéresser à la réponse du corps en fonction du temps en analysant des grandeurs caractéristiques du corps telles que longueurs, aires,
volumes et angles.
Les résultats de telles expériences peuvent généralement être décrits par quatre propriétés
rhéologiques1 fondamentales: l’élasticité, la viscosité, la plasticité et la résistance à la rupture2.
Si les changements subis par le corps sont suffisamment petits, on peut les décrire par des lois
phénoménologiques linéaires:
• Elasticité selon Hooke: la déformation est proportionnelle à la contrainte.
• Viscosité selon Newton: la force de frottement (ou de traînée) est proportionnelle à la vitesse.
• Plasticité selon von Mises: la vitesse de déformation est proportionnelle à la contrainte.
En revanche, des effets non-linéaires apparaissent si les changements sont importants.
Par définition, la déformation élastique disparaît lorsque les contraintes sont annulées, contrairement à la déformation plastique qui subsiste. Les corps réels (non idéalisés) présentent ces
trois propriétés rhéologiques.
3. Comportement élastique
Lorsque des forces extérieures sont appliquées à un corps déformable, avec les conditions
ΣFext = 0 et ΣM0ext = 0 (statique), on observe des déformations du corps. On parle d’élasticité
du corps si la courbe de charge correspond à la courbe de décharge: figure 2. Elle n’est
généralement linéaire que si les déformations sont faibles.
Ce comportement élastique linéaire est une bonne approximation pour la plupart des solides
1. La rhéologie est la branche de la physique qui étudie la viscosité, la plasticité, l’élasticité et l’écoulement de la matière.
2. Le phénomène de rupture ne sera pas abordé dans ce cours.
-3(déformations relatives de l’ordre de 10-3). De même, les fluides possèdent cette propriété en
compression (ou détente) uniforme.1
3.1 Traction simple
Considérons un solide homogène et isotrope en équilibre, dont la forme est un parallélépipède
rectangle de longueur Lx et de section S = Ly·Lz: figure 1.
Appliquons deux forces colinéaires, opposées et d’égale amplitude Fnx, perpendiculairement
aux extrémités. On observe un allongement du solide (∆Lx > 0) simultané à une diminution de
sa section (∆Ly et ∆Lz < 0).
Ly
- Fnx
Fnx
Lz
Lx
Lz + ∆Lz
Lx + ∆Lx
Figure 1
Si l’on reporte l’amplitude de la force Fnx en fonction de l’allongement ∆Lx, on observe
d’abord une région élastique (déformation réversible), puis une région plastique et finalement
la rupture. La figure 2 illustre deux comportements observés; les flèches indiquent le sens des
déformations et leur éventuelle réversibilité.
Fnx
Fnx
ou
∆Lx
région
élastique
région
plastique
rupture
∆Lx
région
élastique
région
plastique
rupture
Figure 2
Dans la région élastique linéaire, l’expérience montre que ∆Lx est proportionnel à Fnx et Lx, et
inversement proportionnel à S:
1. Du point de vue de la thermodynamique, le comportement élastique représente une transformation
réversible.
-4-
1 F nx L x
∆L x = --- ⋅ -------------E
S
(1)
La constante de proportionnalité E est le Module de Young, dont l’unité est le N/m2. Il dépend
du matériau, de son traitement, de la température et éventuellement d’autres variables thermodynamiques. Sa valeur ne dépend pas de la géométrie du corps.
En définissant la contrainte normale par:
F nx
σ x = -------- [N/m2]
S
(2)
∆L x
ε x = ---------Lx
(3)
1
ε x = ---σ x
E
(4)
et l’allongement spécifique par:
On obtient la loi de Hooke:
Le module de Young caractérise le rapport contrainte-déformation.
La même expérience montre que les dimensions transversales Ly et Lz subissent une contraction proportionnelle à Lx. Au niveau microscopique, on peut dire de manière simple que cette
contraction résulte de l’existence de liaisons interatomiques obliques. Cette contraction est
décrite par la loi de Poisson:
σx
ε y = ε z = – ν -----E
(5)
Cette observation signifie qu’une déformation dans une direction peut résulter d’une contrainte
appliquée dans une autre direction.
La constante ν, sans dimension, est le module de Poisson. Selon le matériau, il vaut entre 0,3 et
0,5. On verra à la section 3.2 que ν doit être inférieur ou égal à 0,5.
La figure 3 donne les caractéristiques de quelques solides. La limite d’élasticité est la valeur de
la contrainte au-dessus de laquelle le corps perd ses qualités élastiques.
-5-
Matériau
E [N/m2]
ν[]
Aluminium
Acier
Cuivre
Verre
Plomb
Béton (compression)
Bois
Caoutchouc
Os (compression)
6,9.1010
18 à 30.1010
12.1010
5 à 8.1010
0,5 à 2.1010
3.1010
1 à 2.1010
2.106
0,5 à 1.1010
0.33
0,27
0,33
0,3
0,4
0,15
-0,5
--
Limite d’élasticité
[N/m2]
Charge de
rupture [N/m2]
10 à 13.107
25 à 80.107
3 à 12.107
-0,4 à 1.107
-----
11 à 15.107
40 à 150.107
20 à 40.107
4 à 6.107
1,3 à 2,2.107
4.107
5.107
-17.107
Figure 3
Remarques
• Par convention, les contraintes sont positives lorsqu’elle correspondent à un état d’extension et négatives dans le cas d’une compression. Une contrainte de compression correspond
à une pression avec la convention de signe p = - σ.
