Article de recherche Infestations expérimentales du chevreau par des larves L1 d’Œstrus ovis C Duranton* JP Bergeaud P Dorchies Laboratoire associé de physiopathologie respiratoire des ruminants, Inra, École nationale vétérinaire, 23, chemin des Capelles, 31076 Toulouse, France (Reçu le 18 octobre 1995; accepté le 21 mars 1996) infection of kids with (Estrus ovis first instar larvae. A protocol of experimental infection with CEstrus ovis larvae L 1 was applied to kids in order to study their susceptibility to CEstrus ovis. Two-month-old kids, born and raised indoors during winter, were infected with single or repeated administrations of CEstrus ovis L 1. Two or three months later, the kids were slaughtered and larvae harvested from their nasal cavities. Following a single administration of 30 L 1, 8.3 and 3.3% of the larvae survived after two and three months respectively. After eight repetitive infections in two months with the same number of larvx (30 L 1), only 2.2% survived. Over a three months period, ie, eleven repetitive infections with a total of 61 L1, only 1.4% were found at the necropsies. This experiment indicates that goats are not very susceptible to CEstrus ovis infection. Summary ― Experimental kid lexperimental infection / Œstrus ovis Résumé ― Des chevreaux ont été infestés expérimentalement par des larves de premier stade (Ll) d’Œsfrus ovis pour étudier leur réceptivité et leur sensibilité. En début d’hiver, des chevreaux âgés de 2 mois et élevés à l’intérieur ont reçu, en une ou plusieurs prises, des larves Li 1 d’Œstrus ovis. Deux ou trois mois plus tard, ils ont été sacrifiés et les larves ont été recherchées dans les cavités nasales. Après infestation unique par 30 Li, 8,3 et 3,3 % de larves L1 ont été retrouvées respectivement deux et 3 mois plus tard. Après huit administrations dans un délai de 2 mois d’un même nombre de larves (30 L1seulement 2,2 % se sont implantées. Après 11 administrations, dans un délai de 3 mois d’un total de 61 L1 par chevreau, 1,4 % des larves ont survécu. Ces résultats suggèrent que la chèvre est peu receptive et peu sensible à CEstrus ovis. chevreau / infestation * Correspondance expérimentale / Œstrus et tirés à part ovis INTRODUCTION Il est indispensable de disposer d’un modèle expérimental validé pour la compréhension des manifestations pathologiques des parasitoses. Dans le cas de l’!strose ovine, myiase fréquente des cavités nasales des sinus frontaux des et ruminants et Rouille, 1988 ; Decodomestiques (Belem ninck et al, 1995 ; Pangui et al, 1988 ; Yilma et Dorchies, 1991 un modèle sur agneaux a été développé par Yilma et Dorchies (1993). Les signes cliniques caractérisant l’infestation du mouton par OEstrus ovis se retrouvent chez la chèvre mais en plus faible intensité (Quintero et a1,1987; Rangatuga et Rajamahenendran, 1972). Des études épidémiologiques ont montré que la prévalence et l’intensité de l’infestation étaient moins importantes chez la chèvre que chez le mouton (Belem et Rouille, 1988 ; Haralampidis, 1987 ; Salvador-Yepez et Gallardo, 1971Aussi, pour étudier la réceptivité de la chèvre vis-à-vis d’ Œstrus ovis, nous avons reproduit le modèle validé chez petits l’agneau (Yilma et Dorchies, 1993) par transer stade dans les plantation de larves de 1 cavités nasales de chevreaux indemnes. MATÉRIEL ET MÉTHODES Animaux Vingt-deux chevreaux de race de 2 tous du Alpine agés mois, pesant environ 10 kg, provenant codifiée dans des têtes de moutons infestés naturellement (Yilma et Dorchies, 1993). Après nettoyage et vérification visuelle de leur stade et de leur vitalité, les larves ont été déposées avec 0,5 mL de sérum physiologique à l’orifice de