Gabon Il ne faut pas banaliser la vie chère

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COMMUNIQUE DE PRESSE
Libreville, le 27 juillet 2012
Face à la banalisation de la vie chère au Gabon par le Premier ministre
Dans son discours de politique générale, le Premier Ministre affirmait en réponse aux
interrogations des députés relatives à la rareté et au coût des denrées alimentaires que
les israéliens viendraient produire des légumes au Gabon. A l’occasion de la tournée
d’eux--mêmes quand la
interprovinciale en cours, il décale Mouila: « Les prix baisseront d’eux
production du Gabon le permettra… Il nous est impossible de bloquer les prix ». Etait-ce
un discours d’homme d’affaires, ou un discours de chef du gouvernement réellement
engagé à protéger le contribuable consommateur et défendre le pouvoir d’achat des
ménages (mission régalienne de tout Etat républicain).
Cette assertion, copie-collée de la théorie libérale de l’« autorégulation des marchés par
l’équilibre entre l’offre et la demande » n’a plus cours au 21ème siècle. Les
gouvernements réputés libéraux n’hésitent plus à mettre en œuvre des mécanismes de
régulation susceptibles d’impacter positivement sur les marchés. L’agriculture,
l’industrie, et même les banques privées bénéficient ainsi de subventions substantielles
aux Etats-Unis et en Europe du nord. Le gouvernement devrait de ce fait distinguer les
causes conjoncturelles des causes structurelles des hausses de prix et adopter des
mesures idoines qui ne se limitent aucunement aux ajustements tarifaires dont nous
sommes coutumiers au Gabon.
De fait, nul n’est besoin de s’attarder sur les causes exogènes essentiellement liées à la
«voracité financière » de la finance internationale. Nous rappelons simplement au
Premier ministre que les solutions contre la cherté de la vie se trouvent dans le
contexte actuel de la structure économique du Gabon. C’est pourquoi, après sa
déclaration, nous demandons des réponses à ces quelques questions :
1. Ancien ministre de l’agriculture, peut-il dire aux gabonais où en est le plan
d’urgence du développement agricole ou de sécurité alimentaire du Gabon qu’il
annonçait le 25 juillet 2010?
2. Lorsque le Gabon dépense plus de 270 milliards de FCFA chaque année dans
l’importation de produits alimentaires, ce qui correspond à plus de 80% des
besoins de notre marché, en combien de temps pouvons-nous espérer équilibrer
l’offre et la demande pour soulager les ménages ?
3. Le principe du libéralisme est-il incompatible avec la nécessité d’encadrer les
interactions, les échanges entre les membres de la société ? Dans ce cas, comment
se propose-t-il de coordonner les actions des agents économiques ?
4. Quel système de coordination choisit-il pour les acteurs économiques que nous
sommes ?
5. Peut-il aujourd’hui soutenir que le Gabon ne devient pas un champ
d’expérimentation « d’économies informelles et criminelles » décrites par Oskar
LANGE,
LANGE l’inventeur du socialisme de marché, depuis 1938? Un regard sur le racket
organisé des importateurs, des distributeurs, des détaillants, sur la marginalisation
des paysans et le pillage de ressources halieutiques accentue le dépit du
consommateur qui supporte la facture de cette « faillite organisée » de notre
structure économique.
Depuis 2003, le dialogue social a permis d’identifier une centaine de produits de
consommation courante dont les prix devaient être réglementés. Hélas, cette démarche
a connu le triste sort de la forte propension du mouvement syndical à la
compromission. Si non, comment comprendre que ces corps sociaux intermédiaires
fortement représentés au sein des commissions de suivi de « la trêve sociale » conclue
avec le gouvernement aient privilégié des primes par catégories socioprofessionnelles
au détriment d’une solution globale profitable à l’ensemble des ménages. Ignoraient-ils
qu’un marché étriqué comme celui du Gabon devient plus vulnérable lorsque la
proportion souvent majoritaire des faibles revenus subit (par effet d’entrainement) la
tendance inflationniste occasionnée par cette situation ? Ou, doit-on simplement
considérer qu’ils étaient de connivence avec le gouvernement de l’époque pour tourner
en dérision l’ensemble des ménages, réduits à « toucher leur salaire »?
