Université de Strasbourg
M1 Théorie de Galois
P. Guillot, bureau 314, [email protected]
M1 Théorie de Galois – Examen du 24 Mai 2016
Documents papier autorisés. Téléphones interdits.
Durée : 3H.
Les trois problèmes sont indépendants. Au sein d’un problème, on peut sans problème
admettre le résultat d’une question et passer à la suivante.
Si vous le souhaitez, vous pouvez faire référence à la feuille d’exercices en respectant la
règle suivante : si on a corrigé un exercice en classe, vous pouvez utiliser le résultat
comme pour un théorème du cours ; ceci s’applique même si on n’a pas corrigé
l’exercice jusqu’au bout. Vous n’aurez pas besoin d’avoir recours à ce procédé souvent.
Le barème n’est pas établi de manière définitive, mais vraisemblablement le problème 2
rapportera sensiblement plus de points que les deux autres.
Problème 1
Soit pun nombre premier et q=ps, soit Fqun corps à qéléments, et soit Fqla
clôture algébrique de Fq. Les trois questions ci-dessous sont indépendantes, même si
elles se complètent les unes les autres.
1. Montrer qu’il existe un corps Kavec FqKFqet [K:Fq]2tel que toute
équation de la forme
aX2+bX +c= 0
avec a, b, c Fqpossède une solution dans K.
Correction – Soit P=aX2+bX +cFq[X]. Si Pn’a pas de racine
dans Fq, alors il est irréductible. Dans ce cas on nomme αune racine de P
dans Fq, et [Fq[α] : Fq] = deg(P)=2. Donc le corps Fq[α]possède q2
éléments.
Or d’après le cours, il existe un seul sous-corps de Fqàq2éléments, appelons-
le K. On en conclut que K=Fq[α]pour n’importe quel Pirréductible (de
degré 2), ce qui revient à dire que chaque polynôme P(de ce degré) possède
une racine dans K.
Commentaire : on peut se demander quel est le corps Kminimal qui répond
à la question, et visiblement c’est le sous-corps à q2éléments s’il existe au
moins un polynôme irréductible de degré 2 (sinon le corps minimal serait Fq
lui-même). On discute de ça dans les questions suivantes.
2. (a) Supposons que pest impair. Montrer qu’il existe un élément de Fqqui ne
possède pas de racine carrée dans Fq.
(b) Supposons que p= 2. Montrer qu’il existe un élément de Fqqui n’est pas
de la forme X2+X.
1
(c) Déduire des questions précédentes qu’il existe toujours un polynôme de Fq[X]
de degré 2, de forme explicite, qui est irréductible.
Correction (a) Le groupe multiplicatif F×
qest d’ordre q1=2m, un
nombre pair. Ce groupe est cyclique d’après le cours, et donc le sous-groupe
des carrés est l’unique sous-groupe d’indice 2(= d’ordre m) ; et en particulier,
ce n’est pas F×
qen entier.
(b) L’application FqFqdonnée par x7→ x2+xest F2-linéaire, elle n’est
pas injective car son noyau est F2={0,1}, donc elle n’est pas surjective non
plus (Fqétant de dimension finie sur F2).
(c) Pour pimpair il y a P=X2aaest comme dans le (a), et pour p= 2
il y a X2+X+bbest comme dans le (b). Dans les deux cas le polynôme
n’a pas de racine dans Fq, il est donc irréductible vu son degré.
3. Montrer que pour tout n1, il existe un polynôme irréductible de degré n
dans Fq[X].
On ne conseille pas de s’inspirer de la question précédente.
Correction – D’après le cours, il existe un corps Fqnàqnéléments,
contenant Fq(et même un seul contenu dans Fq). On sait aussi que l’ex-
tension Fqn/Fqest simple, c’est-à-dire que Fqn=Fq[α]. On a alors [Fqn:
Fq] = n=deg(min(Fq, α)), donc min(Fq, α)est irréductible de degré n.
Problème 2
On va calculer le groupe de Galois de Q(5,11,q4 + 5)/Q. On note systéma-
tiquement Il’identité.
1. Soit K=Q(5,11). Montrer que K/Qest galoisienne, puis qu’il existe σ, τ
Gal(K/Q)vérifiant
σ(5) = 5, σ(11) = 11 .
τ(5) = 5, τ(11) = 11 .
Montrer que Gal(K/Q) = {I, σ, τ, στ }.
2
Correction Première méthode (directe). Le corps Kest le corps de
décomposition de (X25)(X211) sur Q, donc K/Qest normale, donc
galoisienne (la séparabilité est automatique en caractéristique 0). Voyons la
dimension. On a [Q(5) : Q]=2car 56∈ Q, et
[K:Q]=[K:Q(5)] [Q(5) : Q]=2ou 4
selon si 11 Q(5) (et alors [K:Q] = 2) ou non (et alors [K:Q] = 4).
