Caractérisation isotopique et hydrogéologique du - Infoterre

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Caractérisation isotopique et
hydrogéologique du site des
Narces de la Sauvetat (HauteLoire) : programme de recherche
préliminaire à l’aménagement du
site
Rapport final
BRGM/RP-56282-FR
Décembre 2008
Caractérisation isotopique et
hydrogéologique du site des Narces
de la Sauvetat (Haute-Loire) :
programme de recherche préliminaire
à l’aménagement du site
Rapport final
BRGM/RP-56282-FR
Décembre 2008
A. Brenot, Ph. Négrel, C. Bertin, R. Millot
Vérificateur :
Approbateur :
Nom : Petelet-Giraud E.
Nom : Roy S.
Date : 26 mars 2009
Date : 30 mars 2009
Signature :
Signature :
En l’absence de signature, notamment pour les rapports diffusés en version numérique,
l’original signé est disponible aux Archives du BRGM.
Le système de management de la qualité du BRGM est certifié AFAQ ISO 9001:2000.
I
M 003 - AVRIL 05
Mots clés : Narces de la Sauvetat, tourbière, eaux souterraines, isotopes, hydrogéologie,
géochimie.
En bibliographie, ce rapport sera cité de la façon suivante :
Brenot A, Négrel Ph., Bertin C., Millot R. (2008) Caractérisation isotopique et hydrogéologique
du site des Narces de la Sauvetat (Haute-Loire) : programme de recherche préliminaire à
l’aménagement du site. Rapport final, BRGM/RP-56282-FR, 99 pp, 51 ill., 1 ann.
© BRGM, 2009, ce document ne peut être reproduit en totalité ou en partie sans l’autorisation expresse du BRGM.
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Synthèse
Cette étude concerne l’application des outils isotopiques afin de caractériser et
quantifier, si possible, les circulations des eaux souterraines dans la tourbière des
Narces de la Sauvetat.
Une bonne connaissance du bilan hydrogéologique et des contraintes sur les
circulations et les connections des eaux de surface et des eaux souterraines sont
nécessaires afin d’assurer la gestion intégrée du territoire des Narces de la Sauvetat
qui abritent une tourbière de maar.
Dans cette optique, le Conseil Général de la Haute-Loire, l’Agence de l’Eau LoireBretagne et le BRGM se sont associés dans le cadre d’un projet de recherche qui
s’appuie sur l’analyse couplée des approches géochimique et hydrogéologique.
L’examen des données de terrain (conductivité, température, débit, mesures
piézométriques) et de l’approche hydrogéologique permet de montrer d’ores et déjà
que plusieurs aquifères participent à l’alimentation du système des Narces de la
Sauvetat :
- deux aquifères plutôt profonds et/ou de grande extension amortissant les
fluctuations climatiques. Le premier ayant pour exutoire les sources NAR-S1 et
NAR-S8, semble contaminé par des apports anthropiques (révélés par des
conductivités de l’eau élevées). Le deuxième aquifère caractérisé par la source
NAR-S7, parait peu touché par cette contamination ;
- un aquifère peu profond représenté par les sources NAR-S2, NAR-S3, NAR-S4
et NAR-S5 qui est également affecté par la pollution.
Il est important de signaler qu’une alimentation souterraine existe localement dans les
formations tourbeuses. La source NAR-S6 émerge dans la partie aval de la tourbière
en contrebas du hameau des Hurtes, mais elle n’a pas pu être quantifiée. Seule sa
conductivité différente de celle des eaux de la tourbière a permis de la distinguer.
La zone réelle d’alimentation des Narces est supérieure à la surface du bassin versant
topographique. Ce phénomène est assez courant en domaine volcanique.
L’interprétation d’analyses géochimiques des eaux et d’analyses isotopiques
usuelles ou novatrices : les isotopes stables de la molécule d'eau (O et H), les isotopes
du strontium (Sr) et les isotopes du lithium (Li) sur 7 points représentatifs (sources,
exutoire, piézomètres installés dans la troubière), permet de caractériser et d’estimer
les directions et les taux d’échange d’eau au sein de la tourbière. L’objectif de ce travail
est de définir le mode d’alimentation de l’hydrosystème des Narces de la Sauvetat et
de fournir les éléments de réflexion nécessaires pour proposer les conditions
adéquates de sa remise en eau.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
A l’échelle du site des Narces de La Sauvetat il existe une forte variabilité de
composition géochimique des eaux de surface et des eaux souterraines. Les disparités
observées pour les compositions isotopiques δ2H et δ18O de la molécule d’eau
traduisent une origine différente des eaux et peuvent être reliées à la localisation
spatiale des points de prélèvement. Ceci permet de définir dans une représentation
spatiale l’origine de l’eau au sein du système. D’un autre coté, des disparités spatiales
dans la source d’éléments dissous peuvent également être attribuées à des différences
dans la nature des lithologies drainées et pour les concentrations en chlorures par
exemple, à des différences dans l’occupation des sols.
Les variations à la fois spatiales et saisonnières des compositions géochimiques
élémentaires et isotopiques des différents flux d’eau entrant et sortant de la tourbière
autorisent le traçage des différents flux d’eaux et d’éléments dissous et la réalisation
d’un premier bilan hydrologique du site des Narces de la Sauvetat. Il ressort
l’identification de 4 flux principaux d’eau entrant et de 1 flux d’eau sortant intervenants
dans le bilan hydrologique du site des Narces de la Sauvetat issus de l’étude
géochimique.
Un fait majeur issu de l’approche couplée des différents outils de la géochimie montre
sans ambigüité que la composition géochimique du flux d’eau sortant de la tourbière
est quasi-exclusivement contrôlé par les eaux de pluie via les eaux de ruissellement
(contribution > 90 %). Ainsi la perte d’eau de la tourbière des Narces de la Sauvetat
vers les eaux du ruisseau des Fouragettes est vraisemblablement faible tout le long du
cycle hydrologique. Ceci implique un système quasi stagnant pour les eaux
souterraines au droit de la tourbière, seule la partie superficielle peut se vidanger (avec
des caractéristiques type « pluie »).
Par l'application d'un grand nombre d'outils isotopiques, ce projet a permis de mettre
en évidence la spécificité de chacun de ces outils dans l'étude d’un système aquifère,
mais aussi leurs limites respectives qui peuvent être partiellement ou totalement levées
en couplant deux ou plus de ces outils.
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BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Sommaire
1 ...................................................................................................................... Introduction9
2 Contexte géologique, hydrogéologique et stratégie d’échantillonnage ..........10
2.1 CONTEXTE GEOLOGIQUE REGIONAL ..........................................................10
2.2 CONTEXTE GEOLOGIQUE LOCAL .................................................................12
2.3 CONTEXTE HYDROGEOLOGIQUE .................................................................16
2.3.1 Contexte hydrogéologique régional..........................................................16
2.3.2 Contexte hydrogéologique local ...............................................................16
2.4 DISPOSITIF DE SUIVI.......................................................................................19
2.5 STRATEGIE D’ECHANTILLONNAGE ET LOCALISATION DES POINTS DE
PRELEVEMENT ................................................................................................23
2.5.1 Stratégie d’échantillonnage ......................................................................23
2.5.2 Localisation des points de prélèvement ...................................................23
2.6 PRELEVEMENTS ET METHODES ANALYTIQUES.........................................25
2.6.1 Moyens mis en œuvre ..............................................................................25
2.6.2 Prélèvement et conditionnement des échantillons ...................................26
2.6.3 Analyses des éléments majeurs et traces ................................................26
2.6.4 Analyse des isotopes stables de la molécule d'eau .................................27
2.6.5 Analyses des isotopes du strontium .........................................................28
2.6.6 Analyses des isotopes du lithium .............................................................28
3 Approche hydrogéologique ...................................................................................29
3.1 VARIATIONS PIEZOMETRIQUES ....................................................................29
3.1.1 Suivi manuel .............................................................................................29
3.1.2 Suivi automatique .....................................................................................30
3.2 VARIATIONS DE DEBITS .................................................................................31
3.3 VARIATIONS DE TEMPERATURE ...................................................................36
3.4 VARIATIONS DE CONDUCTIVITE ...................................................................38
3.5 SYNTHESE .......................................................................................................41
4 Caractérisation géochimique des eaux souterraines .........................................43
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
4.1 CHIMIE ELEMENTAIRE ................................................................................... 43
4.1.1 Validité des analyses chimiques réalisées............................................... 43
4.1.2 Diagramme de Piper : faciès chimique des eaux..................................... 44
4.1.3 Relation inter-éléments ............................................................................ 45
4.1.4 Rapports élémentaires ............................................................................. 48
4.2 CARACTERISATION DES APPORTS D'EAU : ISOTOPES DE LA MOLECULE
D'EAU (δ18O ET δ2H) ......................................................................................... 51
4.3 CARACTERISATION DES APPORTS D'ELEMENTS DISSOUS..................... 53
4.3.1 Isotopes du strontium............................................................................... 53
4.3.2 Les isotopes du lithium............................................................................. 56
4.4 VARIABILITE SPATIALE .................................................................................. 62
4.5 VARIABILITE SAISONNIERE ........................................................................... 63
4.5.1 Origine de l’eau ........................................................................................ 63
4.5.2 Origine des éléments dissous .................................................................. 64
4.6 BILAN DES FLUX D’EAU ET D’ELEMENTS DISSOUS ................................... 65
5 Fonctionnement hydrogéologique du site de la Sauvetat expliqué par l’étude
géochimique et isotopique.................................................................................... 69
5.1 BILAN MOYEN.................................................................................................. 69
5.1.1 Flux entrant de la tourbière ...................................................................... 69
5.1.2 Flux sortant de la tourbière ...................................................................... 69
5.2 VARIATIONS TEMPORELLES ......................................................................... 71
5.2.1 Flux entrant de la tourbière ...................................................................... 71
5.2.2 Flux sortant de la tourbière ...................................................................... 71
6 Conclusions............................................................................................................ 73
7 Bibliographie .......................................................................................................... 79
Annexe 1 ...................................................................................................................... 79
Isotopes : définition, mesures et fonctionnement ................................................... 83
1.
6
QUELQUES NOTIONS ..................................................................................... 83
i.
Les isotopes d’éléments stables .............................................................. 86
ii.
Les isotopes d’éléments instables ........................................................... 88
iii.
En guise de résumé ................................................................................. 89
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
2.
LES MOYENS DE MESURE DES ISOTOPES .................................................89
3.
QUELQUES SYSTEMATIQUES ISOTOPIQUES..............................................92
i.
Les isotopes stables de la molécule d’eau ...............................................92
ii.
Les isotopes du lithium .............................................................................93
iii.
Les isotopes du strontium.........................................................................95
4.
ISOTOPES ET MELANGES D'EAUX................................................................97
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
1 Introduction
Dans le cadre de sa politique en faveur des espaces naturels sensibles, le Conseil
Général de la Haute-Loire s’est doté en 1996 d’un outil de planification permettant de
hiérarchiser ses interventions : le Schéma Départemental en faveur des Espaces
Naturels Sensibles (SDENS). Par ailleurs le Conseil Général de la Haute-Loire a
apporté son soutien financier à une thèse sur le fonctionnement, la dynamique et
l’intérêt paléo-environnemental des tourbières du plateau volcanique du Devès (Velay,
Massif Central français) ; (Tourman, 2007). Vingt sites prioritaires ont été définis dans
le département, parmi lesquels figurent les Narces de la Sauvetat. Situées à 1060 m
d’altitude sur le plateau du Devès et d’une superficie d’environ 7 km2, les Narces de la
Sauvetat dépendent de la commune de Landos et occupent un ancien cratère de maar
(cratère volcanique d’origine hydromagmatique d’âge de l’ordre de 610 000 ans,
Richet, 2003). Parmi les trois maars situés sur cette commune, deux sont occupés par
des tourbières mais seul le site des Narces de la Sauvetat présente un exutoire. Le site
des Narces de la Sauvetat a été exploité pendant 15 ans pour la production de tourbe
et n’a pas été réhabilité depuis. Cependant il y subsiste quelques habitats de haute
valeur patrimoniale et son intérêt faunistique est également important. Le Conseil
Général de la Haute-Loire et la commune de Landos souhaitent améliorer la diversité
écologique des Narces de la Sauvetat afin d’en faire un des hauts lieux du patrimoine
naturel de la Haute-Loire, ouvert à tous types de publics. Pour assurer la gestion
intégrée du territoire des Narces il apparaît donc indispensable d’avoir une bonne
connaissance du bilan hydrogéologique de la tourbière et de contraindre les
circulations et connections des eaux de surface et des eaux souterraines. Cet enjeu
est de première importance pour les Narces de la Sauvetat car comme le souligne
Manneville (2001) dans un cadre plus général : « le bilan hydrique global (d’une
tourbière) doit être équilibré ou un peu excédentaire...Cette permanence de l’eau
stagnante ou plus rarement mobile, donc appauvrie en oxygène, provoque
l’anaérobiose, dont résulte la dégradation ralentie des débris végétaux pour former la
tourbe », or cette tourbière présente la particularité d’être drainée par un cours d’eau
pérenne (le ruisseau des Fouragettes) qui rend ce milieu d’autant plus fragile.
Dans le but de caractériser et de comprendre les circulations et les connections des
eaux de surface et des eaux souterraines sur le site des Narces de la Sauvetat, le
Conseil Général de la Haute-Loire, l’Agence de l’Eau Loire-Bretagne et le BRGM se
sont associés dans le cadre d’un projet de recherche. Ce programme de recherche
s’appuie sur l’analyse couplée des approches géochimique et hydrogéologique.
L’interprétation combinée de mesures hydrologiques en continu, d’analyses
géochimiques des eaux et d’analyses isotopiques usuelles ou novatrices : les isotopes
stables de la molécule d'eau (O et H), les isotopes du strontium (Sr) et les isotopes du
lithium (Li), permet de caractériser et d’estimer les directions et les taux d’échange
d’eau au sein de la tourbière. L’objectif de ce travail est de définir le mode
d’alimentation de l’hydrosystème des Narces de la Sauvetat et de fournir les éléments
de réflexion nécessaires pour proposer les conditions adéquates de sa remise en eau.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Une sélection d’indicateurs pertinents sera notamment proposée afin d’assurer la
surveillance du site des Narces de la Sauvetat.
2 Contexte géologique, hydrogéologique et
stratégie d’échantillonnage
2.1
CONTEXTE GEOLOGIQUE REGIONAL
Le volcanisme du département de la Haute-Loire, principalement mis en place au
Miocène moyen, à partir de 15 millions d’années (Ma), peut être subdivisé en trois
grandes entités de direction générale nord-ouest/sud-est, distinctes de par la
morphostructurale, la nature et l’âge des formations : le Devès, le bassin du Puy-enVelay et le « Velay oriental » (Illustration 1). La partie centrale du département est
occupée, sur plus de 70 kilomètres de longueur et sur une superficie proche de 800
km², par la chaîne -ou plateau- (la plus vaste de France) basaltique du Devès, dont
l’altitude est généralement comprise entre 1000 et 1100 m et qui culmine à 1421 m au
Mont Devès. Elle est morphologiquement marquée par la présence de très nombreux
appareils volcaniques : cônes de scories (près de 200 au total), appareils de type
strombolien associés à des coulées de laves basaltiques, et édifices issus d’éruptions
hydromagmatiques, caractérisés par des dépôts de formations pyroclastiques
(anneaux de tufs) associées à des cratères de type maar (plus de 100 dénombrés).
Ces derniers sont le siège de zones humides (narces, tourbières) et parfois de lacs.
La formation du volcanisme du Devès, qui a débuté il y a 6 Ma et s’est achevée il y a
quelques centaines de milliers d’années, a connu son paroxysme entre 3,5 et 0,6 Ma,
avec deux périodes majeures de mise en place des épanchements basaltiques, autour
de 2,1 et de 1 Ma.
Selon une coupe transversale est-ouest (Illustration 2), cette chaîne volcanique montre
une très nette dissymétrie : sur le flanc occidental, côté rivière Allier, la base des
coulées, au contact du socle granito-gneissique, est à une altitude supérieure
comparativement au flanc oriental, côté Loire. La surface de ce vaste « plateau
volcanique » elle-même décroît en altitude de l’Ouest vers l’Est, par l’intermédiaire de
gradins successifs plurikilométriques allongés eux aussi selon une direction nordouest/sud-est.
Ce vaste plateau constitue dans son ensemble un entablement de nombreuses
coulées de laves basaltiques souvent superposées, résultant pour l’essentiel d’un
volcanisme effusif caractérisé par des éruptions fissurales à forts débits. Ces
importantes coulées de lave se sont épanchées à l’Est sur les formations
sédimentaires tertiaires du bassin d’effondrement du Puy-en-Velay, contribuant à le
combler en partie et à niveler les reliefs préexistants. Sur le versant de la Loire, les
10
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
empilements de coulées peuvent atteindre des épaisseurs considérables (130 m dans
le ravin des Fouragettes près de Goudet).
Dans les vallées de l’Allier et de la Loire, les coulées de lave les plus récentes, d’âge
pléistocène, se sont répandues en cascades sur les versants pour atteindre les
niveaux actuels des cours de cette rivière et de ce fleuve, qu’elles ont suivis et comblés
en partie en plusieurs secteurs.
Les très jeunes édifices volcaniques présents au niveau du cours supérieur de la Loire
et du haut plateau ardéchois, qui marquent le prolongement du Devès au Sud-Est, se
rattachent au cycle éruptif dit « du Bas Vivarais », d’âge pléistocène récent.
Illustration 1 : Carte des ensembles volcaniques du département de la Haute-Loire (d’après Le
volcanisme en Auvergne, édition Chamina, 2003)
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 2 : Coupe géologique schématique du plateau du Devès (d’après Le volcanisme en
Auvergne, édition Chamina, 2003)
2.2
CONTEXTE GEOLOGIQUE LOCAL
L’interprétation d’investigations géologiques de surface et de sondages au sein de la
zone tourbeuse et la synthèse des données bibliographiques ont permis de préciser la
structuration des différentes formations, et notamment la géométrie des formations
susceptibles d’être aquifères, ainsi que des horizons imperméables. La synthèse
géologique réalisée par le BRGM dans le cadre de cette étude s’est appuyé
principalement sur un rapport d’exploration retrouvé dans les archives de la société
Coframines. Contrairement aux autres maars sur la commune de Landos, le maar de
la Sauvetat n’a fait l’objet que d’un seul sondage.