• Les constantes E et ν caractérisent entièrement le comportement élastique d’un solide isotrope et homogène.
• On parle d’anisotropie des propriétés mécaniques si l’application de forces dans différentes
directions conduit à des valeurs différentes du module de Young et du module de Poisson.
3.2 Compression uniforme
Considérons un solide isotrope ou un fluide soumis à une compression uniforme, i.e.:
σx = σy = σz = σ = –p
(6)
Prenons d’abord un solide de forme parallélépipédique de volume V: figure 4. Calculons les
déformations résultant de l’état de contraintes en utilisant les lois de Hooke et Poisson.
Un tel calcul nécessite d’admettre le principe de superposition: la superposition des contraintes
entraîne la superposition des déformations correspondantes.
-6-
z
y
Lz
Lx
x
Ly
Figure 4
En utilisant ce principe pour σx, σy et σz, l’allongement spécifique selon x s’écrit:
σx ν
∆L x
σ
ε x = ---------- = ------ – --- ( σ y + σ z ) = --- ( 1 – 2ν )
Lx
E E
E
(7)
Les allongements spécifiques selon y et z ont la même valeur.
En négligeant les termes en ∆L d’ordre supérieur à 1, (on suppose de petites déformations), la
variation de volume du solide est donnée par ∆V = ∆Lx(LyLz) + ∆Ly(LxLz) + ∆Lz(LxLy). La
variation relative s’écrit alors:
∆V
σ
-------- = ε x + ε y + ε z = ---3 ( 1 – 2ν )
V
E
(8)
On caractérise cet état de compression uniforme par le coefficient de compressibilité κ défini
de telle façon que:
3 ( 1 – 2ν )
∆V = κVσ <==> κ = ----------------------- [m2/N]
E
(9)
On voit ainsi que ν doit être ð 0,5, car sinon ∆V pourrait être positif (dilatation) lors d’une
compression (σ < 0). Le cas ν = 0,5 correspond à l’incompressibilité du solide.
Certains ouvrages utilisent le module d’élasticité volumique B défini par l’inverse du coefficient de compressibilité.
Prenons maintenant le cas d’un fluide. En vertu de ses propriétés décrites à la section 2.1, un
élément fluide peut se déplacer considérablement par rapport à un élément voisin. Ainsi,
aucune expérience de traction simple ne peut être effectuée et les modules E et ν n’existent
pas. En revanche, si le fluide est au repos (dans un récipient), l’expérience montre qu’il peut
être soumis à une compression élastique obéissant à l’équation 9: figure 5.
-7-
Volume initial: V
Pression initiale: p
F
Volume final: V + ∆V
Pression finale: p + ∆p
Figure 5
On a l’habitude, dans ce cas d’un fluide, d’utiliser la surpression en lieu et place de la contrainte σ:
∆V = – κ V∆p
(10)
κ est ainsi le coefficient de compressibilité du fluide. Il dépend en général du fluide, de la
température, de la pression et éventuellement d’autres variables thermodynamiques. Pour un
liquide, κ dépend très peu de T et p.
La figure 6 donne les valeurs de κ de quelques fluides.
Eau
T = 18 oC
Alcool
0,45.10-9 m2/N 1.10-9 m2/N
Mercure
3,8.10-12 m2/N
Air (patm)
∼7.10-6 m2/N
Figure 6
L’équation 10, mise sous une forme différentielle, est appelée équation d’état du fluide. L’étudiant vérifiera qu’elle peut s’écrire sous les deux formes suivantes1:
dV = – κ Vdp ou dρ = κρdp
(11)
où ρ est la densité du fluide.
3.3 Cisaillement simple
Considérons un solide soumis à des forces tangentielles, en supposant toujours que l’équilibre
est réalisé. On suppose que deux forces tangentielles Ftz et - Ftz de direction parallèle à l’axe
Oy sont appliquées aux deux faces perpendiculaires à l’axe Oz et deux autres forces Fty et - Fty
de direction parallèle à Oz sont appliquées aux deux faces orthogonales à l’axe Oy: figure 7.
1. En thermodynamique, on définit les coefficients de compressibilité adiabatique et isotherme, mais si
l’on admet la réversibilité (processus très lent), le résultat d’une compression uniforme est indépendant du chemin thermodynamique; on peut ainsi utiliser la différentielle et κ peut figurer sans
référence spéciale: dV = - κVdp.
-8-
z
Ftz
Fty
y
Lz
-Ftz
-Fty
x
Equilibre:
Σ forces = 0
Σ moments = 0
Lx
Ly
Figure 7
La condition Σ forces = 0 est réalisée. Pour que la condition Σ moments = 0 soit réalisée, il
faut que FtzLz - FtyLy = 0.
