Ann. soc. entomol. Fr. (n.s.), 2012, 48 (3–4) : 239-252 ARTICLE La biologie des insectes nécrophages et leur utilisation pour dater le décès en entomologie médico-légale Damien Charabidze Université de Lille-Nord-de-France, F-59000 Lille, France UDSL, Forensic Taphonomy Unit, F-59000 Lille, France Abstract. Necrophagous insects and forensic entomology. The estimation of the time of death is one of the major issues when a body is discovered. For this purpose, forensic entomology use insects sampled on corpses to estimate a minimum post-mortem interval (PMImin) and the time of death. This field of forensic sciences and legal medicine thus needs detailed knowledge regarding the development and physiology of the species of forensic interest. Such knowledge is provided by constant research in field and laboratory conditions. The goal of these studies is not only to develop new methods for PMI estimation improvement. Forensic entomology research also allows a better comprehension of several areas of the biology of necrophagous species. This review presents on a first part the development of necrophagous species, and especially blowflies larvae (Diptera Calliphoridae). In a second part, the current concepts in forensic entomology allowing PMI estimation are explained. Résumé. Lorsque qu’un corps ou des restes humains sont découverts se pose inéluctablement la question de la datation du décès. Pour y répondre, l’entomologie médico-légale (également appelée entomologie forensique) se base sur l’entomofaune nécrophage présente sur le corps. Bien que cette discipline soit relativement récente, les méthodes permettant d’estimer un intervalle post-mortem à partir des prélèvements entomologiques ont considérablement évoluées au cours des dernières années. Fondée initialement sur la connaissance empirique des habitudes de quelques espèces, l’entomologie médico-légale s’est depuis dotée de méthodes performantes qui ont permis d’asseoir son statut auprès des enquêteurs et les magistrats. Cette évolution est principalement due à une intense activité de recherche, à la fois dans le domaine applicatif mais aussi plus fondamental. En effet, les aspects criminels ne sont qu’un champ d’application de la recherche, qui s’intéresse plus généralement à la biologie des insectes nécrophage et à leur implication dans le processus de décomposition. Cet article propose une synthèse des connaissances actuelles et des recherches en cours, et s’attache à décrire les méthodes en vigueur dans la cadre d’une datation du décès. Keywords: Flies, forensic entomology, post-mortem interval, Calliphoridae, decomposition. Introduction L’estimation de l’intervalle post-mortem (IPM) constitue le point de départ souvent indispensable à l’identification de la (des) victime(s) et des circonstances du décès. De ce fait, la détermination de l’IPM a été largement étudiée dans le cadre de la médecine légale, mais également d’un ensemble d’autres disciplines. L’entomologie médico-légale, l’anthropologie, la bactériologie, l’écologie, etc. sont autant de méthodes permettant chacune, dans leurs domaines d’application, d’estimer le moment de la mort. Toutes ne sont bien entendues pas équivalentes, et chacune présente ses contraintes et ses avantages (Beauthier 2007). L’utilisation des insectes pour dater le décès n’est pertinente que lorsque les techniques de E-mail: [email protected] Accepté le 24 mai 2012 datation médico-légale deviennent inefficaces, c’està-dire environ deux jours après le décès (Marchenko 1988). En effet, durant les premières heures postmortem, le développement des insectes sur le cadavre est insuffisant pour apporter une datation précise, ou du moins plus précise que celle réalisée par les médecins légistes. L’utilisation d’œufs de diptères Calliphoridae pour estimer un IPM très court peut cependant se révéler utile et fiable lorsque les prélèvements sont réalisés immédiatement et conservés à température strictement contrôlée (Bourel et al. 2003). Passé ce délai initial de quarante-huit heures, lorsque la température interne du corps s’est alignée sur la température extérieure et que les constantes physicochimiques de l’organisme sont trop altérées pour servir de repères, l’étude des insectes présents sur le cadavre devient la seule solution fiable permettant d’estimer l’heure du décès (Kashyap & Pillay 1989; Marchenko 1988). Dans son article de référence daté de 1988 et réédité en 2001, Marchenko affirme ainsi : « Il est 239 D. Charabidze inadmissible de tirer des conclusions quant à l’heure du décès sur la base du degré de décomposition des tissus ou de l’état de squelettisation du corps. L’étude entomologique est la base permettant de résoudre les problèmes suivants : 1/ déterminer à quelle saison un corps est arrivé sur le site où il a été découvert; 2/ identifier le moment de la mort (…); 3/ établir le fait qu’un cadavre a été déplacé (...)» (Marchenko 1988). En 1990, Haskell et Catts publièrent un guide à l’intention du personnel présent sur les scènes de crimes, expliquant les fondements de l’entomologie médico-légale (Haskell & Catts 1990). Il fallut cependant attendre encore cinq ans pour que ce champ d’étude soit ajouté à ceux de la revue américaine Journal of Forensic Sciences. Actuellement présente dans la majorité des pays développés