Ann. soc. entomol. Fr. (n.s.), 2012, 48 (3–4) : 239-252
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ARTICLE
La biologie des insectes nécrophages et leur utilisation pour
dater le décès en entomologie médico-légale
Abstract. Necrophagous insects and forensic entomology. The estimation of the time of death is
one of the major issues when a body is discovered. For this purpose, forensic entomology use insects
sampled on corpses to estimate a minimum post-mortem interval (PMImin) and the time of death. This
eld of forensic sciences and legal medicine thus needs detailed knowledge regarding the development
and physiology of the species of forensic interest. Such knowledge is provided by constant research in
eld and laboratory conditions. The goal of these studies is not only to develop new methods for PMI
estimation improvement. Forensic entomology research also allows a better comprehension of several
areas of the biology of necrophagous species. This review presents on a fi rst part the development of
necrophagous species, and especially blow ies larvae (Diptera Calliphoridae). In a second part, the
current concepts in forensic entomology allowing PMI estimation are explained.
Résumé. Lorsque qu’un corps ou des restes humains sont découverts se pose inéluctablement la
question de la datation du décès. Pour y répondre, l’entomologie médico-légale (également appelée
entomologie forensique) se base sur l’entomofaune nécrophage présente sur le corps. Bien que cette
discipline soit relativement récente, les méthodes permettant destimer un intervalle post-mortem
à partir des prélèvements entomologiques ont considérablement évoluées au cours des dernières
années. Fondée initialement sur la connaissance empirique des habitudes de quelques espèces,
l’entomologie médico-légale s’est depuis dotée de méthodes performantes qui ont permis d’asseoir
son statut auprès des enquêteurs et les magistrats. Cette évolution est principalement due à une
intense activité de recherche, à la fois dans le domaine applicatif mais aussi plus fondamental. En
effet, les aspects criminels ne sont qu’un champ d’application de la recherche, qui s’intéresse plus
généralement à la biologie des insectes nécrophage et à leur implication dans le processus de
décomposition. Cet article propose une synthèse des connaissances actuelles et des recherches en
cours, et s’attache à décrire les méthodes en vigueur dans la cadre d’une datation du décès.
Keywords: Flies, forensic entomology, post-mortem interval, Calliphoridae, decomposition.
D C
Université de Lille-Nord-de-France, F-59000 Lille, France
UDSL, Forensic Taphonomy Unit, F-59000 Lille, France
Accepté le 24 mai 2012
Introduction
L’estimation de l’intervalle post-mortem (IPM)
constitue le point de départ souvent indispensable
à l’identifi cation de la (des) victime(s) et des
circonstances du décès. De ce fait, la détermination
de l’IPM a été largement étudiée dans le cadre de
la médecine légale, mais également d’un ensemble
d’autres disciplines. L’entomologie médico-légale,
l’anthropologie, la bactériologie, l’écologie, etc. sont
autant de méthodes permettant chacune, dans leurs
domaines d’application, d’estimer le moment de la
mort. Toutes ne sont bien entendues pas équivalentes,
et chacune présente ses contraintes et ses avantages
(Beauthier 2007). L’utilisation des insectes pour dater
le décès n’est pertinente que lorsque les techniques de
datation médico-légale deviennent ineffi caces, c’est-
à-dire environ deux jours après le décès (Marchenko
1988). En eff et, durant les premières heures post-
mortem, le développement des insectes sur le cadavre
est insuffi sant pour apporter une datation précise, ou
du moins plus précise que celle réalisée par les médecins
légistes. L’utilisation d’œufs de diptères Calliphoridae
pour estimer un IPM très court peut cependant se
révéler utile et fi able lorsque les prélèvements sont
réalisés immédiatement et conservés à température
strictement contrôlée (Bourel et al. 2003). Passé
ce délai initial de quarante-huit heures, lorsque la
température interne du corps s’est alignée sur la
température extérieure et que les constantes physico-
chimiques de l’organisme sont trop altérées pour servir
de repères, l’étude des insectes présents sur le cadavre
devient la seule solution fi able permettant d’estimer
l’heure du décès (Kashyap & Pillay 1989; Marchenko
1988). Dans son article de référence daté de 1988
et réédité en 2001, Marchenko affi rme ainsi : « Il est
240
D. C
inadmissible de tirer des conclusions quant à l’heure du
décès sur la base du degré de décomposition des tissus ou de
l’état de squelettisation du corps. L’étude entomologique
est la base permettant de résoudre les problèmes suivants :
1/ déterminer à quelle saison un corps est arrivé sur le
site où il a été découvert; 2/ identifi er le moment de la
mort (…); 3/ établir le fait qu’un cadavre a été déplacé
(...)» (Marchenko 1988). En 1990, Haskell et Catts
publièrent un guide à l’intention du personnel présent
sur les scènes de crimes, expliquant les fondements de
l’entomologie médico-légale (Haskell & Catts 1990).