En définissant les contraintes tangentielles par:
F tz
F ty
τ z = ------------ et τ y = -----------Lx Ly
Lx Lz
(12)
la condition d’équilibre s’écrit:
τz = τy = τ
(13)
Un solide soumis à de tels efforts subit des déformations angulaires d’angles γ1 et γ2: figure 8.
Ftz
-Fty
0 ≡ 0’
γ1
γ1 + γ2
Fty
ou
γ2
0
0’
-Ftz
Figure 8
L’expérience montre que dans le domaine élastique, γ = γ1 + γ2 est proportionnel à la contrainte
tangentielle (en supposant tg γi ≅ γi) : c’est la loi du cisaillement simple:
1
γ = ---- τ
G
(14)
Le facteur de proportionnalité G est le module de cisaillement ou de glissement [N/m2] qui
dépend du matériau, de son traitement, de la température et éventuellement d’autres variables
thermodynamiques.
Dans les matériaux isotropes du point de vue des propriétés mécaniques, G, E et ν sont liés par
-9la relation (démontrée à la section 7.):
E
G = -------------------2(ν + 1)
(15)
Remarques
• Les propriétés élastiques de cisaillement concernent surtout les solides et le module de
cisaillement G d’un fluide au repos est généralement nul. Cependant, certains fluides possèdent une élasticité transitoire lors de déformations de cisaillement.
• Lors d’un cisaillement simple, la variation de volume du corps est du second ordre par rapport aux angles de glissement; elle est nulle si l’on ne garde que les termes linéaires
(démontré à la section 6.). Cela permet de redéfinir un cisaillement comme une déformation
qui ne change pas le volume du solide.
• La réponse à un cisaillement peut être anisotrope, i.e. G peut dépendre des faces sur
lesquelles s’exercent les forces.
Illustration
La déformation d’un cube soumis à des contraintes normales opposées (σx = 0, σy = σ > 0, σz
= - σ) correspond à celle d’un cisaillement simple.
Remarque
Les contraintes normales et de cisaillement ont été définies sur les faces extérieures d’un
solide. De façon générale, elles existent et sont donc définies en tout point d’un corps: section
5.
3.4 Energie mécanique élastique
Pour déformer un corps, il faut à l’évidence dépenser de l’énergie. Lorsque la déformation sous
l’effet de contraintes est élastique (réversible), il n’y a pas d’échange de chaleur avec
l’extérieur et le travail fourni correspond ainsi à l’énergie mécanique emmagasinée par le
corps1.
a. Traction simple
En se référant à la figure 1, le travail fourni s’écrit:
W =
∆L x
∫0
F nx dx
(16)
où x est l’allongement, supposé << Lx, qui varie entre 0 et ∆Lx au cours de la traction. En
négligeant les variations de la section résultant de la contraction selon y et z, on obtient:
1. Les cas de déformations vus dans les sections précédentes seront traités en suivant le raisonnement
utilisé pour calculer le travail W à fournir pour maintenir un∆x
ressort en extension de ∆x, qui corre1
2
spond à la variation d’énergie mécanique du ressort: W = ∫ kx dx = --- k∆x
0
2
- 10 -
1
W = --- σ x ε x ⋅ volume
2
(17)
σx et εx correspondent aux valeurs finales, i.e. lorsque l’allongement x = ∆Lx.
b. Compression uniforme
En se référant à la figure 4, le travail développé pour de petites déformations s’écrit:
W =
∆V
∫0
1
σ dV = --- σ ( ε x + ε y + ε z ) ⋅ volume
2
(18)
L’étudiant intéressé vérifiera que le travail à fournir pour comprimer de manière adiabatique n
moles de gaz parfait entre un volume initial Vi et final Vf s’écrit:
nRT i V i γ – 1
W = ------------  ------
–1
γ – 1  V f
(19)
γ = Cp/Cv est le rapport des chaleurs spécifiques à pression et volume constants.
c. Cisaillement simple
En se référant à la figure 8, le travail fourni s’écrit:
1
W = --- τγ ⋅ volume
2
(20)
4. Comportement visqueux
Nous avons supposé jusqu’ici que la déformation élastique d’un corps évolue de manière
réversible. En réalité, un processus n’est réversible du point de vue de la thermodynamique que
si sa vitesse est infiniment lente. Or, un mouvement réel s’effectue à vitesse finie et des
phénomènes de dissipation d’énergie ont lieu.
La viscosité d’un solide ou d’un fluide est un des phénomènes de dissipation qui se manifeste
lors d’une déformation d’un corps à vitesse finie.