ou en voie de développement, l’entomologie médico-légale est particulièrement bien implantée aux Etats-Unis, où son utilisation dans le cadre d’affaires criminelles est quasi-systématique (Wyss & Cherix 2006). Aperçu historique Le premier cas rapporté d’utilisation des insectes lors d’une enquête remonterait au 10ème siècle, en Chine. La présence de mouches sur le crâne aurait permis de détecter une plaie à l’origine du décès (Benecke 2001). Le même type de cas est relaté plus de 200 ans plus tard en Chine également : suite au meurtre d’un homme aux champs, la présence d’un grand nombre de mouches sur la faux d’un autre paysan amena l’enquêteur à le désigner comme étant le meurtrier (Benecke 2001; Wyss & Cherix 2006). Ces deux exemples, souvent rapportés, ne concernent cependant qu’une partie limitée du processus d’expertise entomologique : l’attraction des mouches par les plaies et la présence de sang frais. Le problème de la colonisation de la viande par les mouches et leurs larves a été étudié en détail en Europe à partir du 17ème siècle dans le cadre de la controverse scientifique sur la génération spontanée. Les premières expériences de Redi Francisco, datées de 1671, démontrèrent que les larves observées sur la viande provenaient de pontes de mouches, et que l’accès des adultes conditionnait donc le développement ultérieur de larves. De très nombreuses personnes pensent aujourd’hui encore que les vers présents sur les cadavres « sortent » du corps après la mort... Au milieu du 19ème siècle, des enquêteurs français se mirent à estimer la durée de présence des insectes sur un corps pour dater le décès (Benecke 2001). Les bases de la démarche scientifique d’expertise étaient posées : identification des insectes prélevés, détermination de la succession probable des espèces, déduction de la saison de ponte. 240 Cette méthodologie fut formalisée par Mégnin à la fin de ce même siècle avec la mise en relation de l’état de décomposition du corps et des préférences nutritives des différentes espèces d’insectes nécrophages (Megnin 1894). Cette méthode fut par la suite baptisée « méthode des escouades. Le principe des escouades Le concept sous-tendant cette théorie est simple : le biotope « cadavre » évoluant au fur et à mesure de la décomposition, certains insectes seront attirés très tôt sur le corps, et d’autres plus tardivement. Mégnin postula que ces périodes d’attractivité du cadavre correspondaient à l’émission d’odeurs différentes corrélées à certaines phases de décomposition (Megnin 1894). Les insectes seraient alors attirés par certains composés volatils caractéristiques d’une phase de décomposition adaptée au développement de leurs larves sur le cadavre (Cragg 1956; Vass 2004 ; Seenivasagan et al. 2010; Von Hoermann et al. 2011). Bien que les résultats obtenus par la technique des électro-antennogrammes couplés à la caractérisation des composés volatils par spectrométrie de masse apportent des éléments de réponse, ce postulat reste à démontrer pour la plupart des espèces (Frederickx et al. 2011). La notion d’escouades s’imposa malgré tout dans un premier temps comme une méthode simple et efficace de datation de l’IPM. Smith proposa ainsi dans sa monographie de 1986 une succession de huit escouades qui resta pendant longtemps la référence en entomologie médico-légale (Smith 1986). Cependant, cette vision a depuis été fortement remise en cause (Wyss & Cherix 2006). La décomposition étant fortement liée aux caractéristiques de l’écosystème cadavre, la succession des insectes est donc très variable (Wells & Lamotte 2001). Elle dépend des conditions environnementales et de l’état initial du cadavre, mais d’autres facteurs interviennent tels que l’action des végétaux, des champignons ou de mammifères carnivores (Campobasso et al. 2001). Il a ainsi été démontré que les espèces et ordres de successions pouvaient varier selon la zone géographique (Avila & Goff 1998; Grassberger & Frank 2004; Brundage et al. 2011), le type de milieu (Mac Leod 1957; Smith & Wall 1997; Tomberlin & Adler 1998; Hwang 2005; Sharanowski et al. 2008, Hwang & Turner 2009) ou encore suivant les saisons et les années (Martinez-Sanchez et al. 2000; Cruickshank & Wall 2002; Archer 2003; Schroeder et al. 2003; Goulson et al. 2005; Voss et al. 2009; Akotsen-Mensah et al. 2011; Battan &Linhares 2011; Brundage et al. 2011). La dégradation d’un Insectes nécrophages et entomologie medico-légale cadavre s’avère donc être un processus continu bien plus qu’une suite d’étapes standardisées (Rodriguez & Bass 1983 ; Schoenly & Reid 1987 ; Haglund & Sorg 1997). En conclusion, la datation d’un cadavre sur la base de la succession des escouades, bien que parfois efficace et bien documentée, est globalement extrêmement délicate et imprécise, et manque de bases scientifiques solides (Erzinçlioglu 1989; Arnaldos et al. 2005 ; Wyss & Cherix 2006). Biologie des insectes nécrophages Classiquement, un cadavre abandonné au début du printemps dans une zone à climat tempéré se décompose en quelques semaines à quelques mois. Nous proposons dans les paragraphes qui suivent un aperçu des espèces les plus fréquemment rencontrées en Europe centrale, en relation avec les stades de décomposition du corps (Tab. 1). Il ne s’agit bien entendu pas d’une liste exhaustive : seules les