Le maar de la Sauvetat est par ses dimensions (diamètre de près de 1,5 km et
profondeur de 90 m) un des plus imposants du Velay. Il abrite une pièce d’eau et
débouche sur un vallon au Nord-Est qui constitue son exutoire, et ainsi contribue à sa
vidange régulière en eau superficielle. Les dépôts de l’anneau pyroclastique du maar
de la Sauvetat, bien visibles au niveau des fronts de taille de la carrière du Grail
exploitée par la société C.C.V. sont typiques du dynamisme hydromagmatique (ou
appelé encore « phréatomagmatique »).
On relève en particulier la présence (illustration 3) :
•
•
•
12
De tufs très bien stratifiés, cendreux à granulométrie variable, tantôt grossiers
et riches en xénolithes (blocs et fragments de roches préexistantes : socle
granitique et laves basaltiques), tantôt fins ;
D’antidunes, bourrelets dissymétriques dûs au souffle de l’éruption qui a
entraîné loin de l’évent éruptif, au ras du sol, les projections par expansion
latérale des gaz (déferlantes basales) ;
De figures d’impacts sous les gros blocs (retombées aériennes), de
stratifications entrecroisées et de chenaux.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 3 : Dépôts de type maar (carrière du Grail, photo BRGM)
Ces dépôts de maar surmontent dans cette carrière, de manière relativement plane et
très franche (illustration 4), un ensemble scoriacé (« pouzzolane » correspondant au
matériau exploité dans cette carrière) d’aspect homogène, consolidé, non lité,
localement altéré, composé de scories et lapillis basaltiques associés à des bombes
volcaniques de petite taille, parfois en fuseau (illustration 5).
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 4 : Contact entre dépôts de maar supérieurs et scories basaltiques inférieures
(carrière du Grail, photo BRGM)
Illustration 5 : Ensemble scoriacé inférieur (carrière du Grail, photo BRGM)
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BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Cet ensemble est le résultat d’une activité strombolienne antérieure à la formation du
maar de la Sauvetat, imputable au volcan du Gray, relief volcanique encore marqué
morphologiquement au Sud du maar de la Sauvetat. La partie interne de ce croissant
de tufs est affectée par des effondrements à l’intérieur du cratère. Les seules données
géologiques disponibles relatives au remplissage du cratère de maar proviennent de la
campagne de prospection réalisée dans les années 1980 par la société Coframines
pour la recherche de diatomite. Cette campagne a donnée lieu à la réalisation de
quatre sondages carottés dans les trois maars situés sur la commune de Landos : les
maars de Landos (2 sondages dans le marais de Ribains), de Praclaux (1 sondage) et
de la Sauvetat (1 sondage).
Le sondage S2, profond de 37 m et implanté dans la partie centre-sud des Narces de
la Sauvetat (à l’Est du point côté 1059 m), a révélé la coupe géologique synthétique
suivante :
• 0 à -2 m : alternance de niveaux de tourbes (tourbe brune, brun-noir, noire),
argileuses en profondeur ;
• -2 m à -3 m : argiles sableuses et graveleuses (scories) contenant quelques
débris de tourbes ;
• -3 m à -6.40 m : niveaux successifs de sables fins à très grossiers (graveleux),
peu à très argileux, les éléments détritiques étant basaltiques (scories et laves)
et du quartz ;
• -6.40 m à -37 m : alternances de silts (sédiments détritiques meubles dont le
grain est compris entre 3.9 et 62.5 µm) aux caractéristiques variables (argileux
à sableux, meubles à compacts), de sables grossiers et graveleux à fins,
parfois argileux et compacts, avec quelques rares niveaux argileux francs et
cendreux probables.
Ce sondage montre que les formations présentes, sous couverture tourbeuse, en
remplissage du système maar-diatrème, sont de nature volcanique et correspondent
pour l’essentiel aux produits pyroclastiques du maar, plus ou moins remaniés et
altérés. Ainsi, contrairement aux autres maars sur la commune de Landos, pour le
maar de la Sauvetat les conditions n’ont jamais été réunies pour que s’y installe une
retenue d’eau importante pérenne, propice au développement d’une sédimentation
autre que détritique. Le ravin du ruisseau des Fouragettes à l’exutoire a permis un
drainage régulier et efficace de la tourbière tout au long de son histoire, ce ruisseau
existant déjà il y a 1 Ma.
Il n’a pas été possible d’avoir accès aux archives relatives à l’exploitation de la
tourbière, qui auraient pu éventuellement apporter des informations complémentaires
d’ordre géologique. Nos contacts avec les différentes sociétés exploitantes se sont à
ce jour révélés vains de ce point de vue.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
2.3
CONTEXTE HYDROGEOLOGIQUE
2.3.1 Contexte hydrogéologique régional
Les aquifères volcaniques présentent des propriétés très variées et ont souvent une
structure complexe. Ils peuvent en effet trouver place au sein de formations très
poreuses et/ou au sein de formations fissurées dont le comportement hydrodynamique
est très différent : perméabilité de fractures et de fissures (laves) et réserves
régulatrices au sein des formations pyroclastiques (projections scoriacées) par
exemple.
Les précipitations météoriques qui tombent sur le plateau du Devès s’infiltrent à travers
les cônes de scories et les coulées basaltiques. Une partie des eaux souterraines peut
ressortir dans la partie haute du plateau après un parcours à faible profondeur. Les
débits, peu élevés, sont compris entre 10 et 50 l/mn.
Une autre fraction s’infiltre lentement dans les coulées. Selon le degré d’altération des
formations, l’eau peut percoler jusqu’au substratum imperméable : nappes infrabasaltiques, ou bien elle peut être arrêtée par un niveau imperméable entre les
différentes coulées : nappes intra-basaltiques. Les débits des sources (en moyennes
et/ou basses eaux) varient entre 1 200 et 1 800 l/mn, et sont localement supérieurs à
6 000 l/mn sur quelques sources.
Les maars peuvent également jouer un rôle dans la modification des écoulements en
profondeur ou dans le stockage des eaux souterraines.
2.3.2 Contexte hydrogéologique local
Le site des Narces de la Sauvetat est implanté au sein du maar éponyme. Le bassin
versant de surface susceptible d’être drainé par le ruisseau des Fouragettes, seul
exutoire connu des Narces, se prolonge bien au delà du périmètre du maar (illustration
3). Il s’étend sur près de 8.12 km2 et comporte plusieurs types de formations
géologiques d’origine volcanique (coulées de basaltes, cônes stromboliens, projections
scoriacées, brèches d’explosion de maars).
En domaine volcanique toutefois, le bassin versant topographique ne préjuge en rien
du véritable bassin versant d’alimentation d’un système car la morphologie du
substratum (formations imperméables) qui guide les écoulements souterrains est
masquée par les formations de surface. Il est donc possible que le bassin
hydrogéologique puisse être d’une taille différente à celle du bassin versant
topographique.
16
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 6 : Contexte géologique du bassin versant topographique des Narces de la Sauvetat
(d’après carte géologique BRGM n°815 – Cayres) et localisation des sites étudiés
Afin de pouvoir étudier les variations temporelles et spatiales des caractéristiques de
l’aquifère présent au sein des formations tourbeuses, quatre forages répartis sur deux
sites, ont été créés au cours du mois de mars 2007. L’emplacement du site 1 (NordOuest de la tourbière) a été décalé vers le Nord car les forages de reconnaissance ont
révélé la quasi absence de tourbe (de l’ordre de 10 cm) dans le secteur initialement
choisi.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
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Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Chaque site comporte deux ouvrages : NAR-P (1 ou 2) destinés à la réalisation des
mesures piézométriques et NAR-Q (1 ou 2) qui sont utilisés pour les prélèvements
d’eau en vue d’analyses.
Les forages ont recoupé 3.5 à 4 m de tourbe brune, puis 1.5 à 2 m de tourbe blonde
(sauf pour le NAR-P2 qui a rencontré 1.2 m de tourbe brune argileuse) et enfin un
niveau argileux (argile brune compacte) qui constitue le substratum des eaux
souterraines. Le forage NAR-Q1 a également recoupé un petit niveau argileux vers 4
m de profondeur entre la tourbe brune et la tourbe blonde.
Quel que soit le forage, la zone saturée a toujours été rencontrée dans les formations
tourbeuses brunes : -1.5 m (par rapport à la surface du sol) pour NAR-P1, -1.2 m pour
NAR-Q1, - 0.45 m pour NAR-P2, -0.5 m pour NAR-Q 2.
La nappe contenue dans les formations tourbeuses est libre et sub-affleurante.
Dans le cadre de l’étude, un suivi des émergences naturelles (sources) ou artificielles
(captages) participant directement à l’alimentation des Narces a été réalisé.
Les sources NAR-S2, NAR-S3 et NAR-S5 apparaissent toutes à la cote NGF 1080 m,
près du rebord du maar. Cette ligne de sources marque le niveau de base d’un
aquifère sous basaltique situé à l’Ouest des Narces.
La source NAR-S4 émerge dans les mêmes conditions géologiques que les
précédentes mais à une altitude inférieure (1070 m environ). Il est possible qu’elle
corresponde à une résurgence de la source NAR-S5.
La source NAR-S7 quant à elle, apparait à l’extérieur du maar au sein des formations
basaltiques à la cote 1085 m. Il est probable qu’elle traduise la présence d’un autre
aquifère entre coulées dont le niveau de base correspondrait à un horizon de plus
faible perméabilité (niveau altéré).
Les sites NAR-S1 et NAR-S8 (sources captées) sont respectivement situés à 1120 m
d’altitude (environ) et 1095 m d’altitude. Ces sources sont situées beaucoup plus à
l’extérieur du maar que les précédentes et émergent dans les dépôts de l’anneau
pyroclastique du maar.
Plusieurs formations géologiques superposées contribuent donc à l’alimentation de
différents niveaux résurgents des Narces de la Sauvetat.
18
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
2.4
DISPOSITIF DE SUIVI
La mise en place de l’ensemble des équipements permettant l’acquisition de données
sur le fonctionnement de l’hydrosystème (piézomètres, station de jaugeage et
appareils de mesures) a été placée sous la maîtrise d’ouvrage du Conseil Général de
la Haute-Loire. Le BRGM s’est chargé d’apporter un appui technique sur (1) le choix
d’implantation des sites de mesures, (2) le type d’équipements à installer en conseillant
le Conseil Général de la Haute-Loire, (3) la rédaction des cahiers des charges avant
appels d’offres et (4) la rédaction des dossiers de déclaration des forages selon l’arrêté
interministériel du 11 septembre 2003. Pour l’ensemble de ces actions d’aide à la
maitrise d’ouvrage, réalisées tout le long de la vie du projet, des rapports ont été émis
systématiquement.
La mise en place de l’ensemble des équipements permettant l’acquisition de données
sur le fonctionnement de l’hydrosystème (piézomètres, station de jaugeage et
appareils de mesures), opérationnel uniquement en 2008, s’est appuyée sur la
campagne de reconnaissance et de prélèvements d’eau réalisée en avril 2006
(Illustration 7, Illustration 8) et le dimensionnement et le positionnement idéal de la
station hydrométrique à l’exutoire de la tourbière proposée par le BRGM en 2006
(annexe 1). Au total, 4 piézomètres ont été mis en place sous la maîtrise d’ouvrage du
Conseil Général de la Haute-Loire (Illustration 9). Ces piézomètres ont permis
également de compléter la connaissance locale de la structure géologique et
hydrogéologique de l’hydrosystème des Narces de la Sauvetat. Depuis mars 2007,
deux de ces piézomètres (NAR-Q1 et NAR-Q2) sont opérationnels pour le prélèvement
d’eau souterraine destinée à l’analyse des éléments majeurs et traces et des
compositions isotopiques prévues dans cette étude. Depuis octobre 2007, date de leur
équipement (Illustration 10a), deux autres piézomètres (NAR-P1 et NAR-P2), situés
respectivement à proximité immédiate de NAR-Q1 et NAR-Q2, doivent permette le
suivi en continu des niveaux piezomètriques au sein de la tourbière via des données
télétransmises sur le niveau statique de l’eau vers le Conseil Général de la HauteLoire. Une station hydrométrique en aval de la tourbière, mise en place en février 2008
(Illustration 10b), permet d’acquérir des données télétransmises sur le débit à l’exutoire
vers le Conseil Général de la Haute-Loire. Ces données doivent permettre au BRGM
de réaliser le bilan entrée-sortie de la zone. L’équipement du site assure ainsi le suivi
des paramètres hydrologiques de la tourbière et permet de préciser les modalités
d’écoulement des eaux souterraines et des eaux de surface, ainsi que leurs relations
avec la tourbière.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
19
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 7 : Campagne de reconnaissance sur le site de la Sauvetat en avril 2006
20
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 8 : Points de prélèvement et de mesure identifiés lors de la campagne de
reconnaissance d’avril 2006
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
21
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 9 : Mise en place de 4 piézomètres sur le site de la Sauvetat en mars 2007
(b)
(a)
Illustration 10 : Equipement des 2 piézomètres « quantité » NAR-P1 et NAR-P2 en octobre
2007 (a) et de la station hydrométrique en février 2008 (b)
22
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
2.5
STRATEGIE D’ECHANTILLONNAGE ET LOCALISATION DES
POINTS DE PRELEVEMENT
2.5.1 Stratégie d’échantillonnage
A partir de la campagne de reconnaissance réalisée en avril 2006 (Illustration 7,
Illustration 8), un certain nombre de points de prélèvement, correspondant aux
principaux flux entrants (sources, ruissellement, assainissement …) et flux sortants
(ruisseau des Fouragettes à l’exutoire) de la tourbière ont été choisis (Illustration 11 et
Illustration 12) afin de mettre en place leur suivi sur un cycle hydrologique. Le suivi
mensuel de la qualité des eaux sur le site de la Sauvetat a été engagé en juin 2007
alors que le suivi des niveaux d’eau de la tourbière (NAR-P1 et P2) et du débit à
l’exutoire a été mis en place respectivement en octobre 2007 et tardivement en 2008,
sous l’égide du Conseil Général de la Haute-Loire.
2.5.2 Localisation des points de prélèvement
La liste et la localisation des points intégrés dans les campagnes mensuelles de
prélèvement sont reportées respectivement dans l’Illustration 11 et l’Illustration 12.
N°
NAR-P1
NAR-Q1
NAR-P2
NAR-Q2
NAR-S1
NAR-S2
NAR-S3
NAR-S4
NAR-S5
NAR-S6
NAR-S7
NAR-S8
NAR-R1
NAR-R2
NAR-R3
NAR-EU
Nature du point
piezomètre
piezomètre
piezomètre
piezomètre
source Terron
source diffuse
source diffuse
source diffuse
source diffuse aménagée avec un bac en béton
source
source Les cotes
serve
ruisseau des Fouragettes (exutoire des Narces)
ruisseau
plan d'eau
station de lagunage (exutoire du sytème épuratoire)
Chimie et isotopes
Quantité
Conductivité,
temp, O2, pH
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
X
Que la tournée de départ
Que la tournée de départ
X
X
Que la tournée de départ
Que la tournée de départ
X
X
X
X
X
X
X
X
Que la tournée de départ
Illustration 11 : Liste des points suivis dans le cadre des campagnes mensuelles du BRGM et
paramètres mesurés
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
23
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 12 : Points suivis dans le cadre des campagnes mensuelles du BRGM
Les secteurs suivants sont considérés comme des sites de référence :
− NAR-S1 : source « du Terron » ;
− NAR-EU : exutoire du système d’épuration par lagunage de la Sauvetat ;
− NAR-R1 : ruisseau exutoire des Narces de la Sauvetat.
A chaque campagne mensuelle de prélèvement, 16 points sont mesurés pour la
conductivité, la température, l’oxygène dissous (O2) et le pH. La première campagne
de prélèvement pour le suivi de la qualité des eaux sur le site des Narces a pris en
compte 12 points, puis 7 points on été retenus pour un prélèvement mensuel. Les
analyses réalisées sur ces prélèvements d’eau sont les suivantes : analyse des
éléments majeurs (Ca, Mg, Na, K, SiO2, CO3, HCO3, Cl, SO4, NO3), analyse des
éléments traces Li, Pb, Rb, Sr, Se. Des analyses isotopiques (isotopes de l’oxygène,
de l’hydrogène, du strontium et du lithium) ont également été réalisées sur ces 7 points
avec une fréquence permettant de couvrir l’ensemble du cycle hydrologique.
24
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
2.6
PRELEVEMENTS ET METHODES ANALYTIQUES
2.6.1 Moyens mis en œuvre
Dans le cadre de ce projet, différentes approches ont été appliquées, notamment :
ƒ
les outils isotopiques dits usuels (oxygène et hydrogène de la molécule
d’eau),
ƒ
les outils isotopiques novateurs (strontium),
ƒ
les outils isotopiques potentiels (lithium).
La combinaison de ces traceurs isotopiques avec les analyses chimiques classiques
(éléments majeurs et traces) constituent un moyen d’améliorer grandement les
connaissances des masses d’eau.
D’autre part, il est important de souligner ici que chaque systématique isotopique n’est
utile que pour tracer le comportement chimique de l’élément considéré. Et donc, en
croisant les différents outils isotopiques, nous pouvons accéder à un niveau
d’information supplémentaire. En effet, alors que certaines systématiques isotopiques
constituent de bons traceurs des processus de source (origine et/ou mélange : 2H, 18O,
87
Sr/86Sr), d’autres systématiques sont à même de tracer les processus d’interaction
eau/roche eux-mêmes (intensité, rapport eau/roche, salinité : isotopes Li, B). C’est
donc en utilisant ces systématiques ensemble (en croisant les informations) que nous
serons à même de contraindre l’ensemble des processus (interaction eau/roche tant du
point de vue processus que des phénomènes de mélange).
Les isotopes s’interprètent en premier lieu en corrélant les rapports isotopiques mettant
en jeu les éléments chimiques liés au sein d'une même molécule comme par exemple
18
O et 2H de l'eau. Pour les isotopes des ions simples (B, Sr, Li…), un premier élément
d’interprétation consiste à corréler les variations isotopiques avec les variations de la
concentration de l‘élément. Ainsi, le rapport 87Sr/86Sr du strontium est corrélé avec la
teneur de cet élément. La détermination des pôles purs (source potentielle non
modifiée) est nécessaire afin d’interpréter les données et ainsi de caractériser les
différentes masses d’eau par rapport aux encaissants et aux différents processus
(mélange, fractionnement isotopique…). Ainsi, au sein d’une même masse d’eau on
pourra déterminer les hétérogénéités et en comparaison avec les autres masses d’eau,
on pourra étudier les connexions (drainance, mélange…) potentielles.
