Physique des trous noirs dans un canal à houle !
© dessin : Scientific American, April 1997
A l’Université de Nice, des chercheurs CNRS du Laboratoire J.A. Dieudonné
(Mathématiques et ses Interfaces : http://math1.unice.fr/) ont observé un phénomène
hydrodynamique analogue au rayonnement des trous noirs prédit par l’astrophysicien anglais
Stephen Hawking dans les années 70. En collaboration avec des collègues théoriciens Ulf
Leonhardt et Tom Philbin de l’Université de St-Andrews en Ecosse (http://www.st-
andrews.ac.uk/~ulf/ ) qui ont réalisé les simulations numériques correspondantes, Germain
Rousseaux, Christian Mathis et Philippe Maïssa, expérimentateurs en mécanique des
fluides, ont bloqué des vagues se propageant dans un canal à houle, ceci grâce à un contre-
courant dont la vitesse moyenne varie par la présence d’un profil du fond en forme de bosse.
Ce phénomène d’interaction onde-fluide en mouvement, évoqué par Jean de la Fontaine
dans la fable Le Loup et l’Agneau, est bien connu des marins qui observent la disparition de
la houle à l’embouchure d’un fleuve. L’expérience, réalisée dans le canal de la société ACRI
à Sophia-Antipolis (http://www.acri.fr/ ), consista non seulement à observer la ligne de
blocage des ondes de surface mais surtout à constater l’apparition d’ondes beaucoup plus
courtes se propageant en sens inverse des ondes longues incidentes et donc avec le
courant. Bien que l’origine précise du mécanisme de formation de ces ondes reste à
élucider, cette étude permet de lever un coin du voile sur une des plus étonnantes
prédictions de l’astrophysique.
On sait qu’un trou noir est une région de l’espace-temps d’où rien ne peut s’échapper
ni la matière ni les ondes électromagnétiques... Il a pour origine l’effondrement gravitationnel
d’une étoile sous son propre poids. Habituellement, on peut s’affranchir de l’attraction d’un
objet massif à condition d’atteindre la vitesse dite « de libération ». Cette vitesse, au-delà de
laquelle une fusée s’échapperait dans le vide intersidéral, augmente avec la masse de l’objet
et diminue avec son rayon. Ainsi, si on arrive à condenser quelques masses solaires dans
un rayon de quelques kilomètres, on forme un trou noir caractérisé par l’existence d’une
frontière appelée « horizon » à l’intérieur de laquelle un cosmonaute ne peut plus
communiquer avec l’extérieur : les ondes électromagnétiques émises sont telles que leur
vitesse est plus faible que la vitesse de libération. Tout se passe « comme si » leur vitesse
diminuait en présence de gravitation. L’horizon d’un trou noir correspond exactement à
l’égalité entre la vitesse des ondes électromagnétiques et la vitesse de libération associée à
la présence de matière.