espèces inféodées aux cadavres (nécrophages ou prédatrices d’insectes nécrophages) les plus fréquentes sont indiquées. Mais Tableau 1. Liste non-exhaustive des insectes nécrophages ou sarco-saprophiles les plus fréquemment observés en France. Diptères Calliphoridae Calliphora vicina (Robineau-Desvoidy 1830) Calliphora vomitoria (L. 1758) Phormia regina (Meigen 1826) Protophormia terraenovae (Robineau-Desvoidy 1830) Chrysomia albiceps (Wiedemann 1818) Lucilia caesar (L. 1758) Lucilia sericata (Meigen 1826) Lucilia illustris (Meigen 1826) Muscidae Musca domestica (L. 1758) Muscina stabulans (Fallèn 1817) Muscina pabulorum (Fallèn 1817) Ophyra capensis (Wiedemann 1818) Ophyra leucostoma (Wiedeman 1818) (=ignava) Fanniidae Fannia canicularis (L. 1761) Fannia manicata (Meigen 1826) Fannia scalaris (Fabricius 1794) Sarcophagidae Sarcophaga carnaria (L. 1758) Liopygia argyrostoma (Robineau-Desvoidy 1830) Sarcophaga spp. Piophilidae Piophila casei (L. 1758) Piophila nigriceps (Macquart 1851) Piophila vulgaris (Fallen 1820) Piophila varipes (Meigen 1830) Coleoptères Dermestidae Dermeste undulatus (Brahm 1790) Dermeste lardarius (L. 1758) Dermeste peruvianus (Laporte de Castelnau 1840) Dermeste frischii (Kugelann 1792) Dermeste maculatus (De Geer 1774) Silphidae Acalypea (Blitophaga) opaca (L. 1758) Acalypea (Blitophaga) undata (Reiter 1884) Phosphuga atrata (L. 1758) Silpha carinata (Herbst 1783) Thanatophilus rugosus (L. 1758) Thanatophilus sinuatus (Fabricius 1775) Nicrophorus humator (Gleditsch 1767) Nicrophorus vespillo (L. 1758) Nicrophorus interruptus (Brullé 1832) Necrodes littoralis (L. 1758) Histeridae Hister spp. Saprinus spp. Staphylinidae Philontus spp. Creophilus maxilosus (L. 1758) [xxx something missing here] Necrobia violacea (L. 1758) Necrobia rufipes (De Geer 1775) Necrobia ruficolis (Fabricius 1775) Phoridae Conicera tibialis (Schmitz 1925) Phora spp. Megaselia spp. 241 D. Charabidze de nombreuses autres espèces sont ponctuellement associées à ces écosystèmes, et notamment des femelles adultes de Diptères non-nécrophages, à la recherches des apports protéiques nécessaires à la vitellogénèse (Adair & Kondratieff 2006 ; Anton et al. 2011; Dekeirsschieter et al. 2011). Si les conditions climatiques sont favorables, les Diptères Calliphoridae colonisent un corps très rapidement après la mort, alors qu’aucune odeur n’est encore perceptible par l’odorat humain. Ces espèces ont en effet un système olfactif particulièrement développé qui leur permet de détecter la présence d’un corps à très grande distance (Braack 1987a; Kelling et al. 2003). Parmi ces espèces pionnières, on trouve majoritairement des Diptères Calliphoridae (Rognes 1997; Khoobdel & Davari 2011). Après quelques jours, la décomposition microbienne du corps est en pleine activité : les symbiotes du tube digestif commencent à altérer le cadavre de l’intérieur tandis que des champignons se développent en surface. Les larves de Calliphoridae sont maintenant et sont capables de s’attaquer à des tissus plus résistants, notamment les muscles. Elles participent de ce fait activement à la dégradation des tissus en les fragmentant et en les consommant. On observe également des adultes et des larves de Diptères Muscidae, Faniidae et Sarcophagidae. Plus tardive, la phase de dégradation des graisses dégage des acides gras volatils tels que l’acide butyrique. Il est alors fréquent d’observer des Coléoptères Dermestidae, dont les larves s’attaquent également aux denrées alimentaires stockées (viandes et poissons séchés). Ils sont fréquemment observés en abondance dans le cas de corps découverts en intérieur, où la présence de très nombreux individus de tous stades, associée à une abondance de mues et de déjections, indique souvent la succession de plusieurs générations sur le corps (Schroeder et al. 2002). Dans de tels cas, la squelettisation peut être très rapide, les dermestes consommant sans difficulté la peau et les tissus secs (Woodroffe & Coombs 1979). On observe parfois également sur les tissus adipeux décomposés des petits Lépidoptères du genre Aglossa. Les chenilles se nourrissent des tissus graisseux décomposés, puis se métamorphosent. Elles laissent peu de traces identifiables de leur passage et sont trop peu fréquentes pour être réellement utiles dans le cadre de datations. La dégradation des matières protéiques du corps est souvent l’occasion d’observer une entomofaune typique, également rencontrée sur certains fromages. Parmi celle-ci, on remarque la présence très fréquente de petits Diptères appartenant au genre Piophila (Daniel 2011). Les larves des Piophilidae sont reconnaissables à leur capacité à « sauter » : elles s’arc-boutent en fixant leurs crochets buccaux à leur extrémité postérieure, 242 tendent leurs muscles puis lâchent brusquement. Ce mécanisme de défense permet aux asticots de se projeter à plus d’un mètre... et peut causer de désagréables surprises au médecin légiste ou à un entomologiste non-averti. Lorsque la décomposition s’achève, le milieu devient relativement pauvre d’un point de vue nutritif et extrêmement acide. Les insectes qu’on y trouve sont majoritairement sarco-saprophiles, c’est à dire au moins partiellement prédateurs. C’est notamment le cas des Diptères du genre Ophyra (Chin et al. 2009). Les Diptères Phoridae sont