Objectif du microscope LA SYNAPSE IMMUNOLOGIQUE, UN DIALOGUE ÉTROIT ENTRE DEUX CELLULES Le système immunitaire est le gardien de notre corps. Les cellules qui constituent ce système agissent de concert pour éliminer tout intrus. Pour cela, elles s’échangent des messages, notamment grâce à des contacts physiques, que l’on appelle « synapse immunologique ». Comprendre ce mode de communication entre les cellules, constitue une étape importante pour expliquer les échecs de la mise en place d’une protection efficace contre les tumeurs. LE SYSTÈME IMMUNITAIRE: NOTRE GARDE RAPPROCHÉE Comme une véritable armée, notre système immunitaire défend n o tr e o r g a n i sm e co n tr e l es a tta ques qu’i l sub i t quotidiennement. Plusieurs membres de cette armée sont impliqués dans la réponse immune qui est mise en place quand l’organisme se trouve en danger. Leur mobilisation, finement orchestrée, va dépendre du type de menace à éliminer (virus, bactérie, parasite, développement d’une tumeur…). Les « cellules présentatrices d’antigène », omniprésentes, ont pour rôle de surveiller l’état de l’organisme. Si ces sentinelles détectent une situation anormale comme la présence d’une cellule infectée par un virus ou une cellule tumorale par exemple, elles avaleront un petit bout de cet intrus, le découperont puis exposeront des petits morceaux, appelés antigènes, à leur surface. Elles se rendront ensuite au quartier général, le ganglion lymphatique le plus proche, pour aller rapporter ce qu’elles ont collecté. C’est en ce lieu qu’elles rencontreront les soldats de la réponse immunitaire: les lymphocytes T. Les cellules présentatrices d’antigène vont rentrer physiquement en contact avec eux pour leur transmettre le message de danger qu’elles ont été chercher. Le point de contact entre ces deux cellules s’appelle la «synapse immunologique». Les neurobiologistes ne seraient alors pas les seuls à utiliser le mot synapse ? (voir encadré) LA : UNE ÉTAPE SENSIBLE T Soutenu par l’ARC, notre projet porte sur un passage de ce scénario : le moment précis où la cellule présentatrice d’antigène rentre physiquement en contact avec le lymphocyte T, c'est-à-dire celui où la synapse immunologique entre les deux cellules se forme. C’est un moment primordial dans la vie du lymphocyte T puisque c’est de cette étape que va dépendre son efficacité dans la réponse immune. Si le lymphocyte T n’est pas assez activé, il ne pourra pas supprimer les cellules tumorales et la tumeur continuera de se développer dans le cas d’un cancer. Si celui-ci est au contraire trop activé, il s’attaquera à des cellules saines pouvant provoquer une maladie auto-immune. Tout est en fait une histoire d’équilibre ! Les lymphocytes T les plus aptes à résoudre la menace en cours sont sélectionnés pour partir en première ligne. On dit qu’ils ont été « activés », c’est à dire que les sentinelles leur ont donné l’autorisation de combattre. Les lymphocytes T activés vont ensuite quitter le ganglion et se rendre sur le lieu du danger pour l’éliminer. L’attaque est alors engagée et l’élimination de l’ennemi n’est plus qu’une affaire de temps ! Les lymphocytes T CD4 jouent le rôle de chef de l’état major de la réponse immune en mobilisant d’autres cellules et molécules alors que les lymphocytes T CD8 sont armés pour tuer directement les cellules dangereuses. Lymphocytes T X 60 Les cellules font des contacts SYNAPSE IMMUNOLOGIQUE DANS LA VIE DU LYMPHOCYTE Image grossie 800X Ganglions axillaires 10 µm LymphocyteT La synapse ? Pas seulement une histoire de neurones ! Le terme de « synapse » fut choisi à la fin du XIXème siècle pour désigner le point de contact entre deux neurones. Il trouve ses origines dans la langue grecque et se compose de syn (ensemble) et haptein (toucher) pour évoquer une notion de connexion. Les cellules du système nerveux peuvent, grâce à cette structure se transmettre un signal électrique pour provoquer par exemple une contraction musculaire. Ce mode de communication par contact direct n’est pas seulement présent dans le système neuro-musculaire mais également dans le système immunitaire. X 60 Cellules présentatrices d’antigène L’hypothèse que nous privilégions au vu des résultats est que cette