Les traceurs isotopiques retenus pour cette étude associent :
ƒ
des traceurs d'interaction eau-roche,
ƒ
des traceurs de mélange,
ƒ
des traceurs d'origine des eaux (recharge),
ƒ
des traceurs de processus…
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
25
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Chaque traceur mis en œuvre couvre une ou plusieurs de ces caractéristiques. C'est
l'association de ces outils avec leurs propriétés respectives qui permettra d'améliorer la
connaissance de ces grands systèmes aquifères.
2.6.2 Prélèvement et conditionnement des échantillons
Toutes les techniques de prélèvement, d’échantillonnage et de conservation ont été
validées au BRGM afin de répondre à trois objectifs (représentativité du milieu,
caractérisation des phénomènes et limitation des transformations) et font l’objet d’un
mode opératoire spécifique qui permet de garantir la non-contamination des
échantillons.
L’échantillon prélevé est conservé brut dans une bouteille en polypropylène de 100 ml
pour l’analyse des isotopes stables de la molécule de l’eau (O et H). Le reste est filtré
sur un filtre en acétate de cellulose préalablement rincé et conditionné de la façon
suivante dans des bouteilles en polypropylène:
- 100 ml pour l’analyse des anions,
- 100 ml acidifié à pH = 2 avec de l’HNO3 suprapur pour l’analyse des
cations,
- 250 ml acidifié à pH = 2 avec de l’HNO3 suprapur conditionnés dans une
bouteille préalablement lavée avec une solution d’HNO3 à pH=2, pour
l’analyse des teneurs en Rb et Sr et des compositions isotopiques du Sr,
- 1000 ml acidifié à pH = 2 pour l’analyse des compositions isotopiques en Li.
Les échantillons ainsi conditionnés sont ensuite stockés à 4°C dans le noir jusqu'à
l'analyse.
Les analyses physico-chimiques sont faites au moment du prélèvement (protocoles en
vigeur au sein du laboratoire BRGM, NF EN ISO/CEI 17025 et NF EN ISO 9001-2000).
Les paramètres mesurés sont les suivants : pH, température, teneur en oxygène
dissous, conductivité et potentiel d'oxydo-réduction (Eh). Le pH-mètre est
préalablement calibré à l’aide de solutions standards à pH=4, pH=7 et pH=10. Le
conductivimètre est étalonné avec une solution standard à 1413 µS/cm à 25°C.
2.6.3 Analyses des éléments majeurs et traces
Les éléments majeurs et traces de la phase dissoute sont analysés suivant les
méthodes détaillées sur l’Illustration 13.
26
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Elément
HCO3
CO3
Ca (calcium)
Mg (magnésium)
K (potassium)
Na (sodium)
Cl (chlorure)
SO4 (sulfates)
NO3 (nitrates exprimés en NO3)
Sr (strontium)
Rb (rubidium)
Li (lithium)
Précision
analytique
Mode opératoire
Commentaire
LQ
NF EN ISO 9963-1
Méthode potentiométrique
5 mg.l
NF en ISO 11885
Analyse ICP
0,5 mg.l
NF en ISO 10304
Méthode par chromatographie ionique (DIONEX) selon
NF EN 1034-1 (juin 1995) pour les eaux faiblement
contaminées et ISO EN 10304-2 pour les eaux usées.
0,5 mg.l
MO002
Analyse d'éléments traces par ICP-MS
1 µg.l
-1
0,5 µg.l
-1
1 µg.l
-1
5%
-1
10% (15%
pour K)
-1
10%
-1
10%
Illustration 13 : Modes opératoires et méthodes d’analyses des éléments majeurs et traces
2.6.4 Analyse des isotopes stables de la molécule d'eau
L’analyse des isotopes stables de l'eau, de l’oxygène et de l’hydrogène, est réalisée
selon les méthodes détaillées sur l’Illustration 14. Les signatures isotopiques en
hydrogène et en oxygène de la molécule d’eau sont exprimées en unité ‰ de déviation
par rapport à un standard de référence. On utilise la notation δ exprimée en parts pour
mille selon la formule δ = [(R
/ R
) - 1] x 1000 où R est le rapport
échantillon
standard
18
16
isotopique, isotope lourd sur isotope léger (e.g. O/ O). Le standard de référence est
le SMOW (Standard Mean Ocean Water), pris à 0 ‰, qui est une eau de mer
moyenne.
Analyses isotopiques
Méthode
Précision
analytique
Rapport 18O/16O de l’eau
Spectrométrie de masse IRMS par équilibration
avec un CO2 de composition connue
± 0.1 ‰
Rapport 2H/1H de l’eau
Spectrométrie de masse IRMS par équilibration
avec un H2 de composition connue
± 0.8 ‰
Rapport 87Sr/86Sr du strontium
total dissous dans l’eau
Spectrométrie de masse TMIS
± 0.05 ‰
Rapport 7Li/6Li du lithium total
dissous dans l’eau
ICP-MS-MC Neptune
± 0.5 ‰
Illustration 14: Tableau récapitulatif des méthodes d’analyses isotopiques
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
27
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
2.6.5 Analyses des isotopes du strontium
Les analyses isotopiques du strontium se font par spectrométrie de masse à source
solide par méthode TIMS (Spectrométrie de masse à thermo-ionisation) après
séparation chimique sur résine. Les rapports 87Sr/86Sr sont normalisés à un rapport
86
Sr/88Sr de 0,1194. La précision interne de chaque mesure du rapport 87Sr/86Sr est de
± 8,10-6 (2σ). La reproductibilité des mesures des rapports 87Sr/86Sr est testée par
l’analyse répétitive du standard international NBS 987, la valeur obtenue durant cette
étude est de 0,710233 ± 24,10-6 (2σ, n = 13). Les valeurs mesurées sont normalisées à
la valeur certifiée du standard NBS 987 (0,71024).
2.6.6 Analyses des isotopes du lithium
Les analyses isotopiques du Li se font par ICP-MS-MC Neptune après séparation
chimique sur résine. La composition isotopique du lithium d’un échantillon se note en
déviation relative (en ‰) par rapport à un standard. Depuis peu, la communauté
scientifique a adopté une notation commune en exprimant le rapport isotopique 7Li/6Li
de la manière suivante :
(
(
⎛ 7 Li / 6Li
δ Li (‰ ) = ⎜⎜ 7 6
⎝ Li / Li
7
)
)
ech
std
⎞
− 1⎟⎟ × 10 3
⎠
Le standard de référence est un carbonate de lithium (L-SVEC, NIST RM8545) dont la
valeur du δ7Li est de 0‰ par définition (7Li/6Li = 12.02 ± 0.03).
28
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
3 Approche hydrogéologique
3.1
VARIATIONS PIEZOMETRIQUES
Le suivi piézométrique a débuté le 30 mai 2007 sur NAR-P1 et P2, en même temps
que le suivi destiné à caractériser la géochimie des eaux du système de la Sauvetat.
Les mesures ont été réalisées avec une sonde électrique manuelle. Les niveaux
piézométriques, avant prélèvements d’eau, ont également été mesurés sur les
ouvrages NAR-Q1 et Q2. Les quatre forages ont été nivelés par un technicien du
BRGM habilité pour ces opérations.
Les piézomètres NAR-P ont été équipés début octobre 2007 d’appareils de mesures
(sonde de pression), d’enregistrement et de télétransmission des données (par SMS)
par un technicien de la société Primayer. Les informations reçues par le service
Environnement du Conseil Général de la Haute-Loire ont été transmises par la suite au
BRGM, sous la forme de données brutes, à trier.
3.1.1 Suivi manuel
Quelques mesures de contrôle ont été réalisées avant le 30 mai 2007, date à partir de
laquelle a débuté l’étude de caractérisation des Narces de la Sauvetat. Ces mesures
sont intégrées aux résultats.
Les courbes (illustration 15) qui peuvent être tracées à partir de ces données, montrent
que la surface piézométrique est plus basse durant l’étiage (août-septembre pour le
site 2 et août-novembre pour le site 1) tandis qu’elle est plus haute en période de
hautes eaux (décembre à mars).
NAR-Q2
NAR-P1
NAR-Q1
av
r.08
fé
vr
.-0
8
m
ar
s08
ja
nv
.- 0
8
dé
c.
-0
7
no
v.
-0
7
oc
t.07
ao
ût
-0
7
se
pt
.-0
7
ju
il.
-0
7
m
ai
-0
m
ar
s
7
1056,5
ju
in
-0
7
1060,0
av
r.07
1057,5
Illustration 15 : Variations piézométriques au droit des forages implantés dans la tourbière de la
Sauvetat – Relevés manuels de mars 2007 à avril 2008
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
29
Cote (m) pour le site 1
1058,5
NAR-P2
1061,0
-0
7
Cote (m) pour le site 2
1062,0
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Ce phénomène est concordant avec les observations effectuées par Tourman (2007)
sur la tourbière de Ribains située à 3 km au Sud-Est des Narces de la Sauvetat. Il a
observé en effet que les fluctuations de la nappe contenue dans la tourbière de Ribains
répondaient aux variations climatiques saisonnières.
L’amplitude des fluctuations annuelles est de l’ordre de 30 cm dans tous les sites sauf
pour NAR-Q1 au droit duquel les battements de la nappe sont plus importants.
Dans chaque site, les deux ouvrages évoluent de manière synchrone, ce qui signifie
qu’ils suivent le même niveau aquifère.
La cote de la nappe au droit du site 2 est supérieure de près de 4 m à celle du site 1.
Ceci traduit au droit du site 2, un écoulement général des eaux souterraines du Sud
vers le Nord (jusqu’au centre de la tourbière).
3.1.2 Suivi automatique
Il convient de rappeler que le matériel de mesure n’a été installé que 4 mois après le
début des mesures manuelles et des prélèvements réalisés par le BRGM.
Après analyse des données (illustration 16) télétransmises au service Environnement
du Conseil Général de la Haute-Loire, il ressort que la plupart des petites lacunes dans
les données soient imputables à un défaut dans la télétransmission. Par contre,
l’origine de l’absence de données entre le 20 janvier et le 31 mars 2008 pour les deux
piézomètres NAR-P1 et NAR-P2 n’est pas expliquée à ce jour.
30
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
1062,00
1058,5
NAR-P2 automatique
NAR-P2 manuel
NAR-P1 automatique
1057,5
1060,00
1056,5
13
/0
3/
07
13
/0
4/
07
13
/0
5/
07
13
/0
6/
07
13
/0
7/
07
13
/0
8/
07
13
/0
9/
07
13
/1
0/
07
13
/1
1/
07
13
/1
2/
07
13
/0
1/
08
13
/0
2/
08
13
/0
3/
08
13
/0
4/
08
1061,00
Illustration 16 : Variations piézométriques des forages NAR-P1 et NAR-P2 – Relevés manuels
et relevés automatiques
Par ailleurs, les mesures automatiques ne sont corrélées avec les mesures manuelles
qu’en octobre et novembre 2008 pour le NAR-P1 et uniquement en octobre 2008 pour
le piézomètre P2. Ensuite, les écarts sont supérieurs à la dizaine de centimètres
(parfois plus de 40 cm), ce qui n’est pas acceptable. La variabilité des mesures
automatiques de niveaux n’est pas expliquée à l’heure actuelle.
Il a donc été décidé de ne pas utiliser les données automatiques.
3.2
VARIATIONS DE DEBITS
Afin d’établir un bilan des flux entrants et des flux sortants de la tourbière, des mesures
de débits ont été prévues sur les émergences naturelles (pérennes et mesurables à
l’aide d’équipements de terrain légers), sur les émergences captées ainsi que sur les
ruisseaux.
Les débits de cinq sources ont été mesurés pendant toute la durée de l’étude : NARS1, NAR-S2, NAR-S3, NAR-S7 et NAR-S8. Les apports du ruisseau issu de la
dépression de Lachamp (située à 1.5 km environ en amont des Narces (NAR-R2) ont
également été mesurés.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
31
Cote (m) pour le site 1
Cote (m) pour le site 2
NAR-P1 manuel
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Le volume des effluents provenant de la station de traitement et d’épuration des eaux
usées de la Sauvetat, implantée dans le maar (NAR-EU) a également été mesuré.
Les mesures de débit réalisées dans différents sites sont présentées sur l’illustration
17. D’une manière générale, ils montrent une grande variabilité temporelle.
32
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
30,0
60,0
NAR-S8
25,0
40,0
20,0
Débit (l/mn)
50,0
30,0
20,0
15,0
10,0
5,0
0,0
0,0
13
/0
3/
07
13
/0
5/
07
13
/0
7/
07
13
/0
9/
07
13
/1
1/
07
13
/0
1/
08
13
/0
3/
08
10,0
13
/0
3/
07
13
/0
5/
07
13
/0
7/
07
13
/0
9/
07
13
/1
1/
07
13
/0
1/
08
13
/0
3/
08
Débit (l/mn)
NAR-S1
160,0
40,0
140,0
35,0
120,0
30,0
Débit (l/mn)
Débit (l/mn)
NAR-S2
100,0
80,0
60,0
NAR-S3
25,0
20,0
15,0
10,0
40,0
5,0
20,0
0,0
13
/0
3/
20
07
13
/0
5/
20
07
13
/0
7/
20
07
13
/0
9/
20
07
13
/1
1/
20
07
13
/0
1/
20
08
13
/0
3/
20
08
13
/0
3/
07
13
/0
5/
07
13
/0
7/
07
13
/0
9/
07
13
/1
1/
07
13
/0
1/
08
13
/0
3/
08
0,0
140,0
250,0
NAR-S7
NAR-R2
120,0
200,0
80,0
60,0
Débit (l/mn)
Débit (l/mn)
100,0
150,0
100,0
40,0
50,0
20,0
0,0
13
/0
3/
07
13
/0
5/
07
13
/0
7/
07
13
/0
9/
07
13
/1
1/
07
13
/0
1/
08
13
/0
3/
08
13
/0
3/
07
13
/0
5/
07
13
/0
7/
07
13
/0
9/
07
13
/1
1/
07
13
/0
1/
08
13
/0
3/
08
0,0
Illustration 17 : Evolution du débit des sources NAR-S1, NAR-S2, NAR-S3, NAR-S7, NAR-S8
et du ruisseau NAR-R2.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
33
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Sites NAR-S1 et NAR-S8.
Ces sources captées ont un comportement assez similaires : leurs débits ont été très
élevés en début d’année 2007 (non mesurable pour NAR-S1 car les volumes
transitant dans le captage étaient conséquents et auraient nécessité la mise en place
d’aménagements spécifiques pour la réalisation des mesures). Les débits ont été
ensuite assez stables jusqu’à la fin de l’année 2007.
Les Narces de la Sauvetat sont situées dans la partie méridionale du plateau du Devès
où le maximum de précipitations est enregistré pendant l’automne, l’été étant en
général peu arrosé.
Les sources NAR-S1 et NAR-S8 ne semblent pas montrer d’évolution temporelle
calquée sur la pluviométrie. Il est vraisemblable qu’elles soient alimentées par un
aquifère qui amortit les phénomènes climatiques du fait soit de sa structure (circulation
lente des eaux souterraines), soit de par son profondeur.
Sites NAR-S2 et NAR-S3.
Bien que situées à la même altitude et à 150 m l’une de l’autre, ces deux sources n’ont
pas le même comportement.
La source NAR-S3 dont les débits sont en général inférieurs à 5 l/mn, ne montre pas
de variations temporelles mais de rapides augmentations de débit dont les origines ne
sont pas connues.
La source NAR-S2 présente un comportement cyclique caractérisé par de fortes
amplitudes de débits au cours de l’année. Les débits maximum ont été mesurés
pendant l’automne, période où les précipitations sont les plus soutenues. L’aquifère qui
alimente cette source est donc relativement sensible aux phénomènes extérieurs et
par conséquent peu profond.
Site NAR-S7.
Les débits enregistrés sur cette source sont plutôt conséquents. Il n’a pas été possible
de mesurer les débits entre août et décembre 2007 car les émergences de cette
source étaient trop diffuses.
Site NAR-R2.
Les mesures faites sur le ruisseau issu de la zone humide de Laschamp révèlent que
les plus faibles débits sont enregistrés de septembre à novembre. Les débits du début
de l’année 2008 ont été très importants mais non mesurables, hormis en avril.
Bilan en eau
Le bilan en eau du système des Narces de la Sauvetat n’a pas pu être effectué car la
réalisation de la station hydrométrique qui devait être installée sur le ruisseau des
34
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Fouragettes (le seul exutoire connu des Narces) par le Conseil Général de la HauteLoire a débuté avec plusieurs mois de retard par rapport au début de l’étude BRGM.
Concernant le calcul des volumes entrants, il apparaît assez difficile à évaluer car il n’a
pas été possible de mesurer certaines émergences diffuses (NAR-S4, NAR-S7), non
accessibles (NAR-S5, NAR-S6) ou non mesurables du fait de débits trop importants
(NAR-S1, NAR-R2).
Nous avons essayé d’évaluer la zone d’alimentation des principales sources suivies
dans le cadre de cette étude. Pour cela, nous avons calculé les débits théoriques
attendus pour les 3 principaux types d’émergence des eaux souterraines des Narces
de la Sauvetat.
Ces débits ont été calculés à partir de la surface du bassin versant topographique des
différentes sources et de la hauteur moyenne de pluie efficace.
La pluie efficace (PE) correspond à la quantité moyenne d’eau fournie par les
précipitations (P) au cours d’une année restant disponible à la surface du sol après
soustraction des pertes par évapotranspiration réelle (ETR). L’évapotranspiration est la
combinaison de l’évaporation physique et de la transpiration biologique.
Les précipitations efficaces varient saisonnièrement. Elles sont en effet, plus
importantes d’octobre à févier et plus faibles en été période où l’évapotranspiration est
supérieure aux précipitations. Elles sont également variables selon les années. Une
fraction de la pluie efficace va s’infiltrer dans les formations géologiques et une fraction
va ruisseler et alimenter les ruisseaux.
Nous avons pris pour nos calculs, des valeurs de PE tirées de deux études sur le
Devès : 290 mm/an (Tourman, 2007) et 221 mm/an (Lecocq, 1987) auxquelles nous
avons retranché la part du ruissellement (R).
