Régulation émotionnelle chez des adolescents présentant des

L’Encéphale
(2015)
41,
62—69
Disponible
en
ligne
sur
www.sciencedirect.com
ScienceDirect
journal
homepage:
www.em-consulte.com/produit/ENCEP
PSYCHOPATHOLOGIE
Régulation
émotionnelle
chez
des
adolescents
présentant
des
troubles
des
conduites
et
chez
des
témoins
Emotion
regulation
in
adolescents
with
conduct
disorder
and
controls
A.-S.
Debordea,,
S.
Vanwalleghem
Mauryb,
S.
Aitelc
aLaboratoire
paragraphe
EA
349,
équipe
de
recherche
CRAC—compréhension
raisonnement
et
acquisition
de
connaissances,
UFR
psychologie
de
l’enfant
et
du
développement,
université
Paris
8,
2,
rue
de
la
Liberté,
93200
Saint-Denis,
France
bHôpital
Robert-Debré,
75019
Paris,
France
cUFR
psychologie
de
l’enfant
et
du
développement,
Université
Paris
8,
93200
Saint-Denis,
France
Rec¸u
le
5
septembre
2013
;
accepté
le
9
janvier
2014
Disponible
sur
Internet
le
1
avril
2014
MOTS
CLÉS
Trouble
des
conduites
;
Alexithymie
;
Émotions
;
Adolescence
Résumé
Malgré
les
travaux
théoriques
mettant
en
relation
les
troubles
des
conduites
(TC)
avec
les
difficultés
de
régulation
émotionnelle,
peu
de
recherches
expérimentales
ont
exploré
les
liens
entre
ces
deux
variables.
Cette
étude
visait
à
étudier
les
liens
entre
TC
et
régulation
émotionnelle
chez
75
adolescents
:
30
adolescents
avec
TC
et
45
témoins,
âgés
de
13
à
18
ans.
La
régulation
émotionnelle
a
été
mesurée
à
l’aide
de
deux
auto-questionnaires
:
la
TAS-20
(questionnaire
d’alexithymie
de
Toronto),
considérée
comme
le
gold
standard
pour
mesurer
l’alexithymie,
et
la
DERS
(Difficulties
in
Emotion
Regulation
Scale),
une
échelle
de
régula-
tion
émotionnelle
récemment
validée.
Les
résultats
ont
mis
en
évidence
que
les
témoins
et
les
adolescents
avec
TC
présentaient
des
scores
de
régulation
émotionnelle
significativement
diffé-
rents.
De
plus,
les
corrélations
ont
montré
que,
plus
les
difficultés
de
régulation
émotionnelle
étaient
importantes,
plus
les
TC
étaient
sévères.
Enfin,
d’après
les
analyses
discriminantes,
les
deux
outils
utilisés
pour
décrire
les
modalités
de
régulation
émotionnelle
se
sont
révélés
efficaces
pour
prédire
l’appartenance
d’un
participant
au
groupe
TC
ou
au
groupe
témoin
de
manière
significative.
Les
résultats
vont
dans
le
sens
des
travaux
ayant
souligné
le
lien
théo-
rique
entre
un
défaut
de
mentalisation
(i.e.
accès
et
compréhension
des
états
internes)
et
le
passage
à
l’acte.
Ils
encouragent
le
développement
de
programmes
thérapeutiques
centrés
sur
la
régulation
émotionnelle
à
l’attention
d’adolescents
avec
TC.
©
L’Encéphale,
Paris,
2014.
Auteur
correspondant.
Adresse
e-mail
:
(A.-S.
Deborde).
http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2014.01.002
0013-7006/©
L’Encéphale,
Paris,
2014.
Régulation
émotionnelle
chez
des
adolescents
présentant
des
troubles
des
conduites
63
KEYWORDS
Conduct
disorder;
Alexithymia;
Adolescent;
Emotions
Summary
Objectives.
Although
many
authors
have
highlighted
similarities
between
conduct
disorder
(CD)
and
alexithymia,
little
empirical
research
has
actually
investigated
the
contribution
of
emotion
processing
to
CD.
The
purpose
of
this
study
was
to
explore
the
relationships
between
CD
and
scores
on
affect
regulation
scales
among
75
adolescents:
a
group
of
30
adolescents
with
CD
and
a
group
of
45
controls,
ranging
in
age
from
13
to
18.
