Quel impact les lois de 2002 ont-elles eu dans le secteur sanitaire et médico-social ?
4
Saint Jean de Dieu / Unafam : un partenariat exemplaire
7
Les médiateurs de la CRUQPEC :
une compétence peu exploitée
10
Le conseil de la vie sociale, un lieu
d’expression pour l’usager
11
L’usager : partie prenante de son parcours
14
DROITS DES USAGERS 2013
Quels droits pour les usagers ?
EDITO
L’ARHM vous propose, dans cette brochure, quelques pistes pour interroger,
10 ans après les lois de 2002, la place des usagers dans les dispositifs de
soin et d’accompagnement médico-social. La première conséquence a été la
participation active des usagers et de leurs proches dans les instances de
gouvernance des institutions, dans les groupes de travail qui élaborent les
politiques publiques de soin et d’accompagnement, dans les colloques
scientifiques.
Mais ces lois de 2002 et les changements de paradigme qu’elles véhiculent
constituent-elles effectivement aujourd’hui le socle de toute pratique soignante
ou d’accompagnement ? Il ne suffit plus de rendre le meilleur service possible
par la compétence des professionnels mais de considérer l’usager et ses
proches comme véritables parties prenantes du soin et/ou de l’accompagnement.
Cela passe par une information (destinée à la personne concernée et à ses
proches) la plus précoce et la plus exhaustive possible, adaptée à la compré-
hension de chacun du diagnostic et/ou de l’évaluation fonctionnelle de la
personne. La participation active de la personne et de ses proches à la
construction de son projet de soin et/ou d’accompagnement devient une
impérieuse nécessité. Enfin la question de la participation de tout un chacun,
quel que soit sa pathologie et/ou son handicap à la vie de la cité sans exclusive
ni stigmatisation reste une utopie à construire sans cesse.
Marie-Christine
Pillon, bureau
de l’ARHM
Une utopie à construire sans cesse
Quel impact les lois de 2002
ont-elles eu dans le secteur
sanitaire et médico-social ?
Véronique Chavane (VC) :
il est vrai qu’en 2002 lorsque ces lois
sont sorties, elles ont suscité beaucoup
de réticences, d’inquiétudes de la part
du personnel soignant, tant du côté des
hôpitaux psychiatriques que généra-
listes. Nous avions peur des contentieux
notamment liés à l’accès du dossier
patient car il était clairement dit que le
dossier appartenait au patient. Or, en
psychiatrie, il y avait beaucoup de notes
personnelles dans les dossiers avec
parfois des commentaires sur le fonction-
nement de la famille du patient par
exemple. La loi stipule qu’elles ne doivent
pas être transmises lors d’une demande
de dossier. Cela a modifié notre façon
de rédiger. Mais, au final, les demandes
de dossiers patients n’ont pas explosé
et les patients sont mieux informés
aujourd’hui.
Hervé Mignotte (HM) :
la modification la plus importante résidait
effectivement dans cette remise en cause
du système paternaliste, du pouvoir médi-
cal qui décidait de tout. Pour une fois, une
loi donnait aux patients, aux usagers, le
droit d’être acteur de leur santé. C’était une
révolution. Le droit à l’information est un
sacré pas en avant. Vous dites que cela a
beaucoup changé mais je n’en suis pas
si sûr.
VC : je parle de ma place. Je ne représente
pas l’ensemble des psychiatres. Dans le
service où je travaille, on a réfléchi sur ce
qu’on devait écrire dans le dossier patient
et sur la manière de le rédiger qui devait
être claire et compréhensible par tous.
Jean-Marc Gabard (JMG) :
nous, en 2002, nous avons accueilli cette
loi avec étonnement car on y évoquait des
droits fondamentaux que nous avions déjà
le sentiment de respecter. On s’est rendu
compte que la grande nouveauté résidait
Deux lois ont marqué l’année 2002 et le secteur sanitaire et
médico-social. Celle du 2 janvier rénovant l’action sociale et
médico-sociale visant à rendre l’usager acteur de son projet de
vie en favorisant le respect de ses droits. Celle du 4 mars relative
aux droits des malades et à la qualité du système de soins. Deux
lois qui consacrent une série de droits aux patients des hôpitaux
généraux et psychiatriques ainsi qu’aux usagers des institutions
sociales et médico-sociales. Elles seront par ailleurs complétées
trois ans plus tard par celle du 11 février 2005 qui reconnaît la
notion de handicap psychique. Ainsi, toute personne, quel que
soit son état de santé, reste un citoyen à part entière. Elle a
le droit d’être informée sur son état de santé, d’accéder à son
dossier patient, de désigner une personne dite “de conance”,
d’aller et venir librement, en cas d’hospitalisation, dans les
établissements sanitaires et médico-sociaux, sauf si la situation
exige une autre attitude. Elle peut aussi saisir, pour toute question,
la Commission des relations avec les usagers et de la qualité de
la prise en charge, aussi appelée la CRUQPEC ou encore le
conseil de la vie sociale présent dans les institutions sociales et
médico-sociales…
Onze ans plus tard, où en est-on concrètement, sur le terrain ?