chaque narine. Elles ont toutes pénétré activement dans les cavités nasales, ce qui a été visuellement constaté. Ces essais ont été réalisés entre novembre et mars, durant la diapause larvaire hivernale. Protocole d’infestation Infestations uniques Six chevreaux ont été répartis en trois groupes homogènes. Un lot de deux chevreaux a été gardé comme témoin, les deux autres lots, de deux chevreaux chacun, ont reçu 30 L1 par animal en une seule prise. été abattu 1 mois et le second 2 mois Les témoins ont été sacrifiés en même temps que le deuxième lot. Les larves ont été recherchées selon la technique de Yilma et Dorchies (1993). Un lot a après l’infestation. Infestations répétitives Seize chevreaux ont été répartis en deux groupes de six et un de quatre sujets qui a été gardé comme témoin. Les six animaux du lot 1 ont reçu chacun un total de 30 LI en huit prises irrégulièrement réparties durant 2 mois. Les six animaux du lot 2 ont reçu chacun 61 L1, en 11 prises irrégulièrement réparties durant les 3 mois du suivi expérimental. Les dates des infestations dépendaient des fournitures de têtes par l’abattoir, et les doses infestantes du nombre de larves récoltées dans ces têtes. ont été utilisés. Nés et élevés à l’intérieur, à l’abri de tout risque d’infestation accidentelle, ils ont été alimentés avec un concentré adapté et abreuvés à l’eau du robinet. Au cours des essais les différents lots ont été séparés dans des boxes à sol cimenté avec une litière de paille. Les chevreaux ont été abattus 2 mois (lot 1 ) et 3 mois (lot 2 et lot témoin) après la première administration de larves. Mode d’ infestation Une fois par semaine une prise de sang a été faite à chaque animal sur tube sec. Les sérums ont été obtenus par centrifugation et stockés à - 20° jusqu’à leur utilisation. Un test Elisa utilisant l’antigène de la larve L2, reconnu comme même élevage, Des larves d ’Œstrus ovis du premier âge (Ll) ont été récoltées à l’abattoir selon une technique bien Suivi sérologique spécifique (Bautista-Garfias et al, 1988 ; Ilchmann et Hiepe, 1985 ; Jagannah et al, 1989), a été réalisé selon une technique validée (Haralampidis, 1987 ; Deconinck et al, 1995 ; Dorchies et al, 1995). Les résultats ont été exprimés en pourcentages de densité optique par rapport à des témoins positifs et négatifs. Le seuil de positivité était à 20 %. RÉSULTATS Infestations répétitives (tableau 11) Au total, neuf larves L1 étaient présentes chez les 12 chevreaux infestés correspondant à 1,6 % du total administré. Chez les six chevreaux du lot 1, sacrifiés 2 mois après la primo-infestation, 2,2 % des larves ont été retrouvées. Chez les six chevreaux du lot 2, sacrifiés 3 mois après la primo-infestation, 1,4 % des larves ont été recoltées. Aucune larve L2 ni L3 n’a été trouvée. Populations parasitaires Suivi sérologique Infestations uniques (tableau 1) Au total, sept larves L1 ont été retrouvées chez les quatre chevreaux infestés : elles représentaient 5,8 % du total administré. Le pourcentage de récolte des larves dans le lot 1 (abattage à j + 2 mois) était de 8,3 %, il était de 3,3 % dans le lot 2 (abattage à j + 3 mois). Aucune larve des stades 2 et 3 n’a été rencontrée. L’évolution des taux d’anticorps circulants est illustrée par la figure 1. Après infestation unique, les titres ont augmenté dès la 5 e semaine pour atteindre le niveau le plus élevé (137,8 % de DO), à la septième semaine. Après infestations répétitives, le seuil signia été dépassé à partir de la ficatif quatrième semaine pour atteindre le niveau le e semaine. plus élevé (104 % de DO), à la 12 Les titres des témoins sont toujours restés inférieurs au seuil de positivité. DISCUSSION