Method.
All
participants
filled
in
a
socio-demographic
questionnaire.
CD
diagnosis
was
asses-
sed
in
regard
to
DSM-IV
criteria
using
the
specific
CD
section
of
the
Kiddie-Sads.
Affect
regulation
was
measured
with
two
self-reports:
TAS-20
(Toronto
Alexithymia
Scale),
known
as
the
gold
standard
for
alexithymia
measurement,
and
DERS
(Difficulties
in
Emotion
Regulation
Scale),
a
recently
validated
scale.
In
addition,
since
depression
may
influence
the
correlations
between
CD
and
alexithymia,
it
was
also
measured
with
the
BDI.
In
order
to
have
more
information
on
the
CD
group,
the
CTQ
was
also
used.
One
way
analyses
of
variance
adjusting
for
age
were
used
for
mean
score
comparisons.
Partial
correlations
adjusting
for
age
were
used
to
investi-
gate
the
link
between
the
CD
severity
(the
severity
index
was
calculated
from
the
Kiddie-Sads)
and
affect
regulation
scores.
Finally,
discriminant
analyses
were
conducted
to
explore
whether
affect
regulation
could
correctly
categorize
controls
and
adolescents
with
CD.
Results.
These
results
provided
some
additional
data
in
order
to
understand
the
relation-
ship
between
affect
regulation
and
CD.
Controls
and
adolescents
with
CD
had
significantly
different
emotion
regulation
scales
scores
at
both
scales
(TAS-20
and
DERS)
and
in
most
of
their
dimensions.
Moreover,
they
also
point
out
the
positive
correlation
between
difficulties
in
affect
regulation
and
CD
severity.
To
our
knowledge,
this
is
the
first
study
to
have
investigated
relation-
ships
between
CD
and
alexithymia
using
a
severity
index
of
CD.
Finally,
discriminant
analyses
showed
that
the
two
emotion
regulation
scales
permitted
the
significant
discrimination
of
both
groups.
These
results
are
consistent
with
previous
works
highlighting
the
theoretical
relation-
ship
between
deficit
in
mental
elaboration
and
acting-out.
They
point
to
the
need
to
develop
therapeutic
programs
in
order
to
improve
emotion
regulation
of
teenagers
with
CD.
Finally,
an
additional
analysis
showed
a
relationship
between
emotional
neglect
in
childhood
(measured
with
CTQ)
and
the
CD
severity.
A
task
for
future
research
would
be
to
study
the
relationships
between
attachment,
emotional
regulation
and
CD
in
adolescence.
©
L’Encéphale,
Paris,
2014.
Introduction
Selon
le
DSM-IV,
les
troubles
des
conduites
(TC)
font
référence
à
un
ensemble
de
comportements
répétitifs
et
persistants
portant
atteinte
aux
droits
fondamentaux
d’autrui
ou
transgressant
les
normes
et
règles
sociales.
Ces
troubles
entraînent
une
altération
significative
du
fonction-
nement
social,
scolaire
ou
professionnel.
D’après
la
revue
de
littérature
de
l’Inserm
[1],
les
TC
concerneraient
3
à
9
%
des
adolescents
de
13
ans
à
l’âge
adulte.
Pour
les
psychana-
lystes,
ces
comportements
seraient
le
résultat
de
difficultés
d’élaboration
psychique
[2]
;
autrement
dit,
l’impossibilité
à
accéder
et
à
comprendre
ses
états
internes
favorise-
rait
le
passage
à
l’acte.
Pour
plusieurs
auteurs
[e.g.
3],
l’alexithymie
est
un
concept
qui
fait
précisément
référence
à
cette
incapacité
à
accéder
et
à
comprendre
ses
états
internes.
Il
se
caractérise
principalement
par
une
difficulté
à
identifier
et
à
verbaliser
les
états
émotionnels,
à
distinguer
les
émotions
et
les
sensations
corporelles
qui
y
sont
asso-
ciées,
par
une
vie
fantasmatique
réduite
et
un
mode
de
pen-
sée
opératoire,
c’est-à-dire
tourné
vers
les
aspects
concrets
de
l’existence,
au
détriment
de
leurs
aspects
émotionnelles
[4].