Qu’ont changé ces lois dans la pratique des professionnels ?
Ont-elles complexié la prise en charge des patients / usagers
ou, au contraire, l’ont-elles facilité ? Comment ces lois ont-elles
été vécues et appliquées par les soignants et les accompagnants ?
Et qu’en disent les usagers ?
Le point avec Véronique Chavane, médecin psychiatre à l’hôpital
Saint Jean de Dieu, Jean-Marc Gabard, directeur adjoint du Pôle
l’Escale et Hervé Mignotte de l’UNAFAM du Rhône.
DÉBAT
© Scriptum
04
DROITS DES USAGERS 2013
Véronique Chavane
05
dans le fait que l’usager était au centre de
l’organisation et non l’inverse. Et ça, on a
mis longtemps à le comprendre. La loi du
2 janvier définit surtout le droit pour l’usager
de choisir ses prestations, son établissement,
de participer au conseil de la vie sociale.
Or, les personnes que nous accueillons
sont en grande difficulté pour choisir. Se
pose donc la question de savoir comment
faire émerger ce choix. Il y a eu aussi des
inquiétudes par rapport à l’individualisation
de la prise en charge. Nous y avons ce-
pendant vu des opportunités positives pour
expliquer notre métier et clarifier nos
pratiques.
HM : je crois que ce droit à l’information
des usagers a bien été intégré par ces
derniers. Le fait d’informer désamorce
beaucoup de conflits. Par ailleurs, la loi
disait que l’intérêt collectif des usagers
serait défendu par le biais des associations
d’usagers / patients. Ces dernières deve-
naient donc des interlocuteurs reconnus.
VC : nous expliquons sans doute beaucoup
plus ce que nous faisons aujourd’hui. La
loi de 2002 stipule d’ailleurs que c’est au
médecin de faire la preuve qu’il a informé
le patient. Donc, cela nous a obligés à
mieux structurer les dossiers patients. C’est
quelque chose qui était nouveau.
HM : cela a sûrement permis de mettre
en place un dialogue plus étroit entre le
praticien et le patient. Cependant, la loi
de 2002 ne prend pas en compte les
familles sauf pour la CRUQPEC, qui est,
par ailleurs, assez peu saisie par les
proches. Les familles sont en souffrance
et attendent surtout de savoir comment
prendre en charge les patients une fois le
séjour hospitalier terminé car plus de 45%
des patients vivent dans leurs familles.
VC : la question du secret médical, réaffirmé
dans la loi de 2002, nous met dans une
position particulière avec elles justement car,
sauf autorisation expresse du patient, nous
ne pouvons pas énoncer un diagnostic.
HM : mais ce n’est pas ce que de-
mandent les familles. Le droit au secret
médical n’enlève pas le droit à l’information.
Un important travail reste à faire de ce
point de vue.
© Scriptum
© Scriptum
Parole d’usager
“Les lois de 2002 ont consacré plus de droits aux patients, notamment en ce qui concerne les hospitalisations. Le patient peut avoir
un référent aujourd’hui. Par ailleurs, la loi de 2005 a permis la création et le financement des groupes d’entraide mutuelle, très
importants pour les patients une fois qu’ils sont sortis de l’hôpital. Les patients sont mieux informés et ce, grâce aussi à la mise en place
des maisons des usagers. Avant 2002, les patients étaient clairement traités comme des personnes non adultes, non responsables.
Aujourd’hui, les patients sont considérés comme des citoyens à part entière, ayant des droits. Cela aide à aller mieux”
Nathalie Gonthier, secrétaire du groupe d’entraide mutuelle Arlequin.
Hervé Mignotte
Jean-Marc Gabard
Quel impact les lois de 2002 ont-elles eu dans
le secteur sanitaire et médico-social ? (suite)
JMG : sur le plan de l’information, nous
avons nous aussi progressé. Nous ex-
pliquons beaucoup plus ce que nous
faisons, donnons plus de documents aux
familles comme le livret d’accueil ou
le règlement intérieur. Nous expliquons
comment nous fonctionnons, faisons visiter
nos locaux. Nous travaillons beaucoup
en confiance avec les familles. Cela a
indubitablement eu un effet positif sur
nos pratiques mais aussi sur les résidents.