4.1 Phénoménologie
Le comportement visqueux de la matière est le plus facilement mis en évidence dans les fluides, et en particulier dans les liquides, à partir de l’expérience modèle de la figure 9:
- 11 -
z
S
Ft
e
0
vt
y
S
-Ft
x
Figure 9
On considère deux surfaces planes d’aires égales S et distantes de e placées à l’intérieur d’un
récipient contenant un fluide; les dimensions de chaque surface sont supposées beaucoup plus
grande que e. On observe qu’il est possible de déplacer l’une des surfaces tangentiellement par
rapport à l’autre avec une vitesse constante vt en appliquant une force Ft colinéaire et de même
sens que vt à la surface supérieure et une force - Ft à la surface inférieure pour la maintenir
immobile1. L’expérience montre, et c’est ce qui caractérise un comportement visqueux, que le
fluide est entraîné entre les deux plaques et que la géométrie (S, e) restant la même, Ft est une
fonction biunivoque de vt:
F t = f ( vt, géométrie, fluide )
Un fluide newtonien est un fluide tel que la relation entre Ft et vt est linéaire.
Pour être newtonien, un fluide doit notamment être homogène et isotrope. C’est le cas de l’eau,
du pétrole, de l’huile, etc. Au contraire, ce n’est pas le cas pour certains silicones, pour des suspensions dans l’eau, etc.
Dans le cas de l’écoulement laminaire2 d’un fluide newtonien entre les deux plaques, la vitesse
varie linéairement entre les plaques. De plus, les vitesses du fluide en contact avec les plaques
sont égales à celles des plaques: cette observation est parfois appelée condition de non-glissement: figure 10.
z
e
surface mobile
vt(z = e)
vt(z)
0
surface immobile
y
1. Les forces appliquées dans cette expérience correspondent à un cisaillement simple (section 3.3).
2. Les caractéristiques d’un écoulement laminaire seront précisées lors de l’étude de la physique des fluides.
- 12 Figure 10
L’expérience montre que la force Ft est proportionnelle à S et inversement proportionnelle à e.
On a alors la loi suivante:
S
F t = η --- v t
e
(21)
η [kg/ms ou Pas] est le coefficient de viscosité dynamique1 qui dépend notamment du fluide et
de sa température2. Quelques valeurs sont données à la figure 11.
Eau (20 oC)
Mercure (17 oC)
Glycérine (18 oC)
Air (20 oC)
η = 1.10-3 Pas
η = 1,6.10-2 Pas
η = 1,1 Pas
η = 2.10-5 Pas
Figure 11
Comme dans le cas élastique, on introduit la contrainte tangentielle par τz = Ft/S. En tenant
compte de l’évolution linéaire de la vitesse, l’équation 21 peut être exprimée sous forme
locale:
vt
1 dy
d y
d ∆y
·
τ z = η ---- = η --= η  --- = η  ------- = ηγ
e
e dt
d t  e
d t  ∆z
(22)
·
γ est la déformation angulaire (figure 8) et γ la vitesse de cisaillement.
Remarque
La contrainte tangentielle définie ici rend compte de la viscosité d’un fluide. Elle dépend de la
vitesse de déformation, contrairement à la contrainte de cisaillement définie à la section 3.3 qui
décrit les propriétés élastiques d’un corps en quasi-équilibre (processus réversible), i.e. en considérant une vitesse de déformation nulle.
Le comportement viscoélastique correspond à la présence simultanée d’un cisaillement simple
élastique et d’une viscosité. En utilisant les lois correspondantes, la contrainte tangentielle
s’exprime par une équation différentielle:
·
τ z = Gγ + ηγ
(23)
La réponse d’un corps viscoélastique à un saut de contrainte est illustrée à la figure 12. Il traduit la solution de l’équation 23 donnée par:
τz
– ( G ⁄ η )t
γ ( t ) = ---- [ 1 – e
]
G
1. On définit également la viscosité cinématique par η/ρ.
2. La viscosité est parfois exprimée en poises p: 1 Pas = 10 p.
(24)
- 13 -
τz(t)
γ(t)
τz/G
τz
t
t
η/G
Figure 12
Remarques
• Les propriétés élastiques de cisaillement et le comportement visqueux sont des cas limites
de l’équation 24 lorsque η << Gt et Gt << η respectivement.
• Les gaz sont aussi caractérisés par une viscosité.
• L’expérience montre que la viscosité (pas nécessairement newtonienne) est également une
caractéristique des solides. On parle alors souvent de frottement intérieur.
• Un comportement visqueux est également lié à une traction simple ou à une compression à
vitesse non-nulle. La contrainte normale ou la surpression ne dépend alors pas seulement de
la déformation, mais également de la vitesse de la déformation. Pour l’expérience de compression du fluide de la figure 5, on a dans le cas newtonien:
1 ∆V
d ∆V
σ = σstatique + σdynamique ==> ∆p = – σ = – --- -------- – η'  --------
κ V
d t V 
où η’ est le coefficient de viscosité associé à la compression uniforme.
• On parle d’un fluide parfait s’il n’a pas de viscosité.
(25)
- 14 -
5. Efforts internes, tenseur des contraintes
5.1 Efforts internes
Considérons un corps (solide ou fluide) soumis à des forces extérieures Foi s’appliquant sur sa
surface et un point P quelconque du corps1. Considérons une surface de coupure S passant par
P et séparant le corps en deux parties (1) et (2). Enlevons l’une des parties, par exemple (2).