La
littérature
met
en
évidence
des
correspondances
entre
alexithymie
et
TC
:
tout
comme
les
alexithymiques,
les
adolescents
avec
TC
présenteraient
des
difficultés
dans
la
reconnaissance
des
émotions
[5]
;
inversement,
les
alexithy-
miques
pourraient
manifester
des
accès
de
violence
[6,7].
Malgré
ces
similarités,
peu
d’études
ont
cherché
à
objec-
tiver
les
liens
entre
alexithymie
et
TC
à
l’adolescence.
De
plus,
leurs
résultats
sont
contradictoires.
À
noter
que
ces
recherches
ne
traitent
pas
spécifiquement
des
TC
car
elles
utilisent
majoritairement
d’autres
termes
(i.e.
délinquance,
psychopathie.
.
.).
À
notre
connaissance,
seulement
4
études
ont
rapporté
un
lien
entre
alexithymie
et
délinquance
ou
psychopathie
[8—11].
Dans
leur
recherche,
Langevin
&
Hare
[10]
ont
trouvé
des
corrélations
positives
entre
alexithy-
mie
et
psychopathie
dans
un
échantillon
de
60
adolescents
(40
psychopathes
et
20
témoins).
De
même,
en
2012,
Pihet
et
al.
[8]
ont
mis
en
évidence
des
scores
d’alexithymie
parti-
culièrement
élevés
chez
80
adolescents
délinquants.
Enfin,
Zimmermann
[9]
et
Berastegui
et
al.
[11]
ont
montré
que
l’alexithymie
était
l’une
des
deux
dimensions
caractéris-
tiques
de
la
délinquance
à
l’adolescence.
En
revanche,
deux
études
ne
retrouvaient
pas
cette
association
[12,13].
En
effet,
en
2001,
Moriarty
et
al.
[12]
ne
montraient
pas
de
différence
significative
dans
les
scores
d’alexithymie
chez
des
adolescents
délinquants
sexuels
(n
=
15)
et
des
témoins
(n
=
49).
De
même,
en
2012,
une
étude
de
Pihet
et
al.
[13]
ne
mettait
pas
en
évidence
de
différence
significative
dans
les
scores
d’alexithymie
chez
des
adolescents
avec
TC
(n
=
39)
et
des
témoins
(n
=
39).
Afin
d’éclairer
cette
absence
de
consensus,
notre
étude
se
proposait
d’examiner
les
liens
entre
alexithymie
et
comportements
délinquants.
Dans
la
mesure
ces
64
A.-S.
Deborde
et
al.
comportements
se
manifestent
à
l’adolescence,
il
parais-
sait
pertinent
de
recueillir
des
données
sur
cette
période
de
vie.
Dans
cette
optique,
le
référentiel
théorique
choisi
a
été
celui
du
DSM-IV.
En
effet,
comparativement
au
terme
«
délinquance
»,
terme
générique
rendant
compte
d’un
phénomène
social,
le
terme
«
troubles
des
conduites
»
du
DSM-IV
présente
l’avantage
d’être
clairement
défini.
De
plus,
comparativement
au
terme
psychopathie,
le
terme
«
trouble
des
conduites
»
est
plus
adapté
pour
rendre
compte
de
la
période
de
l’adolescence.
En
effet,
implicite-
ment,
le
terme
«
psychopathie
»
se
réfère
à
la
personnalité
antisociale
dont
le
diagnostic
ne
peut
être
posé
avant
l’âge
de
18
ans.
L’alexithymie
a
été
mesurée
en
utilisant
la
TAS-20,
un
auto-questionnaire
considéré
comme
le
gold
standard
pour
mesurer
cette
dimension.
Afin
de
compléter
cet
outil,
la
DERS,
une
échelle
de
régulation
émotionnelle
récemment
validée,
a
été
utilisée
conjointement.
Méthode
Participants
L’échantillon
total
était
composé
de
75
adolescents
(38
filles
et
37
garc¸ons).
La
moyenne
d’âge
était
de
14,3
ans
(ET
=
1,26
;
[13—18]).
Le
groupe
avec
TC
était
constitué
de
30
adolescents
(11
filles
et
19
garc¸ons),
âgés
en
moyenne
de
15,4
ans
(ET
=
1,13
;
[14—18]).
Il
a
été
recruté
auprès
de
la
protec-
tion
judiciaire
de
la
jeunesse
au
sein
d’une
unité
éducative
en
milieu
ouvert.