Toutes les larves récoltées après infestar e tions unique ou répétitive étaient du 1 stade, il n’y a donc pas eu de développement après transfert. Ceci peut s’expliquer par le phénomène de diapause arrêtant l’évolution des larves durant l’hiver, ou par la durée insuffisante de l’expérimentation qui n’aurait pas permis le passage au stade L2. Chez le mouton, Yilma et Dorchies (1993) avaient observé une reprise du développement larvaire au 4 e mois de l’expérimentation montrant que la diapause joue un rôle prédominant par rapport aux phénomènes immunitaires dans le maintien des larves stade 1 durant l’hiver. au A la suite des infestations répétitives, il y diminution du taux de survie des a eu une larves par rapport aux infestations uniques (respectivement 8,3 et 2,2 % ). Il semble donc que la réaction immunitaire de la chèvre soit plus forte lors d’infestations répétitives. Cela expliquerait que pour le même nombre de L1 (30 L1), les pourcentages de récolte soient respectivement de 3,3 % et de 2,2 %, 3 mois après l’infestation unique et 2 mois lors d’infestations répétitives. Cette observation permet aussi de repousser comme éventuelle cause de l’élimination des larves leur évolution rapide jusqu’au stade L3 et leur rejet sur le sol car dans ce cas nous aurions retrouvé des larves L2 et L3 (Rogers et Knapp, 1973). Chez l’agneau, après infestations uniques, 27,9 (Yilma, 1993) et 36 % (Marchenko et Marchenko, 1989) des larves L11 ont été retrouvées, contre 5,8 % chez le chevreau dans l’essai rapporté ici. Deux mois après infestations répétitives les taux de récolte sont, pour l’agneau et le chevreau, respectivement de 12,75 % (Yilma, 1993) et 2,2 %. Le développement de la réponse immunitaire chez le chevreau à la suite des infestations répétitives semble contrarier, encore plus efficacement que chez le mouton, l’installation et la maturation 1989). La cinétique comparative des anticorps Bautista-Garfias CR, Angulo-Contreras RM, Garay-Garzon E (1988) Serologic diagnostic of OEstrus ovis (Diptera: Œstridae) in naturally infested sheep. Méd Vét Entomol 2, 351-355 entre chevreaux et agneaux a montré que la Deconinck P, réponse immunitaire humorale du chevreau est plus forte que celle de l’agneau chez lesquels le titre le plus élevé (84 % de DO) est observé à 8 semaines après le début de l’infestation (Yilma, 1992 ). Il apparaît, d’après l’ensemble de ces Dorchies P, Yilma JM, des larves (Marchenko et Marchenko, observations, que la chèvre est moins réceptive à CEstrus ovis que le mouton. Elle réagit plus fortement comme le montre la cinétique des anticorps, d’où une destruction plus importante des larves. L’effet de la réaction immunitaire sur la survie des larves a été démontré par Marchenko et Marchenko (1989) qui ont observé que 60 % des L11 survivaient chez l’agneau recevant un traitement immunosuppresseur (chlorambucil 1 mg/kg/jour) alors que chez les témoins le taux de survie n’était que de 36 %. En conclusion, CEstrus ovis a vraisemblablement le mouton comme hôte de prédilection : le taux d’implantation des larves chez cette espèce est plus élevé et le niveau de la réaction immunitaire humorale plus faible. C’est l’inverse chez la chèvre, ce qui traduit une moins bonne adaptation d’Œstrus ovis. REMERCIEMENTS Les auteurs remercient S Morand (laboratoire de biologie animale, 52, avenue de Villeneuve, 66860 Perpignan), pour son aide. Pangui L J, Carrière L, Dorchies P (1995) Dépistage sérologique de l’oestrose ovine au Sénégal par la technique Elisa. Rev Méd Vét 146, 265- 268 Bergeaud JP, Duranton C (1995) Diagnostic Immunologique de l’oestrose ovine et caprine. 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