Pour maintenir la partie restante (1) dans le même état de mouvement (ou de repos) qui existait
avant la séparation, il est nécessaire d’appliquer sur la surface de coupure des forces appelées
efforts internes: figure 13.
Fo4
(2)
dS = dSn
dFn
Fo3
dF
S
P
3
Fo1
dFt
r
(1)
Fo2
2
1
Figure 13
En particulier, il faudra exercer l’élément de force dF sur l’élément de surface dS = dSn entourant le point P: figure 13. On peut décomposer dF en deux composantes normale et tangentielle à S en P2:
dF = dF n + dF t
(26)
Par définition,
σ n ( r, t ) =
dF n
dF t
et σ t ( r, t ) =
dS
dS
(27)
sont les contraintes normales et tangentielles en P lorsque la surface est orientée selon n. Ces
contraintes dépendent en général des forces extérieures, du point P repéré par r, de l’orienta1. Nous ignorons la présence éventuelle de forces de volume telles que le champ de gravitation.
2. Pour une autre surface de coupure passant par P, l’orientation de dS sera différente et la force à exercer
sur dS sera en général différente.
- 15 tion de la surface et du temps.
L’égalité de l’action et de la réaction, valable quelque soit le mouvement du corps, impose que
les efforts exercés par (1) sur (2) soient opposés à ceux exercés par (2) sur (1): figure 14. On en
déduit que σn’ = σn et σt’ = σt.
dF’
(2)
dS
(1)
dS = - dS’
dF = - dF’
dF
dS’
(2)
(1)
Figure 14
La coupure peut se faire virtuellement (par la pensée) ou réellement. Dans le premier cas, les
contraintes se déterminent par le calcul. Dans le second cas, il faut alors vraiment exercer un
ensemble de forces sur la coupure pour maintenir le même mouvement de la partie restante du
corps.
Exemples
• Lors d’une traction simple d’une barre en équilibre de section S par une force F, les efforts
internes dans une section quelconque ne dépendent pas de la position de la section et sont
normaux: σn = F/S et σt = 0. Les contraintes sont dites uniformes.
• La déformation d’une colonne de densité ρ, de section S et de hauteur L sous l’effet de son
poids conduit aux efforts internes σn = - ρg(L - z) et σt = 0 sur une section située à la hauteur z.
• La torsion simple d’un tube mince de rayon interne R et d’épaisseur e sous l’effet d’un
moment appliqué M conduit à une contrainte tangentielle σt = M/2πR2e sur une surface de
coupure quelconque, perpendiculaire à l’axe du tube.
5.2 Tenseur des contraintes
Cette section a pour objectif de montrer qu’un ensemble de 6 nombres, définis en chaque point,
permet de caractériser les contraintes dans un solide déformable.
Reprenons la description des efforts internes de la section 5.1 et considérons un système d’axes
O123 muni d’une base e1e2e3 orthonormée: figure 15.
- 16 -
3
dS3 = dS3e3
P
3
2
r
e3
1
dF(3)
e1
2
e2
1
Figure 15
Choisissons en P un élément de surface dS3 = dS3e3 orienté dans la direction 3. dF(3) est
l’effort interne s’appliquant sur cet élément de surface et dont les composantes sont notées
(dF1(3), dF2(3), dF3(3)). L’indice (i) rappelle que la force de surface dF(i) s’exerce sur une surface perpendiculaire à l’axe i.
On pourrait de même considérer en P un autre élément de surface dS1 ou dS2 sur lequel s’exercerait respectivement l’effort dF(1) ou dF(2).
De manière générale, dFk(i) est la composante k de la force s’exerçant sur un élément de surface orienté perpendiculairement à l’axe i.
De manière générale, on définit alors les contraintes σki(r) au point considéré par:
(i)
dF k
σ ki ( r ) = ----------- , avec i = 1, 2, 3 et k = 1, 2, 3
dS i
(28)
La contrainte σki est la k-ème composante de la force agissant sur l’unité de surface perpendiculaire à l’axe i1. Les σki sont en général des fonctions du lieu et du temps.
Lorsque i = k, les contraintes sont normales; elles étaient notées σi dans les sections précédentes.
Lorsque i ¦ k, les contraintes sont tangentielles; elles étaient notées τi dans les sections précédentes.
Par exemple, σ11 est la contrainte normale en P et à l’instant t s’exerçant sur une surface perpendiculaire à l’axe 1 et σ23 est la contrainte tangentielle en P et à t s’exerçant sur une surface
perpendiculaire à l’axe 3, selon la direction de l’axe 2.
1. Certains ouvrages utilisent la convention inverse: σki est la i-ème composante de la force agissant sur
l’unité de surface perpendiculaire à l’axe k.
- 17 Remarques
• La matrice des 9 composantes σki reliant les forces à la surface sur laquelle elles s’exercent
est en réalité un tenseur appelé tenseur des contraintes. L’utilisation d’un système d’axes
orthonormé nous permet d’éviter tout recours à l’analyse tensorielle ...