également très fréquents : il s’agit d’espèces de très petite taille, et dont la détermination est complexe. Leur morphologie leur permet de s’immiscer jusque dans les cercueils, où elles peuvent pulluler et se reproduire durant plusieurs générations (Bourel et al. 2004). Ces espèces ont cependant été relativement peu étudiées et sont de fait rarement exploitées pour dater le décès. Les derniers insectes à exploiter le cadavre sont généralement des Coléoptères Dermestidae ou Tenebrionidae. Ils finissent de consommer la peau et les tissus desséchés, ne laissant derrière eux que des os (Bourel et al. 2001). Tout au long de la décomposition, on peut enfin noter la présence de coléoptères sarco-saprophiles appartenant aux genres Necrophorus, Necrodes, Thanatophilus et Silpha, ainsi que Saprinus et Hister. Bien que très communes, ces espèces sont généralement peu informatives quand a la datation du décès, et ont été assez peu étudiées (Halffter et al. 2007; Midgley & Villet 2009; Ozdemir & Sert 2009; Velasquez & Viloria 2009 ; Ikeda et al. 2010; Dekeirsschieter et al. 2011; Bugajski et al. 2011; Matuszewski 2011, 2012). De fait, l’entomologie médico-légale exploite principalement la présence de Diptères, et principalement des Calliphoridae. Développement des larves de Diptères nécrophages Les diptères Calliphoridae ont un cycle de développement holométabole : la femelle pond une grappe d’environ 200 œufs qui, à l’éclosion, vont donner des larves de premier stade (Wall 1993). Bien que le sujet fasse encore débat, il semblerait que les Calliphoridae ne pondent que durant la journée, ou en présence de lumière (Greenberg 1990a; Tessmer et al. 1995; Singh & Bharti 2001; Wooldridge et al. 2007; Amendt et al. 2008). La température de l’environnement et du substrat semble également être un paramètre déterminant pour le déclenchement de la ponte. Le seuil de température permettant l’oviposition apparaît ainsi comme étant nettement Insectes nécrophages et entomologie medico-légale supérieur (jusqu’à 7 °C d’écart) à celui permettant le déclenchement du vol (Hedouin et al. 1996). De plus, la présence d’autres œufs, de larves ou d’individus adultes accroît la probabilité de ponte en agissant comme un signal attractif pour les femelles gravides (Barton Browne 1960; Ashworth & Wall 1994). Après s’être alimentés, les asticots vont s’éloigner du corps pour s’empuper et se transformer en nymphes. Le temps passé aux stades prépupe (larve migratrice) et pupe (nymphe) peut représenter jusqu’à 75% de la durée de développement totale (Greenberg 1990b, 1991). Cette stratégie minimisant le temps passé sur le cadavre, observée chez la plupart des diptères nécrophages, semble être une réponse évolutive à l’instabilité de ce biotope éphémère (Greenberg 1990b; Archer & Elgar 2003). Cependant, certaines espèces, notamment Phormia regina (Meigen 1826) et Protophormia terraenovae (Robineau-Desvoidy 1830), ne migrent pas au stade prépupe et se métamorphosent donc sur place. On observe également que le cycle stéréotypique décrit précédemment n’est pas toujours respecté. Chez certaines espèces de Sarcophagidae et de Calliphoridae, les œufs sont retenus dans les voies génitales de la femelle après fécondation et jusqu’à l’éclosion des larves de premier stade, qui seront directement déposées sur leur source de nourriture (larviposition) (Fabre 1923; Shewell 1987; Erzinçlioglu 1990,1996; Singh & Bharti 2008; Cook & Dadour 2011). De nombreuses études se sont intéressées aux aspects écologiques liés à la colonisation des cadavres. Il s’agit d’une ressource alimentaire par nature éphémère et imprévisible, nécessitant donc des stratégies de colonisation et de développement particulières (Woodcock et al. 2002). La compétition y apparaît comme étant le principal facteur limitant les populations de larves, principalement dans le cas de cadavres de petite taille (Putman 1977; Smith & Wall 1997 ; Godoy et al. 1996). Ainsi, dans une étude sur la structuration des communautés de diptères nécrophages, Kuusela et Hanski notent que la quantité de femelles attirées par un cadavre de petite ou de grande taille est sensiblement identique (Kuusela & Hanski 1982). En revanche, il existe une corrélation entre la masse du cadavre et le nombre moyen d’individus qui en émergent. Durant leur stade larvaire, les diptères Calliphoridae expriment un grégarisme marqué. Ce comportement se traduit par la formation de masses de larves allant de quelques dizaines à quelques millions d’individus. Au sein de ces masses, chaque individu cherche à absorber le maximum de nourriture possible en un minimum de temps (De Jong 1976; Godoy et al. 1996; Dos Reis et al. 1999). Il en résulte une « bousculade permanente » conduisant certains individus à manquer de nourriture et à mourir. Dans une étude de 1982, Kuusela démontre un effet négatif de la compétition sur la vitesse de développement des larves de Lucilia illustris (Meigen 1826) (Kuusela & Hanski 1982). Une étude plus détaillée réalisée en 1995 et portant sur quatre espèces du genre Lucilia conclut également à un effet négatif densité-dépendant de la concentration de larves sur le taux de survie des individus, leur taille et la fécondité des femelles (Prinkkila & Hanski 1995). A l’inverse, l’augmentation de la vitesse de développement à forte