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Insectes nécrophages et entomologie medico-légale
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supérieur (jusqu’à 7 °C d’écart) à celui permettant
le déclenchement du vol (Hedouin et al. 1996). De
plus, la présence d’autres œufs, de larves ou d’individus
adultes accroît la probabilité de ponte en agissant
comme un signal attractif pour les femelles gravides
(Barton Browne 1960; Ashworth & Wall 1994).
Après s’être alimentés, les asticots vont s’éloigner du
corps pour s’empuper et se transformer en nymphes.
Le temps passé aux stades prépupe (larve migratrice)
et pupe (nymphe) peut représenter jusqu’à 75% de
la durée de développement totale (Greenberg 1990b,
1991). Cette stratégie minimisant le temps passé
sur le cadavre, observée chez la plupart des diptères
nécrophages, semble être une réponse évolutive à
l’instabilité de ce biotope éphémère (Greenberg
1990b; Archer & Elgar 2003). Cependant, certaines
espèces, notamment Phormia regina (Meigen 1826) et
Protophormia terraenovae (Robineau-Desvoidy 1830),
ne migrent pas au stade prépupe et se métamorphosent
donc sur place. On observe également que le cycle
stéréotypique décrit précédemment n’est pas toujours
respecté. Chez certaines espèces de Sarcophagidae
et de Calliphoridae, les œufs sont retenus dans les
voies génitales de la femelle après fécondation et
jusqu’à l’éclosion des larves de premier stade, qui
seront directement déposées sur leur source de
nourriture (larviposition) (Fabre 1923; Shewell 1987;
Erzinçlioglu 1990,1996; Singh & Bharti 2008; Cook
& Dadour 2011).
De nombreuses études se sont intéressées
aux aspects écologiques liés à la colonisation des
cadavres. Il s’agit d’une ressource alimentaire par
nature éphémère et imprévisible, nécessitant donc
des stratégies de colonisation et de développement
particulières (Woodcock et al. 2002). La compétition
y apparaît comme étant le principal facteur limitant
les populations de larves, principalement dans le cas
de cadavres de petite taille (Putman 1977; Smith &
Wall 1997 ; Godoy et al. 1996). Ainsi, dans une étude
sur la structuration des communautés de diptères
nécrophages, Kuusela et Hanski notent que la quantité
de femelles attirées par un cadavre de petite ou de grande
taille est sensiblement identique (Kuusela & Hanski
1982). En revanche, il existe une corrélation entre la
masse du cadavre et le nombre moyen d’individus qui
en émergent. Durant leur stade larvaire, les diptères
Calliphoridae expriment un grégarisme marqué. Ce
comportement se traduit par la formation de masses
de larves allant de quelques dizaines à quelques
millions d’individus. Au sein de ces masses, chaque
individu cherche à absorber le maximum de nourriture
possible en un minimum de temps (De Jong 1976;
Godoy et al. 1996; Dos Reis et al. 1999). Il en résulte
une « bousculade permanente » conduisant certains
individus à manquer de nourriture et à mourir. Dans
une étude de 1982, Kuusela démontre un eff et négatif
de la compétition sur la vitesse de développement des
larves de Lucilia illustris (Meigen 1826) (Kuusela &
Hanski 1982). Une étude plus détaillée réalisée en
1995 et portant sur quatre espèces du genre Lucilia
conclut également à un eff et négatif densité-dépendant
de la concentration de larves sur le taux de survie
des individus, leur taille et la fécondité des femelles
(Prinkkila & Hanski 1995). A l’inverse, l’augmentation
de la vitesse de développement à forte densité a été
décrite chez Calliphora vicina (Robineau-Desvoidy
1830), Calliphora vomitoria (L. 1758) et Chrysomya
spp. (Goodbrod & Goff 1990; Saunders & Bee 1995;
Ireland 2006). Les protocoles expérimentaux variant
énormément entre les études, il est délicat de comparer
entre eux les résultats. Il ressort globalement que la
probabilité de survie d’un individu décroît rapidement
lorsque le nombre de larves par gramme de substrat
devient trop importante, mais qu’un phénomène de
facilitation (augmentation de la probabilité de survie
avec la quantité de larves) peut apparaître pour des
concentrations intermédiaires (Baxter & Morisson
1983; Moe et al. 2002; Ireland 2006).
De plus, tous les tissus n’ont pas la même valeur
nutritive pour les larves. Des résultats expérimentaux
chez Calliphora vicina indiquent une durée de
développement des larves nourries avec du cerveau, du
cœur, du poumon ou des reins de porc inférieure de
deux jours à celles placées sur du foie (Kaneshrajah &
Turner 2004). Le même type de résultat a été obtenu
avec des larves de Calliphora augur (Fabricius 1775) et
Lucilia cuprina (Wiedemann 1830) (Day & Wallman
2006). Enfi n, la comparaison de substrats de diff érentes
origines animales indique un développement plus
rapide sur la viande de porc que sur celle de bœuf (Clark
et al. 2006). On observe enfi n que les diff érences de
valeur nutritive entre substrats sont amplifi ées en cas
de surpopulation et donc de compétition pour l’accès
à la nourriture. Ce phénomène est par exemple visible
chez Chrysomya albiceps (Wiedemann 1819), espèce
relativement commune dans le sud de la France et dont
les larves de stade II et III sont prédatrices de larves
de diptères Calliphoridae, prédation particulièrement
développée lorsque la nourriture vient à manquer
(Faria et al. 2004). Dans l’ensemble, ces conclusions
indiquent un rôle majeur de la compétition en tant
que paramètre contrôlant les populations de diptères
nécrophages.
Une fois les œufs (ou les larves) déposés sur le corps,
la durée du développement dépend de la température.
Plus il fait chaud, plus le développement est rapide,