• Le tenseur des contraintes est symétrique: σik = σki; il possède ainsi 6 composantes
indépendantes. Cette propriété résulte de la conditions d’équilibre Σ moments = 0. Pour
s’en convaincre, le lecteur exprimera l’équilibre d’un cube élémentaire quelconque.
• Un tenseur symétrique étant diagonalisable, il existe en chaque point du corps un système
de coordonnées appelé axes principaux dans lequel les contraintes sont uniquement normales, i.e. σik = 0 si i ≠ k.
Connaissant le tenseur des contraintes en P, montrons qu’il est possible d’exprimer la force
s’exerçant en ce point P sur un élément de surface d’orientation quelconque.
Ecrivons l’équilibre d’un élément de volume du corps ayant une face dS = (dS1, dS2, dS3) orientée de façon quelconque et trois faces perpendiculaires aux axes d’un système d’axes
orthonormés: figure 16.
3
dF
dS
dF(1)
P
2
dF(2)
dF(3)
1
Figure 16
En négligeant d’éventuelles forces de volume, l’équation d’équilibre s’écrit:
dF + dF
(1)
+ dF
(2)
+ dF
(3)
= 0
(29)
L’indice (i) rappelle que la force de surface dF(i) s’exerce sur une surface perpendiculaire à
l’axe i.
En utilisant l’équation 28, cette équation s’écrit en composantes:
dF k =
∑ σki dSi
i
Sous forme "matricielle", on a:
(30)
- 18 -
dF 1
σ 11 σ 12 σ 13 dS 1
dF 2 = σ 21 σ 22 σ 23 dS 2
dF 3
(31)
σ 31 σ 32 σ 33 dS 3
Remarques
• On omet généralement le signe Σ dans l’équation 30 en utilisant la convention d’Einstein de
la somme sur le même indice figurant dans un produit.
• Les 6 composantes du tenseur des contraintes suffisent à décrire complètement l’état de
contraintes en tout point: 3 composantes correspondent à des états de traction simple et 3 à
des états de cisaillement simple. En conséquence, tout état de contraintes peut être considéré comme une superposition de tractions et de cisaillements simple.
• L’état de contraintes d’un corps ne dépend évidemment pas du système d’axes choisi. En
revanche, la représentation du tenseur par ses composantes en dépend.
• Lorsque les contraintes tangentielles sont nulles et que σ11 = σ22 = σ33 = σ, la force ∆F
s’exerçant sur une surface ∆S d’orientation quelconque est normale à celle-ci. De plus, la
contrainte normale σn = ∆F/∆S est égale à σ, indépendamment de l’orientation de la surface. En hydrodynamique, cette propriété est connue sous le nom de principe de Pascal: σii
= - p.
Exemple
Montrons par un exemple simple qu’il est possible de transformer un état de contraintes décrit
par un cisaillement en un état de contraintes normales par simple rotation des axes.
Le solide de la figure 17.a est soumis à des force extérieures (non dessinées) telles que le
tenseur des contraintes en un point O est caractéristique d’un effort de cisaillement dans le
système d’axes O12 choisi: équation 32.
Dans O123:
σ ki
0 τ 0
= τ 0 0
000
(32)
2
2
(a)
(b)
τ
C
τ
D
B
O τ
τ
τ
C
A
1
B
h
τ
h
τ'
σ'
A
1
- 19 Figure 17
Le petit cube isolé autour de O, de côté h, subit donc les forces tangentielles de l’équation 32.
Imaginons que l’on coupe le cube selon la diagonale AC et que l’on supprime la partie ADC:
figure 17.b. Quelle force devrait-on appliquer sur la face AC pour maintenir l’équilibre ? En
notant σ’ et τ’ les composantes normale et tangentielle sur la face AC, l’équilibre des forces
permet d’identifier ces composantes:
2
2
2
2
2
2
axe 1: h  τ – τ' ------- 2 – σ' ------- 2 = 0 et axe 2: h  τ + τ' ------- 2 – σ' ------- 2 = 0




2
2
2
2
(33)
On obtient donc τ’ = 0 et σ’ = τ.
De même, si l’on isolait la partie DAB, les force à appliquer sur la face BD seraient τ’’ = τ’ =
0 et σ’’ = - σ’ = - τ.
En conclusion, pour le même corps soumis aux mêmes forces extérieures, une rotation des
axes de 45o conduit à l’expression des contraintes autour de O donnée à l’équation 34. O1’2’
sont ainsi les axes principaux du tenseur des contraintes au point O.
τ 0 0
σ ki = 0 – τ 0
0 0 0
Dans O1’2’3:
(34)
Le corps n’a pas tourné; le système d’axes a tourné et les composantes du tenseur des contraintes ont été modifiées (le petit cube de référence autour de O est matériellement différent).
Ainsi, l’état de contraintes décrit par un cisaillement simple dans la représentation O12 est
décrit par une traction et une compression simple dans la représentation O1’2’: figure 18.
