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mirage d’une aire culturelle européenne bien définie. Car ce mirage résiste
toujours, prêt, telle une sirène, à nous attirer dans des débats absolument contre-
productifs qu’aucun anthropologue n’oserait ouvrir sur d’autres objets de sa
pratique scientifique.
Les anthropologues s’occupent de l’Europe depuis bien longtemps, si, par ceci,
on comprend la recherche ethnographique dans les pays européens. Mais ce
cadre d’analyse qui souligne les définitions géo-nationales, n’échappe nullement
au problème central. Bien sûr, il permet la production d’études descriptives de
communautés singulières, en les réduisant à des unités presque
malinowskiennes, mais cette approche ne permet pas de s’affranchir de la
reproduction de vieux modèles. Sans vouloir dénier à ces recherches leur valeur
intrinsèque, il faut, me semble-t-il, chercher une voie plus téméraire, afin qu’elles
puissent jouer un rôle plus important dans le développement d’une
anthropologie incontestablement postcoloniale et attirer l’attention des
anthropologues qui travaillent sur d’autres endroits (et qui, hélas ! ne citent
presque jamais les ouvrages de leurs collègues européanistes parce qu’ils n’en
saisissent que très rarement la valeur théorique). Malgré les exceptions, cette
situation trouve sa source dans le conservatisme, soit des chercheurs d’autres
disciplines, soit des anthropologues qui travaillent sur l’Europe ; en disant cela,
on ne parle pas seulement des chercheurs nord-américains. Ils parlent du
colonialisme, mais sans jamais s’impliquer eux-mêmes. L’Europe imaginée par