Nous avons utilisé une valeur de ruissellement identique à celle de Lecocq (1987, R=
57 %) car le contexte entre notre étude et la sienne est assez similaire tant d’un point
de vue du relief que de la nature des formations. Pour les sources NAR-S1 et NAR-S8
cependant, il est vraisemblable qu’un ruissellement de 57 % soit un peu excessif car
les formations en place (dépôts de l’anneau pyroclastique du maar et projections
scoriacées) favorisent plutôt l’infiltration. Pour autant, la composante « ruissellement »
n’est pas négligeable car le village de la Sauvetat situé dans le bassin versant,
comporte de nombreuses surfaces imperméables (routes, constructions).
Le résultat des calculs est reporté sur l’illustration 18.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
35
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Bassin
versant
(m2)
Débit théorique en
l/m
avec PE= 290 mm
et R = 57 %
Débit théorique en Débit moyen
l/mn
mesuré
en
avec PE= 221 mm l/mn
et R= 57 %
NAR-S2,
NAR-S3
128 200
30.5
23.2
62.5
NAR-S1,
NAR-S8
86 000
20.5
15.5
36.9
NAR-S7
105 600
25.1
19.1
94.5
Illustration 18 : Débits théoriques et débits moyens mesurés pour 3 types d’émergences.
On constate que les débits moyens mesurés sont supérieurs aux débits calculés à
partir des surfaces des bassins versants topographiques. Cela signifie que les bassins
d’alimentation véritables des sources sont beaucoup plus grands que les bassins
versants topographiques.
3.3
VARIATIONS DE TEMPERATURE
Des mesures de la température de l’eau des différents sites investigués ont été
effectuées sur un cycle annuel. Les résultats sont présentés sur l’illustration 19.
36
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
16
16
NAR-S1
NAR-S8
12
10
8
6
4
10
8
6
4
2
0
0
7
07
il. ju
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se
07
7
-0
v.
o
n
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ja
s
ar
m
8
-0
-0
ai
m
16
07
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s
07
7
-0
v.
o
n
08
v.n
ja
s
ar
m
8
-0
NAR-S5
10
8
6
4
10
8
6
4
2
0
0
07
il. ju
.pt
e
s
07
v.
no
7
-0
08
v.n
ja
s
ar
m
8
-0
NAR-Q2
12
2
7
NAR-Q1
14
Température (°C)
NAR-S3
12
-0
ai
m
7
16
NAR-S2
14
Température (°C)
12
2
-0
ai
m
NAR-S7
14
Température (°C)
Température (°C)
14
-0
ai
m
7
07
il. ju
07
t.p
se
v.
no
7
-0
08
v.n
ja
s
ar
m
16
NAR-R1
Température (°C)
14
NAR-R2
12
10
8
6
4
2
0
-0
ai
m
7
07
il. ju
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s
07
7
-0
v.
o
n
08
v.n
ja
s
ar
m
8
-0
Illustration 19 : Variations annuelles de température pour les sites NAR-S1, NAR-S2, NAR-S3,
NAR-S5, NAR-S7, NAR-S8, NAR-Q1, NAR-Q2, NAR-R2 et NAR-R1
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
37
8
-0
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Les eaux des sources NAR-S1, NAR-S7 et dans une moindre mesure NAR-S8 ont des
écarts thermiques annuels réduits : 8.2 ± 0.4 °C pour NAR-S1 et 7.8 ± 0.3 °C pour NARS7. Cette relative constance indique que les aquifères qui alimentent ces sources sont
peu sensibles aux variations climatiques : les aquifères sont profonds et/ou relativement
étendus.
Les températures des sources NAR-S2, NAR-S3 et NAR-S5 évoluent de manière quasisynchrone. Les amplitudes thermiques sont marquées : de l’ordre de 6 °C pour NAR-S2
et NAR-S3 et 12 °C pour NAR-S5. Hormis pour la mesure de juillet 2007, les plus fortes
températures se rencontrent en été et les plus basses en hiver. L’évolution temporelle
de la température de ces sources est calquée sur le contexte climatique général du
plateau du Devès marqué par des étés chauds et des hivers rigoureux. L’aquifère qui
alimente ces sources est donc plutôt superficiel.
Les eaux souterraines de la tourbière au droit du site 2 (NAR-Q2) sont également plus
chaudes en été et plus froides en hiver, avec des amplitudes thermiques marquées. La
surface piézométrique au droit de ce site étant sub-affleurante (inférieur à 0.5 m par
rapport à la surface du sol), il est donc logique que la température des eaux souterraines
soit corrélée avec la température atmosphérique. En ce qui concerne le site 1 (NARQ1), il est difficile de distinguer un quelconque cycle annuel d’après les chroniques. La
température moyenne des eaux est de 9.1°C comme au droit du site 2.
Les températures des eaux de surface (NAR-R1 et NAR-R2) ont, comme attendu, une
évolution cyclique directement reliée aux conditions météorologiques. Les amplitudes
annuelles sont moins marquées sur le ruisseau des Fouragettes (NAR-R1) que sur le
ruisseau entrant dans les Narces (NAR-R2). L’origine de ce phénomène est
probablement une plus grande inertie du ruisseau des Fouragettes.
3.4
VARIATIONS DE CONDUCTIVITE
Des mesures de conductivité de l’eau ont été réalisées sur tous les sites étudiés. Les
résultats sont présentés sur l’illustration 20.
38
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
220
NAR-S1
450
NAR-S7
NAR-S8
400
200
Conductivité (µS/cm)
Conductivité (µS/cm)
500
350
300
250
200
150
180
160
140
120
100
a
m
7
i-0
100
i
ju
07
l.-
07
t .p
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7
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v
no
8
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v
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n
a
a
j
m
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m
NAR-S2
450
7
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pt
e
s
7
-0
v.
o
n
8
-0
v.
n
ja
s
ar
m
8
-0
400
NAR-Q1
450
NAR-S3
Conductivité (µS/cm)
Conductivité (µS/cm)
7
-0
il.
ju
500
500
NAR-S5
350
300
250
200
NAR-Q2
400
350
300
250
200
150
150
100
7
-0
ai
m
7
100
ju
07
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07
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7
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-0
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7
07
il. ju
7
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pt
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s
7
-0
v.
o
n
08
v.n
ja
s
ar
m
220
Conductivité (µS/cm)
NAR-R1
200
NAR-R2
180
160
140
120
100
7
-0
ai
m
7
-0
il.
u
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07
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7
-0
v.
o
n
8
-0
v.
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ja
08
sr
a
m
Illustration 20 : Variations annuelles de conductivité pour les sites NAR-S1, NAR-S2, NAR-S3,
NAR-S5, NAR-S7, NAR-S8, NAR-Q1, NAR-Q2, NAR-R2 et NAR-R1
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
39
8
-0
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
L’examen des résultats met en évidence une évolution temporelle similaire pour toutes
les émergences d’eau souterraine. On observe en effet, une baisse significative de la
conductivité après le mois de juillet puis une hausse marquée après janvier 2008.
L’origine de ce phénomène n’est pas liée aux variations de débits car il a été vu
précédemment que la variation temporelle des débits des sources était différente selon
les sites.
Cette évolution se retrouve également dans les eaux souterraines de la tourbière au
droit du site 1 (NAR-Q1). Sur le site 2 (NAR-Q2), la tendance observée est plutôt une
diminution de la conductivité du début à la fin de l’étude.
La conductivité des eaux superficielles sortantes de la tourbière (NAR-R1) suit la
même évolution que celle des sources. Le phénomène est plus atténué sur les eaux
entrantes (NAR-R2).
Deux groupes de sites peuvent être distingués selon leur conductivité :
• un pôle de faibles valeurs de conductivité (inférieures à 200 µS/cm) comprenant
les eaux de surface (NAR-R2, et NAR-R2) et la source NAR-S7. Ces basses valeurs
révèlent une faible interaction et/ou un temps de contact limité entre l’eau et les
formations géologiques ;
• un pôle de conductivités élevées (entre 200 et 450 µS/cm) qui peuvent indiquer
un temps de contact suffisamment long pour permettre la dissolution de minéraux et/ou
des apports anthropiques (pollution). La quasi-totalité des sources sont incluses dans
cette catégorie.
Ces valeurs de conductivité, et en particulier celles supérieures à 300 µS/cm, sont
inhabituelles dans la région pour des eaux ayant percolé à travers des formations
volcaniques. Un ou des apports anthropiques (pollution diffuse) sont soupçonnés pour
justifier les conductivités élevées de la plupart des eaux souterraines du secteur.
La source NAR-S7 quant à elle parait peu affectée par la pollution : l’évolution
temporelle de la conductivité est semblable à celle des autres émergences mais les
valeurs mesurées sont assez conformes à celles que l’on peut observer pour les eaux
souterraines d’origine volcanique dans la région.
Concernant l’évolution particulière de la conductivité au droit de NAR-Q2, il semblerait
que la décroissance de la conductivité pendant l’étude puisse traduire la présence d’une
source ponctuelle de pollution. Il existe des bassins de lagunage utilisés pour l’épuration
des eaux usées à 250 m au Sud-Ouest du site 2 mais l’existence d’une éventuelle
relation avec les effluents de ces bassins ne peut pas être mise en évidence.
Un dernier point est également important à relever : la conductivité des eaux sortant de
la tourbière (NAR-R1) est très inférieure à celle de la plupart des sources présentes sur
le pourtour du maar ainsi que celles des eaux souterraines de la tourbière. L’origine de
ce phénomène ne peut pas être expliquée avec les mesures de terrain.
40
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
3.5
SYNTHESE
L’examen des données de terrain (conductivité, température, débit, mesures
piézométriques) permet de montrer d’ores et déjà que plusieurs aquifères participent à
l’alimentation du système des Narces de la Sauvetat :
- deux aquifères plutôt profonds et/ou de grande extension amortissant les
fluctuations climatiques. Le premier ayant pour exutoire les sources NAR-S1 et
NAR-S8, semble contaminé par des apports anthropiques (révélés par des
conductivités de l’eau élevées). Le deuxième aquifère caractérisé par la source
NAR-S7, parait peu touché par cette contamination ;
- un aquifère peu profond représenté par les sources NAR-S2, NAR-S3, NAR-S4
et NAR-S5 qui est également affecté par la pollution.
Il est important de signaler qu’une alimentation souterraine existe localement dans les
formations tourbeuses. La source NAR-S6 émerge dans la partie aval de la tourbière
en contrebas du hameau des Hurtes, mais elle n’a pas pu être quantifiée. Seule sa
conductivité différente de celle des eaux de la tourbière a permis de la distinguer.
La zone réelle d’alimentation des Narces est supérieure à la surface du bassin versant
topographique. Ce phénomène est assez courant en domaine volcanique.
Les résultats permettent d’identifier également des phénomènes particuliers :
- des caractéristiques atypiques des eaux souterraines de la tourbière au droit du
site 2 ;
- la conductivité de l’eau du ruisseau exutoire (ruisseau des Fouragettes) n’est pas
identique à celle des eaux souterraines de la tourbière.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
41
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
4 Caractérisation géochimique des eaux
souterraines
4.1
CHIMIE ELEMENTAIRE
4.1.1 Validité des analyses chimiques réalisées
Dans le cadre de cette étude, les éléments majeurs analysés sont : Ca, Mg, K, Na,
HCO3, NO3, Cl, SO4, SiO2, et les éléments traces sont : B, Li, Sr, Rb, Se, Pb. Le TDS
(pour Total Dissolved Solids, c'est-à-dire les sels dissous) est la somme des
concentrations en mg.l-1 des cations et des anions mesurés en laboratoire. La
conductivité électrique, mesurée sur le terrain est fonction de la salinité de l’eau ; il
existe donc généralement une relation quasi-linéaire entre la conductivité électrique et
le TDS calculé à partir des analyses chimiques de laboratoire. L’Illustration 21a
présente le TDS en fonction de la conductivité électrique. On observe ici une bonne
corrélation entre ces paramètres. Ainsi, aucun problème majeur lors du déroulement
des analyses chimiques ou des mesures de conductivité ne semble donc devoir être
suspecté. L’Illustration 21b, représentant la somme des anions (Σ-) en fonction de la
somme des cations (Σ+) en mEq/l, montre un équilibre entre charges positives et
charges négatives mesurées dans les eaux sauf pour le point NAR-Q2 prélevé en juin,
juillet et août. Ainsi excepté ce point, les analyses semblent prendre en compte
l’essentiel des éléments majeurs présents dans l’eau. Ceci doit cependant être
confirmé par l’étude de la balance électrique. Le NICB (pour Normalized Inorganic
Charge Balance) donne la balance des analyses chimiques selon la formule :
∑+ − ∑−
x100
NICB = +
∑ + ∑−
Le NICB correspond au pourcentage de charges positives excédentaires ou
manquantes pour avoir un bilan des charges nul. Une eau ayant toujours un bilan de
charges nul à l’équilibre, un excès de cations ou d’anions dénotant parfois une analyse
chimique incomplète ou de mauvaise qualité. On considère que les analyses sont
correctes pour un NICB compris entre -5% et +5%. Toutes les analyses présentent un
NICB acceptable excepté le point NAR-Q2 prélevé en juin et juillet 2007 (Illustration
21c).
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
43
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
400
6000
5000
300
Σ- (meq/l)
TDS (mg/L)
=
(b)
68
1:
1
2
R
0.
D
ro
ite
(a)
200
4000
NAR-Q2
3000
2000
100
100
200
300
400
500
Conductivité électrique (µS/cm)
1000
1000
2000
3000
4000
Σ+ (meq/l)
5000
6000
10
(c)
NICB (%)
5
NAR-Q2
NICB = +5%
0
-5
NICB = -5%
-10
1000
2000
3000
4000
Σ+ (meq/l)
5000
6000
Illustration 21 : TDS vs. conductivité électrique de l’eau (a), somme des anions (Σ-) vs. somme
des cations (Σ+) (b), balance ionique (NICB) vs. somme des cations (Σ+)(c)
4.1.2 Diagramme de Piper : faciès chimique des eaux
Le diagramme de Piper (Illustration 22) indique que les eaux souterraines et les eaux
de surface prélevées décrivent majoritairement un faciès bicarbonaté-calcique. Seuls
les points NAR-S1, S2 et S7 présentent un faciès sulfaté-calcique assez étonnant dans
ces conditions de milieu volcanique. On observe dans le triangle des anions une
augmentation des teneurs Cl + NO3 dans les sources.
44
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
100
O3
60
+M
+N
Ca
O4
g
NAR-S1 et S2
Cl
40
40
+S
80
80
SO4-Ca
60
Exutoire
Tourbière
Sources
Ruissèlement
Eaux usées
NAR-S7
20
20
NAR-S8
HCO3-Ca
0
Cl-Na
0
100
100
20
20
80
Na
60
60
4
Mg
60
SO
CO
3+
HCO3-Na
+K
60
HC
O3
80
40
40
80
80
20
20
100
0
0
10
80
60
40
20
0
20
40
0
60
80
10
Ca
0
0
Cl + NO3
Illustration 22 : Diagramme de Piper pour toutes les campagnes de prélèvement suivant le point
de prélèvement
4.1.3 Relation inter-éléments
Les deux sources naturelles principales de chlorures dans les eaux souterraines et les
eaux de surface sont les aérosols marins (via les eaux de pluie) et la dissolution de
halite. Sur le site des Narces de la Sauvetat, en l’absence de dépôts évaporitiques
dans les niveaux lithologiques drainés, les eaux souterraines et les eaux de surface
intègrent uniquement des chlorures provenant de l’eau de pluie qui les alimentent
(Meybeck, 1986, Berner et Berner, 1987). Ainsi les chlorures peuvent être utilisés
comme éléments de référence des apports atmosphériques dans les eaux de surface
et les eaux souterraines (Meybeck, 1986). Dans l’Illustration 23 sont présentées sous
la forme de diagrammes binaires les teneurs en chlorures versus celles d’autres
éléments majeurs pour l’ensemble des campagnes de prélèvement réalisées. La droite
de dilution de l’eau de mer est représentée comme référence, à partir des données
synthétisées par Berner et Berner (1987). Cette droite est identique à la composition
géochimique attendue pour les eaux souterraines et les eaux de surface si tous les
éléments dissous provenaient uniquement de l’eau de pluie. L’Illustration 23 montre
que les variations de concentrations d'un échantillon à l'autre sont importantes à
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
45
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
l'échelle du site des Narces de la Sauvetat et, suivant les éléments considérés, de
nettes tendances se dessinent. Ces tendances sont discutées ci-après.
Sur le diagramme chlorures versus sodium (Illustration 23a), les points se répartissent
globalement sur la droite de dilution de l’eau de mer représentant les apports de
chlorures et de sodium amenés par les aérosols marins via les eaux de pluie.
Cependant un certain nombre de points sont enrichis en chlorures par rapport à cette
droite. En dehors des apports océaniques via les eaux de pluie, les chlorures peuvent
être amenés par des apports anthropiques de type engrais minéraux et des sels de
déneigement. Or la contribution d’éléments dissous provenant des sels de
déneigement impliquerait également un fort enrichissement des eaux en Na, ce qui
n’est pas le cas pour les eaux des Narces de la Sauvetat. Ainsi l’hypothèse du
lessivage d’engrais minéraux provenant des sols agricoles semble la plus réaliste pour
expliquer les fortes concentrations en chlorures observées pour les points NAR-S1, S2,
S3, S5 et S8 (> 750 µmol.l-1).
Sur le diagramme chlorures versus nitrates (Illustration 23b), il existe une corrélation
franche entre les concentrations en nitrates et en chlorures pour les points NAR-S1 et
S8 (NO3> 250 µmol.l-1). Cependant les faibles concentrations en nitrates
(< 150 µmol.l-1) observées pour les points NAR-S2, S3 et S5, bien que leurs
concentrations en chlorures soient élevées (> 1250 µmol.l-1), suggère une
dénitrification des nitrates, processus compatible avec les conditions anoxiques qui
peuvent exister au sein d’une tourbière (Manneville, 2001). Ainsi pour ces points une
origine agricole des nitrates et des chlorures est également compatible.
Sur le diagramme chlorures versus calcium (Illustration 23c) et chlorures versus
magnésium (Illustration 23d), tous les points se trouvent fortement enrichis en calcium
et en magnésium par rapport à la droite de dilution de l’eau de mer traduisant une
origine majoritairement lithologique pour ces deux éléments (altération des roches
volcaniques présentes localement, sans pour autant exclure une influence potentielle
d’apports anthropiques). Les eaux souterraines prélevées aux points NAR-Q1 et Q2
présentent le maximum d’enrichissement par rapport à cette droite et leurs
concentrations en Ca et Mg sont respectivement supérieures à 500 et 600 µmol.l-1.