Le
groupe
témoin
était
constitué
de
45
adolescents
(27
filles
et
18
garc¸ons),
scolarisés
au
collège,
en
classe
de
4e
en
zone
d’éducation
prioritaire.
Ils
étaient
âgés
en
moyenne
de
13,5
ans
(ET
=
0,66
;
[13—15]).
Procédure
et
recueil
de
données
Le
diagnostic
de
trouble
des
conduites
a
été
posé
en
réfé-
rence
aux
critères
DSM-IV
en
utilisant
la
section
consacrée
à
ce
trouble
dans
la
Kiddie-Sads
([14]
;
version
franc¸aise
[15]).
Le
questionnaire
comprend
15
items,
répartis
en
4
dimensions
:
agression
envers
des
personnes
ou
des
ani-
maux,
destructions
de
biens
matériels,
fraude
ou
vol,
violations
graves
de
règles
établies.
À
partir
de
la
Kiddie-
Sads,
un
indice
de
sévérité
du
trouble
des
conduites
a
été
calculé
en
additionnant
tous
les
items
cotés
«
oui
»
(«
oui
=
1
»,
«
non
=
0
»).
Cet
indice
va
de
0
à
15.
Les
parti-
cipants
étaient
considérés
comme
présentant
des
troubles
des
conduites
si
le
score
de
sévérité
était
supérieur
ou
égal
à
3
et
si
les
troubles
entraînaient
une
altération
cliniquement
significative
du
fonctionnement
social
ou
scolaire.
Le
questionnaire
d’alexithymie
de
Toronto
(TAS-20,
[16—19]
;
version
franc¸aise
:
[20])
a
été
utilisé
pour
mesurer
l’alexithymie.
Cet
auto-questionnaire
est
considéré
comme
le
gold
standard
pour
mesurer
cette
dimension.
Il
s’agit
d’une
échelle
de
type
Likert
en
5
points
qui
comporte
3
facteurs
:
(DIF)
difficulté
à
identifier
des
émotions,
(DDF)
difficulté
à
décrire
ses
émotions,
(EOT)
pensées
orientées
vers
l’extérieur.
Le
score
total
varie
entre
20
et
80.
Afin
de
compléter
les
informations
recueillis
sur
l’alexithymie,
la
«
Difficulties
in
Emotion
Regulation
Scale
»
(DERS
;
[21]
;
traduction
franc¸aise
:
[22])
a
également
été
utilisée.
Cette
échelle
comprend
36
items
et
vise
à
évaluer
les
difficul-
tés
de
régulation
des
émotions
à
travers
6
dimensions
:
N
(Non-acceptance)
:
non-acceptation
de
sa
réponse
émotion-
nelle,
G
(Goals)
:
difficultés
à
adopter
des
comportements
orientés
vers
un
but
dans
un
contexte
émotionnel
néga-
tif,
I
(Impulse)
:
difficultés
à
se
contrôler
dans
un
contexte
émotionnel
négatif,
A
(Awareness)
:
manque
de
conscience
émotionnelle,
S
(Strategies)
:
difficultés
à
mettre
en
place
des
stratégies
de
régulation
des
émotions
dans
un
contexte
émotionnel
négatif,
C
(Clarity)
:
difficultés
à
identifier
ses
propres
émotions.
Plus
le
score
est
élevé
et
plus
le
sujet
présente
des
difficultés
dans
la
régulation
de
ses
émotions.
Afin
de
contrôler
un
éventuel
effet
de
la
dépression,
l’inventaire
abrégé
de
dépression
de
Beck
à
13
items
(BDI,
[23]
;
traduction
franc¸aise
[24])
a
été
utilisé.
Il
s’agit
d’un
auto-questionnaire
portant
sur
la
semaine
écoulée.
Les
items
sont
gradués
de
0
à
3
et
fournissent
une
note
globale
d’intensité
du
syndrome
dépressif
allant
de
0
à
39.
Des
notes
seuils
ont
été
calculées
par
Beck
et
Beamesderfer
[in
24]
:
score
de
0
à
3
:
pas
de
dépression
;
de
4
à
7
:
dépression
légère
;
de
8
à
15
:
dépression
modérée
;
16
et
plus
:
dépres-
sion
sévère.