En dépit de ce saupoudrage, depuis 2007, les ménages assistent impuissants à une
érosion sans précédent de leur pouvoir d’achat. Les statistiques officielles de la DGE
révèlent que les gabonais consacrent 96% de leur revenu à la consommation. Ceci a
pour conséquences :
- Le recul de l’accès, pour une frange importante de la population, aux biens et
services essentiels dont la satisfaction a valeur de droit universellement reconnu
au consommateur par les Nations Unies depuis 1985 (nourriture adéquate,
vêtements, logement, soins de santé, éducation, services publics, eau et
hygiène);
- L’exclusion financière, le malendettement et le surendettement des ménages :
Faute d’accès aux services financiers conventionnels, la ruse s’est invitée dans le
crédit à la consommation par le foisonnement d’établissements informels et la
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banalisation de pratiques hors la loi de la micro finance ; ce phénomène touche
une frange importante des agents de l’Etat et des personne à revenu modeste ;
- La malbouffe et la recrudescence des maladies telles l’accident cardio-vasculaire,
le diabète, l’hypertension artérielle : La faible capacité financière et le déficit de
surveillance des marchés contraignent les populations au suicide par la
consommation de produits impropres. Le volume de produits impropres à la
consommation ou dangereux saisis ces dernières années n’est que l’infime partie
de ce qui inonde nos marchés.
En tant qu’acteurs économiques incontournables et citoyenscitoyens-contribuables, les
consommateurs du Gabon exigent le juste prix, la qualité et des échanges éthiques sur un
marché où les règles sont transparentes, dans l’intérêt bien compris de tous les acteurs
économiques.
Le Président de SOS Consommateurs
Christian R. ABIAGHE NGOMO
Notes aux rédactions
I. Création de 5 zones agricoles pour la sécurité alimentaire au Gabon
Le Ministre de l'Agriculture, de l'Elevage et du Développement rural, Raymond Ndong Sima, a annoncé
l'ensemble
nsemble du territoire national, destinées à
le 25 juillet la création de 5 grandes zones agricoles sur l'e
assurer l'autosuffisance alimentaire du pays.
Le Ministre de l'Agriculture, de l'Elevage et du Développement rural, Raymond Ndong Sima, a annoncé
le 25 juillet la création de 5 grandes zones agricoles sur l'ensemble du territoire national, destinées à
assurer l'autosuffisance alimentaire du pays.
Cette décision, qui s'inscrit dans le cadre de la réalisation du programme de sécurité alimentaire, vise
à « tourner la page des cultures de rente » grâce à de nouvelles techniques de production qui
permettront d'augmenter le rendement, et au développement d'une agriculture de compétition. « Le
gouvernement gabonais peut compter sur des partenaires tels que le Brésil, la Chine, Israël, le Maroc
qui disposent d'une expérience avérée et peuvent soutenir la nouvelle approche agricole du pays », a
assuré le Ministre Raymond Ndong Sima.
La nouvelle carte agricole, élaborée en se basant sur les similitudes forêt / savane et les points
communs entre chaque province, classe l'Estuaire dans une zone à part entière. Les 4 autres zones
correspondent au Moyen-Ogooué / Ogooué-Maritime ; à la Ngounié / Nyanga, au Woleu-Ntem /
Ogooué-Ivindo et l'Ogooué-Lolo / Haut-Ogooué.
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Cette véritable révolution verte sera accompagnée de mesures en faveur des opérateurs économiques.
Le ministère de l'Agriculture, qui dispose d'un budget de 34 milliards de francs CFA destiné aux
investissements, a notamment débloqué 900 millions de francs CFA pour la création d'un fonds de
garantie pour les exploitants agricoles. Une politique foncière spécifique sera également mise en
place, et la formation pour le secteur agricole sera renforcée.
« Nous devons bâtir une agriculture, une pêche et une aquaculture modernes, garantissant notre
sécurité alimentaire », expliquait le Président Ali Bongo Ondimba dans l'axe 5 son projet de société,
l'Avenir en Confiance. Assurément, le développement et la modernisation de l'agriculture sont des
enjeux majeurs du pilier économique Gabon Vert.
II. Les systèmes économiques
Toute société est amenée à s'interroger sur le choix de ses règles de fonctionnement ou
d'organisation.
Trois niveaux de choix et d'organisation peuvent être distingués :
1/ Le niveau politique : quel projet de société ? Quel processus de décision collective ? Quelle
place accorder aux individus ? C'est ici la question du choix d'un système politique.
politique
2/ Le niveau économique : quels principes d'organisation pour produire la valeur ajoutée ? Qui
doit être propriétaire des moyens de production ? Comment éviter les déséquilibres
économiques ? Comment répartir la richesse créée ? C'est ici la question du choix d'un système
économique.
économique
3/ Le niveau instrumental : comment encadrer les interactions, les échanges entre les membres
de la société ? Comment coordonner les actions des agents économiques ? C'est ici la question du
choix d'un système de coordination.
coordination
Les notions de libéralisme et de socialisme renvoient au deux premier niveaux. Cependant, il faut
faire une distinction entre la sphère politique et la sphère économique. Les notions d'économie
de marché, économie planifiée renvoient, quant à elles, au dernier niveau. Remarque : on
n'abordera pas ici les autres visions d'organisation politique comme l'anarchie, la dictature...
a) Libéralisme et socialisme politiques
Le libéralisme politique repose sur le principe de libre choix des individus et la garantie des
libertés fondamentales d'opinion, d'expression, de réunion... Le socialisme politique vise à une
société égalitaire où l'intérêt général prime sur les intérêts particuliers.