Sur le diagramme chlorures versus sulfates (Illustration 23e), les points NAR-S6 à 8 et
NAR-R1 et R2 se répartissent sur la droite de dilution de l’eau de mer, indiquant un
contrôle de la concentration en sulfates par les eaux de pluie. Les points NAR-Q1 et
NAR-Q2 présentent un enrichissement significatif en sulfates (> 150 µmol.L-1) par
rapport à la droite de dilution de l’eau de mer ce qui signifie que ces points intègrent
vraisemblablement des sulfates provenant de l’altération de sulfures présents dans les
roches volcaniques locales. Les points NAR-S1 à 3 et S5 sont enrichis en chlorures
par rapport à la droite de dilution de l’eau de mer. Comme précédemment discuté, cet
enrichissement peut être attribué à des apports anthropiques de chlorures,
vraisemblablement de type engrais minéraux.
46
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
2500
2500
Cl (µmol/l)
2000
NAR-S1, S2, S3
NAR-S5
(b)
2000
Cl (µmol/l)
NAR-S1
Dr
o
ea ite
u di
de lu
m tion
er
(a)
1500
NAR-EU
1000
NAR-S8
500
NAR-R2
0
0
500
1000
NAR-EU
1000
NAR-S8
500
NAR-R1
NAR-Q1 et Q2
NAR-S6, S7
NAR-R1
NAR-Q1 et Q2
1500
2000
NAR-R2
0
0
2500
NAR-S6, S7
100
2500
NAR-S1
2000
NAR-EU
1000
NAR-S8
500
NAR-R1
1500
NAR-EU
1000
NAR-S8
NAR-Q1 et Q2
NAR-R1
NAR-R2
800
1200
Cl (µmol/l)
NAR- S2,
S3, S5
1500
0
400
800
1200
Mg (µmol/l)
Droit
e
eau ddilution
e me
r
(e)
NAR-S1
2000
NAR-R2
NAR-S6, S7
0
Ca (µmol/l)
2500
500
NAR-S1, S2,
S3, S5
500
NAR-Q1 et Q2
0
0 NAR-S6, S7 400
400
(d)
Cl (µmol/l)
1500
300
Droite
dil
eau de ution
m er
2500
NAR-S1, S2,
S3, S5
Droite dilution
eau de mer
Cl (µmol/l)
2000
200
NO3 (µmol/l)
Na (µmol/l)
(c)
NAR-S1
NAR-S2, S3, S5
1500
NAR-EU
NAR-S8
1000
500
NAR-R1
NAR-Q1 et Q2
NAR-R2
NAR-S6, S7
0
0
100
200
300
400
500
SO4 (µmol/l)
Illustration 23 : Cl vs. Na (a), Cl vs. NO3 (b), Cl vs. Ca (c), Cl vs. Mg (d), Cl vs. SO4 (e) pour
toutes les campagnes de prélèvement
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
47
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Sur le diagramme chlorures versus strontium (Illustration 24a), tous les points se
trouvent enrichis en strontium par rapport à la droite de dilution de l’eau de mer,
traduisant une origine lithologique pour cet élément. Les concentrations en Sr les plus
élevées sont observées pour les points NAR-S1 à 3, S5 et S8 et NAR -Q1 et Q2 (> 2
µmol.L-1). Les concentrations les plus faibles en Sr sont observées pour les points
NAR-S6, S7, R1 et R2 (0,92 à 1,45 µmol.L-1). Sur le diagramme chlorures versus
lithium (Illustration 24 b), la majeure partie des points se répartissent sur la droite de
dilution de l’eau de mer traduisant que le Li provient presque exclusivement des
apports atmosphériques. Cependant les eaux souterraines de la tourbière prélevées en
NAR-Q1 et Q2 présentent un enrichissement significatif en Li, les concentrations sont
comprises entre 4 et 28 µmol.l-1, ces points présentent donc une autre source de Li que
celle des eaux de pluie.
2500
Droite dilution
eau de mer
1500
1000
NAR-S1
NAR-S5
NAR-S2, S3
NAR-S5
NAR-EU
NAR-S8
NAR-Q2
NAR-Q1
500
NAR-R1
1
2
NAR-EU
1000
NAR-S8
NAR-Q1
NAR-Q2
NAR-S6, S7
0
NAR-S6, S7
0
droite dilution
eau de mer
1500
500
NAR-R1
NAR-R2
0
(b)
2000
NAR-S1
Cl (mmol/l)
2000
Cl (mmol/l)
2500
(a)
3
4
Sr (µmol/l)
5
0
10
20
30
Li (µmol/l)
Illustration 24 : Cl vs. Sr (a), Cl vs. Li (b) pour toutes les campagnes de prélèvement
4.1.4 Rapports élémentaires
Nous avons précédemment mis en évidence l’influence importante de la lithologie sur
la composition chimique des eaux de surface et des eaux souterraines. Or pour une
même lithologie, en fonction du temps de transit qui conditionne le temps d’interaction
eau/roche, du volume d’eau au contact des roches, et de l’évaporation éventuelle, un
effet dilution-concentration peut aboutir à des compositions chimiques très différentes.
Afin de s’affranchir de ces effets, de nombreux auteurs proposent de normaliser les
différents éléments chimiques par rapport au sodium (Négrel et al., 1993 ; Gaillardet et
al., 1997 et 1999). Ainsi sur un diagramme binaire, la droite de dilution correspondant à
une lithologie donnée se rapporte à un point. Le sodium, couramment utilisé comme
élément de référence, provient essentiellement de la dissolution d’aluminosilicates
sodiques et avec un degré moindre de la dissolution d’évaporites. Le ratio Ca/Na est
reporté en fonction du ratio Mg/Na sur l’Illustration 25. Sur un tel diagramme, le
mélange entre 2 pôles sources d’éléments dissous est représenté par une droite car le
48
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
même élément (Na) est utilisé pour la normalisation. Les rapports Ca/Na et Mg/Na
attendus pour les eaux de pluie locales sont respectivement 1,7 et 0,5 (valeurs
moyennes des analyses d’eau de pluie publiées dans Négrel et Roy, 1998). Sur
l’Illustration 25 sont reportés également les rapports Ca/Na et Mg/Na attendus pour
l’eau de mer (respectivement 0,02 et 0,10) qui représentent la principale source
d’éléments dissous pour les eaux de pluie (aérosols marins). Sur ce diagramme Ca/Na
vs. Mg/Na, les points de prélèvement se répartissent sur deux droites de mélange de
pente positive.
La droite #1 (Illustration 25) est décrite par le point NAR-R1, eaux du ruisseau des
Fouragettes, pour les rapports Ca/Na et Mg/Na les plus faibles et par les points NARQ1 et NAR-Q2, eaux de la tourbière, pour les rapports Ca/Na et Mg/Na les plus élevés.
Or l’interprétation des concentrations en Cl et NO3 des points NAR-Q1 et NAR-Q2 a
précédemment mis en évdence le faible contrôle de la géochimie de ces eaux par des
apports anthropiques. Ainsi la droite #1 peut être interprétée comme la courbe de
mélange entre des éléments dissous provenant de l’eau de pluie (source d’éléments
dissous majoritaire pour les eaux du ruisseau des Fouragettes) et la lithologie (source
d’éléments dissous majoritaire pour les eaux de la tourbière). On note cependant une
différence, surtout sur le rapport Ca/Na, entre les eaux de pluies données par Négrel et
Roy (1998) et les eaux du ruisseau des Fouragettes NAR-R1. Cette différence peut
s’expliquer par le drainage superficiel, jouant sur les teneurs en Ca.
La droite #2 (Illustration 25) est décrite par le point NAR-R1 et le point NAR-S5, qui
présente les rapports Ca/Na et Mg/Na les plus élevés associés à des concentrations
élevées en Cl et NO3 (Illustration 23), précédemment attribuées à des apports
anthropiques. Ainsi la droite #2 peut être interprétée comme la courbe de mélange
entre des éléments dissous provenant de l’eau de pluie et des apports anthropiques de
type agricole. De plus la répartition des points de prélèvement suivant deux droites
distinctes montre que le rapport Mg/Na permet de tracer les apports anthropiques
(rapport Mg/Na plus élevé) sur le site des Narces de la Sauvetat.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
49
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Lithologie
4
(a)
NAR-Q1
3
Anthropique?
dr
oi
te
Ca/Na
#1
NAR-Q2
Eau de
pluie
2
NAR-S5
NAR-S1
e
oit
r
d
#2
NAR-S2, S3
NAR-S8
1
NAR-S6, S7
Sources
Tourbière
Exutoire
Ruissellement
Eaux usées
NAR-R2
NAR-R1
NAR-EU
Eau de
mer
0
0
1
2
3
4
5
Mg/Na
Illustration 25 : Ca/Na vs. Mg/Na. pour toutes les campagnes de prélèvement
50
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
4.2
CARACTERISATION DES APPORTS D'EAU : ISOTOPES DE LA
MOLECULE D'EAU (δ18O ET δ2H)
En l'absence d'évaporation ou d'échange avec des gaz dissous, les isotopes stables
de la molécule d'eau se comportent comme des traceurs conservatifs et reflètent le
mélange des différentes recharges ayant alimenté les eaux souterraines considérées.
L'histoire hydroclimatique d'un aquifère peut donc être reconstituée par l'abondance
des isotopes stables lourds de l'oxygène (18O) et de l'hydrogène (2H) dont les
signatures correspondent à des environnements et des épisodes hydroclimatiques
spécifiques, ou des altitudes de recharge différentes. Sous certaines conditions (faible
rapport eau/roche, temps de résidence long, température élevée du réservoir, échange
avec CO2, évaporation, …), les interactions eau/roche peuvent modifier la composition
isotopique initiale de l'eau. Les variations de concentrations en isotopes de l'oxygène
et de l'hydrogène, traceurs intimes de la molécule d'eau, obéissent à certaines lois.
Lors des changements de phases (condensation, évaporation, passage phase liquidephase solide), des fractionnements isotopiques entre les diverses molécules se
réalisent ; ceux-ci sont dépendants de la température. Ainsi la composition isotopique
des eaux météoriques varie en fonction de paramètres géographiques ou
paléogéographiques : latitude, altitude, saison, période climatique.
Afin de connaître les relations entre aquifères et les relations aquifères/eaux
superficielles, les compositions isotopiques δ18O et δ2H, traceurs de la molécule d'eau,
sont analysées. La mesure de ces deux signatures isotopiques permet la comparaison
par rapport à la fonction d’entrée, c'est-à-dire par rapport à la droite météorique locale.
Il est ainsi possible de voir si les eaux de l'aquifère ont été modifiées par échange ou
mélange avec des eaux extérieures au système. La mesure de ces deux traceurs est
indispensable pour détecter les phénomènes d’évaporation et déterminer l’origine des
eaux. Les signatures isotopiques δ18O et δ2H des eaux continentales (e.g. les eaux de
rivières et les eaux souterraines) sont contrôlées par trois phénomènes qui sont (1) les
précipitations, (2) l'évaporation et (3) les mélanges d'eau.
Ainsi les isotopes stables de la molécule d’eau permettent d’apporter des éléments de
réponse aux questions suivantes : d’où vient l’eau souterraine ? Comment est-elle
rechargée ? Quelles sont les relations entre les eaux de surface et les eaux
souterraines ?
La droite météorique locale suivante : δ2H = 8δ18O +13,1, a été définie pour le Massif
Central par Fouillac et al. (1991). Sur le diagramme représentant δ2H versus δ18O
(Illustration 26), les points se répartissent entre la droite météorique globale (GMWL
δ2H = 8δ18O +10 ; Craig, 1961) et cette droite météorique locale (LMWL). Ceci traduit
une origine majoritairement météorique pour les eaux prélevées sur le site des Narces
de la Sauvetat et l’absence d’évaporation significative de ces eaux. Des différences de
compositions isotopiques δ2H et δ18O significatives entre les différents flux d’eau
entrant et sortant sont observées à l’échelle de la tourbière.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
51
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Les variations saisonnières de composition isotopique en H (δ2H) et O (δ18O) des eaux
de la tourbière prélevées aux points NAR-Q1 et NAR-Q2 sont inférieures à 3‰ et
0,3‰, respectivement, ce qui est peu significatif compte tenu de l’erreur analytique
considérée (respectivement de 0,8‰ et 0,1‰). De la même manière, les eaux de
sources prélevées aux points NAR-S1 et NAR-S8 présentent des variations
saisonnières peu significatives (inférieures à 1,5‰ et 0,2‰ respectivement pour les
valeurs δ2H et δ18O). En revanche, le point NAR-S5 présente, en fonction du régime
hydrique, de fortes variations de compositions isotopiques δ2H et δ18O. Les valeurs
maximales sont observées pour la campagne d’août 2007 (δ2H=-54‰ et δ18O=-8,1‰)
et les valeurs minimales pour la campagne de juin 2007 (δ2H=-61‰ et δ18O=-9,2‰).
Les eaux de ruissellement prélevées en NAR-R2 et les eaux prélevées dans le
ruisseau des Fouragettes (NAR-R1) présentent également des variations saisonnières
de leurs compositions isotopiques δ2H et δ18O (respectivement 3‰ et 0,4‰ pour NARR2 et 8‰ et 1‰ et pour NAR-R1). Pour le ruisseau des Fouragettes NAR-R1, ces
variations sont du même ordre de grandeur que pour les eaux de la tourbière
prélevées aux points NAR-Q1 et NAR-Q2. Les eaux de ruissellement NAR-R2
montrent des variations identiques en amplitude à celles des eaux de sources
prélevées au point NAR-S5.
Les compositions moyennes pondérées pour les eaux de pluie les plus proches, et
correspondant à des suivis complets sur une année, sont Clermont Ferrand et Thonon
(voir Millot et al., en préparation pour la synthèse des données). Pour Clermont
Ferrand les valeurs moyennes pondérées sont respectivement de -6.4‰ et -44.82‰
pour δ18O et δ2H et de -9.2‰ et -65,40‰ pour δ18O et δ2H dans le suivi à Thonon. Une
valeur intermédiaire de -8,9‰ pour δ18O a été déterminée à Volvic. Les résultats
obtenus sur l’ensemble des points du site sont quasiment encadrés par les valeurs
moyennes des pluies montrant des apports d’eau atmosphérique mais issus de
recharge variable comme en témoigne la variabilité observée.
-55
-45
-50
-57.5
NAR-S5
-55
δ2H
δ2H
NAR-S5
NAR-R2
-60
NAR-R1
NAR-Q1
-60
NAR-S3
NAR-EU
-62.5
NAR-S1, S2, S4, S6, S7, S8
-65
NAR-Q2
Sources
Tourbière
Exutoire
Ruissellement
Eaux usées
GMWL
LMWL Massif central
(Fouillac et al., 1991)
-65
-70
-10 -9.75 -9.5 -9.25
-9
-8.75 -8.5 -8.25
δ18O
-8
-7.75 -7.5
-9.75
-9.5
-9.25
δ18O
-9
-8.75
Illustration 26 : δ2H vs. δ18O pour toutes les campagnes de prélèvement
52
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
4.3
CARACTERISATION DES APPORTS D'ELEMENTS DISSOUS
4.3.1 Isotopes du strontium
Le rapport isotopique en Sr (87Sr/86Sr) d'une eau est lié à celui du minéral ou à des
associations minéralogiques avec lesquelles le fluide a interagi. Lors des phénomènes
d'interaction eau/roche, le rapport 87Sr/86Sr de la fraction de Sr libéré sera différent de
la roche totale et typique du ou des minéraux altérés et ceci en liaison avec la
"résistance" des minéraux vis-à-vis de l'agressivité du fluide. Les variations isotopiques
observées dans les fluides peuvent être issues du mélange de Sr de compositions
isotopiques différentes provenant de différentes sources. Ainsi, dans le cas simple où
deux sources de rapport isotopique ou chimique différents sont présentes, la
composition du mélange peut être déterminée. Les variations du rapport isotopique du
Sr dans un hydrosystème donnent ainsi des informations sur (1) la nature et l'intensité
des processus d'interaction eau/roche liés notamment à l'altération et à l'érosion ainsi
que sur (2) l'origine et les proportions de mélange du Sr dissous provenant de
différents réservoirs hydriques (eaux souterraines/ eaux de surface).
Ainsi les isotopes du Sr permettent d’apporter des éléments de réponse aux questions
suivantes : d’où viennent les éléments dissous ? Comment les eaux souterraines
sont elles rechargées ? Quelles sont les relations entre les eaux de surface et les
eaux souterraines ?
A l’échelle régionale, les données de la littérature sont abondantes pour contraindre la
signature isotopique en Sr des lithologies présentes. L’analyse de roches volcaniques
sur l’ensemble du Massif central (Cantal, Aubrac, Mont Dore, Chaine des Puys et
Velay) donne des compositions isotopiques en Sr sur roches totales comprises entre
0,70338-0,70458 (Chauvel et Jahn, 1984). Les roches volcano-sédimentaires, les
basaltes, les tufs volcaniques, les andésites du Nord du Massif central donnent des
compositions isotopiques en Sr comprises entre 0,70477-0,70875 (Pin et Paquette,
2002). Localement d’autres roches ont été analysées, des roches hyolitiques du massif
du Mont Dore (0,70350-0,70727 ; Briot et al., 1991), des laves du massif du Forez
(0,70331-0,70373 ; Lenoir et al., 2000) et des trachytes, phonolites et basaltes du
massif du Velay oriental (0,70326-0,73109 ; Dautria et al., 2004). L’analyse de
minéraux séparés de clinopyroxènes provenant de xénolites péridoditiques prélevés
dans la partie nord du Massif central donne des compositions isotopiques en Sr
comprises entre 0,70312-0,70576 (Downes et al., 2003). Des sédiments de la rivière
Allanche (affluent de l’Allagnon dans le Cantal) donnent des compositions isotopiques
en Sr comprises entre 0,70382-0,70414 (Négrel et Roy, 2002).
Il existe également des données sur des eaux de surface s’écoulant sur des basaltes
du Massif central dont les compositions isotopiques en Sr sont comprises entre 0,703
et 0,707 (Négrel et Deschamps, 1996 ; Négrel, 1997 ; Steinmann et Stille, 2006). Une
partie du Sr dissous dans les eaux souterraines et les eaux de surface peut également
provenir de l’eau de pluie. La signature isotopique en Sr des eaux de pluie locales peut
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
53
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
être caractérisée à partir de la composition géochimique des eaux du lac de la
Godivelle considéré comme un pluviomètre naturel qui intègre toute la variabilité
chimique temporelle des eaux de pluie (0,70423 ; Négrel et al., 1997), des eaux de
rivières collectées en tête de bassin versant volcanique (0,70334 à 0,70476 ; Négrel et
Deschamps, 1996 ; Négrel, 1997) et des eaux de pluie collectées dans le Massif
Central (0,70920 à 0,71314 ; Négrel et Roy, 1998).