Un
questionnaire
socio-démographique
visant
à
recueillir
des
informations
complémentaires
a
également
été
proposé
aux
participants.
Enfin,
le
Childhood
Trauma
Questionnaire
(CTQ,
[25]
;
traduction
franc¸aise
[26])
a
été
proposé
aux
adolescents
avec
TC
afin
de
mieux
caractériser
cet
échantillon.
Cet
auto-
questionnaire
est
un
questionnaire
de
type
Likert,
gradués
de
1
«
jamais
vrai
»
à
5
«
toujours
très
vrai
».
Il
comporte
5
dimensions
comprenant
chacune
5
items.
Le
score
à
cha-
cune
de
ces
dimensions
varie
de
0
à
25.
Tous
les
participants
et
leurs
parents
ont
rempli
un
formulaire
d’information
et
de
consentement.
Dans
un
premier
temps,
les
participants
ont
répondu
aux
auto-
questionnaires.
Pour
le
groupe
témoin,
la
passation
a
été
collective
alors
que
pour
les
adolescents
avec
TC,
elle
était
individuelle.
Chacun
des
deux
groupes
a
été
invité
à
poser
des
questions
sur
les
formulations
susceptibles
de
poser
problème
dans
les
questionnaires.
Dans
un
2etemps,
tous
les
participants
ont
été
rec¸us
par
le
psychologue
référent
de
l’étude
afin
de
répondre
à
la
section
de
la
Kiddie-Sads
concernant
les
TC.
Analyses
statistiques
Dans
la
mesure
la
différence
d’âge
entre
les
témoins
et
les
adolescents
avec
TC
était
significative
et
que
l’âge
était
significativement
corrélé
à
la
majorité
des
différentes
variables
d’intérêt
(voir
résultats),
les
analyses
ont
été
contrôlées
par
l’âge.
L’étude
des
relations
entre
sévérité
des
TC,
scores
et
sous-scores
à
la
TAS-20
et
à
la
DERS
a
consisté
en
des
ana-
lyses
de
corrélations
partielles,
en
contrôlant
par
l’âge.
Les
moyennes
obtenues
aux
différentes
échelles
dans
les
deux
groupes
de
participants
ont
été
comparées
en
utilisant
des
Anovas
univariées,
contrôlées
par
l’âge.
Enfin,
des
analyses
discriminantes
ont
été
conduites
afin
de
déterminer
les
dimensions
de
régulation
émotionnelle
les
plus
pertinentes
pour
différencier
les
adolescents
avec
TC
Régulation
émotionnelle
chez
des
adolescents
présentant
des
troubles
des
conduites
65
des
témoins.
Afin
de
tenir
compte
de
l’effet
de
l’âge,
cette
variable
a
été
entrée
dans
le
modèle
parmi
les
variables
explicatives
des
troubles.
Le
traitement
et
l’analyse
statistique
des
données
ont
été
réalisés
avec
le
logiciel
SPSS.
Résultats
Statistiques
descriptives
Les
témoins
et
les
adolescents
avec
TC
présentaient
des
âges
significativement
différents
(t
=
69,91
;
p
0,001).
Or
l’âge
était
significativement
corrélé
à
la
majorité
des
différentes
variables
d’intérêt
(sévérité
des
TC,
scores
et
sous-scores
à
la
TAS-20
et
à
la
DERS
;
0,26
r
0,61
;
0,001
p
0,03),
excepté
aux
facteurs
DDF
de
la
TAS-20
(r
=
0,17
;
p
=
0,14)
et
Goals
de
la
DERS
(r
=
0,17
;
p
=
0,15).
En
conséquence,
les
analyses
ont
été
contrôlées
par
l’âge.
La
proportion
de
garc¸ons
et
de
filles
dans
chacun
des
groupes
était
significativement
différente
[2(1
;
n
=
75)
=
3,92
;
p
=
0,48].
Cependant,
que
ce
soit
dans
le
groupe
témoin
ou
chez
les
adolescents
avec
TC,
le
sexe
n’était
corrélé
à
aucune
des
dimensions
d’intérêt
(—0,25
r
0,40
;
0,11
p
0,80
pour
la
sévérité
des
TC,
la
TAS-20
et
la
DERS).
Enfin,
les
adolescents
avec
TC
et
les
témoins
ne
pré-
sentaient
pas
de
différence
significative
dans
les
scores
de
dépression
[F(1
;72)
=
1,12
;
p
=
0,29].