densité a été décrite chez Calliphora vicina (Robineau-Desvoidy 1830), Calliphora vomitoria (L. 1758) et Chrysomya spp. (Goodbrod & Goff 1990; Saunders & Bee 1995; Ireland 2006). Les protocoles expérimentaux variant énormément entre les études, il est délicat de comparer entre eux les résultats. Il ressort globalement que la probabilité de survie d’un individu décroît rapidement lorsque le nombre de larves par gramme de substrat devient trop importante, mais qu’un phénomène de facilitation (augmentation de la probabilité de survie avec la quantité de larves) peut apparaître pour des concentrations intermédiaires (Baxter & Morisson 1983; Moe et al. 2002; Ireland 2006). De plus, tous les tissus n’ont pas la même valeur nutritive pour les larves. Des résultats expérimentaux chez Calliphora vicina indiquent une durée de développement des larves nourries avec du cerveau, du cœur, du poumon ou des reins de porc inférieure de deux jours à celles placées sur du foie (Kaneshrajah & Turner 2004). Le même type de résultat a été obtenu avec des larves de Calliphora augur (Fabricius 1775) et Lucilia cuprina (Wiedemann 1830) (Day & Wallman 2006). Enfin, la comparaison de substrats de différentes origines animales indique un développement plus rapide sur la viande de porc que sur celle de bœuf (Clark et al. 2006). On observe enfin que les différences de valeur nutritive entre substrats sont amplifiées en cas de surpopulation et donc de compétition pour l’accès à la nourriture. Ce phénomène est par exemple visible chez Chrysomya albiceps (Wiedemann 1819), espèce relativement commune dans le sud de la France et dont les larves de stade II et III sont prédatrices de larves de diptères Calliphoridae, prédation particulièrement développée lorsque la nourriture vient à manquer (Faria et al. 2004). Dans l’ensemble, ces conclusions indiquent un rôle majeur de la compétition en tant que paramètre contrôlant les populations de diptères nécrophages. Une fois les œufs (ou les larves) déposés sur le corps, la durée du développement dépend de la température. Plus il fait chaud, plus le développement est rapide, 243 D. Charabidze plus il fait froid, plus il est lent. La température n’est cependant pas le seul facteur à agir sur la vitesse de développement des insectes : la disponibilité en nourriture ou la photopériode peuvent également jouer un rôle important (Nabity et al. 2007). Le comportement grégaire des larves est également à l’origine d’une élévation locale de la température (“larval-mass effect”) pouvant atteindre des proportions surprenantes (Slone & Gruner 2007; Charabidze et al. 2011; Johnson et al. 2012) (fig. 1). La présence simultanée d’un très grand nombre d’individus émettant une très faible chaleur du fait de leur métabolisme peut en effet conduire à des augmentations locales de température extrêmement importantes : Greenberg (1991) relate une observation de 18 °C supérieure à la température extérieure, tandis que Turner mentionne une température de 40 °C au sein d’une masse de larves (Greenberg 1991 ; Turner & Howard 1992). Plus impressionnant encore, une étude réalisée à Hawaii a permis d’enregistrer durant plusieurs jours des températures de plus de 50 °C à l’intérieur d’un cadavre de porc placé en zone boisée, alors que la température extérieure était inférieure à 30 °C (Richards & Goff 1997). D’autres observations de ce type sont fréquemment relatées dans la littérature, notamment lors d’expériences en extérieur (Deonier 1940; Hewadikaram & Goff 1991; Joy et al. 2002). Le comportement de ponte des femelles et le nombre de larves en compétition pour la même ressource alimentaire affecte ainsi diversement la durée de développement et la probabilité de survie des individus. Le rôle du grégarisme est donc discuté : la théorie admise est qu’il facilite l’alimentation en favorisant la liquéfaction locale des tissus par l’action conjointe des enzymes salivaires et des mouvements de leurs crochets buccaux, et permet également de minimiser l’exposition aux prédateurs (Fabre 1923; Hobson 1932; Putman 1977; Dos Reis et al. 1999). Cette balance entre grégarisme et compétition alimentaire a été analysée d’un point de vue théorique par Ives, qui classe la compétition chez Lucilia coeruleiviridis (Macquart 1855) comme appartenant au type 3, c’est-à-dire ayant un faible impact final sur le fitness des individus (Ives 1989, 1991). Autrement dit, la compétition chez les larves de Calliphoridae est suffisamment faible pour maintenir à un niveau stable la ponte de paquets d’œufs et le comportement d’agrégation des pontes chez les femelles. Il existe de plus des aptitudes d’exploitation des ressources différentes entre espèces, se traduisant par une compétition interspécifique orientée en faveur des espèces produisant beaucoup d’individus à développement très court (Kouki & Hanski 1995). Ainsi, les Calliphoridae semblent limiter le développement des populations de Sarcophagidae sur les cadavres (Denno & Cothran 1976). Des capacités compétitives différentes ont également été mises en évidence au sein de différentes sous-populations Figure 1 Mesure de température au sein d’une masse de larves de stade 3 de Lucilia sericata se développant à une température ambiante de 20 °C sur de la viande de bœuf. 244 Insectes nécrophages et entomologie