Libéralisme (né avec le siècle des Lumières) et socialisme (né en réaction au 19ème s.) ne sont
que les prolongements modernes d'un débat ancien sur l'organisation des sociétés humaines,
vieux de plus de 2000 ans. Il faut en effet revenir aux philosophes grecs antiques, dans le contexte
de la fondation des Cités grecques, et à la célèbre controverse entre Platon et Aristote.
• Pour Platon, c'est la société dans son ensemble qui prime (le bien commun) et non l'individu. Il
s'agit de construire une société et une vie sociale harmonieuses. Or, il peut y avoir opposition,
conflit entre les intérêts privés et l'intérêt collectif. Il faut alors une autorité supérieure qui veille à
ce que les intérêts individuels ne nuisent pas à l'intérêt ou au bienbien-être général.
général L'Etat devient tout
désigné pour jouer ce rôle de régulateur et sauvegarder la cohésion de la communauté. Il doit
veiller à une bonne division sociale du travail (répartition des rôles entre agriculteurs, soldats,
politiques...) et l'économie est au service de tous. La construction de la société idéale est un acte
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volontariste, donc avant tout politique. L'économie n'est pas une fin en soi mais un moyen de
réaliser la société idéale.
• Pour Aristote, il existe un ordre naturel harmonieux dans la Nature, qu'elle soit physique ou
sociale. Cet ordre naturel (cette harmonie) ne doit surtout pas être modifié, notamment par
l'autorité politique : c'est le fondement du principe de non intervention de toute autorité dans la
vie sociale et économique. Cela est d'autant plus justifié que l'individu, doté d'une raison, d'une
autonomie de décision et d'action, est l'élément moteur d'une société. L'objectif de l'homme est la
recherche de son propre bonheur et non pas la recherche d'une vie sociale harmonieuse. Cette
recherche du bonheur passe par en particulier par l'échange. Au final, la poursuite des intérêts
individuels aboutit à un ordre spontané, naturel, équilibré, c'est-à-dire à l'intérêt général et au
bien-être de tous.
Le modèle de Platon a d'abord été qualifié de modèle administratif,
administratif le socialisme n'étant que le
courant récent avec des variantes (le socialisme utopique de Proudhon par exemple) et des
prolongements (le communisme qui prône la disparition complète de l'Etat). Le modèle
d'Aristote a été qualifié de modèle libéral.
libéral Le libéralisme récent est lui même traversé par divers
courants (social libéralisme, ultra libéralisme).
b) Libéralisme et socialisme économiques
Sur le plan économique, les choix d'organisation dépendront du choix de la posture
philosophique, aristotélicienne ou platonicienne. On comprend alors les grands débats et clivages
entre libéralisme et socialisme économiques : propriété privée / propriété collective,
déréglementation / réglementation, privatisation / nationalisation, concurrence / monopole,
liberté des prix / encadrement des prix, suppression des aides aux agents économiques /
transferts sociaux de répartition, Etat-Gendarme / Etat-Providence, etc.
Evidemment, les choses ne sont pas si simples dans la réalité. Ainsi des pays qui se déclarent
politiquement libéraux refuseront de s'en remettre complètement au libéralisme économique ;
des pays politiquement socialistes de s'en remettre totalement au socialisme économique... Deux
exemples français bien connus en guise d'illustration. Vers la fin de son mandat, V. Giscard
d'Estaing était qualifié de socialiste par certains courants de sa famille politique, du fait de
l'explosion de la pression fiscale (due à la hausse des cotisations sociales pour financer le
chômage de masse) et signe de l'intervention massive de l'Etat ; F. Mitterand s'était vu décerné le
prix de meilleur économiste libéral par le Financial Times pour la déréglementation des marchés
financiers et les privatisations entreprises au milieu des années 80. Ajoutons également la
désormais célèbre phrase de L. Jospin au cours de la campagne présidentielle de 2001 : "Je ne suis
pas socialiste"...
c) Economie de marché / économie planifiée / économie de corruption
On assimile, à tort, la première au libéralisme et la seconde au socialisme. Ce sont deux moyens
concurrents pour coordonner les actions des agents économiques et qui peuvent être
déconnectés des choix d'organisation politique et économique. Un troisième, qui existe également
depuis longtemps, mérite d'être mentionné au vu de l'importance qu'il prend : l'économie de
corruption.