L’eau de pluie réelle montre une valeur de la signature isotopique en Sr moyenne
pondérée de la concentration et des quantités tombées de 0,70972. Une fois l’eau de
pluie ruisselant sur les sols volcaniques à très faible profondeur (ruissellement
hyporeïque), cette valeur évolue vers 0,703-0,704 via le Sr échangeable des sols,
comme montré par Négrel et Roy (2002), ce Sr échangeable ayant des signatures
isotopiques en Sr de l’ordre de 0,70381-0,70409. Par la suite de cette étude, nous
considérerons l’apport en Sr dit « de la pluie » par sa valeur de l’ordre de 0,703-0,704.
La gamme de variation de composition isotopique en Sr décrite par les points de
prélèvement est significative : le rapport 87Sr/86Sr varie de 0,70354 à 0,70425. Sur un
diagramme 87Sr/86Sr vs. 1/Sr (Illustration 27), les différents points suivis présentent des
signatures intermédiaires par rapport à celles attendues pour les eaux de pluie et les
roches encaissantes du site des Narces de la Sauvetat. D’après l’Illustration 28, les
variations de composition isotopique en Sr observées pour les points de prélèvement
ne peuvent être expliquées par une proportion plus ou moins importante d’apports
anthropiques car il n’existe, en effet, pas de corrélation significative entre les rapports
87
Sr/86Sr et les concentrations en Cl (de même pour les concentrations en NO3). Ainsi
la contribution de Sr provenant des apports anthropiques peut être négligée et l’eau de
pluie et les interactions eau/roche restent les deux sources majoritaires de Sr sur le
site des Narces de la Sauvetat.
Sur le diagramme 87Sr/86Sr vs. 1/Sr (Illustration 27), les points se répartissent
globalement au sein d'un triangle dont les 3 pôles sont caractérisés par :
(1) 87Sr/86Sr faible et teneur en Sr élevée,
(2) 87Sr/86Sr faible et teneur en Sr faible,
(3) 87Sr/86Sr élevé et teneur en Sr élevée.
Le pôle 1 présente un rapport 87Sr/86Sr inférieur à 0,7034 et des concentrations en Sr
supérieures à 5 µmol.l-1. Le pôle 1 montre une signature compatible avec la
contribution de Sr provenant des interactions eau/roche (concentrations élevées en Sr
et rapports 87Sr/86Sr comparables à ceux documentés dans la littérature pour les
lithologies volcaniques locales).
Le pôle 2 présente un rapport 87Sr/86Sr de l’ordre de 0,7040 et des concentrations en
Sr inférieures à 1 µmol.l-1. Le pôle 2 montre une signature compatible avec la
contribution de Sr provenant de l’eau de pluie (recharge) documentée à partir des eaux
du lac de la Godivelle (Négrel et al., 1997) et des eaux de rivières collectées en tête de
bassin versant volcanique (Négrel et Deschamps, 1996 ; Négrel, 1997). De plus, les
eaux de surface NAR-R1 et R2 et les eaux de source NAR-S6 et S7, qui présentent les
54
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
concentrations les plus faibles pour tous les éléments dissous et les plus proches de la
droite de dilution de l’eau de mer d’après respectivement l’Illustration 23 et l’Illustration
24, montrent des signatures isotopiques en Sr les plus proches du pôle 2 sur
l’Illustration 27. Tous ces arguments permettent d’identifier le pôle 2 comme la source
de Sr provenant de l’eau de pluie (recharge).
Le pôle 3 présente un rapport 87Sr/86Sr supérieur à 0,7048 et des concentrations en Sr
supérieures à 2 µmol.l-1. Le pôle 3 montre une signature isotopique compatible à la fois
avec la contribution de Sr provenant de l’eau de pluie documentée à partir des eaux de
pluie collectées dans le Massif Central (0,70920 à 0,71314 ; Négrel et Roy, 1998) et la
contribution de Sr provenant des interactions eau/roche (0,703-0,731 ; Chauvel et
Jahn, 1984 ; Briot et al., 1991 ; Pin et Paquette, 2002 ; Lenoir et al., 2000 ; Négrel et
Roy, 2002 ; Dautria et al., 2004). Les eaux de tourbière prélevées en NAR-Q1 et Q2
sont les plus proches du pôle 3, or ces eaux présentent l’enrichissement le plus
significatif en Ca et en Mg par rapport à l’eau de mer (et donc par rapport à l’eau de
pluie) (Illustration 23). De plus, ces points présentent des concentrations élevées en Sr
(> 2 µmol.l-1) et en Li (> 4 µmol.l-1). Sur l’Illustration 25, les points NAR-Q1 et Q2
présentent des rapports molaires Ca/Na et Mg/Na contrôlés par la lithologie. Ainsi tout
pousse à penser que le pôle 3, identifié sur l’Illustration 27, ne correspond pas à du Sr
provenant de l’eau de pluie mais bien à une source supplémentaire de Sr d’origine
lithologique (représenté par lithologie #2).
Pôle 3
Lithologie #2
0.7048
NAR-Q1
0.714
Juin
Juillet
Decembre
Août
Octobre
Sources
Tourbière
Exutoire
Ruissellement
Eaux usées
0.712
Mars
0.7044
0.706
Octobre
Décembre
Août
Mars
Juillet
Godivelle
Négrel et al., 1997
1
2
5
10 20
50 100 200
1/Sr (µmol/l)
NAR-R1
NAR-S6
NAR-EU
NAR-S7
Pôle 2
Eau de pluie
NAR-R2
NAR-S8
Pôle 1
Lithologie #1
0.7032
0.702
0.5
NAR-S5
0.704
NAR-S2
NAR-S3
0.7036
Interaction
NAR-S1
eau/roche +/-
0.704
0.1 0.2
Juin
87
Rivière
Tête bassin volcanique
Négrel et Deschamps, 1996
Négrel, 1997
86
Eaux de pluie
Négrel et Roy, 1998
Sr/ Sr
NAR-Q2
0.708
87
86
Sr/ Sr
0.71
500 1000
0.2
0.3
0.4
0.5
0.6
0.7
0.8
0.9
1
1/Sr (µmol/l)
Illustration 27 : 87Sr/86Sr vs. 1/Sr pour toutes les campagnes de prélèvement
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
55
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
0.7048
Sources
Tourbière
Exutoire
Ruissellement
Eaux usées
NAR-Q1
87
86
Sr/ Sr
0.7044
NAR-S5
NAR-Q2
0.704
NAR-S6
NAR-R1
NAR-R2
NAR-EU
NAR-S2
NAR-S7
0.7036
NAR-S3
NAR-S8
NAR-S1
0.7032
0
250
500
750 1000 1250 1500 1750 2000 2250 2500
Cl (µmol/l)
Illustration 28 : 87Sr/86Sr vs. Cl pour toutes les campagnes de prélèvement
4.3.2 Les isotopes du lithium
Le lithium est un élément léger qui possède deux isotopes stables de masse 6 et 7,
dont les abondances naturelles sont respectivement 7.5% et 92.5%. La différence de
masse relative entre les deux isotopes est considérable (17%) et engendre des
fractionnements isotopiques importants lors des réactions géochimiques qui se
produisent à la surface de la Terre. La gamme de variation isotopique du lithium est de
plus de 60‰ dans les différents matériaux géologiques (Coplen et al., 2002). Les
roches silicatées de la croûte ont une composition isotopique comprise entre –2 et
+2‰, l’eau de mer ~ +31‰, les eaux de rivières ont des compositions intermédiaires
entre +6 et +23‰ et les eaux thermo-minérales ont des compositions isotopiques qui
varient entre –10 et +20‰.
Les isotopes du lithium sont considérés à juste titre comme un outil géochimique
faisant partie de la famille « des nouveaux traceurs isotopiques ». Le comportement
des isotopes du lithium lors des interactions eau/roche à basse ou haute température
reste encore mal connu à l’heure actuelle. Le lithium est un élément lithophile,
fortement soluble et se retrouve par conséquent fortement enrichi dans les fluides
ayant interagi avec les roches. Les concentrations en lithium des eaux ne sont
contrôlées que par les processus d’interactions eux-mêmes (intensité d’interaction,
température et assemblage minéralogique). De plus, l’amplitude du fractionnement
isotopique et les facteurs de contrôle restent peu contraints à ce jour. Toutefois, les
premières données isotopiques en lithium dans des contextes d’altération montrent
que le fractionnement isotopique associé aux interactions eau/roche favorise la mise
en solution de l’isotope lourd (7Li). L’isotope léger (6Li) est quant à lui
préférentiellement retenu dans les minéraux secondaires d’altération (quelques ‰).
56
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Les mesures réalisées dans le cadre de cette étude montrent que les concentrations
en lithium sont très variables, puisque comprises entre 0.014 µmol/l (NAR-S1, mai
2007) et 28.260 µmol/l (NAR-Q2, juillet 2007).
Il est important de souligner que d’une manière générale, les eaux de la tourbière
(NAR-Q1 et NAR-Q2) montrent les concentrations en lithium les plus fortes. En effet,
les teneurs, bien que relativement variables au cours du temps, sont de plusieurs
ordres de grandeurs supérieures aux autres eaux (voir Illustration 29).
100
NAR-Q1
Li (µmol/L)
10
NAR-Q2
1
NAR-R1
NAR-S6
0.1
NAR-S1-5
NAR-S7-8
0.01
Mai
07
Juil.
Sept.
Nov.
Jan.
08
Mars
Mai
Date
Illustration 29 : Evolution des teneurs en lithium des différents échantillons au cours du temps
Les mesures de compositions isotopiques du lithium (δ7Li, ‰) réalisées dans le cadre
de cette étude montrent des valeurs des δ7Li extrêmement variables, puisque
comprises entre +12‰ et +1226‰, respectivement pour NAR-R1 (octobre 2007) et
NAR-Q2 (mai 2007).
Sur l’Illustration 30, les compositions isotopiques du lithium sont reportées en fonction
du temps pour les eaux de source (NAR-S6), l’exutoire (NAR-R1) et les eaux usées
(NAR-EU).
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
57
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Nous pouvons observer que :
-
la signature isotopique du lithium de l’exutoire de la tourbière (NAR-R1)
varie très peu de +12.0 à +13.1‰. Ce signal est quasi constant dans le
temps et est en bon accord avec les données publiées dans la littérature
concernant les eaux de surface pour les isotopes du lithium (Coplen et al.,
2002) ;
-
l’eau de source (NAR-S6) possède une signature différente et légèrement
supérieure (+15.1‰) ;
-
l’eau usée (NAR-EU) est enrichie en 7Li avec une valeur de δ7Li = +80.9‰.
85
80
NAR-EU
δ7Li (‰)
75
70
20
NAR-S6
15
NAR-R1
10
Mai
Juil. Août
07
Sep. Oct.
Date
Nov.
07
Illustration 30 : Evolution des compositions isotopiques du lithium en fonction du temps pour les
eaux de source (NAR-S6), l’exutoire (NAR-R1) et l’eau usée (NAR-EU)
Les eaux de la tourbière NAR-Q1 et NAR-Q2 sont très singulières, avec des
compositions isotopiques extrêmement factionnées (c’est-à-dire très fortement
58
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
enrichies en 7Li). L’Illustration 31 présente l’évolution du δ7Li de ces eaux au cours du
temps, où nous pouvons observer une variation de la signature isotopique du lithium
de ces eaux.
1300
NAR-Q2
δ7Li (‰)
1200
1100
1000
NAR-Q1
900
Mai
07
Juil. Août
Sep. Oct. Nov.
07
Date
Illustration 31 : Evolution des compositions isotopiques du lithium en fonction du temps pour les
eaux de la tourbière (NAR-Q1 et NAR-Q2)
Les signatures δ7Li des eaux de la tourbière (NAR-Q1 et NAR-Q2) sont particulières
avec des valeurs très fortement enrichies en 7Li. Les valeurs pour ces eaux varient de
+961 à +1111‰ et de +1189 à +1236‰, respectivement pour NAR-Q1 et NAR-Q2.
Pour rappel, les valeurs pour les eaux de surface reportées jusqu’à présent dans la
littérature varient de -10 et +30‰ (Coplen et al., 2002).
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
59
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Se pose alors immédiatement la question concernant l’origine du lithium pour ces eaux
(NAR-Q1 et NAR-Q2), notamment par rapport aux signatures isotopiques très
fractionnées.
Nous pouvons à ce stade émettre certaines hypothèses et apporter quelques éléments
de réponses. Tout d’abord, il est important de souligner le fait qu’il ne s’agit pas d’un
artefact analytique. En effet, ces analyses ont été dupliquées, voire tripliquées et sont
parfaitement reproductibles. Il faut donc se poser la question de l’origine de cette
signature enrichie en 7Li pour ces eaux.
La signature fortement enrichie en 7Li pour ces eaux peut-être liée a priori à deux
mécanismes :
-
un effet de source (localement du lithium enrichi en 7Li) ;
-
un processus qui fractionne le lithium dans la tourbière.
L’effet de source est une cause possible pour expliquer ces signatures. Cependant il
faudrait envisager une source importante de lithium dans la tourbière (et uniquement
au niveau de la tourbière, car les valeurs du δ7Li à l’exutoire ne semblent pas être
affectées par cet effet) qui soit très fortement enrichie en 7Li. Dans cette hypothèse il
nous faudrait envisager l’existence d’une pollution en lithium provenant par exemple de
batteries en lithium (concentrations élevées et compositions isotopiques très
fractionnées).
En ce qui concerne l’hypothèse du processus, nous pouvons mentionner la présence
de matière organique abondante dans la tourbière ; la complexation organique du
lithium présent dans la tourbière pouvant engendrer ce type de fractionnement mais à
des niveaux plus faibles (quelques dizaines de ‰ tout au plus).
Quoiqu’il en soit et pour pouvoir déterminer l’origine de ces signatures très
fractionnées, nous avons décidé de procéder au prélèvement d’un ou plusieurs
échantillons de sols au niveau de la tourbière elle-même et à proximité des points
NAR-Q1 et NAR-Q2, afin de réaliser un profil en profondeur des valeurs de δ7Li dans la
tourbière dans le but de préciser l’origine du 7Li.
Ces analyses complémentaires devraient nous aider à interpréter ces données pour la
tourbière notamment en précisant la signature isotopique du sol (en complément de
l’eau de la tourbière dans l’hypothèse d’un fractionnement isotopique lié à la matière
organique et à la complexation du lithium en solution) ou bien d’identifier
éventuellement une pollution locale en lithium pour cette zone.
Quoiqu’il en soit, les eaux de la tourbière (NAR-Q1 et NAR-Q2) bien que très enrichies
en lithium et fortement fractionnées en 7Li ne semblent pas contribuer de manière
significative au bilan hydrique de la tourbière.
-
60
d’une part, la signature δ7Li de l’exutoire (NAR-R1) reste constante dans le
temps, mais n’est pas enrichie en 7Li outre mesure (de +12.0 à +13.1‰, en
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
bon accord avec les données publiées dans la littérature concernant les
eaux de surface) ;
-
d’autre part, dans l’Illustration 32 qui présente la signature isotopique du
lithium en fonction du rapport molaire Na/Li, nous n’observons pas de
tendance générale vers une signature enrichie en 7Li pour l’eau NAR-R1 où
des processus de mélange se matérialisent par des relations linéaires dans
un tel diagramme.
10000
Sources
Tourbière
Exutoire
Eaux usées
δ7Li (‰)
1000
100
10
1
10
100
1000
10000
100000
Na/Li
Illustration 32 : Composition isotopique du lithium (δ7Li, ‰) reporté en fonction du rapport
molaire Na/Li
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
61
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
4.4
VARIABILITE SPATIALE
A l’échelle du site des Narces de La Sauvetat il existe une forte variabilité de
composition géochimique des eaux de surface et des eaux souterraines. Les disparités
observées pour les compositions isotopiques δ2H et δ18O de la molécule d’eau
traduisent une origine différente des eaux et peuvent être reliées à la localisation
spatiale des points de prélèvement. En effet les points NAR-S1, S3 et S8, situés dans
la partie Sud et Est de la zone d’étude, présentent les valeurs δ2H et δ18O les plus
faibles comparées aux autres points de prélèvement (respectivement ≈ -63‰ et ≈ 9,5‰). Les eaux de la tourbière prélevées en NAR-Q2 au Sud-Est de la zone d’étude
présentent des valeurs δ2H et δ18O (respectivement ≈ -64‰ et ≈ -9,5‰), proches de
celles des points NAR-S1, S6, S7 et S8 localisés dans la même partie de la zone
d’étude (origine de l’eau 1 sur l’Illustration 33a). Tandis que les eaux de la tourbière
prélevées en NAR-Q1 au Nord-Ouest de la zone d’étude présentent des valeurs δ2H et
δ18O plus élevées (respectivement ≈ -61‰ et ≈ -9,1‰), proches de celles des points
NAR-S2, S5 et S8 (respectivement ≈ -60‰ et ≈ -9,0‰) localisés dans la même partie
de la zone d’étude (origine de l’eau 2 sur l’Illustration 33a).