Or, supposons dans un moment d’égarement que 11 Q(5). L’exten-
sion Q(5)/Qest galoisienne de dimension 2, on a donc Gal(Q(5)/Q) =
{I, θ}avec θ(5) = 5. Le nombre θ(11) doit être une racine de X211
comme 11 lui-même, et donc θ(11) = ±11. Si on avait 11 = a+b5
avec a, b Qon en déduirait
θ(11) = ab5 = ±(a+b5).
Si le signe est +on en déduit b= 0 donc 11 = aQ, absurde ; si le signe
est on en déduit a= 0 donc 11
5=bQ, absurde.
Donc [K:Q]=4. Ainsi Gal(K/Q)est un groupe d’ordre 4. Sachant que pour
tout σGal(K/Q)on doit avoir σ(5) = ±5et σ(11) = ±11, soit 4
possibilités, on en déduit que les 4 combinaisons sont effectivement réalisées.
Les éléments σet τcomme dans la question existent donc bel et bien, et le
groupe est comme annoncé. Au passage on note Gal(K/Q)
=Z/2×Z/2.
Deuxième méthode (en citant le chapitre sur Kummer). Le corps Qest 2-gros,
puisqu’il contient 1}. L’extension K/Qest donc de 2-Kummer, et le cours
affirme qu’elle est galoisienne de groupe de Galois (Z/2)savec s2. Plus
précisément, on sait que le groupe de Galois est isomorphe au sous-groupe
de Q×/Q×2engendré par 5et 11. Il est visiblement d’ordre 4puisque 5,11
et 11
5ne sont pas des carrés dans Q×. Donc Gal(K/Q)
=Z/2×Z/2. On
conclut de la même manière (4 possibilités, qui doivent être réalisées).
2. Soit α= 4 + 5K. Observer la valeur de α·σ(α), puis montrer que pour
tout gGal(K/Q), on peut trouver un xKtel que g(α) = αx2.
Correction – On note
α·σ(α) = (4 + 5)(4 5) = 16 5 = 11 ,
et nous observons finement que ceci est un carré dans K, puisque 11 K.
Ainsi
σ(α) = 11
α=α11
α2
,
ce qui montre la deuxième partie pour g=σ, avec x=11
α. Pour g=I
ou g=τil n’y a qu’à prendre x= 1, et pour g=στ on a g(α) = σ(α)donc
on peut reprendre le xci-dessus.
3. Soit L=K(α). On se donne un homomorphisme φ:LQ, où Qest la clôture
algébrique de Q. Montrer que φ(K) = K, puis à l’aide de la question précédente
montrer que φ(L) = L. En déduire que L/Qest galoisienne.
3
Correction – On sait que K/Qest galoisienne depuis la question 1, en
particulier c’est une extension normale, donc φ(K) = K. Il faut montrer
que φ(α)L. Or
φ(α)2=φ(α) = g(α),
où on a noté gpour la restriction de φàK, de sorte que gGal(K/Q).
D’après la question précédente :
φ(α)2=αx2,
ce qui montre que φ(α)est l’une des deux racines carrées de αx2,
donc ±xαL(puisque xK).
Ceci montre bien que φ(L)Let donc que φ(L) = Lpour des raisons de
dimension (φétant injective comme tout homomorphisme de corps). D’après
une caractérisation des extensions normales, on en déduit que L/Qest nor-
male, et donc galoisienne (caractéristique 0).
4. On appelle ˜σet ˜τdes éléments de Gal(L/Q)dont les restrictions à Ksont σet τ
respectivement.
(a) Montrer que ˜σet ˜τsont d’ordre 2.
(b) Montrer que ˜σ˜τ˜σ˜τn’est pas l’identité.
Correction Note : on va répondre à ces deux questions en utilisant le
fait que, en traitant la question 2, on a trouvé une valeur de xexplicite dans
chaque cas. Si on a été obligé d’admettre le résultat de la question 2, alors
on connait la valeur de x2, et donc celle de xau signe près, ce qui ne change
rien dans la suite.
(a) Commençons par ˜τ. On a τ(α) = α(c’est-à-dire que le xvaut 1dans le
cas de τ, si on veut). Avec le même calcul que dans la question précédente
(que l’on fait ici si on n’a pas fait la question précédente), avec ˜τqui joue
le role de φ, on voit que ˜τ(α) = ±α. Donc ˜τ2(α) = ±˜τ(α) =
(±1)2α=α. Par ailleurs ˜τ2fixe tous les éléments de Kcar τ2=I, donc
finalement ˜τ2=I.