Il fallut cependant attendre encore cinq ans pour
que ce champ d’étude soit ajouté à ceux de la revue
américaine Journal of Forensic Sciences. Actuellement
présente dans la majorité des pays développés ou en
voie de développement, l’entomologie médico-légale
est particulièrement bien implantée aux Etats-Unis, où
son utilisation dans le cadre d’aff aires criminelles est
quasi-systématique (Wyss & Cherix 2006).
Aperçu historique
Le premier cas rapporté d’utilisation des insectes lors
d’une enquête remonterait au 10ème siècle, en Chine.
La présence de mouches sur le crâne aurait permis de
détecter une plaie à l’origine du décès (Benecke 2001).
Le même type de cas est relaté plus de 200 ans plus tard
en Chine également : suite au meurtre d’un homme aux
champs, la présence d’un grand nombre de mouches
sur la faux d’un autre paysan amena l’enquêteur à le
désigner comme étant le meurtrier (Benecke 2001;
Wyss & Cherix 2006). Ces deux exemples, souvent
rapportés, ne concernent cependant qu’une partie
limitée du processus d’expertise entomologique :
l’attraction des mouches par les plaies et la présence
de sang frais.
Le problème de la colonisation de la viande par les
mouches et leurs larves a été étudié en détail en Europe
à partir du 17ème siècle dans le cadre de la controverse
scientifi que sur la génération spontanée. Les premières
expériences de Redi Francisco, datées de 1671,
démontrèrent que les larves observées sur la viande
provenaient de pontes de mouches, et que l’accès des
adultes conditionnait donc le développement ultérieur
de larves. De très nombreuses personnes pensent
aujourd’hui encore que les vers présents sur les cadavres
« sortent » du corps après la mort... Au milieu du 19ème
siècle, des enquêteurs français se mirent à estimer la
durée de présence des insectes sur un corps pour dater
le décès (Benecke 2001). Les bases de la démarche
scientifi que d’expertise étaient posées : identifi cation
des insectes prélevés, détermination de la succession
probable des espèces, déduction de la saison de ponte.
Cette méthodologie fut formalisée par Mégnin à la fi n
de ce même siècle avec la mise en relation de l’état de
décomposition du corps et des préférences nutritives
des diff érentes espèces d’insectes nécrophages (Megnin
1894). Cette méthode fut par la suite baptisée
« méthode des escouades.
Le principe des escouades
Le concept sous-tendant cette théorie est simple :
le biotope « cadavre » évoluant au fur et à mesure de
la décomposition, certains insectes seront attirés très
tôt sur le corps, et d’autres plus tardivement. Mégnin
postula que ces périodes d’attractivité du cadavre
correspondaient à l’émission d’odeurs diff érentes
corrélées à certaines phases de décomposition
(Megnin 1894). Les insectes seraient alors attirés
par certains composés volatils caractéristiques d’une
phase de décomposition adaptée au développement
de leurs larves sur le cadavre (Cragg 1956; Vass 2004 ;
Seenivasagan et al. 2010; Von Hoermann et al. 2011).
Bien que les résultats obtenus par la technique des
électro-antennogrammes couplés à la caractérisation
des composés volatils par spectrométrie de masse
apportent des éléments de réponse, ce postulat reste à
démontrer pour la plupart des espèces (Frederickx et
al. 2011). La notion d’escouades s’imposa malgré tout
dans un premier temps comme une méthode simple
et effi cace de datation de l’IPM. Smith proposa ainsi
dans sa monographie de 1986 une succession de huit
escouades qui resta pendant longtemps la référence
en entomologie médico-légale (Smith 1986).