Des disparités spatiales dans la source d’éléments dissous peuvent également être
attribuées à des différences dans la nature des lithologies drainées et, comme observé
précédemment pour les concentrations en chlorures, à des différences dans
l’occupation des sols. On constate ainsi pour les eaux de sources prélevées aux points
NAR-S2, S3 et S5, situés au Nord-Ouest du site, une forte contribution d’éléments
dissous ayant une origine anthropique, certainement agricole marqué origine
anthropique sur l’Illustration 33b, s’exprimant par des concentrations élevées en
chlorures (1434 à 2096 µmol.L-1) et en nitrates (10 à 135 µmol.L-1). Les autres points
prélevés ne présentent pas une contribution significative d’éléments dissous d’origine
anthropique. Pour les éléments dissous qui proviennent quasi-exclusivement des
interactions eau/roche (altération des roches volcaniques locales), les éléments Ca,
Mg, SO4 et Sr notamment, il existe également des disparités spatiales qui peuvent être
reliées à des variations dans le type d’horizon volcanique drainé par les eaux
souterraines et les eaux de surface. La nature et l’intensité des interactions eau/roche
aboutit à des différences de concentrations en Ca, Mg, SO4 et Sr et de signature
isotopique en Sr. Ainsi par rapport aux points NAR-S1 et S8 situés au Sud du site, le
point NAR-S5 localisé au Nord-Ouest du site présente une signature isotopique en Sr
contrastée qui traduit le drainage d’autres horizons lithologiques (lithologie #1 et #2
respectivement pour les points NAR-S1 et S8 et NAR-S5 sur l’Illustration 27a et
l’Illustration 33b). Les points NAR-S2 et S3, localisés spatialement entre les 2 groupes
de points énoncés précédemment, présentent une signature en Sr intermédiaire entre
ces 2 mêmes groupes, ce qui montre bien un contrôle spatial de la lithologie sur la
géochimie des eaux des Narces de la Sauvetat. Enfin les eaux de pluie constituent
également une source non négligeable d’éléments dissous, plus particulièrement pour
les points NAR-S6, R2, S7 et R1 (Illustration 27), situés à l’Est du site (Eau de pluie –
recharge- sur l’Illustration 33b).
62
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 33 : Contrôle spatial de la lithologie, de l’occupation des sols sur la l’origine de l’eau
et des éléments dissous sur le site des Narces de la Sauvetat
4.5
VARIABILITE SAISONNIERE
L’échantillonnage mensuel des principaux flux d’eau alimentant le site des Narces de
la Sauvetat (NAR-S1, S5, S8 et R2), des eaux souterraines de la tourbière aux points
NAR-Q1 et Q2 et du ruisseau des Fouragettes à l’exutoire (NAR-R1) a été réalisé de
mai 2007 à mai 2008 afin de suivre les variabilités de la composition géochimique de
ces eaux au cours d’un cycle hydrologique complet.
4.5.1 Origine de l’eau
Pour la composition isotopique δ2H de l’eau (de même pour la composition δ18O), les
points NAR-R1 et R2 (Illustration 34a), correspondant à des eaux de surface,
présentent des variabilités saisonnières significatives comparées aux eaux des
sources (NAR-S1, S5 et S8) et les eaux souterraines de la tourbière (NAR-Q1 et Q2)
(Illustration 34b). Les variations temporelles observées pour les points NAR-R1 et R2
suivent les variations de compositions isotopiques attendues pour les eaux de pluie au
cours d’un cycle hydrologique (Millot et al., en préparation). Ce résultat traduit que ces
points intègrent une proportion importante d’eau de pluie récente comparativement aux
autres points.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
63
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
-52
-52
(a)
(b)
-56
NAR-R1
NAR-R2
δ2H
δ2H
-56
-60
NAR-S5
-60
NAR-Q1
NAR-S1 et S8
NAR-Q2
-64
-64
-68
-68
Mai
07
Juil.
Sept.
Nov.
Jan.
08
Mars
Mai
Date
Mai
07
Juil.
Sept.
Nov.
Jan.
08
Mars
Mai
Date
Illustration 34 : δ2H vs. date de prélèvement pour les points NAR-R1 et R2 (a) et NAR-Q1, Q2,
S1, S5 et S8 (b)
4.5.2 Origine des éléments dissous
Sur le site des Narces de la Sauvetat, il a été précédemment démontré que les
rapports Ca/Na (de même que le rapport Mg/Na) et les compositions isotopiques en Sr
sont des traceurs pertinents pour différencier les types de lithologies drainées et
permettent de mettre en évidence la contribution d’apports anthropiques et un contrôle
plus ou moins important des eaux de pluie sur la source des éléments dissous.
Pour les rapports Ca/Na comme pour les compositions isotopiques en Sr, seules les
eaux de la tourbière (NAR-Q1 et Q2) et les eaux de source prélevées en NAR-S5
présentent des variations saisonnières significatives (Illustration 35). Or la composition
géochimique des éléments dissous pour ces points est fortement contrôlée par la
lithologie #2 identifiée sur l’Illustration 27. En plus des interactions eau/roche, le point
NAR-S5 intègre également des éléments dissous provenant des apports anthropiques
(Illustration 23). Ainsi la contribution relative de ces différentes sources varie en
fonction du temps. Pour le point NAR-Q1 la contribution de la lithologie #2 est la plus
importante pour la campagne de juin 2007 alors que pour cette même campagne, le
point NAR-Q2 intègre sa plus faible contribution d’éléments dissous provenant de la
lithologie #2. A l’inverse le point NAR-Q2 intègre sa plus grande proportion d’éléments
dissous provenant de la lithologie #1 pour les campagnes d’octobre, décembre 2007 et
mars 2008 alors que pour ces campagnes le point NAR-Q1 présente sa plus faible
proportion d’éléments dissous provenant de cette même lithologie. Ainsi, bien que la
proportion des différentes sources d’éléments dissous varie dans le temps pour tous
ces points, il n’existe pas de systématique permettant d’expliquer conjointement ces
variations.
La source des éléments dissous, identifiée pour les points NAR-R1 et R2 comme
fortement contrôlée par les eaux de pluies, ne varie pas significativement dans le
temps (Illustration 35). En d’autres termes, les eaux de l’exutoire de la tourbière (NARR1) et les eaux de ruissellement (NAR-R2) intègrent globalement la même proportion
d’éléments dissous provenant des eaux de pluie et de la lithologie tout au long du cycle
64
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
hydrologique. De la même manière les points NAR-S1 et S8, dont la composition
géochimique est fortement contrôlée par la lithologie #1 (Illustration 27b) ne voient pas
la source de leurs éléments dissous varier dans le temps (Illustration 35).
4
0.7048
(a)
(b)
NAR-Q1
Ca/Na (molaire)
NAR-Q1
0.7044
3
NAR-S5
NAR-Q2
86
Sr/ Sr
NAR-Q2
2
0.704
NAR-S5
NAR-R1
87
NAR-S1
NAR-R2
NAR-S8
NAR-R2
0.7036
1
NAR-S1 et S8
NAR-R1
0.7032
Mai
07
Juil.
Sept.
Nov.
Jan.
08
Mars
Date
Mai
Mai
07
Juil.
Sept.
Nov.
Jan.
08
Mars
Mai
Date
Illustration 35 : Représentation des rapports Ca/Na (a) et 87Sr/86Sr (b) vs. date de prélèvement
4.6
BILAN DES FLUX D’EAU ET D’ELEMENTS DISSOUS
Les variations à la fois spatiales et saisonnières des compositions géochimiques
élémentaires et isotopiques des différents flux d’eau entrant et sortant de la tourbière
autorisent le traçage des différents flux d’eaux et d’éléments dissous et la réalisation
d’un premier bilan hydrologique du site des Narces de la Sauvetat. Ce bilan
hydrologique nécessite de définir les caractéristiques géochimiques des principaux flux
d’eaux identifiés sur le terrain. L’idée est de synthétiser l’ensemble des données
acquises grâce à l’approche géochimique de cette étude pour individualiser et
discriminer les principaux flux d’eaux intervenant sur le site des Narces de la Sauvetat.
Des compositions en éléments majeurs et traces et des compositions isotopiques de la
molécule d’eau (signatures δ2H et δ18O) et en Sr, il ressort l’identification de 4 flux
principaux d’eau entrant et de 1 flux d’eau sortant de la tourbière (Illustration 36) dont
les caractéristiques géochimiques sont les suivantes :
•
Entrée 1 : Les eaux de sources échantillonnées aux points NAR-S2 à 5
(secteur nord-ouest) présentent une composition géochimique comparable qui
permettent de les associer à un flux d’eau commun dont les principales
caractéristiques géochimiques sont des concentrations élevées en Cl (jusqu’à
2200 µmol.l-1) qui sont attribuées à une origine anthropique, des concentrations
élevées en SO4 (jusqu’à 430 µmol.l-1) et en Sr (>2,5 µmol.l-1) et des rapports
molaires Mg/Na et Ca/Na contrôlés, en plus de la lithologie, par des apports
anthropiques (Illustration 23, Illustration 25). Les compositions isotopiques en
Sr traduisent un mélange de Sr provenant de la lithologie et des eaux de pluie.
De plus, les points NAR-S2 à 5 présentent des compositions isotopiques en H
et O plus élevées (valeurs δ2H et δ18O jusqu’à respectivement -54‰ et -8,1‰)
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
65
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
que pour les autres eaux échantillonnées dans le cadre de cette étude. Par
ailleurs, les variations saisonnières de signatures isotopiques δ2H et δ18O
mesurées pour le point NAR-S5 sont significatives (respectivement 7‰ et
1,1‰).
66
•
Entrée 2 : Le flux d’eau associé aux points NAR-S1 et 8 (secteur sud-ouest)
présente des concentrations à la fois élevées en Cl (jusqu’à 1200 µmol.l-1) et en
NO3 (jusqu’à 330 µmol.l-1) qui reflètent une forte contribution d’éléments dissous
d’origine anthropique. Les rapports molaires Mg/Na et Ca/Na (Illustration 25) et
les signatures isotopiques en Sr des points NAR-S1 et 8 (Illustration 27)
semblent être contrôlés majoritairement par la lithologie (interactions
eau/roche). De plus, comparativement aux autres points échantillonnés sur le
site des Narces de la Sauvetat, les points NAR-S1 et 8 présentent les
compositions isotopiques en H et O les plus basses (valeurs δ2H et δ18O jusqu’à
respectivement -64‰ et -9,6‰) sans variation temporelle significative.
•
Entrée 3 : Les eaux de sources échantillonnées aux points NAR-S6 et 7
(secteur est) présentent une composition géochimique comparable ce qui
permet de les associer à un flux d’eau commun. Ce flux d’eau se caractérise
par des concentrations faibles en Cl (inférieures à 250 µmol.l-1) et en NO3
(jusqu’à 200 µmol.l-1) qui suggèrent que la contribution d’éléments dissous
d’origine anthropique reste limitée pour ces eaux. Les concentrations en Sr
caractéristiques de ce flux d’eau sont également faibles (<1,5 µmol.l-1). Les
rapports molaires Mg/Na et Ca/Na (Illustration 25) des points NAR-S6 et 7
semblent être contrôlés majoritairement par la lithologie (interactions
eau/roche). Les signatures isotopiques en Sr présentent des valeurs
intermédiaires (87Sr/86Sr = 0,70381 et 0,70373 respectivement pour NAR-S6 et
7) qui suggèrent que le Sr dissous provient à la fois de la lithologie et des eaux
de pluie entre les pôles eaux de pluie (recharge) et lithologie (Illustration 27).
•
Entrée 4 : Les eaux de ruissellement échantillonnées au point NAR-R2 (secteur
est sud-est) présentent des concentrations en Cl (<250 µmol.l-1), Na (<300
µmol.l-1), Ca (<350 µmol.l-1), Mg (<500 µmol.l-1), SO4 (<60 µmol.l-1) et NO3
(<200 µmol.L-1) parmi plus faibles mesurées sur le site des Narces de la
Sauvetat. Les rapports molaires molaires Mg/Na et Ca/Na des points NAR-R2
semblent être contrôlés conjointement par la lithologie (interactions eau/roche)
et les eaux de pluie (Illustration 25). Les concentrations (1,2 à 1,4 µmol.l-1) et
les compositions isotopiques en Sr (87Sr/86Sr = 0,70378 à 0,70382) mesurées
pour ces eaux suggèrent qu’une importante proportion de Sr est apportée par
l’eau de pluie.
•
Eaux de la tourbière : En toute logique, la composition géochimique des eaux
de la tourbière prélevées en NAR-Q1 et Q2 doit correspondre à un mélange
des flux d’eau entrant caractérisés en amont hydraulique de ces points. Or sur
l’Illustration 25 et l’Illustration 27, les points NAR-Q1 et Q2 présentent une
signature contrastée par rapport à toutes les eaux prélevées. Ce résultat
soutient donc l’existence d’un flux d’eau entrant supplémentaire que nous
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
désignerons par la suite « Entrée 5 » (Illustration 36), ou l’existence d’une
stratification de la nappe au sein de la tourbière.
•
Entrée 5 : En l’absence de campagnes de prélèvement permettant de
caractériser ce flux, liée à sa méconnaissance, la composition géochimique de
l’entrée 5 est déduite de la composition géochimique des autres flux entrant
(Entrées 1 à 4) par rapport à la composition géochimique des eaux de la
tourbière (NAR-Q1 et Q2). D’après l’Illustration 23 et l’Illustration 24, les
concentrations attendues en Ca, Mg, sulfates, Sr et Li pour ce flux doivent être
supérieures à celles mesurées pour les points NAR-Q1 et Q2 (respectivement
1200, 1300, 450, 5 et 30 µmol.l-1). D’après l’Illustration 25, ce flux doit présenter
des rapports Ca/Na et Mg/Na élevés (> 4 et 5 respectivement) et d’après
l’Illustration 27, ce flux doit intégrer une forte proportion de Sr dissous
provenant de la lithologie #2. Ainsi, il semble vraisemblable que le flux d’eau
entrant désigné « Entrée 5 » corresponde à des eaux souterraines fortement
marquées par les interactions eau/roche avec la lithologie #2.
•
Sortie : Les eaux du ruisseau des Fouragettes (NAR-R1), identifié comme le
seul exutoire de la tourbière, présentent des concentrations faibles en Cl
(<550 µmol.l-1), Na (<450 µmol.l-1), Ca (<300 µmol.l-1), Mg (<450 µmol.l-1), SO4
(<50 µmol.l-1) et NO3 (<160 µmol.l-1). Sur l’Illustration 27, les concentrations en
Sr (0,9 à 1,1 µmol.l-1) et les compositions isotopiques (87Sr/86Sr = 0,70391 à
0,70396) mesurées pour ces eaux suggèrent qu’une importante proportion de
Sr est apportée par l’eau de pluie (recharge). De plus, sur cette illustration, les
eaux du ruisseau des Fouragettes (NAR-R1) constituent un pôle distinct par
rapport aux autres eaux prélevées. En d’autres termes cela signifie que la
composition isotopique en Sr des eaux du ruisseau des Fouragettes ne peut
s’expliquer ni par un simple mélange des différents flux d’eau entrant (1 à 4)
décrit précédemment, ni par la contribution unique des eaux de la tourbière
(NAR-Q1 et Q2). Cela implique donc l’existence d’un flux d’eau supplémentaire
que nous désignerons par la suite «Entrée 6» (Illustration 36) et qui n’a pas été
caractérisé par les campagnes de prélèvement réalisées dans le cadre de cette
étude. La composition géochimique attendue pour ce flux d’eau entrant est
celle d’une eau fortement contrôlée par la composition géochimique des eaux
de pluie (recharge) sans interaction importante avec les roches encaissantes.
Ce flux d’eau pourrait correspondre à l’infiltration d’eau de pluie directement au
niveau de la surface du plan d’eau de la tourbière ou à des eaux souterraines
ayant un temps de résidence suffisamment court ou interagissant avec des
roches peu altérables ou suffisamment pauvres en éléments pour que la
libération d’éléments dissous des roches encaissantes vers les eaux
souterraines reste limitée.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
67
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 36 : Différents flux intervenants dans le bilan hydrologique du site des Narces de la
Sauvetat issus de l’étude géochimique
68
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
5 Fonctionnement hydrogéologique du site
de la Sauvetat expliqué par l’étude
géochimique et isotopique
5.1
BILAN MOYEN
5.1.1 Flux entrant de la tourbière
La signature géochimique des eaux de la tourbière (NAR-Q1 et Q2) correspond en
théorie à un mélange de tous les flux entrant dans la tourbière (Entrées 1 à 5 sur
Illustration 36). Il a été démontré précédemment que la composition géochimique des
eaux de la tourbière varie spatialement en fonction des flux d’entrée qui les alimentent
localement (voir le contrôle spatial sur l’origine de l’eau et des éléments dissous
représenté pour NAR-Q1 et Q2 sur l’Illustration 33) et intègrent un flux d’eau entrant,
qui n’a pas été caractérisé lors des campagnes d’échantillonnage (Entrée 5, Illustration
36). Ce flux d’eau entrant « manquant » correspond vraisemblablement à des eaux
souterraines fortement marquées par les interactions eau/roche avec la lithologie #2
(Illustration 27) et qui permettraient ainsi d’expliquer que les signatures isotopiques en
Sr mesurées pour les eaux de la tourbière en NAR-Q1 et Q2 soient significativement
supérieures aux signatures mesurées pour les eaux de sources des Narces de la
Sauvetat.
5.1.2 Flux sortant de la tourbière
Les eaux du ruisseau des Fouragettes (NAR-R1), qui constituent l’exutoire de la
tourbière des Narces de la Sauvetat, sont potentiellement alimentées par les eaux de
la tourbière d’une part et les eaux de pluie via le ruissellement d’autre part (Entrée 6,
Illustration 36). D’après l’Illustration 27, les eaux du ruisseau des Fouragettes (NARR1, présentent une signature en Sr (concentration et composition isotopique en Sr)
intermédiaire entre la signature des eaux de la tourbière (NAR-Q1 et NAR-Q2) et la
signature attendue pour les eaux de pluies (Négrel et Deschamps, 1996 ; Négrel,
1997) modifiées par le ruissellement hyporeïque (définissant la recharge). A partir de
ces données, il est donc possible de calculer la part respective d’eau provenant de
l’eau de pluie via le ruissellement, et de la tourbière. En effet la composition isotopique
en Sr d’un mélange de flux d’eau (entre des eaux de pluie et des eaux de la tourbière
pour le cas des Narces de la Sauvetat) peut être calculée à partir de la formule suivant
Faure (1986) :
87
Sr/86Srruisseau des Fouragettes x [Sr]ruisseau des Fouragettes = f (87Sr/86Sreaux tourbière x [Sr]eaux tourbière) +
(1-f) (87Sr/86Sreaux pluie x [Sr]eaux pluie)
où 87Sr/86Srruisseau des Fouragettes la composition isotopique en Sr théorique calculée pour
les eaux du ruisseau des Fouragettes (exutoire de la tourbière), 87Sr/86Sreaux tourbière la
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
69
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
composition isotopique en Sr moyenne mesurée pour les eaux de la tourbière en NARQ1 et Q2 (respectivement 0,70465 et 0,70422) et 87Sr/86Sreaux pluie la composition
isotopique en Sr attendue pour les eaux de pluie (0,70380, valeur correspondant à la
moyenne des compositions isotopiques mesurées pour les eaux de ruissellement
NAR-R2 et constituant la recharge du système). [Sr]ruisseau des Fouragettes, [Sr]eaux tourbière et
[Sr]eaux pluie concentrations en Sr respectivement du ruisseau des Fouragettes, des eaux
de la tourbière (moyenne mesurée en NAR-Q1 et Q2) et des eaux de pluies (0,7 µmol.l1
moyenne estimée à partir des données de Négrel et Deschamps, 1996 ; Négrel,
1997) (Illustration 37). Le coefficient de mélange f est représenté par [Sr]eaux tourbière
/([Sr]eaux tourbière +[Sr]eaux pluie ) et (1-f) par [Sr]eaux pluie /([Sr]eaux tourbière +[Sr]eaux pluie ), ce qui
signifie en d’autres termes que f représente la proportion des eaux de la tourbière
alimentant les eaux du ruisseau des Fouragettes.