medico-légale géographiques de l’espèce Lucilia sericata (Meigen 1826) (Martinez-Sanchez et al. 2007). Hanski évoque enfin un effet de l’ordre de ponte des espèces ayant par ailleurs les mêmes préférences écologiques, que l’on pourrait résumer sous la forme « première espèce arrivée, première servie » (Hanski 1977). Calcul de l’Intervalle Post-Mortem (IPM) L’ensemble de ces connaissances quant à la biologie des espèces nécrophages constitue le socle sur lequel s’appuient les méthodes entomologiques de datation du décès. La première phase de l’expertise entomologique consiste à prélever les insectes et les larves présents sur le corps, puis à les identifier. La réalisation de prélèvements est normalement réalisée par une personne formée à cette technique, mais incombe le plus souvent à des techniciens de scène de crime ou à des médecins légistes. Bien que chaque laboratoire ait son propre protocole (généralement accompagné d’un kit de prélèvement), des directives générales ont été publiées par l’European Association for Forensic Entomology (EAFE) (Amendt et al. 2006). De nombreux ouvrages proposent également des consignes de prélèvement détaillées (Haskell & Catts 1990; Byrd & Castner 2009). Retenons simplement ici que les prélèvements doivent nécessairement être effectués sur le site de découverte du corps (pour retrouver les pupes) et que les insectes doivent être pour moitié fixés et pour moitié conservés vivants. Ces prélèvements sont conservés au frais (4 °C) ou à température contrôlée et transmis au laboratoire le plus rapidement possible. Les spécimens fixés sont analysés immédiatement tandis que les larves vivantes sont placées en élevage (Byrd & Castner 2009). Ce système présente un double intérêt: 1- l’élevage en conditions contrôlées des larves permet de déterminer a posteriori leur âge au moment de la découverte du corps; 2- il rend possible une double expertise des spécimens : l’identification des larves fixées, souvent délicate, est complétée par celle des individus adultes. Ajoutons qu’en cas de problème avec les insectes vivants, les prélèvements fixés permettent de conserver une trace qui rend malgré tout l’expertise possible. C’est à partir de la liste complète des espèces et des stades présents sur le corps que peut être estimé l’Intervalle Post-Mortem (IPM). Lorsque le corps est découvert peu de temps après le décès (IPM court), seules les espèces les plus précoces à coloniser le corps ont pu entamer leur développement sur le cadavre. Il s’agit le plus souvent de Diptères Calliphoridae, notamment Lucilia sericata, L. caesar, Calliphora vicina, C. vomitoria, Phormia regina et Protophormia terraenovae. Dans ce cas, le principe est de déterminer précisément l’âge des insectes présents (généralement des larves, mais parfois également des œufs ou des pupes) afin de déterminer le moment de leur ponte Figure 2 Représentation schématique du lien entre la température ambiante et le développement réalisé en une unité de temps passée à cette température (TDu) chez les larves de diptères nécrophages. Seule la partie B est linéaire. 245 D. Charabidze (Marchenko 1988). La durée de développement dépendant de la température, il s’agît d’un âge relatif. Pour le calculer, la méthode la plus simple considère une relation linéaire entre température et développement, aisément modélisable par une équation de droite. Cependant, lorsque la température devient extrême, cette linéarité n’est plus vérifiée : il est alors nécessaire de se référer à des modèles plus complexes (Allen 1976; Ikemoto & Takai 2000; Byrd 2001; Bourel et al. 2003; Charabidze et al. 2008 ; Gosselin et al. 2010; Reibe et al. 2010) (fig. 2). En France, la majorité des cas se déroulant dans une gamme de température moyenne, la méthode la plus fréquemment utilisée, appelée ADD (Accumulated Degree Days), dérive de la modélisation linéaire (Marchenko 1988). Elle synthétise pour chaque espèce la cinétique de développement sous la forme de deux constantes : une valeur seuil à atteindre et une température minimum Tmin. Cette valeur doit être retranchée à la température ambiante pour calculer les ADD : pour Calliphora vicina, dont la Tmin est de 2 °C, une journée passée à 20 °C correspond à 20–2=18 ADD. La constante (seuil) propre à cette espèce étant de 388ADD, il faut donc 388/18=21,5 jours passés à 20 °C à C. vicina pour réaliser son développement complet. Lorsque la température varie, le même raisonnement peut être appliqué (fig. 3). On calcule jour après jour le développement réalisé en fonction de la température, puis on additionne ces valeurs jusqu’à atteindre la constante spécifique d’ADD. Dans le cas d’une datation de décès, on procède en partant du jour où les mouches adultes ont émergé (jour 32 dans l’exemple de la figure 2). On remonte ensuite la chronologie en additionnant jour par jour le développement accumulé, jusqu’à atteindre la constante d’ADD propre à l’espèce : la date où cette valeur est atteinte correspond au jour où les insectes ont été pondus sur le corps (jour 5 dans cet exemple). S’agissant d’espèces nécrophages, cette datation correspond à un moment ou la victime était déjà décédée, c’est-à-dire à un IPM minimum. Cette méthode n’est cependant applicable que lorsque les premiers individus à avoir été pondus (généralement des Diptères