Cependant, cette vision a depuis été fortement
remise en cause (Wyss & Cherix 2006). La
décomposition étant fortement liée aux caractéristiques
de l’écosystème cadavre, la succession des insectes
est donc très variable (Wells & Lamotte 2001). Elle
dépend des conditions environnementales et de l’état
initial du cadavre, mais d’autres facteurs interviennent
tels que l’action des végétaux, des champignons
ou de mammifères carnivores (Campobasso et al.
2001). Il a ainsi été démontré que les espèces et
ordres de successions pouvaient varier selon la zone
géographique (Avila & Goff 1998; Grassberger &
Frank 2004; Brundage et al. 2011), le type de milieu
(Mac Leod 1957; Smith & Wall 1997; Tomberlin
& Adler 1998; Hwang 2005; Sharanowski et al.
2008, Hwang & Turner 2009) ou encore suivant les
saisons et les années (Martinez-Sanchez et al. 2000;
Cruickshank & Wall 2002; Archer 2003; Schroeder
et al. 2003; Goulson et al. 2005; Voss et al. 2009;
Akotsen-Mensah et al. 2011; Battan &Linhares
2011; Brundage et al. 2011). La dégradation d’un
Insectes nécrophages et entomologie medico-légale
241
cadavre s’avère donc être un processus continu bien
plus qu’une suite d’étapes standardisées (Rodriguez
& Bass 1983 ; Schoenly & Reid 1987 ; Haglund &
Sorg 1997).
En conclusion, la datation d’un cadavre sur la base
de la succession des escouades, bien que parfois effi cace
et bien documentée, est globalement extrêmement
délicate et imprécise, et manque de bases scientifi ques
solides (Erzinçlioglu 1989; Arnaldos et al. 2005 ;
Wyss & Cherix 2006).
Biologie des insectes nécrophages
Classiquement, un cadavre abandonné au début
du printemps dans une zone à climat tempéré se dé-
compose en quelques semaines à quelques mois. Nous
proposons dans les paragraphes qui suivent un aperçu
des espèces les plus fréquemment rencontrées en Eu-
rope centrale, en relation avec les stades de décom-
position du corps (Tab. 1). Il ne s’agit bien entendu
pas d’une liste exhaustive : seules les espèces inféodées
aux cadavres (nécrophages ou prédatrices d’insectes
nécrophages) les plus fréquentes sont indiquées. Mais
Tableau 1. Liste non-exhaustive des insectes nécrophages ou sarco-saprophiles les plus fréquemment observés en France.
Diptères Coleoptères
Calliphoridae Dermestidae
Calliphora vicina (Robineau-Desvoidy 1830) Dermeste undulatus (Brahm 1790)
Calliphora vomitoria (L. 1758) Dermeste lardarius (L. 1758)
Phormia regina (Meigen 1826) Dermeste peruvianus (Laporte de Castelnau 1840)
Protophormia terraenovae (Robineau-Desvoidy 1830) Dermeste frischii (Kugelann 1792)
Chrysomia albiceps (Wiedemann 1818) Dermeste maculatus (De Geer 1774)
Lucilia caesar (L. 1758)
Lucilia sericata (Meigen 1826) Silphidae
Lucilia illustris (Meigen 1826) Acalypea (Blitophaga) opaca (L. 1758)
Acalypea (Blitophaga) undata (Reiter 1884)
Muscidae Phosphuga atrata (L. 1758)
Musca domestica (L. 1758) Silpha carinata (Herbst 1783)
Muscina stabulans (Fallèn 1817) anatophilus rugosus (L. 1758)
Muscina pabulorum (Fallèn 1817) anatophilus sinuatus (Fabricius 1775)
Ophyra capensis (Wiedemann 1818) Nicrophorus humator (Gleditsch 1767)
Ophyra leucostoma (Wiedeman 1818) (=ignava) Nicrophorus vespillo (L. 1758)
Nicrophorus interruptus (Brullé 1832)
Fanniidae Necrodes littoralis (L. 1758)
Fannia canicularis (L. 1761)
Fannia manicata (Meigen 1826) Histeridae
Fannia scalaris (Fabricius 1794) Hister spp.
