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positionnent plus spécifiquement sur la troisième. Enseigner des questions socialement vives repose
sur la volonté d’introduire l’actualité dans la classe, y compris quand elle fait débat, d’introduire des
objets non consensuels, des savoirs non stabilisés plutôt que des réponses prédéterminées. Les
propositions de démarches se focalisent volontiers sur le débat, dans une volonté de former l’élève à
son rôle de futur citoyen « participatif », apte à se positionner, argumenter, faire des choix raisonnés.
La proposition qui est faite ici est d’explorer, au sein du champ des QSV, les pistes que l’objet
controverse, appuyé sur les apports des recherches pluridisciplinaires, peut apporter en réponse à ces
attentes et ces interrogations.
2.1. Préciser l’objet controverse
Le terme de controverse utilisé jusqu’ici demande à être précisé. On appellera controverse une
situation sociale où des acteurs ayant des positions opposées s’engagent dans un processus de
« dispute », impliquant interactions et argumentations ; la controverse publique implique un processus
de publicisation : c’est à dire à la fois la formulation d’un problème partagé (qui sort du domaine privé
ou confiné) et son apparition sur une scène, devant un public qui devient lui aussi protagoniste en tant
que juge (Lemieux, 2007); cette publicisation amène une régulation ou une tentative de régulation,
généralement par des instances publiques (Callon, Lascoumes & Barthe, 2001, Cefai & Terzi, 2012). La
controverse est inscrite dans une QSV englobante, mais elle renvoie à une situation contextualisée,
inscrite dans un espace et une temporalité délimités. Ainsi une controverse locale sur une
implantation d’éoliennes territorialise à l’échelle locale, la question globalement vive de la place des
énergies renouvelable dans les politiques énergétiques nationales.
L’intérêt de la controverse dans le questionnement qui nous occupe est la position charnière, en tant
qu’objet d’enseignement, qu’elle occupe entre sciences sociales et sciences de la nature. En effet, ces
dernières s’intéressent aux controverses dites sociotechniques ou socioscientifiques: elles cherchent à
montrer la construction du savoir par le débat, la confrontation d’idées, voire le conflit, à montrer
l’historicité des sciences de la nature ; elles visent à sensibiliser les élèves aux dimensions citoyennes
et politiques de la science (Albe, 2009). Ces démarches (sur les OGM, le changement climatique, le
téléphone portable…), accordent une large part à la controverse scientifique qui met en jeu des
positionnements d’experts ; elle peut dès lors rester cantonnée aux milieux scientifiques et politiques
sans forcément être médiatisée outre mesure.
Comme la controverse socio-scientifique, l’étude de la controverse publique suppose une démarche
analytique : analyser les arguments, les jeux d’acteurs, le recours éventuel à la science. Par contre, à la
différence de celle-ci, elle n’est pas forcément liée à une production technique ou scientifique, et au-
delà à la question de l’innovation, les acteurs scientifiques ne sont pas forcément présents ; il peut
s’agir par exemple un conflit d’usage.
La géographie met particulièrement l’accent sur les controverses publiques liées aux usages de
l’espace et à l’action sur l’espace. On pense notamment aux controverses environnementales,
paysagères, concernant une politique urbaine, un grand aménagement : TGV, autoroute, aéroport,
barrage… (Kirat et Torre, 2008 ; Labussière, 2007, 2009 ; Lolive, 1997, 2006 ; Lolive et Tricot,
2001 ; Mélé, 2008 ; Mélé et al., 2004). En situation de classe l’enseignement des controverses poursuit
des objectifs d’apprentissages spécifiques et transversaux: analyser avec les élèves les enjeux de
l’action aménagiste et sa durabilité, analyser le processus de décision politique, l’émergence du débat