2
2'
1’
τ
B’
τ
A’
C’
τ
D’
1
τ
Figure 18
6. Tenseur des déformations
Cette section a pour objectif de décrire les déformations relatives en tout point d’un solide
déformable.
Considérons un point P quelconque d’un corps déformable soumis à des forces extérieures
- 20 telles que ΣFext = 0 et ΣM0ext = 0 (corps au repos). On observe des déformations du corps. Si
P était repéré par le vecteur r (de composantes x1, x2, x3) dans un système d’axes O123 muni
d’une base e1e2e3 orthonormée, il est repéré par r’ (de composantes x1’, x2’, x3’) après la
déformation: figure 19.
P’
dl’
Q’
u(r)
r’
3
P
r
u(r + dl)
Q
dl
2
1
Figure 19
Le déplacement de P au cours de la déformation est représenté par le vecteur déformation ou
déplacement u, tel que:
u i = x' i – x i
(35)
Les coordonnées x’i étant évidemment fonctions des coordonnées xi, le vecteur u est aussi
fonction des xi, i.e. u = u(r). La connaissance de u en chaque r détermine complètement la
déformation du corps.
Au cours de la déformation du corps, les distances entre ses points varient. Soient P et Q deux
points infiniment voisins quelconques. Si les composantes dxi expriment le rayon-vecteur dl
séparant ces points avant la déformation, elles deviennent dx’i = dxi + dui après: figure 19.
En utilisant la convention de sommation d’Einstein, les distances entre ces points avant et
après déformation s’écrivent:
2
2
2
2
dl = dx i et dl' = dx' i
(36)
∂u i
Les points étant et restant infiniment voisins, on peut écrire du i =
dx . La longueur dl’
∂ xk k
s’écrit ainsi:
2
2
dl' = dl + 2
∂u i
∂u i ∂u i
dx i dx k +
dx dx
∂ xk
∂ xk ∂ xj k j
(37)
La sommation dans le second terme portant sur les deux indices i et k, on peut écrire:
∂u i
∂u k
dx i dx k =
dx dx
∂ xk
∂ xi i k
(38)
- 21 En invertissant les indices i et j dans le troisième terme, l’expression de dl’ s’écrit:
2
2
dl' = dl + 2ε ik dx i dx k
(39)
où εik est le tenseur des déformations du corps, défini en chaque point par:
1  ∂u i ∂u k ∂u j ∂u j 
ε ik = --- 
+
+

2  ∂ x k ∂ x i ∂ x i ∂ x k
(40)
Il résulte de sa définition que ce tenseur est symétrique: εik = εki.
Dans la plupart des cas, les déformations des corps sont petites. En conséquence, la variation
des distances dans le corps sont faibles en comparaison des distances elles-mêmes. Dans la
suite, nous supposerons de petites déformations; en conséquence, toutes les composantes du
tenseur des déformations sont petites. Nous supposerons également que le vecteur déformation
u est petit1. On pourra ainsi négliger dans la suite de ce chapitre le dernier terme de l’équation
40 et écrire simplement:
1  ∂u i ∂u k
ε ik = --- 
+

2  ∂ xk ∂ xi 
(41)
Interprétation des termes ¹uk/¹xi
Tous les termes ¹uk/¹xi représentent une variation relative de longueur.
Imaginons un problème unidimensionnel pour interpréter ¹ui/¹xi: figure 20.
0
P(x1)
P’
Q(x1 + h1)
u(x1)
Q’
i=1
u(x1 + h1)
Figure 20
Soit deux points P et Q très voisins, distants de PQ = h1 avant la déformation et de P’Q’ = h’1
après. En utilisant la relation:
u1 ( x1 + h1 ) = u1 ( x1 ) +
h' 1 – h 1
∂u 1
∂u 1
h 1 , on obtient:
= ------------------ = ε 11
h1
∂ x1
∂ x1
¹ui/¹xi représente donc l’allongement spécifique noté, ε = ∆L/L dans la loi de Hooke.
Pour interpréter ¹uk/¹xi avec k ≠ i, considérons le cisaillement simple de la figure 21.
1. La flexion d’une barre mince représente une des exceptions: u est important alors que les déformations au sein de la barre sont insignifiantes.
(42)
- 22 -
3
x3
u
γ3
P
P’
γ2
γ2
2
x2
γ3
Figure 21
La déformation au point P, décrite par u, s’écrit en composantes:
 u1 = 0

 u 2 ≅ x 3 tgγ 2 ≅ x 3 γ 2

 u 3 ≅ x 2 tgγ 3 ≅ x 2 γ 3
(43)
Seul l’élément ε23 est non nul et s’écrit:
1  ∂u 3 ∂u 2 
1
1
ε 23 = --- 
+
 = --- ( γ 2 + γ 3 ) = --- γ = 1/2 angle de glissement.
2  ∂ x 2 ∂ x 3
2
2
(44)
Les éléments non diagonaux du tenseur des déformations εik correspondent aux angles de
glissement lors d’un cisaillement.