Saprinus spp.
Sarcophagidae
Sarcophaga carnaria (L. 1758) Staphylinidae
Liopygia argyrostoma (Robineau-Desvoidy 1830) Philontus spp.
Sarcophaga spp. Creophilus maxilosus (L. 1758)
Piophilidae [xxx something missing here]
Piophila casei (L. 1758) Necrobia violacea (L. 1758)
Piophila nigriceps (Macquart 1851) Necrobia rufi pes (De Geer 1775)
Piophila vulgaris (Fallen 1820) Necrobia rufi
colis (Fabricius 1775)
Piophila varipes (Meigen 1830)
Phoridae
Conicera tibialis (Schmitz 1925)
Phora spp.
Megaselia spp.
242
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de nombreuses autres espèces sont ponctuellement as-
sociées à ces écosystèmes, et notamment des femelles
adultes de Diptères non-nécrophages, à la recherches
des apports protéiques nécessaires à la vitellogénèse
(Adair & Kondratieff 2006 ; Anton et al. 2011; Dekei-
rsschieter et al. 2011).
Si les conditions climatiques sont favorables,
les Diptères Calliphoridae colonisent un corps très
rapidement après la mort, alors qu’aucune odeur n’est
encore perceptible par l’odorat humain. Ces espèces ont
en eff et un système olfactif particulièrement développé
qui leur permet de détecter la présence d’un corps à très
grande distance (Braack 1987a; Kelling et al. 2003).
Parmi ces espèces pionnières, on trouve majoritairement
des Diptères Calliphoridae (Rognes 1997; Khoobdel &
Davari 2011). Après quelques jours, la décomposition
microbienne du corps est en pleine activité : les
symbiotes du tube digestif commencent à altérer le
cadavre de l’intérieur tandis que des champignons se
développent en surface. Les larves de Calliphoridae
sont maintenant et sont capables de s’attaquer à des
tissus plus résistants, notamment les muscles. Elles
participent de ce fait activement à la dégradation des
tissus en les fragmentant et en les consommant. On
observe également des adultes et des larves de Diptères
Muscidae, Faniidae et Sarcophagidae. Plus tardive, la
phase de dégradation des graisses dégage des acides gras
volatils tels que l’acide butyrique. Il est alors fréquent
d’observer des Coléoptères Dermestidae, dont les larves
s’attaquent également aux denrées alimentaires stockées
(viandes et poissons séchés). Ils sont fréquemment
observés en abondance dans le cas de corps découverts
en intérieur, où la présence de très nombreux individus
de tous stades, associée à une abondance de mues et de
déjections, indique souvent la succession de plusieurs
générations sur le corps (Schroeder et al. 2002). Dans
de tels cas, la squelettisation peut être très rapide, les
dermestes consommant sans diffi culté la peau et les
tissus secs (Woodroff e & Coombs 1979). On observe
parfois également sur les tissus adipeux décomposés
des petits Lépidoptères du genre Aglossa. Les chenilles
se nourrissent des tissus graisseux décomposés, puis
se métamorphosent. Elles laissent peu de traces
identifi ables de leur passage et sont trop peu fréquentes
pour être réellement utiles dans le cadre de datations.
La dégradation des matières protéiques du corps
est souvent l’occasion d’observer une entomofaune
typique, également rencontrée sur certains fromages.
Parmi celle-ci, on remarque la présence très fréquente de
petits Diptères appartenant au genre Piophila (Daniel
2011). Les larves des Piophilidae sont reconnaissables
à leur capacité à « sauter » : elles s’arc-boutent en fi xant
leurs crochets buccaux à leur extrémité postérieure,
tendent leurs muscles puis lâchent brusquement. Ce
mécanisme de défense permet aux asticots de se projeter
à plus d’un mètre... et peut causer de désagréables
surprises au médecin légiste ou à un entomologiste
non-averti.
Lorsque la décomposition s’achève, le milieu
devient relativement pauvre d’un point de vue nutritif
et extrêmement acide. Les insectes qu’on y trouve
sont majoritairement sarco-saprophiles, c’est à dire au
moins partiellement prédateurs. C’est notamment le
cas des Diptères du genre Ophyra (Chin et al. 2009).
Les Diptères Phoridae sont également très fréquents :
il s’agit d’espèces de très petite taille, et dont la
détermination est complexe. Leur morphologie leur
permet de s’immiscer jusque dans les cercueils, où
elles peuvent pulluler et se reproduire durant plusieurs
générations (Bourel et al. 2004). Ces espèces ont
cependant été relativement peu étudiées et sont de fait
rarement exploitées pour dater le décès. Les derniers
insectes à exploiter le cadavre sont généralement des
Coléoptères Dermestidae ou Tenebrionidae. Ils fi nissent
de consommer la peau et les tissus desséchés, ne laissant
derrière eux que des os (Bourel et al. 2001).
Tout au long de la décomposition, on peut enfi n
noter la présence de coléoptères sarco-saprophiles
appartenant aux genres Necrophorus, Necrodes,
anatophilus et Silpha, ainsi que Saprinus et Hister.
Bien que très communes, ces espèces sont généralement
peu informatives quand a la datation du décès, et ont
été assez peu étudiées (Halff ter et al. 2007; Midgley
& Villet 2009; Ozdemir & Sert 2009; Velasquez &
Viloria 2009 ; Ikeda et al. 2010; Dekeirsschieter
et al. 2011; Bugajski et al. 2011; Matuszewski
2011, 2012). De fait, l’entomologie médico-légale
exploite principalement la présence de Diptères, et
principalement des Calliphoridae.
Développement des larves de Diptères
nécrophages
Les diptères Calliphoridae ont un cycle de
développement holométabole : la femelle pond une
grappe d’environ 200 œufs qui, à l’éclosion, vont
donner des larves de premier stade (Wall 1993). Bien
que le sujet fasse encore débat, il semblerait que les
Calliphoridae ne pondent que durant la journée, ou
en présence de lumière (Greenberg 1990a; Tessmer
et al. 1995; Singh & Bharti 2001; Wooldridge et
al. 2007; Amendt et al. 2008). La température de
l’environnement et du substrat semble également être
un paramètre déterminant pour le déclenchement
de la ponte. Le seuil de température permettant
l’oviposition apparaît ainsi comme étant nettement
Insectes nécrophages et entomologie medico-légale
243
supérieur (jusqu’à 7 °C d’écart) à celui permettant
le déclenchement du vol (Hedouin et al. 1996). De
plus, la présence d’autres œufs, de larves ou d’individus
adultes accroît la probabilité de ponte en agissant
comme un signal attractif pour les femelles gravides
(Barton Browne 1960; Ashworth & Wall 1994).
Après s’être alimentés, les asticots vont s’éloigner du
corps pour s’empuper et se transformer en nymphes.
Le temps passé aux stades prépupe (larve migratrice)
et pupe (nymphe) peut représenter jusqu’à 75% de
la durée de développement totale (Greenberg 1990b,
1991). Cette stratégie minimisant le temps passé
sur le cadavre, observée chez la plupart des diptères
nécrophages, semble être une réponse évolutive à
l’instabilité de ce biotope éphémère (Greenberg
1990b; Archer & Elgar 2003). Cependant, certaines
espèces, notamment Phormia regina (Meigen 1826) et
Protophormia terraenovae (Robineau-Desvoidy 1830),
ne migrent pas au stade prépupe et se métamorphosent
donc sur place. On observe également que le cycle
stéréotypique décrit précédemment n’est pas toujours
respecté. Chez certaines espèces de Sarcophagidae
et de Calliphoridae, les œufs sont retenus dans les
voies génitales de la femelle après fécondation et
jusqu’à l’éclosion des larves de premier stade, qui
seront directement déposées sur leur source de
nourriture (larviposition) (Fabre 1923; Shewell 1987;
Erzinçlioglu 1990,1996; Singh & Bharti 2008; Cook
& Dadour 2011).