Calliphoridae) sont encore en train de se développer lors de la découverte du corps. Ce cas de figure correspond généralement à une période de quelques jours à quelques semaines après le décès. D’autres méthodes de datations existent. Il est notamment possible d’estimer l’âge des larves à partir de leur longueur (Byrd & Allen 2001; Wells & Lamotte Figure 3 Exemple de détermination du jour de ponte d’individus de l’espèce Calliphora vicina s’étant développés à température variable et ayant émergés le jour 32. Les constantes indiquées par Marchenko (1988) pour cette espèce sont de 388ADD (Accumulated Degree Days) avec une Tmin = 2 °C. Une journée à 20 °C correspond ainsi à 20-2=18ADD. La courbe et les valeurs reportées sur le graphique correspondent aux ADD accumulés aux cours du temps. La constante spécifique de 388ADD est atteinte le jour 5, qui correspond donc à la date de ponte (Intervalle Post-Mortem minimum). 246 Insectes nécrophages et entomologie medico-légale 2001; Grassberger 2002). Cette méthode fonctionne bien pour des insectes placés à température constante et donne une lecture continue de l’âge des individus, contrairement à la méthode précédente basée sur les stades. Cependant, elle nécessite que les larves soient ébouillantées lors de leur prélèvement : en effet, cellesci ont naturellement tendance à se contracter, ce qui peut fausser l’estimation de la longueur même après leur mort. Les individus ébouillantés sont au contraire étirés au maximum et peuvent donc être mesurés de manière standardisée. Une récente étude a également mis en évidence un lien entre la largeur des larves et leur âge, cette relation ne pouvant être appliquée que sur des larves vivantes et fraîchement prélevées (Myskowiak & Doums 2002). Il en va de même pour l’estimation de l’âge des individus sur la base de leur poids (Wells & LaMotte 1995). Enfin, des corrélations a posteriori ont permis de mettre en évidence une corrélation entre la température moyenne et le délai d’apparition de certaines espèces sur un corps (Matuszewski 2011, 2012). Datation d’un IPM long Lorsque les premiers colonisateurs ont achevé leur développement, il ne reste de leur passage que quelques pupes vides. Il n’est alors plus possible de baser l’estimation de l’IPM sur ces individus. La présence de pupes vides ou celle d’autres insectes en train d’achever leur développement peut cependant parfois être exploitée. Il est par exemple possible de se baser sur la température maximum atteinte durant la décomposition du corps pour calculer l’âge minimum de tous les insectes prélevés. On estime ainsi quelle aurait pu être leur vitesse maximale de croissance et donc la durée minimum nécessaire à leur développement. Le délai post mortem est évidemment dans ce cas largement sous-estimé. Cette méthode est de plus inadaptée pour des corps se trouvant en extérieur durant une longue période, cas pour lesquelles la température varie généralement très fortement (Charabidze 2010). Une autre solution consiste à estimer le moment de ponte des insectes encore en train de se développer sur le corps, en utilisant la méthode des ADD décrite précédemment. Cette datation est fiable, mais généralement peu informative : l’estimation de l’âge des insectes les plus tardifs indique bien un moment où la victime était déjà décédée, mais la présence d’autres espèces ayant achevé leur développement prouve que le moment de la mort est antérieur à cette estimation. Autres apports de l’entomologie médico-légale Généralement, les larves de diptères nécrophages utilisées pour la datation ne se développent que sur des tissus morts, et donc après le décès. Dans certains cas cependant, notamment en présence de plaies cutanées importantes avec nécroses, il est possible pour certaines espèces de se développer sur un organisme vivant : on parle alors de myiases ( Hall & Wall 1995; Kim et al. 2009). Ces cas restent cependant relativement rares chez l’humain, et comportent un certain nombre d’indices caractéristiques permettant de détecter la présence ante-mortem d’insectes sur le corps. La présence de myiases peut également être un indicateur de mauvaise hygiène permettant d’établir la négligence ou la maltraitance envers des personnes dépendantes (enfants ou personnes âgées) et éventuellement de dater l’apparition des plaies ou des sévices (Benecke & Lessig 2001). Outre la datation du décès, il est fréquemment mentionné que l’étude de l’entomofaune nécrophage prélevée sur un corps permet de mettre en évidence d’éventuels déplacements post-mortem du corps (Marchenko 1988). Bien que ce cas de figure soit extrêmement rare (seulement quelque cas recensés dans le monde), la présence de certaines espèces ayant une aire de répartition stricte peut théoriquement indiquer un déplacement du corps survenu après la ponte de ces espèces. Il est également intéressant de noter que les deux espèces françaises du genre Calliphora les plus fréquemment trouvées sur les cadavres humains ont une répartition différente : Calliphora vicina est principalement synanthropique tandis que Calliphora vomitoria est plutôt observée en zone rurale (Hwang 2005 ; Hwang & Turner 2009). La présence de cette dernière sur un cadavre découvert en centre-ville a cependant été maintes fois rapportée et n’implique pas nécessairement un