Notre personnel est aujourd’hui mieux
informé qu’il ne l’était. Grâce aux réunions
du conseil de la vie sociale, il y a eu
beaucoup d’évolution en matière de
respect de la vie privée par exemple.
Notre établissement a été construit en
1984. A cette époque, on ne prévoyait
pas de toilettes ou des douches dans
chaque chambre. Nous avions bien sûr
conscience de l’intimité des personnes
et du nécessaire respect, mais nous
n’allions pas aussi loin dans les mesures
mises en place. La loi de 2002 nous
en donne l’obligation dans tous les
aspects du respect de l’intimité. En même
temps, si on n’éduque pas les résidents
sur ce point, ils n’auront jamais cette
compréhension qu’ils ont droit au respect
de leur intimité, de leur nudité, de leur
personne à part entière. La question de la
vie privée est au cœur de l’architecture
désormais pour les établissements en
cours de construction.
HM : c’est très fort ce que vous dites
là. A Saint Jean de Dieu, 30% des
chambres sont sans cabinet de toilette
et 55% sans douche.
VC : cette loi est à l’origine d’une
conception différente des bâtiments. Par
exemple, en géronto-psychiatrie, chaque
patient est en chambre seule et bénéficie
d’une douche et de toilettes privatives.
Les soignants sont très attentifs à l’intimité
des patients.
JMG : ils l’étaient déjà avant.
HM : les usagers et familles d’usagers
sont devenus, à juste titre, très exigeants
sur l’hôtellerie des structures qui les
accueillent.
VC : les locaux sont très importants et
ont un effet tant sur les patients que sur
le personnel.
JMG : en même temps, cela pose un
problème sur le plan de la sécurité. Nous
sommes dans des paradoxes perpétuels.
VC : c’est sûr que la maladie psychiatrique
a des contraintes particulières. Mais c’est
plutôt intéressant car cela nous oblige à
réfléchir à ce que l’on fait plutôt que d’agir
par automatisme dans certains cas. L’un
des travers de la loi est sans doute que
le législateur n’a pas pris en compte le
temps passé à mettre en pratique cette
loi.
JMG : c’est très chronophage effective-
ment, notamment sur le plan administratif.
HM : c’est une réalité, oui. C’est un de
nos rôles à l’Unafam d’expliquer cela.
VC : une demande de dossier patient,
c’est un temps de secrétariat énorme.
JMG : oui, mais en même temps, c’est
une loi qui est vraiment très importante,
tant pour les usagers que pour les
équipes.
VC : cette idée de la démocratie sanitaire
ou sociale, introduite dans la loi, est
bien réelle.
HM : je reste cependant convaincu qu’elle
n’est pas appliquée partout.
Partenaire de longue date
de l’hôpital Saint Jean de
Dieu, l’Unafam du Rhône
a démarré une action de
sensibilisation à ses missions
depuis le printemps 2012
auprès des hôpitaux du
département. Explications.
DÉBAT
L’indispensable
Ce guide porte bien son nom !
L’indispensable permet en effet aux aidants
d’approfondir leurs connaissances sur la
maladie mentale et surtout d’apprendre
à se situer par rapport à leur proche
malade et aux soignants. Rédigé conjoin-
tement par l’Union nationale des familles
et amis de personnes malades et/ou
handicapés psychiques (UNAFAM) en France
et la Fédération des familles et amis de
la personne atteinte de maladie mentale
(FFAPAMM) au Québec, il est en vente à
l’UNAFAM au modique prix de 5 .
Repéré pour vous
Association reconnue d’utilité publique,
l’Unafam représente les familles d’usagers
confrontées aux troubles psychiques au
conseil d’administration de l’ARHM, à la
commission de gestion et à la CRUQPEC1
de Saint Jean de Dieu. Elle est aussi
partie prenante pour les permanences
de la Maison des usagers. Est-elle pour
autant connue ?
L’un des axes de travail de la délégation
du Rhône est d’accroître sa notoriété
pour toucher le plus grand nombre de
familles confrontées à la maladie. Le
cœur de l’action de l’association est
d’apporter aide et écoute par des pairs,
formés, confrontés à la maladie. Avec le
postulat qu’une famille qui va mieux est
plus efficace auprès de son proche et
renforce ainsi l’alliance thérapeutique
avec les soignants.
06
DROITS DES USAGERS 2013
© ARHM
1 / 14 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !