Dépistage des troubles visuels et auditifs chez l`enfant. Application

Santé publique
2008,volume 20,3,pp. 259-268
ÉTUDES
Correspondance:
S.Fanello
Réception :
18/10/2007
Acceptation :
03/03/2008
Dépistage des troubles visuelsetauditifs
chezl’enfant.
Application desrecommandations
chezlesdecinsgénéralistes
duMaine-et-Loire
Screening for sensory defects in infants:the application
of recommendationsbyGPsin the Maine-et-LoireRegion
Aurélie Colineau-Méneau(1),Marie-AnnickNeveur (2),Alain Beucher(3),
HikomboHitoto(1),Carole Dagorne (1),JacquesDubin (4),Serge Fanello (1)
(1) DépartementUniversitairedeSantéPublique – UFR Médecine – 49045 Angers 01.
(2)Médecin généraliste - Chargée d’enseignementàl’UFR decine dAngers – 49045 Angers.
(3)CAMSP: Centredaction médico-social précoce. CHU Angers – 49933 Angers cedex 09.
Résu:Dépisterprécocementles troubles visuelsetauditifschezle nourrisson permet une
meilleure prise en charge trapeutique. Cerôle est en grande partie dévoluaux decins
généralistesetobligatoireslors desexamensdesantédu9 eetdu 24emois.Nous avons
réaliséune enquête prospectiveauprèsde l’ensemble desdecinsgénéralistesdun
départementfrançais, afin deconnaître leurs habitudespratiquescliniquesen matrede
dépistage des troubles sensoriels.Letaux deréponsesde 49 % apermisd’exploiter
321 questionnaires.Nous constatonsque l’examen cliniquen’est pas systématique etqu’il est
principalementeffectué lors desexamensdes4e ,9eet 24emoisouen casdedoute parental.
Si les signesdalertesont, dansleur ensemble, bien connus desdecinsgénéralistes,les
facteurs derisquesontrechercsde fon incomplète. L’examen cliniquerestesommaire
aveclaréalisation desprincipaux réflexespour l’appareil visuel,mais une recherche
supercielle du strabisme oude l’amblyopie. Ledépistage auditif est réalisé principalement
aveclavoixoule claquementdesmains, bien quedeux tiers d’entre eux possèdentdesjouets
calibrés.Lâge minimumde prise en charge est malconnudespraticiensetcelapeut être
préjudiciable àla bonne prise en charge desdéficits sensoriels.Le nouveaucarnetdesanté
devraitpermettreundépistage plus pertinentdes troubles sensorielschezle nourrisson :une
plus large diffusion desinformationsetdesconduitesàtenirest cessaire.
Mots-cs:
Dépistage - déficits sensoriels- nourrissons.
Summary:
Earlydetection of sightproblemsandhearing difficultiesin babiesfacilitates
bettermanagementof treatmentbydoctors who take care of them. This role ismainlyplayed
bygeneral practitioners who conductobligatory post-natal examinationsat9and24 months.
Asurvey wascarriedout viaquestionnairesent toall of the general practitioners from a
Frenchdepartmentin order todiscovermoreabout theirdailyclinical practiceregarding the
detection of sensory defects.Twenty nine percent(n = 321) of them answeredthe survey.We
observethat the clinical examination isnot systematic, andthatitismainlycarriedout when
babiesare 4,9and24 monthsoldor upon the parentsrequest.Although clinicalsymptoms
are for the most part well-knownbygeneral practitioners,signsof risk factors which mightbe
presentare not thoroughlyexamined.The clinical examination remainsgeneralwitha broad
overviewbychecking of the main visualreflexes, but with onlyasuperficial examination of
the strabismus and amblyopia.The hearing examination ismainlycarriedout withthe use of
voice orhand clapping, although twothirdsof them havetoolsforgauging at theirdisposal.
The minimumage requiredfor treating eyetrouble andhearing difficultiesisnot well known
bypractitioners andthe ignorance of thatfactcandelay the implementation of agood care
plan. The newhealthandmedicalrecordsystem shouldenable practitioners to more
accuratelydetect sensory disorders in babies.Betterdissemination of information and
treatmentoption recommendationsisneeded.
Keywords:
Detection - sensory defects -children.
(4) Pôle des scialitésetdesneurosciencesservicedORLCHU Angers – 49933 Angers cedex 09.
A.COLINEAU-MÉNEAU, M.-A.NEVEUR, A.BEUCHER etal.
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Introduction
Toute entraveàlamise en placede lavision oude l’audition auraune
répercussion sur le développementharmonieux de l’enfant,etnotamment
entre0et 24 moispour l’élaboration dulangage, de la communication et
dudéveloppementpsychomoteur.Pour réduire lesconséquencesdetels
handicaps,il faut donc dépister trèsprécocement tout déficitafin
d’orienterle nourrisson et safamille rapidement vers une prise en charge
multidisciplinaire. Au sein du système desanté,le médecin généralistea
unrôle importantdansle suividecesenfants.Il paraîtdoncindispensable
qu’il soit sensibiliséaux problèmesdedéficiences sensorielles.En effet,
lesdecins rencontrentparfoisdesdifficultésàremplircorrectementles
itemsconcernantlesdépistages sensorielsdansle carnetdesanté. Confié
àlafamille àlanaissancede leur enfant,le carnetdesanté est un outil
précieux danslequel sera consigné tout le suivi médicaldunouveau-né
jusquàl’âge adulte. Documentlégal,il leur appartientde le remplir
correctement selon laloi du15/07/1970 [9].Troisexamensdoiventfaire
l’objetdune attention particulièreavecl’établissementduncertificatde
santéscifiqueau8ejour,9eet 24emois.Le modèle d’imprimé etle
contenuducertificatdesantésontfixéspararrêté ministériel. Celuidu
2mars 1995 aprévu l’inscription des troublesde l’audition etde lavue
danslarubrique « affectionsactuelles»[3].LAgenceNationale
dAccréditation etdÉvaluation en Santéaédité,en 2002, des
recommandationsdebonne pratique pour undépistage précocedes
troubles visuelsde l’enfant[1].En pratiquecourante,larecherche des
performances visuellesetauditivesdevraitfaire partie de l’examen
systématiquedunourrisson aumême titre que lapesée oule bilandes
acquisitionsmotricesMaisnous savons tous qu’il restedesefforts à
accompliren matrededépistage des troubles sensorielspour obtenir
encoreunabaissementde l’âge de prise en charge.
Qu’en est-il de l’investissementdesdecinsgénéralistespour ce
dépistage ? Disposent-ilsdetests cliniquesadéquats, de matériel etde
temps… pour réalisercorrectementcesexamensen cabinet?
Notretravail a donc consisté en une évaluation dudépistage actuel des
troubles visuelsetauditifschezle nourrisson,en cabinetde médecine géné-
rale. Pour cela, une enquêteaété menée auprèsdesdecinsgénéralistes
duMaine-et-Loire permettantd’explorerleurs habitudespratiques,leurs
connaissances,leurs aviset souhaits sur laquestion àl’aidedes références
connues[1,2].
Méthodologie
L’enquêteaétéréalisée auprèsde l’ensemble desdecinsgénéralistes
duMaine-et-Loire. La Direction Régionale desAffairesSanitairesetSociales
arecensé678 médecinsgénéralistes.
Le questionnaire,réaliséavecl’aidedudépartementde médecine générale
et validéauprèsde 10decinsgénéralistesenseignants, a étéacheminé
auprèsdes 678 médecinspar voie postale avecenveloppe deretour,sans
relance en raison de l’anonymat,etavecundélaidedeux moispour la
réponse.
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Ilcomportait 29 itemsetpermettaitd’explorer:
–lescaractéristiques socialesde praticiens(âge,sexe etlieud’exercice) ;
–lespratiquescliniqueshabituellesdespraticiensen matrede
dépistage des troubles visuelsetauditifsdunourrisson ;
–leurs connaissances,leur avis sur leur formation initiale etcontinue en
cedomaine ;
–letempsdontilsdisposaientaucours dune consultation pédiatrique
pour réalisercedépistage.
Lesdonnéesontétésaisiesetanalysées sur logiciel Epi Info 2003 parle
département universitairedesanté publique.
Résultats
L’enquêtes’est déroulée de janvieràvrier 2006 etle taux deréponsesa
étéde 57%. Sur les 385 réponsesobtenues,321 ontété exploitables(soit
47%). Lescaractéristiquesde lapopulation desdecins répondants sont
reportéesdansle tableauI.On ne retrouvaitaucune différencesignificative
entre lapopulation enquêtée etlapopulation médicale dudépartementselon
le sexe,l’âge etle lieud’exercice. Leshommes représentaient 72 %de la
population,l’âge moyen étaitde 47,5 +/7ansetl’exerciceurbain était
prédominant(67 %).
Ledépistage des troubles visuels
Onconstataitque66 %desdecinsaffirmaient rechercherlesfacteurs
derisquesliésaux troubles visuels,lesprincipaux facteurs rechercs
figurentdansle tableauII.
Ence quiconcernaitlesantécédents familiaux, cesderniers correspondaient
àl’ensemble des troublesde laréfraction présentésdanslafamille,le
strabisme etles syndromespoly-malformatifsfamiliaux.Lesaffections
pendantlagrossesseconcernaientlesinfectionsmaterno-fœtales(rubéole/
toxoplasmose) ; sous le terme desouffrancesrinatales,étaient regroupées
lesinfectionsnéonatales,l’hypoxie néonatale,le séjour en réanimation néo-
natale,les retardsdecroissance intra-utérine et toutesles souffrancestales
liéesàl’accouchement ; laprématuritéuniquementénoncée sous ceterme.
Concernantle dépistage cliniquedes troubles visuels,79 % desdecins
interrogeaientlesfamilles sur leurs impressionsconcernantlavuede leur
TableauI : Comparaisonsdescaractéristiques socialesde lapopulation desdecins
généralistes répondantversus lapopulation médicale dudépartement.
Population enquêtée Population totale*Significativité
Effectif total (n)
321678
Age moyen (n) 47,549,1ns
Femmes(%) 28,127,0ns
Hommes(%) 71,973,0ns
Exercicerural (%) 32,823,0ns
Exerciceurbain (%) 67,277,0ns
* DonnéesduConseil départementalde l’OrdredesdecinsduMaine-et-Loire.
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enfant.La réalisation de l’examen visuel dunourrisson aucabinetétait
systématique pour 76 %d’entre eux ; elle étaitcependant variable selon les
circonstances: allantde76 % lors desexamensobligatoires(4e ,9 e ,
24 emois)à66 % en casdedoutesémisparlesparents pour chuterà51 %
lors desexamensmensuelsetne plus être pratiqué que par 27 %d’entre eux
àlanaissance. Quantaux 77 decinsqui ne pratiquaientpascedépistage,
les raisonsévoquéesétaientles suivantes:
–manqued’outilsdedépistage 20 %;
–manquedeconnaissances19 % ;
–manquedetemps 7 %;
–pasle rôle dudecin généraliste pour 2,5 % d’entre eux.
Lesprincipaux signesdalerteretenus parlesdecinspour suspecter une
éventuelle atteintevisuelle étaient:
–lesanomaliesdu regard citées 213fois(66 %) devant unregardfixe,un
regardfuyant, absencedesuivide lare, dun objetoude lalumière,
le regardn’accrochantpas;
–lestrabisme (31 %) ;
–les troublesdudéveloppementpsychomoteur (17%) avecl’absencede
sourire,le défaut deréponseàlapréhension dun objet,leschutes
itératives,les troublesducomportement,le torticolisoul’hyperactivité
tactile… ;
–le nystagmus (8 %) etl’aspectanatomiqueanormalde l’œil (9 %)
dénommé comme yeux rouges, anomaliesdespaupières, absencede
clignementdespaupières,exophtalmie,larmoiementoufrottementdes
yeux… enfin le doute parentalcomme signe dalerte (3%).
Le matériel utilisé pour le dépistage visuel (310 réponses)consistaiten :
un jouetcoloré (69 %) ;
une source lumineuse( Sensory BabyTest) pour 88,1 % desdecins;
une pairede lunettesàsecteurs (8 %).
Lesdifférents tests utilisésen pratiquecourante parlesdecins
(311 réponses) figurentdansle tableauIII.
Une majoritéde médecins(86%) estimaientleur formation insuffisante en
matrededépistage des troubles visuelset88 % souhaitaient une formation
complémentaire. Les supports dagogiquesévoquésétaient:
–laformation médicale continue 58 % ;
–les revuesdicales10%;
TableauII : Principaux facteurs derisquerechercspour le dépistage des troubles visuelset
auditifsparlapopulation desdecinsgénéralistes répondants (en pourcentage dunombre
dedossiers exploitables).
Fréquence%
Troubles visuelsTroublesauditifs
Antécédents familiaux 57,653
Affectionspendantlagrossesse9,718,1
Souffrancesrinatales5,96,6
Prématurité8,47,5
Antécédents ORL de l’enfant–9,7
DÉPISTAGE DES TROUBLES VISUELS ET AUDITIFS CHEZ LENFANT 263
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–l’outil multimédia5 % ;
–lajournée pédiatriquedépartementale 2%.
Le nombred’enfants suivispour troubles visuelsparle praticien
généraliste (316 réponses),figuredansle tableauIV ;c’est ainsi que 84 %
despraticiens suivaientaumoins un enfantatteintdetrouble visuel,56%
étaientàl’origine dundiagnostic.Lâge minimal,estimé parle praticien, de
prise en charge trapeutique,figuredansle tableauV.
TableauIII : Différents tests habituellement utilisésparlapopulation desdecins
généralistes répondants lors dudépistage des troubles visuelschezle nourrisson (en valeur
absolue eten pourcentage dunombrededossiers exploitables).
Tests n%
Recherche du réflexe photo moteur 21669,2
Recherche dumouvementde fixation 24779,4
Recherche dumouvementde poursuite30497,4
Étudede lasytrie du refletpupillaire227 72,8
Test dedéfenseàl’occlusion 123 39,7
Test deslunettesàsecteurs duDrBadoche 23 7,4
Étudede lalueur pupillaire6821,9
TableauIV : Nombred’enfants suivispour trouble visuel et trouble auditif parle médecin
généraliste (en valeur absolue eten pourcentage dunombrededossiers exploitables).
Nombre denfants suivisPrésentant untrouble visuel Présentant untrouble auditif
n%n%
De1à4 enfants 114 42,9211 78,4
De5à9 enfants 22 8,331,1
De 10etplus 51 19,251,9
Praticiensne pouvantestimerce nombre7829,35018,6
TableauV : Estimation parle médecin généralistede l’âge minimalde prise en charge
trapeutique (en valeur absolue eten pourcentage dunombrededossiers exploitables).
AgesDevant
untrouble visuel Devant
untrouble auditif
Age minimal estimé de prise en charge trapeutique
d’untrouble visuel ouauditif n%n%
De0à5 mois4214,215 5,6
De6à11 mois122 41,24315,9
De 12moisàplus 10535,5 8330,7
Praticiensne sachantpas répondre20 6,8119 44,1
Age correspondantàl’âge dudiagnostic72,4103,7
1 / 10 100%

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