L'économie de marché (ou décentralisée) désigne une économie qui fonctionne grâce à des
marchés, lieux matériels (les foires, le marché de Rungis, la Bourse de Paris) ou immatériels
(internet) où se confrontent librement ceux qui veulent échanger, les consommateurs et les
producteurs. On verra dans ce qui suit ce que recouvre la fameuse "loi de l'offre et de la
demande".
L'économie planifiée (ou centralisée) désigne une économie où, à partir d'un équilibre déterminé
par avance, une autorité décide des comportements des agents (le niveau de leur production, de
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leur revenu, de leur consommation, le niveau des échanges et le prix des échanges) qui
assureront cet équilibre prédéterminé.
Ces deux formes de coordination des agents économiques sont chacun censés remplir les trois
fonctions fondamentales nécessaires au bon fonctionnement de l'économie :
• La fonction d'information : que faut-il produire, consommer et épargner ?
• La fonction de répartition : comment répartir la richesse créée ?
• La fonction de régulation : comment faire face au déséquilibres éventuels ?
Dans une économie de marché, c'est le prix qui est au cœur de la coordination. Par ses variations,
les agents économiques sont informés et adapteront leurs comportements de telle sorte qu'un
équilibre général, et le plus juste, s'établira dans l'économie. Dans une économie planifiée, le plan
joue le rôle du prix. Il est même plus efficace que le marché car, fixant par avance l'équilibre et les
comportements, il "économise" la fonction de régulation et les délais d'ajustement (les
déséquilibres ne peuvent exister par définition). Voir à ce sujet l'encadré qui suit.
N'oublions pas un mode particulier de coordination, qui n'a pas encore fait l'objet d'une théorie
mais qui fonctionne : l'économie de corruption.
corruption Connue depuis longtemps dans certaines
économies d'Amérique Latine, cette forme d'économie prospère à grande vitesse depuis
l'effondrement des pays de l'Est.
On lira sur ce phénomène inquiétant un extrait de l'article Economies informelles et criminelles :
la face cachée de la mondialisation.
mondialisation L'auteur rappelle des évidences oubliées et soulève des
questions fondamentales. Ainsi, la majorité de la population mondiale vit en dehors d'une
économie "codifiée", de type marché ou planifiée, et vit plutôt au sein d'économies informelles ou
populaires. L'économie criminelle ou mafieuse (estimée à 40 % du PIB russe...) vient perturber
les économies informelles et codifiées : d'une part, la corruption et l'économie mafieuse conduit à
la destruction du tissu social dans les pays pauvres et entretient la pauvreté ; d'autre part, les
mouvements de capitaux incontrôlés, le problème des paradis fiscaux et le blanchiment
perturbent le (déjà difficile) fonctionnement des marchés financiers "officiels". L'un des enjeux
de la transformation de la Russie est d'ailleurs le risque de basculer vers une économie de
corruption et de "contaminer" les économies européennes. L'auteur est pessimiste sur les
évolutions des pays sous influence criminelle car il rappelle, à juste titre, que le marché de nos
économies modernes ne s'est pas créé tout seul, sans un minimum d'éthique et de règles, et qu'il
est sans cesse protégé des dérives qu'il génère lui-même (lois anti trusts par exemple).
d) Capitalisme et socialisme réel
Le capitalisme n'est pas un système économique théorique mais le système économique observé
dans les économies, surtout occidentales. On tentera dans la partie 2 de le définir et de le
caractériser. Mentionnons déjà la multiplicité des qualificatifs qu'on lui accole : capitalisme anglosaxon, capitalisme rhénan, capitalisme asiatique, capitalisme marchand, industriel, financier,
patrimonial...
De même, le terme socialisme réel a été forgé pour bien faire la différence entre le modèle et ce
que l'on observait (économie chinoise, économie de l'URSS).
L'ensemble des précisions faites, on peut comprendre pourquoi des économistes libéraux
estiment que le capitalisme est un mauvais système et qu'il faut le réformer pour le rapprocher
du modèle libéral. Pourquoi des économistes socialistes expliquent que la chute des économies
des pays de l'Est était prévisible car ces économies n'étaient pas conformes au modèle socialiste
(avec notamment l'existence d'une nomenklatura, caste de capitalistes déguisés).
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Par ailleurs, on peut également comprendre l'adjonction de termes apparemment contradictoires
pour désigner les économies observées. Ainsi, la France des années 50 et 60 pouvait être
caractérisée d'économie de marché en partie planifiée, et capitaliste avec une dose de socialisme
réel au vu du poids des entreprises publiques. L'Italie est une économie de marché, capitaliste
mais qui coexiste avec l'économie de corruption. La Chine actuelle se dit politiquement socialiste
et délaisse la planification pour l'économie de marché, et favorise l'émergence d'un secteur privé.
Oskar LANGE, inventeur du socialisme de marché
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