Pour ˜σ, l’idée est la même. On a vu que σ(α) = α11
α2
, donc x=11
α
ici. On en tire par le même raisonnement que ˜σ(α) = ±xα=±11
α. Du
coup
˜σ2(α) = ±11
˜σ(α)= (±1)211
α×α
11 =α .
On en conclut encore que ˜σ2=I.
(b) Voyons l’effet de l’élément proposé sur α. On a donc ˜τ(α) = ε1α
et ˜σ(α) = ε211
αavec εi=±1. Donc ˜σ˜τ(α) = ε1ε211
α. Appliquons
encore ˜τpour obtenir ε2
1ε211
α, puisque τ(11) = 11. Finalement, on
applique une dernière fois ˜σet on se retrouve avec ε2
1ε2
2α=α.
Ainsi l’élément ˜σ˜τ˜σ˜τne fixe pas α, ce n’est donc pas l’identité.
5. Montrer que Gal(L/Q)est un groupe non-abélien d’ordre 8.
Correction – On sait maintenant que ˜σ= ˜σ1et pareil pour τpar le (a)
de la question 4, donc ˜σ˜τ˜σ˜τ= ˜σ˜τ˜σ1˜τ1est le « commutateur » de ˜σet ˜τ;
pas besoin de connaître cette expression pour réaliser que, d’après le (b) de
la question 4, cet élément n’est pas trivial et donc ˜σet ˜τne commutent pas.
Donc Gal(L/Q)n’est pas abélien.
En particulier L6=K(le contraire aurait été franchement décevant),
puisque Gal(K/Q)est abélien. On en tire [L:K]=2puisque αest
racine de X2αK[X]. Finalement [L:Q]=[L:K][K:Q]=8, et c’est
aussi l’ordre de Gal(L/Q).
4
6. Finir la description de Gal(L/Q).
Correction – Soit r= ˜σ˜τ. On a r26= 1 par le (b) de la question 4, et r
n’est pas d’ordre 8sinon Gal(L/Q)serait cyclique et donc abélien, donc r
est d’ordre 4. Si on pose s= ˜σ, on a immédiatement srs = ˜τ˜σ=r1.
Finalement Gal(L/Q)est isomorphe au groupe diédral d’ordre 8.
Problème 3
1. Soient p1, p2, . . . , psdes nombres premiers impairs distincts, et k1, . . . , ksdes en-
tiers 0quelconques. Montrer qu’il existe une extension galoisienne K/Qtelle
que
Gal(K/Q)
=Z/(pk1
1(p11)) ×Z/(pk2
2(p21)) × ··· × Z/(pks
s(ps1)) .
Puis généraliser pour inclure le cas où l’un des piest 2.
Correction – Soit N=pk1+1
1pk2+1
2···pks+1
s, et soit Kl’extension cyclo-
tomique K=Q[exp(2
N)]. D’après le cours, l’extension K/Qest galoisienne
et Gal(K/Q)
=(Z/N). Mais on a aussi
(Z/N)
=Z/pk1+1
1× ··· × Z/pks+1
s,
voir le (2) de l’exercice 73, mais c’est juste le lemme chinois. Enfin Z/pki+1
i
est cyclique d’ordre pki
i(pi1) (exercice 74, résultat à savoir). Voilà pour le
premier énoncé.
Si l’un des premiers est 2, disons p1= 2, on prend N=pk1+2
1pk2+1
2···pks+1
s
(notez le k1+2). Soit Kdéfini comme ci-dessus, avec ce N. La seule différence
est que maintenant
Z/2k1+2
=Z/2×Z/2k1.
(Exo 74 de nouveau, résultat à savoir.) Ainsi
Gal(K/Q)
=Z/2×Z/(pk1
1(p11))×Z/(pk2
2(p21)×···×Z/(pks
s(ps1)) .
(Bien sûr p11=21=1.) Il faut juste se débarrasser de ce facteur
Z/2. Or il correspond à un sous-groupe Hde G= Gal(K/Q), d’ordre 2,
et G/H est de la forme que l’on souhaite. Il suffit donc d’introduire le corps
Lqui correspond à Hpar le théorème fondamental de la théorie de Galois.
On a alors Gal(L/Q)
=G/H (noter que Hest distingué dans G– tout est
abélien !). C’est donc Lqui répond à la question dans ce cas.
2. Montrer que pour tout entier n, il existe une extension galoisienne L/Qtelle
que Gal(L/Q)est cyclique d’ordre n.
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