Comme
attendu,
les
adolescents
avec
TC
ont
obtenu
des
scores
de
sévérité
du
trouble
des
conduites
à
la
Kiddie-Sads
significativement
plus
élevés
que
les
témoins
(F(1
;72)
=
475,77
;
p
0,001
;
MTC =
12,43
;
ET
=
2,38
;
[4—15]
versus
Mtémoins =
1,16
;
ET
=
1,16
;
[0—4]).
Chez
les
témoins,
8
adolescents
présentaient
des
scores
de
sévérité
sub-
cliniques,
compris
entre
3
et
4.
Toutefois,
le
fonctionnement
social
et/ou
scolaire
n’a
pas
été
considéré
comme
suffi-
samment
altéré
pour
poser
le
diagnostic
de
trouble
des
conduites.
Afin
de
rendre
compte
de
la
diversité
des
profils
rencontrés
en
population
générale,
ces
témoins
n’ont
pas
été
exclus.
Le
Tableau
1
met
en
évidence
les
prévalences
des
symptômes
présentés
chez
les
adolescents
avec
TC
et
chez
les
témoins.
Concernant
la
situation
scolaire
du
groupe
d’adolescents
avec
TC,
53,3
%
(n
=
16)
étaient
scolarisés
en
enseigne-
ment
spécialisé
(classe
relais,
classe
d’intégration
scolaire,
sections
d’enseignement
professionnel
et
adapté)
ou
désco-
larisés,
23,3
%
(n
=
7)
d’entre
eux
étaient
scolarisés
en
classe
de
4e,
13,3
%
(n
=
4)
en
3e,
3,3
%
(n
=
1)
en
2eet
6,7
%
(n
=
2)
en
1ère.
Concernant
leur
situation
judiciaire,
16,67
%
(n
=
5)
des
adolescents
avec
TC
ont
déjà
été
placés
en
détention.
La
majorité
rapportait
des
violences
subies
au
sein
de
leur
famille
:
56,7
%
(n
=
17)
ont
été
suivis
par
l’aide
sociale
à
l’enfance.
De
plus,
le
CTQ
a
mis
en
évi-
dence
des
scores
élevés
à
toutes
les
dimensions
évaluées
:
négligence
émotionnelle
(M
=
16,63
;
ET
=
4,43
;
[9—25]),
abus
émotionnel
(M
=
16,03
;
ET
=
3,96
;
[10—24]),
abus
phy-
sique
(M
=
14,16
;
ET
=
4,53
;
[6—25]),
négligence
physique
(M
=
14,10
;
ET
=
2,89
;
[8—19])
et
abus
sexuel
(M
=
9,63
;
ET
=
3,57
;
[5—16]).
Analyses
principales
Conformément
aux
hypothèses,
les
adolescents
avec
TC
pré-
sentaient
des
scores
significativement
plus
élevés
à
la
DERS,
à
la
TAS-20
et
à
toutes
leurs
sous-dimensions
(voir
Tableau
2),
excepté
à
deux
dimensions
de
la
DERS
(Non-acceptance
et
Goals).
Concernant
la
dépression,
les
scores
à
la
BDI
étaient
comparables
chez
les
témoins
et
chez
les
adolescents
avec
TC
(Mtémoins =
6,06
;
ET
=
5,57
;
[0—26]
;
MTC =
5,56
;
ET
=
3,99
;
[1—21]
;
F(1
;72)
=
1,12
;
p
=
0,29).
La
majorité
des
partici-
pants
ne
présentait
pas
de
dépression
(60
%
des
témoins,
17,78
%
des
adolescents
avec
TC)
ou
une
dépression
légère
(56,67
%
des
témoins,
33,33
%
des
adolescents
avec
TC).
Une
minorité
présentait
une
dépression
modérée
(16,67
%
des
témoins,
13,33
%
des
adolescents
avec
TC)
ou
sévère
(16,67
%
des
témoins,
2,2
%
des
adolescents
avec
TC).