Remarques
• Un tenseur symétrique étant diagonalisable, il existe en chaque point du corps un système
de coordonnées appelé axes principaux dans lequel les déformations se réduisent à des
allongements spécifiques εii, i.e. εik = 0 si i ≠ k.
• Le lecteur observera que la somme des composantes diagonales du tenseur représente la
variation relative du volume du corps. Le calcul tensoriel permet de montrer que ce résultat
est indépendant du systèmes d’axes.
• Toute déformation peut se décomposer en la somme d’un glissement (cisaillement) et d’une
compression.
- 23 -
7. Solide hookéen, loi de Hooke généralisée
L’expérience montre que les relations entre contraintes et déformations sont linéaires dans le
domaine élastique (Hooke, Poisson, compressibilité, cisaillement). L’expérience montre aussi
qu’une déformation dans une direction donnée n’est pas forcément le résultat d’une contrainte
dans cette direction, mais qu’elle peut résulter d’une contrainte dans une autre direction.
Un solide hookéen est un solide qui obéit à la loi de Hooke, i.e. un corps dont le tenseur des
contraintes est proportionnel au tenseur des déformations. Pour un tel solide, on peut ainsi écrire sa loi constitutive dans le cas général:
σ ij = L ijkl ε kl
(45)
Lijkl est le tenseur des constantes (ou des modules) élastiques qui comprend 81 termes. En tenant compte de la symétrie des tenseurs des contraintes et des déformations, il se réduit à un
maximum de 21 composantes. Dans le cas isotrope, on montre qu’il reste deux coefficients
indépendants λ et µ, appelés coefficients de Lamé. La loi de Hooke s’écrit alors:
σ ik = λε ll δ ik + 2µε ik
(46)
Rappel: εll signifie ε11 + ε22 + ε33
En combinant la loi de Hooke d’une traction simple (équation 4), la loi de Poisson (équation 5)
et la loi du cisaillement simple (équation 14), on obtient les relations suivantes valables pour
tout solide isotrope:
µ = G,
µ ( 2µ + 3λ )
E = ---------------------------- ,
µ+λ
2νµ
λ = --------------- , et donc
1 – 2ν
E
G = -------------------2(1 + ν)
(47)
Ces relations permettent de récrire la loi de Hooke du solide isotrope:
E
ν
σ ik = ------------  ε ik + --------------- ε ll δ ik


1+ν
1 – 2ν
(48)
Inversement, le tenseur des déformations en fonction du tenseur des contraintes s’écrit:
1
ε ik = --- [ ( 1 + ν )σ ik – νσ ll δ ik ]
E
(49)
Le lecteur vérifiera que les cas particuliers de traction simple et de cisaillement simple se déduisent de ces deux dernières relations.
8. Fluide newtonien: relation contrainte-vitesse de déformation
Pour un fluide newtonien défini à la section 4.1, l’expérience montre que les relations entre
contraintes et vitesses de déformations sont linéaires. L’expérience montre aussi que la vitesse
de déformation dans une direction donnée n’est pas forcément le résultat d’une contrainte dans
une autre direction. Pour un tel fluide, on peut ainsi écrire sa loi constitutive dans le cas
- 24 général:
dε kl
·
·
σ' ij = M ijkl ε kl , avec ε kl =
dt
(50)
L’indice ’ est introduit pour préciser que la contrainte est dynamique, et non pas statique
comme celle intervenant dans la loi de Hooke généralisée (équation 45).
Les composantes Mijkl ont le sens physique de coefficients de viscosité. Dans le cas isotrope
décrivant la plupart des fluides, on montre qu’il reste deux coefficients indépendants η et η∗.
La contrainte dynamique s’écrit alors:
·
·
σ' ik = 2ηε ik + η∗ ε ll δ ik
(51)
Remarque
• Le second coefficient de viscosité η* est lié au coefficient η’ défini expérimentalement à la
section 4.1, équation 25, par η’ = η* +2η/3.
Lorsqu’un fluide visqueux isotrope est soumis à une compression uniforme (section 3.2, équation 6) et à un cisaillement (section 4.1), sa loi constitutive générale s’écrit:
·
·
σ ik = – pδ ik + 2ηε ik + η∗ ε ll δ ik
(52)
Remarques
• Si la dissipation d’énergie est négligeable lors d’une compression homogène, i.e. si la contrainte normale moyenne est indépendante de la vitesse de déformation, on obtient une relation entre les deux coefficients de viscosité: η* = - 2η/3. C’est une approximation souvent
utilisée.
• Le lecteur intéressé retrouvera les relations décrivant la compression uniforme (équation 6),
le cisaillement simple (équation 22) et la compression uniforme d’un fluide visqueux (équation 25) en les considérant comme des cas particuliers de la loi constitutive d’un fluide.
9. Ouvrages de références
Fung Y.C.
A first course in continuum mechanics
Prentice-Hall, Englewood Cliffs 1977
Landau L., Lifchitz E.
Theory of elasticity
Pergamon Press, New York 1981
Timoshenko S.P., Goodier J.N.
Theory of elasticity
McGraw-Hill, New York 1987
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