stratégie permet au lymphocyte de s’activer plus vite et plus efficacement. En effet, si toutes les protéines arrivent en même temps et pré-assemblées à la synapse, plutôt que par vagues successives, le message d’activation est plus puissant et se met en place plus rapidement. Le lymphocyte est ainsi plus vite prêt pour aller défendre l’organisme. Cellule présentatrice d’antigène Synapse Noyau Sur cette image de microscopie, quatre lymphocytes T forment des synapses avec la cellule présentatrice d’antigène LA SYNAPSE IMMUNOLOGIQUE CHEZ L’HOMME Les synapses sous l’œil du microscope Au laboratoire, nous amenons des cellules humaines à former des synapses entre elles afin de les observer sous un microscope en direct. Des cellules présentatrices d’antigène, prêtes à déclencher une réponse immune, sont déposées dans une boîte. Celle-ci est alors placée sur un microscope à fluorescence* et les lymphocytes T sont ensuite ajoutés. L’observateur n’a plus qu’à enregistrer la scène qui se déroule sous l’objectif. 10 µm Au début de l’expérience Après l’ajout des lymphocytes T Cellule présentatrice d’antigène Lymphocyte T Protéines Avant le contact Antisynapse Ecran de l’ordinateur qui contrôle le microscope 1 min après le contact Les protéines s’assemblent d’abord à l’antisynapse… MÉTHODE D’OBSERVATION DES SYNAPSES Grâce à cette méthode nous pouvons zoomer dans l’infiniment petit et voir les cellules mais aussi les protéines* à l’intérieur. Comme un jeu de Lego, les protéines peuvent s’assembler entre elles avec de nombreuses combinaisons. Chaque assemblage représente un message pour la cellule. Ces Legos biologiques peuvent circuler d’un endroit de la cellule à un autre, s’assembler et se désassembler à tout moment. A l’instant tant attendu de l’impact entre les deux cellules, nous voyons le lymphocyte T changer de forme et les protéines importantes pour l’activation voyager du milieu de la cellule à la synapse en quelques minutes. Ce débarquement soudain est important car c’est en ce point que ces protéines vont s’assembler pour lancer le message d’activation. Cette étincelle dans la cellule entraîne une cascade d’autres évènements qui vont permettre au lymphocyte T de se préparer à la future attaque. « L’antisynapse », un détour mystérieux… Au cours de notre étude, nous avons pu déceler un évènement plutôt étrange dans la cellule : au lieu de voyager directement à la synapse, les protéines font un crochet par l’arrière de la cellule que nous avons appelé « antisynapse ». Ce voyage détourné est pour le moins surprenant puisque c’est seulement à la synapse que ces protéines vont pouvoir detecter le message que leur apporte la cellule présentatrice d’antigène. Mais que font-elles alors à cet endroit de la cellule ? En espionnant les protéines une à une dans la cellule, nous avons montré que l’antisynapse est en fait une petite réserve dans laquelle les protéines prendraient un peu d’avance. Elles se regrouperaient ici pour commencer à s’assembler avant d’aller à la synapse. 10 min après le contact Synapse puis elles voyagent assemblées jusqu’à la synapse. LE VOYAGE DES PROTÉINES DANS LA CELLULE Comprendre le rôle de l’antisynapse et les évènements moléculaires qui se produisent ensuite à la synapse nous aident à reconstituer le grand puzzle de l’activation du lymphocyte T. A plus long terme, notre travail contribuera à mieux comprendre pourquoi les lymphocytes T qui ont été mal activés, ne sont pas capables d’éliminer les tumeurs. Identifier quelles pièces de ce jeu de Lego sont défectueuses permettra ensuite de trouver des thérapies plus ciblées et ainsi d’éviter les traitements à large spectre qui ont tant d’effets secondaires. BON À SAVOIR Microscope à fluorescence : Système optique permettant de voir des molécules fluorescentes grâce à une source de lumière blanche, un jeu de filtres, un assemblage de lentilles grossissantes et une caméra. Protéines : molécules créées par un organisme vivant à partir d’acides aminés présents dans l’alimentation. Chloé Guedj, sous la direction de Clotilde Randriamampita, Equipe Activation Lymphocytaire, Institut Cochin, U1016, Paris « L’Antisynapse, un complexe de signalisation aux antipodes de la synapse immunologique »