Les
analyses
de
corrélations
(voir
Tableau
3)
ont
mis
en
évidence
que
la
sévérité
du
trouble
était
significative-
ment
corrélée
aux
deux
échelles
de
régulation
émotionnelle
(DERS
et
TAS-20)
ainsi
qu’à
toutes
leurs
sous-dimensions
(0,26
r
0,50
;
0,001
p
0,03),
excepté
au
facteur
DDF
de
la
TAS-20
(r
=
0,17
;
p
=
0,14)
et
G
de
la
DERS
(r
=
0,23
;
p
=
0,06).
Afin
de
déterminer
quelles
étaient
les
dimensions
de
régulation
émotionnelles
les
plus
pertinentes
pour
diffé-
rencier
les
deux
groupes
de
participants,
des
analyses
discriminantes
ont
été
conduites.
Une
1ère analyse
discri-
minante
a
été
menée
avec
le
score
total
à
la
TAS-20
et
ses
dimensions
(DIF,
DDF
et
EOT).
Afin
de
contrôler
l’effet
de
l’âge,
cette
variable
a
également
été
entrée
dans
les
analyses.
La
fonction
finale
retenait
l’âge
et
le
score
total
à
la
TAS-20,
avec
un
coefficient
de
corrélation
canonique
de
0,77.
L’âge
et
le
score
global
à
la
TAS-20
permettaient
de
classer
correctement
90,7
%
des
participants
:
88,9
%
des
témoins
et
93,3
%
des
adolescents
présentant
un
TC.
Une
2e
analyse
discriminante
a
été
menée
avec
l’âge,
le
score
total
à
la
DERS
et
ses
dimensions
(N,
G,
I,
A,
S
et
C).
La
fonction
finale
retenait
l’âge,
le
facteur
Clarity
et
le
facteur
Aware-
ness,
avec
un
coefficient
de
corrélation
canonique
de
0,83.
Ainsi,
l’âge,
le
facteur
Clarity
et
le
facteur
Awareness
per-
mettaient
de
classer
correctement
96,0
%
des
participants
:
93,3
%
des
témoins
et
100
%
des
adolescents
avec
TC.
Enfin,
une
3eanalyse
discriminante
a
été
menée
avec
l’âge
et
tous
les
scores
de
régulation
émotionnelle
(score
total
à
la
TAS-20,
à
la
DERS
et
toutes
les
dimensions
DIF,
DDF,
EOT,
N,
G,
I,
A,
S
et
C).
Les
variables
les
plus
susceptibles
de
rendre
compte
d’un
trouble
des
conduites
étaient
:
l’âge,
le
facteur
Clarity
et
le
facteur
Awareness
de
la
DERS.
Le
coeffi-
cient
de
corrélation
canonique
était
de
0,83.
Ces
3
variables
considérées
conjointement
permettaient
de
classer
correc-
tement
96,0
%
des
participants
:
93,3
%
des
témoins
et
100
%
des
adolescents
avec
TC.
Discussion
La
revue
de
littérature
sur
alexithymie
et
TC
a
mis
en
évi-
dence
une
absence
de
consensus
concernant
l’association
entre
ces
deux
variables.
Dans
notre
étude,
les
résultats
obtenus
à
partir
des
deux
instruments
utilisés
pour
éva-
luer
les
capacités
de
régulation
émotionnelle
(TAS-20
et
66
A.-S.
Deborde
et
al.
Tableau
1
Prévalences
des
symptômes
présentés
chez
les
témoins
et
chez
les
adolescents
avec
troubles
des
conduites
(TC)
selon
les
critères
DSM-IV.
Troubles
des
conduites
Témoins
(%)
Adolescents
avec
TC
(%)
Agressions
envers
des
personnes
ou
des
animaux
Brutalité
envers
d’autres
personnes
37,8
96,7
Bagarres
4,4
93,3
Détention
d’une
arme
2,2
100
Cruauté
envers
les
personnes 0
70
Cruauté
envers
les
animaux 0
43,3
Vol(s)
avec
violence 0
100
Relations
sexuelles
sous
la
contrainte 0
26,7
Destruction
de
biens
matériels
Départ
de
feu
volontaire
2,2
70
Destruction
de
biens
2,2
100
Fraude
ou
vol
Effractions
0
80
Mensonges
37,8
96,7
Vol(s)
sans
violence
2,2
96,7
Violations
graves
des
règles
établies
Sorties
nocturnes
jusqu’à
tard
dans
la
nuit
22,2
90
Fugue(s)
2,2
86,7
École
buissonnière
42,2
96,7
DERS)
confirment
les
travaux
de
Langevin
&
Hare
[10],
Pihet
et
al.
