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parabole dite « du Fils prodigue » que nous entendions proclamer dimanche
dernier. C’est nous, les chrétiens, qui avons bien souvent perverti cette
présentation du message biblique par un besoin rassurant de « faire de la
morale », en inversant la séquence. C’est nous qui voulons faire passer pour
vrai l’adage : « Si tu es sage, tu auras une image », alors que la Bible nous
raconte toujours l’inverse : même si nous sommes méchants, Dieu nous
sauve – y compris de notre méchanceté – et nous restitue l’image de lui que
nous sommes depuis la création. Prêcher l’évangile, annoncer la Bonne
Nouvelle, c’est inlassablement rappeler cela, comme prêtre, comme
« missionnaire de la miséricorde », comme pasteur, comme responsable de
paroisses, etc. C’est faire montre d’une bienveillance a priori qui ne pourra
jamais égaler cette du Père en sa bienveillance extraordinaire, ineffable, en
son amour de rahamîm, d’entrailles maternelles.
2. Cela signifie-t-il, du coup, que bien et mal sont des notions qui ont disparu ?
Cette question relève d’une science qui n’est pas propre aux chrétiens, mais
nécessaire à toute la société, et qu’on appelle « l’éthique ». Je voudrais en
relever plusieurs aspects :
- D’abord, sa nécessité. Un monde sans éthique serait purement et
simplement invivable. Imaginons, par exemple, que l’interdit du meurtre
n’existe pas. Nous serions immédiatement plongés dans une société de
violence, où la vie ne serait pas possible ! Imaginons pareillement que
l’interdit du mensonge n’existe pas : nous ne pourrions plus faire confiance
à personne. Etc.
- Ensuite, ses origines. D’où viennent les notions de bien et de mal ? D’un
fonds commun à toutes les civilisations, d’abord. Que l’on prenne la Torah
juive, résumée dans les « Dix commandements » ou les réflexions de la
philosophie grecque antique, tout cela va dans le même sens : des valeurs
existent, qu’il faut respecter si l’on veut survivre ensemble. Qu’est-ce
qu’une valeur ? C’est « ce qui vaut mieux » : la vie, en général, vaut mieux
que la mort, la santé vaut mieux que la maladie, la vérité vaut mieux que le
mensonge, la justice vaut mieux que l’injustice, l’égalité des êtres humains
entre eux vaut mieux que la domination tyrannique des uns sur les autres,
etc. Ces valeurs s’expriment donc, et toujours imparfaitement, dans des
codes de loi que j’ai déjà cités, auxquels je pourrais, par exemple, ajouter
la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme de 1948, et son article
premier : « Tous les êtres humains naissent et demeurent égaux en dignité
et en droit. » Où l’on voit bien, par parenthèse, que ces codes indiquant
des valeurs ne sont pas simplement des constats, mais des souhaits :
l’éthique n’est pas simplement descriptive (ce serait alors de la sociologie)
mais prescriptive : elle croit pouvoir et devoir dire ce qu’il faut éviter et ce
qu’il faut faire, et elle croit que ces prescriptions ont une portée universelle.