De nombreuses études se sont intéressées
aux aspects écologiques liés à la colonisation des
cadavres. Il s’agit d’une ressource alimentaire par
nature éphémère et imprévisible, nécessitant donc
des stratégies de colonisation et de développement
particulières (Woodcock et al. 2002). La compétition
y apparaît comme étant le principal facteur limitant
les populations de larves, principalement dans le cas
de cadavres de petite taille (Putman 1977; Smith &
Wall 1997 ; Godoy et al. 1996). Ainsi, dans une étude
sur la structuration des communautés de diptères
nécrophages, Kuusela et Hanski notent que la quantité
de femelles attirées par un cadavre de petite ou de grande
taille est sensiblement identique (Kuusela & Hanski
1982). En revanche, il existe une corrélation entre la
masse du cadavre et le nombre moyen d’individus qui
en émergent. Durant leur stade larvaire, les diptères
Calliphoridae expriment un grégarisme marqué. Ce
comportement se traduit par la formation de masses
de larves allant de quelques dizaines à quelques
millions d’individus. Au sein de ces masses, chaque
individu cherche à absorber le maximum de nourriture
possible en un minimum de temps (De Jong 1976;
Godoy et al. 1996; Dos Reis et al. 1999). Il en résulte
une « bousculade permanente » conduisant certains
individus à manquer de nourriture et à mourir. Dans
une étude de 1982, Kuusela démontre un eff et négatif
de la compétition sur la vitesse de développement des
larves de Lucilia illustris (Meigen 1826) (Kuusela &
Hanski 1982). Une étude plus détaillée réalisée en
1995 et portant sur quatre espèces du genre Lucilia
conclut également à un eff et négatif densité-dépendant
de la concentration de larves sur le taux de survie
des individus, leur taille et la fécondité des femelles
(Prinkkila & Hanski 1995). A l’inverse, l’augmentation
de la vitesse de développement à forte densité a été
décrite chez Calliphora vicina (Robineau-Desvoidy
1830), Calliphora vomitoria (L. 1758) et Chrysomya
spp. (Goodbrod & Goff 1990; Saunders & Bee 1995;
Ireland 2006). Les protocoles expérimentaux variant
énormément entre les études, il est délicat de comparer
entre eux les résultats. Il ressort globalement que la
probabilité de survie d’un individu décroît rapidement
lorsque le nombre de larves par gramme de substrat
devient trop importante, mais qu’un phénomène de
facilitation (augmentation de la probabilité de survie
avec la quantité de larves) peut apparaître pour des
concentrations intermédiaires (Baxter & Morisson
1983; Moe et al. 2002; Ireland 2006).
De plus, tous les tissus n’ont pas la même valeur
nutritive pour les larves. Des résultats expérimentaux
chez Calliphora vicina indiquent une durée de
développement des larves nourries avec du cerveau, du
cœur, du poumon ou des reins de porc inférieure de
deux jours à celles placées sur du foie (Kaneshrajah &
Turner 2004). Le même type de résultat a été obtenu
avec des larves de Calliphora augur (Fabricius 1775) et
Lucilia cuprina (Wiedemann 1830) (Day & Wallman
2006). Enfi n, la comparaison de substrats de diff érentes
origines animales indique un développement plus
rapide sur la viande de porc que sur celle de bœuf (Clark
et al. 2006). On observe enfi n que les diff érences de
valeur nutritive entre substrats sont amplifi ées en cas
de surpopulation et donc de compétition pour l’accès
à la nourriture. Ce phénomène est par exemple visible
chez Chrysomya albiceps (Wiedemann 1819), espèce
relativement commune dans le sud de la France et dont
les larves de stade II et III sont prédatrices de larves
de diptères Calliphoridae, prédation particulièrement
développée lorsque la nourriture vient à manquer
(Faria et al. 2004). Dans l’ensemble, ces conclusions
indiquent un rôle majeur de la compétition en tant
que paramètre contrôlant les populations de diptères
nécrophages.
Une fois les œufs (ou les larves) déposés sur le corps,
la durée du développement dépend de la température.
Plus il fait chaud, plus le développement est rapide,
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