[8],
Zimmermann
[9]
et
Barestegui
et
al.
[11].
En
effet,
comparativement
aux
témoins,
les
adolescents
avec
TC
présentaient
des
scores
d’alexithymie
et
de
dysrégula-
tion
émotionnelle
significativement
plus
élevés.
Ainsi,
les
adolescents
avec
TC
avaient
plus
de
difficultés
à
identifier
leurs
émotions
(facteur
DIF
de
la
TAS-20
;
facteur
C
de
la
DERS),
à
en
prendre
conscience
(facteur
A
de
la
DERS),
à
les
décrire
(facteur
DDF
de
la
TAS-20)
et
à
les
gérer
(facteur
S
de
la
DERS).
Ils
avaient
également
plus
de
difficultés
à
se
détacher
d’un
mode
de
pensée
ancré
sur
le
réel
plutôt
que
sur
leurs
états
émotionnels
(facteur
EOT
de
la
TAS-20).
Enfin,
confrontés
à
une
situation
émotionnelle
difficile,
ces
adoles-
cents
avaient
plus
de
mal
à
se
contenir
(facteur
I
de
la
DERS).
De
plus,
les
analyses
de
corrélations
ont
mis
en
évidence
que
plus
les
difficultés
de
régulation
émotionnelle
étaient
importantes,
plus
les
TC
étaient
sévères.
À
notre
connais-
sance,
cette
étude
est
la
1ère à
avoir
investigué
la
question
des
liens
entre
TC
et
alexithymie
en
introduisant
la
notion
de
sévérité
des
troubles.
Ces
résultats
vont
dans
le
sens
des
travaux
ayant
souligné
le
lien
théorique
entre
un
défaut
de
mentalisation
des
émotions
et
le
passage
à
l’acte
[2,6].
Tableau
2
Moyennes,
écarts-types,
intervalles
et
comparaisons
de
moyennes
à
la
TAS-20
et
à
la
DERS
chez
les
témoins
et
chez
les
adolescents
avec
troubles
des
conduites
(TC).
Témoins
(n
=
45)
TC
(n
=
30)
Anovas
univariées
Moyenne
ET
Intervalle
Moyenne
ET
Intervalle
TAS-20
54,84
9,57
[35—78]
66,90
8,36
[34—79]
F(1;72)
=
14,14
p
0,001
DIF
18,57
5,80
[7—33]
24,7
4,25
[11—34]
F(1;72)
=
7,34
p
=
0,01
DDF
14,53
3,91
[8—22]
16,63
2,80
[5—20]
F(1;72)
=
4,16
p
=
0,05
EOT
21,73
4,53
[12—30]
25,53
3,10
[18—30]
F(1;72)
=
10,43
p
=
0,002
DERS
90,71
19,46
[54—142]
117,90
18,62
[45—142]
F(1;72)
=
18,02
p
0,001
N
12,90
5,52
[6—23]
16,50
3,25
[6—22]
F(1;72)
=
2,79
p
=
0,10
G
15,40
4,95
[5—25]
17,70
3,47
[6—25]
F(1;72)
=
2,60
p
=
0,11
I
14,29
6,31
[6—29]
21,30
3,39
[10—29]
F(1;72)
=
9,11
p
=
0,004
A
19,33
4,25
[10—28]
25,26
2,03
[21—30]
F(1;72)
=
24,01
p
0,001
S
19,66
6,16
[8—35]
25,60
4,68
[13—32]
F(1;72)
=
6,62
p
=
0,01
C
30,77
4,85
[21—39]
39,26
4,10
[31—48]
F(1;72)
=
25,02
p
0,001
TAS-20
:
questionnaire
d’alexithymie
de
Toronto
;
DIF
:
difficultés
à
identifier
ses
émotions
;
DDF
:
difficultés
à
exprimer
ses
émotions
;
EOT
:
pensée
opératoire
;
DERS
:
échelle
de
difficultés
de
régulation
émotionnelle
;
N
:
non-acceptance
;
G
:
goals
;
I
:
impulse
;
A
:
awareness
;
S
:
strategies
;
C
:
clarity.
Les
comparaisons
de
moyenne
ont
été
contrôlées
par
l’âge
des
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