Vaisseaux, Coeur, Poumons n Numéro Spécial n 2009
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Chez ces patients, la rénine est sécrétée par les
cellules juxtaglomérulaires du rein, suite à une
diminution de la pression de perfusion rénale se-
condaire au débit cardiaque faible, à une dimi-
nution de la quantité de sel au niveau de la
tache dense (macula densa) du rein, en raison de
modifications de la répartition intra-rénale du
sang et d’une stimulation directe des récepteurs
juxtaglomérulaires bêta-2, due à l’élévation des
catécholamines. Suite à un processus enzyma-
tique, la rénine transformera l’angiotensinogène
circulant, provenant du foie, en angiotensine
I, elle-même très rapidement transformée en
angiotensine II par l’enzyme de conversion de
l’angiotensine. Cette angiotensine II élevée pro-
voque une puissante vasoconstriction des arté-
rioles, avec une augmentation de la résistance
périphérique totale et dès lors une nouvelle élévation
tensionnelle. En outre, l’angiotensine II est égale-
ment responsable d’une augmentation du volume
intra-vasculaire, via la stimulation du centre de
la soif au niveau de l’hypothalamus – avec une
augmentation des apports hydriques – et via une
augmentation de la sécrétion d’aldostérone au
niveau du cortex surrénal. L’aldostérone favorise
la réabsorption de sodium au niveau du néphron
distal, avec une augmentation supplémentaire
du volume intra-vasculaire. Cela entraîne une
nouvelle augmentation de la précharge du ven-
tricule gauche avec une augmentation du débit
cardiaque, via le mécanisme de Frank-Starling.
L’hormone antidiurétique
Chez les patients souffrant d’insuffisance car-
diaque, la sécrétion d’hormone antidiurétique
(vasopressine) par l’hypophyse est stimulée, via
les barorécepteurs artériels et les taux sanguins
élevés d’angiotensine II. L’hormone antidiuré-
tique provoque une augmentation de la réten-
tion d’eau au niveau du néphron distal. Cela
provoquera une élévation supplémentaire du
volume intravasculaire, avec augmentation de
la précharge du ventricule gauche et du débit
cardiaque. L’hormone antidiurétique contribue
également à la vasoconstriction artériolaire.
Endothéline I
L’endothéline I est également un vasoconstric-
teur puissant, produit par les cellules endothé-
liales, dont la sécrétion est stimulée tant par
l’angiotensine II que par l’épinéphrine. Cela con-
tribuera également davantage à une élévation de
la tension artérielle.
Mécanismes d’adaptation
rénaux
En cas d’insuffisance cardiaque, le rein se com-
porte comme en situation d’hypovolémie. Dans
les deux cas, le débit cardiaque et la perfusion
rénale sont inadéquats. On assistera alors à une
rétention d’eau et de sel, dans une tentative
de restaurer le volume circulant effectif. Les
modifications au niveau du transport tubulaire
du sodium sont le principal mécanisme pour la
régulation de l’excrétion sodée. Le tubule rénal
proximal est le principal endroit pour la réab-
sorption du sodium dans le néphron, où environ
60% du sodium isotonique filtré sont réabsorbés.
Ici, l’angiotensine II a un rôle important. Le sang
parvient au néphron, via les artérioles afférentes,
atteint les artérioles efférentes via les capillaires
glomérulaires et circule ensuite dans un réseau
de capillaires tubulaires périphériques. Lorsque
le débit cardiaque chute, différents stimuli – tels
que la stimulation orthosympathique accrue et
les taux sanguins élevés d’angiotensine II – pro-
voqueront une vasoconstriction rénale, surtout
au niveau des artérioles efférentes. En raison de
cette résistance relativement majorée au niveau
de l’artériole efférente, la pression dans les capil-
laires glomérulaires – qui constitue la pression
de filtration pour le glomérule – augmente. Bien
que la circulation rénale soit réduite, la fraction
de filtration – le rapport filtration glomérulaire/
circulation rénale – augmentera. On observe
donc une augmentation relative de l’élimination
d’eau et de sel au niveau du néphron, ce qui pro-
voquera une augmentation de la concentration
de protéines dans les capillaires péri-tubulaires,
avec une diminution de la pression hydrostatique
capillaire post-glomérulaire. Cela signifie que le
gradient de pression hydrostatique transcapil-
laire augmente, entraînant une augmentation
du reflux passif d’eau et de sel depuis le tubule
rénal proximal vers les capillaires péri-tubulaires.
A différents niveaux – passivement au niveau du
tubule rénal proximal et sous l’influence de l’effet
de l’hormone antidiurétique et de l’aldostérone
au niveau du néphron distal – le rein sera donc
en grande partie responsable de l’augmentation
du volume circulant et du retour veineux.
Conséquences négatives des
mécanismes de compensation
Les mécanismes de compensation neurohor-
monaux et rénaux peuvent souvent masquer en
grande partie les symptômes de l’insuffisance
cardiaque pendant une période prolongée. Toute-
fois, la vasoconstriction artériolaire augmente la
résistance périphérique ainsi que la postcharge.
Cela provoque une diminution du débit systolique
du ventricule gauche, avec une diminution de la
fonction systolique (Figure 2). La rétention d’eau
et de sel et le retour veineux accru provoquent
une augmentation du volume diastolique, avec
une élévation de la pression diastolique et une
augmentation de pression dans l’oreillette gauche,
les vaisseaux pulmonaires, le ventricule droit et
l’oreillette droite. Cela entraîne une formation
d’oedèmes périphériques et une stase pulmo-
naire (Figure 1). La tachycardie, la stimulation
inotrope, l’augmentation de la postcharge et de
la tension pariétale augmentent la consommation
en oxygène de la cellule musculaire cardiaque.
L’hypertrophie musculaire, l’angiotensine II et
l’aldostérone sont associées à une augmenta-
tion de la fibrose interstitielle dans le muscle car-
diaque ou la provoquent. Cela majore la distance
entre les capillaires coronaires et les myocytes,
ce qui complique la diffusion de l’oxygène vers
les cellules musculaires cardiaques. L’insuffisance
cardiaque est souvent provoquée par une athéro-
matose coronaire et bon nombre de patients souf-
frant d’insuffisance cardiaque sont des personnes
âgées, mais qui présentent presque toujours un
certain degré d’insuffisance coronaire. A nouveau,
cela compliquera l’apport d’oxygène aux cellules
musculaires cardiaques. Cette augmentation des
besoins en oxygène, associée à un moins bon ap-
port d’oxygène, provoque la nécrose des cellules
musculaires cardiaques, doublée d’une réaction in-
flammatoire et de la formation de tissu conjonctif.
Les cellules musculaires cardiaques peuvent aussi
mourir par apoptose ou mort cellulaire program-
mée. Sous l’influence de l’augmentation du taux
sanguin de catécholamines, de l’angiotensine II,
des cytokines inflammatoires et de la surcharge
mécanique des myocytes due à la tension parié-
tale accrue, on assiste à un retour à un phénotype
embryonnaire. La cellule continue à grandir, mais
n’a pas la possibilité de se diviser. En définitive,
on observera une fragmentation du noyau cel-
lulaire, suivie d’une sclérose cellulaire et enfin de
la phagocytose par d’autres cellules, sans réaction
inflammatoire. Associée à l’augmentation de la
pré- et de la postcharge, largement influencée
par les mécanismes de compensation neuro-
hormonaux, cette mort des cellules musculaires
cardiaques conduira à la progression ultérieure de
CARDIOLOGIE