déplacement de corps. Il s’agit cependant d’un élément d’information à considérer. De manière analogue, Necrodes littoralis (L. 1758) n’est quasiment jamais observé en zone urbaine, mais est très fréquent dans la nature. Enfin, l’absence sur un corps d’un ensemble d’espèces très communes et généralement pionnières peut indiquer une inaccessibilité temporaire du cadavre durant la période de colonisation de ces insectes. Il peut s’agir d’un confinement du cadavre ou de la présence d’un « emballage » ayant bloqué l’accès au corps, mais également et plus simplement de mauvaises conditions climatiques (Campobasso et al. 2001). Il est donc nécessaire d’être très prudent lors de la formulation de ce type de conclusions. Enfin, l’existence d’un délai de colonisation et l’absence de certaines espèces peut 247 D. Charabidze également être dû à la présence de substances répulsives (Marchenko 1988; Charabidze et al. 2009). Pour finir, notons deux cas particuliers : les corps inhumés, généralement très peu colonisés (Bourel et al. 2004, Gunn & Bird 2011), et les corps immergés, auxquels une faune spécifique est associée (Myskowiak et al. 2010). Dans ces deux cas, il est le plus souvent impossible de formuler une datation sur la base de prélèvements entomologiques. Recherche et perspectives La recherche en entomologie médico-légale est très active (Tomberlin et al. 2011). Des articles sur le sujet sont fréquemment publiés dans Forensic Science International, Journal of Forensic Sciences, Medical & Veterinary Entomology ou encore Journal of Medical Entomology. Ces travaux peuvent globalement être répartis en deux catégories complémentaires : 1) des recherches appliquées, répondant à une problématique ciblée rencontrée lors d’expertises et 2) des recherches plus fondamentales sur la biologie des espèces nécrophages. Une des branches de recherche les plus actives s’intéresse à la quantification du délai précédant la colonisation, c’est-à-dire l’étude des facteurs influençant l’arrivée des insectes sur un corps (Charabidze et al. 2009; Reibe & Madea 2009; Pohjoismäki et al. 2010; Akotsen-Mensah et al. 2011; Anderson 2011; Anton et al. 2011; Matuszewski 2011, 2012). A visée applicative (amélioration de la précision et de la fiabilité des conclusions d’expertises), ces recherches sont complétées par de nouvelles méthodes de calcul de la durée de développement (Charabidze et al. 2008; Reibe et al. 2010). L’utilisation de l’informatique a également permis l’apparition de nouveaux outils de datation : le programme ForenSeek, spécialement développé dans le cadre de l’entomologie médicolégale, propose ainsi un système intégré d’aide à l’expertise entomologique (Charabidze 2008, 2010). Parallèlement à ces recherches et développements, de nombreux inventaires faunistiques et des suivis de colonisations sont réalisés dans différents pays (Braack 1987b ; Vitta et al. 2007; Wang et al. 2008; Azwandi & Abu Hassan 2009; Biavati et al. 2010; Dekeirsschieter et al. 2011; Segura et al. 2011; Matuszewski et al. 2011). Ils constituent une part importante de la littérature en entomologie médico-légale et apportent des données fondamentales sur l’entomofaune nécrophages en Europe et en Amérique du nord. De tels inventaires, ainsi que des études de durée de développement propres aux espèces locales, manquent en revanche cruellement dans la majeure partie des pays d’Afrique 248 (Wyss & Cherix 2006; Szpila & Villet 2011). Dans un tout autre registre, les propriétés antibactériennes de certains composés synthétisées par les larves de Calliphoridae sont étudiées par la recherche pharmaceutique (Cerovsky et al. 2009, 2011; Barnes et al. 2010; Kawabata et al. 2010 ; Arora et al. 2011 ; Nygaard et al. 2012). Enfin, les aspects génétiques et moléculaires sont également étudiés en vue de développer de nouvelles méthodes d’identification (Harvey et al. 2003; Saigusa et al. 2006; He et al. 2007; Desmyter & Gosselin 2009; McDonagh et al. 2009; Hwang Park et al. 2009; Mazzanti et al. 2010; Malewski et al. 2010; Boehme et al. 2010, 2011; Guo et al. 2011; Szpila & Villet 2011 ; Frederickx et al. 2012). Ces recherches sont particulièrement utiles dans le cas des Sarcophagidae ou des Phoridae dont la détermination est très délicate (Guo et al. 2011; Boehme et al. 2010). Bien que ces méthodes d’identification ne soient pas encore utilisées en routine dans les laboratoires d’entomologie médico-légale, elles représentent une évolution importante pour la discipline, notamment grâce au gain de temps et de fiabilité qu’elles sont susceptibles d’apporter. Bibliographie Adair T. W., Kondratieff B. C. 2006. Three species of insects collected from an adult human corpse above 3300 m in elevation: a review of a case from Colorado. Journal of Forensic Science 51: 1164-5. Akotsen-Mensah C., Boozer R. T., Appel A. G., Fadamiro H. Y. 2011. Seasonal occurrence and development of degree-day models for predicting activity of Conotrachelus nenuphar (Coleoptera: Curculionidae) in Alabama peaches. Annals of the Entomological Society of America 104: 192-201. Allen J. C. 1976. A modified sine wave Method for calculating Degree Days. Environmental Entomology 5: 388-96. Amendt J., Campobasso C., Gaudry E., Reiter C., LeBlanc H., Hall M. J. R. 2006. 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