Afin de rendre compte de la signature moyenne en Sr mesurée pour les eaux du
ruisseau des Fouragettes ([Sr]ruisseau des Fouragettes = 1,05 µmol.L-1; 87Sr/86Srruisseau des
Fouragettes=0,70394), après calculs, les eaux de la tourbière constituent une faible
proportion (probablement moins de 10%) des apports de Sr aux eaux du ruisseau des
Fouragettes (Illustration 37 ). En d’autres termes, compte tenu du débit du ruisseau
des Fouragettes, le flux sortant de la tourbière reste probablement très faible.
0.7048
NAR-Q1
Eaux
tourbière
0.7044
NAR-Q2
0.704
Co
nt
rib
ux
ut
ion
de
< 1 to u
0% rbi
èr
e
NAR-R1
87
86
Sr/ Sr
ea
Tourbière
Exutoire
Ruissellement
Courbe de mélange
Eau de pluie
NAR-R2
0.7036
0.7032
0
0.2
0.4
0.6
0.8
1
1.2
1.4
1/Sr (µmol/l)
Illustration 37 : Illustration de la proportion de Sr provenant des eaux de la tourbière dans le flux
sortant des Narces de la Sauvetat (Ruisseau des Fouragettes)
70
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
5.2
VARIATIONS TEMPORELLES
5.2.1 Flux entrant de la tourbière
Sur l’Illustration 38, les variations temporelles observées pour les compositions
isotopiques δ2H et 87Sr/86Sr des eaux de la tourbière prélevées en NAR-Q1 et Q2 ne
sont pas synchrones ni avec les variations observées pour les eaux de sources (NARS1, S5 et S8) ni avec les variations observées pour les eaux de ruissellement (NARR2). Cela signifie donc que c’est probablement la contribution plus ou moins
importante du flux d’eau entrant « manquant » (Entrée 5, Illustration 36) qui contrôle
les variations saisonnières de la composition géochimique des eaux de la tourbière
tout au long du cycle hydrologique. En l’absence de caractérisation des variations
saisonnières du flux d’eau « Entrée 3 » dans le cadre de cette étude, il est possible
également que ce flux puisse jouer un rôle non négligeable pour expliquer les
variations temporelles observées pour les eaux de la tourbière.
-52
0.7048
(a)
(b)
-56
NAR-Q1
0.7044
NAR-Q2
0.704
NAR-S5
87
NAR-Q1
86
NAR-S5
-60
Sr/ Sr
δ2H
NAR-R2
NAR-R2
NAR-S1 et S8
NAR-Q2
-64
0.7036
NAR-S1 et S8
-68
0.7032
Mai
07
Juil.
Sept.
Nov.
Jan.
08
Mars
Mai
Date
Mai
07
Juil.
Sept.
Nov.
Jan.
08
Mars
Mai
Date
Illustration 38 : Variations temporelles de l’origine de l’eau (a) et des éléments dissous (b) des
eaux de la tourbière (NAR-Q1 et Q2) par rapport aux eaux de source et de ruissellement
5.2.2 Flux sortant de la tourbière
Sur l’Illustration 39, les variations temporelles observées pour les compositions
isotopiques δ2H et 87Sr/86Sr des eaux du ruisseau des Fouragettes prélevées en NARR1 sont clairement synchrones avec les variations saisonnières observées pour les
eaux de ruissellement (NAR-R2). Ce résultat confirme donc bien que la composition
géochimique du flux d’eau sortant de la tourbière est quasi-exclusivement contrôlé par
les eaux de pluie via les eaux de ruissellement (contribution > 90%, Illustration 37).
Ainsi la perte d’eau de la tourbière des Narces de la Sauvetat vers les eaux du
ruisseau des Fouragettes est vraisemblablement faible tout le long du cycle
hydrologique.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
71
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
0.7048
-52
(a)
(b)
NAR-Q1
0.7044
-56
NAR-R2
NAR-Q2
86
Sr/ Sr
δ2H
NAR-R1
-60
0.704
NAR-R1
87
NAR-Q1
NAR-R2
-64
NAR-Q2
0.7036
0.7032
-68
Mai
07
Juil.
Sept.
Nov.
Date
Jan.
08
Mars
Mai
Mai
07
Juil.
Sept.
Nov.
Jan.
08
Mars
Mai
Date
Illustration 39 : Variations temporelles de l’origine de l’eau (a) et des éléments dissous (b) des
eaux de l’exutoire (NAR-R1) par rapport aux eaux de la tourbière (NAR-Q1 et Q2) et aux eaux
de ruissellement (NAR-R2)
De plus, ceci est en plein accord avec les valeurs isotopiques du lithium observées
pour les eaux de la tourbière (Illustration 30, Illustration 31). Les valeurs très enrichies
au sein de la tourbière ne jouent aucun rôle dans le contrôle des flux d’eau sortants. En
effet, au vue des valeurs de concentrations très élevées et des rapports isotopiques
très fractionnés, un apport faible de l’eau de la tourbière vers l’exutoire se marquerait
de manière très visible dans les valeurs isotopiques du ruisseau des Fouragettes.
72
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
6 Conclusions
Le programme de recherche proposé ici vise à caractériser le fonctionnement
hydrologique d’une tourbière, le site des Narces de la Sauvetat (Haute Loire), en vue
de sa remise en eau ainsi que de la gestion durable de la ressource en eau du bassin
versant et de la rivière exutoire (suggestion d’indicateurs pertinents pour un suivi
temporel). Cette caractérisation s’est appuyée sur une approche couplée de
l’hydrogéologie et de la géochimie isotopique pour contraindre les circulations et
connections des eaux de surface et souterraines, et ainsi comprendre l’alimentation en
eau de la tourbière. Cet enjeu est de première importance pour les Narces de la
Sauvetat car comme le souligne Manneville (2001) « le bilan hydrique global (d’une
tourbière) doit être équilibré ou un peu excédentaire...Cette permanence de l’eau
stagnante ou plus rarement mobile, donc appauvrie en oxygène, provoque
l’anaérobiose, dont résulte la dégradation ralentie des débris végétaux pour former la
tourbe », or les Narces de la Sauvetat présentent la particularité d’être drainée par un
cours d’eau pérenne (le ruisseau des Fouragettes) qui rend ce milieu d’autant plus
fragile. L’approche géochimique a permis de montrer que la contribution des eaux de la
tourbière à l’alimentation des eaux du ruisseau des Fouragettes reste limitée,
garantissant ainsi un niveau d’eau constant dans la tourbière qui permet préserver
l’équilibre de cet écosystème fragile.
La mise en place de procédures de gestion du territoire des Narces implique une
connaissance parfaite de bilan hydro-géologique de la zone.
APPROCHE HYDROGEOLOGIQUE
Les courbes des niveaux d’eau au sein de la tourbière qui peuvent être tracées
montrent que la surface piézométrique est plus basse durant l’étiage (août-septembre
pour le site 2 et août-novembre pour le site 1) tandis qu’elle est plus haute en périodes
de hautes eaux (décembre à mars). Dans chaque site, les deux ouvrages évoluent de
manière synchrone ce qui signifie qu’ils suivent le même niveau aquifère. La cote de la
nappe au droit du site 2 est supérieure de près de 4 m à celle du site 1. Ceci traduit, au
droit du site 2, un écoulement général des eaux souterraines du Sud vers le Nord
(jusqu’au centre de la tourbière).
Le bilan en eau du système des Narces de la Sauvetat n’a pas pu être effectué car la
réalisation de la station hydrométrique qui devait être installée sur le ruisseau des
Fouragettes (le seul exutoire connu des Narces) sous la maîtrise d’ouvrage du Conseil
Général de la Haute-Loire a débuté avec plusieurs mois de retard par rapport au début
de l’étude BRGM.
Concernant le calcul des volumes entrants, il apparaît assez difficile à évaluer car il n’a
pas été possible de mesurer certaines émergences diffuses (NAR-S4, NAR-S7), non
accessibles (NAR-S5, NAR-S6) ou non mesurables du fait de débits trop importants
(NAR-S1, NAR-R2). Nous avons essayé d’évaluer la zone d’alimentation des
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
73
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
principales sources suivies dans le cadre de cette étude. Pour cela, nous avons calculé
les débits théoriques attendus pour les 3 principaux types d’émergence des eaux
souterraines des Narces de la Sauvetat. Ces débits ont été calculés à partir de la
surface du bassin versant topographique des différentes sources et de la hauteur
moyenne de pluie efficace. On constate que les débits moyens mesurés sont
supérieurs aux débits calculés à partir des surfaces des bassins versants
topographiques. Cela signifie que les bassins d’alimentation véritables des sources
sont beaucoup plus grands que les bassins versants topographiques.
L’évolution temporelle de la température des sources des coteaux est calquée sur le
contexte climatique général du plateau du Devès marqué par des étés chauds et des
hivers rigoureux. L’aquifère qui alimente ces sources est donc plutôt superficiel.
LES ISOTOPES STABLES DE L'EAU (δ18O ET δ2H)
Les isotopes stables (δ18O et δ2H) permettent de tracer l'origine de la recharge à la fois
de manière spatiale (zone de recharge) et temporelle, de mettre en évidence des
hétérogénéités spatiales entre aquifères mais aussi au sein d'un même niveau
aquifère. Ainsi les isotopes stables de la molécule d’eau permettent d’apporter des
éléments de réponse aux questions suivantes : d’où vient l’eau souterraine ? Comment
est-elle rechargée ? Quelles sont les relations entre les eaux de surface et les eaux
souterraines ?
La comparaison des eaux du système de la Sauvetat et des entrants de pluies permet
de donner une origine majoritairement météorique pour les eaux prélevées sur le site
des Narces de la Sauvetat et l’absence d’évaporation significative de ces eaux. Les
suivis complets sur une année, pour les eaux de pluie, les plus proches du site sont à
Clermont-Ferrand et Thonon. Les valeurs de ces stations encadrent les différents
points des Narces de la Sauvetat montrant des apports d’eau atmosphérique, mais
issus de recharge variable comme en témoigne la variabilité observée.
Pour la composition isotopique δ18O et δ2H de l’eau, les eaux de surface présentent
des variabilités saisonnières significatives comparées aux eaux des sources et les
eaux souterraines de la tourbière. Les variations temporelles observées pour le
ruisseau suivent les variations de compositions isotopiques attendues pour les eaux de
pluie au cours d’un cycle hydrologique. Ce résultat traduit que le ruisseau intègre une
proportion importante d’eau de pluie récente comparativement aux autres points et
suggère une vidange de la partie superficielle de la tourbière, partie superficielle
marquée par les eaux de pluies.
LES ISOTOPES DU STRONTIUM (87Sr/86Sr)
Les isotopes du Sr (87Sr/86Sr) ont la capacité de tracer l’origine du Sr dissous, qu’il
vienne des apports naturels (eaux de pluie, interactions eau-roche) ou des apports
anthropiques (principalement des engrais). Ils permettent donc de répondre à la
question « D’où vient le Sr dissous dans les eaux souterraines ?, Y-a-t-il des variations
spatiales et/ou temporelles dans la source des éléments dissous ?». Il découle donc
des signatures isotopiques contrastées pour les eaux souterraines en fonction de la
74
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
variabilité spatiale des lithologies drainées par les aquifères et/ou de la contribution des
apports anthropiques. Le mélange de différents réservoirs d’eau présentant des
signatures isotopiques en Sr contrastées aboutit à une signature isotopique finale
caractéristique de la contribution respective de chaque réservoir. Ainsi les isotopes du
Sr sont capables de tracer les mélanges entre les différents réservoirs d’eau et de
calculer les proportions de mélange de ces réservoirs. Ils permettent donc de répondre
aux questions « D’où viennent les eaux souterraines ?, Comment les eaux
souterraines sont-elles rechargées ? Quelles sont les relations entre les différents
niveaux aquifères ? ». De cette connaissance découle une meilleure compréhension
des circulations d’eaux au sein d’un système aquifère.
La gamme de variation de composition isotopique en Sr décrite par les différents points
des Narces de la Sauvetat est significative et témoigne de plusieurs origines pour le
strontium dissous. Les apports anthropiques, essentiellement par les engrais, ne jouent
aucun rôle dans le bilan du strontium dissous. Les apports par l’eau de pluie et les
interactions eau/roche restent les deux sources majoritaires de Sr sur le site des
Narces de la Sauvetat. Une des origines est compatible avec la contribution de Sr
provenant des interactions eau/roche et comparable aux lithologies volcaniques locales
documentées dans la littérature. La seconde, de rapports isotopiques plus bas, est
également dans la gamme des roches volcaniques. Cette différence traduit des
hétérogénéités locales des roches volcaniques et des signatures isotopiques du
strontium dissous variables en fonction des écoulements des eaux.
En termes de bilan, les eaux du ruisseau des Fouragettes, qui constituent l’exutoire de
la tourbière des Narces de la Sauvetat, sont potentiellement alimentées par les eaux
de la tourbière d’une part et les eaux de pluie via le ruissellement d’autre part.
A partir des données de concentration et de composition isotopique en Sr, il est donc
possible de calculer la part respective d’eau provenant de l’eau de pluie via le
ruissellement et de la tourbière. Après calculs, les eaux de la tourbière constituent
moins de 10 % des apports de Sr aux eaux du ruisseau des Fouragettes. Compte tenu
du débit du ruisseau des Fouragettes, le flux sortant de la tourbière reste probablement
très faible et symbolise un état relativement stagnant pour les eaux de la tourbière.
LES ISOTOPES DU LITHIUM (δ7Li)
Les isotopes du lithium sont considérés à juste titre comme un outil géochimique
faisant partie de la famille « des nouveaux traceurs isotopiques ». Contrairement aux
isotopes du strontium, pour lesquels aucun fractionnement n’est détectable, les
isotopes du lithium sont sensibles à ce processus. Le « fractionnement », lors d’une
réaction chimique, privilégie un des isotopes par rapport à l’autre. Ainsi, le
fractionnement isotopique associé aux interactions eau/roche favorise la mise en
solution de l’isotope lourd (7Li) et l’isotope léger (6Li) est préférentiellement retenu dans
les minéraux secondaires d’altération.
Les isotopes du lithium doivent permettre de mettre en évidence les mélanges des
grands types de lithologies et de recouper ces mélanges avec les lithologies observées
au droit des ouvrages. Ils permettent donc de répondre aux questions « D’où viennent
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
75
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
les eaux souterraines ? Quelles sont les relations entre les différents niveaux aquifères
? ».
Les mesures réalisées sur le site des Narces de la Sauvetat montrent que les
concentrations en lithium sont très variables avec les plus fortes valeurs observées au
sein de la tourbière, 10 à 100 fois plus élevées que pour le ruisseau. De même, les
mesures de compositions isotopiques du lithium (δ7Li, ‰) montrent que les valeurs des
δ7Li sont elles aussi extrêmement variables, dans les gammes attendues pour le
ruisseau et avec des valeurs très élevées pour les eaux de la tourbière. La signature
fortement enrichie en 7Li pour ces eaux peut-être liée a priori à deux mécanismes : un
effet de source (localement du lithium enrichi en 7Li) ou un processus qui fractionne le
lithium dans la tourbière. Des tests sont en cours pour vérifier ces hypothèses.
Quoiqu’il en soit, les valeurs élevées des eaux de la tourbière ne se retrouvent pas
dans les eaux du ruisseau, laissant à penser à un système relativement stagnant dans
la tourbière.
D’autre part, les eaux du ruisseau des Fouragettes ne peuvent s’expliquer ni par un
simple mélange des différents flux d’eau entrant (1 à 4) décrit précédemment, ni par la
contribution unique des eaux de la tourbière. Cela implique donc l’existence d’un flux
d’eau supplémentaire que nous désignerons par la suite «Entrée 6». La composition
géochimique attendue pour ce flux d’eau entrant est celle d’une eau fortement
contrôlée par la composition géochimique des eaux de pluie sans interactions
importantes avec les roches encaissantes. Ce flux d’eau pourrait correspondre à
l’infiltration d’eau de pluie directement au niveau de la surface du plan d’eau de la
tourbière ou à des eaux souterraines ayant un temps de résidence suffisamment court
ou interagissant avec des roches peu altérables ou suffisamment pauvres en éléments
que la libération d’éléments dissous des roches encaissantes vers les eaux
souterraines reste limitée.
APPROCHE COUPLEE MULTI ISOTOPES ET GEOCHIMIQUE
Des compositions en éléments majeurs et traces et des compositions isotopiques de la
molécule d’eau (signatures δ2H et δ18O) et en Sr, il ressort l’identification de 4 flux
principaux d’eau entrant et de 1 flux d’eau sortant de la tourbière (voir l’illustration cidessous). Les entrées 1 à 4 sont contraintes par la chimie des eaux et par les
différentes signatures isotopiques. En toute logique, la composition géochimique des
eaux de la tourbière doit correspondre à un mélange des flux d’eau entrants
caractérisés en amont hydraulique de la partie centrale de la tourbière. En d’autres
termes, les entrées 1 à 4 constituent, en tout premier abord, l’alimentation supposée
des eaux de la tourbière. Hors, les signatures contrastées des eaux de la tourbière par
rapport à toutes les eaux prélevées soutiennent donc l’existence d’un flux d’eau entrant
supplémentaire (Entrée 5, correspondant à des eaux souterraines fortement marquées
par les interactions eau/roche avec une des lithologies identifiée).
Les isotopes du lithium sont un outil porteur dont l’utilisation dans ce type de contexte,
et au vue des résultats acquis sur les Narces de la Sauvetat, se doit d’être plus
généralisée.
76
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Les recommandations pour la suite des études sur le site peuvent être énoncées ainsi :
•
•
•
•
•
à l’avenir, afin de maintenir cet état hydrique de la tourbière, il est nécessaire
de mettre en place un certain nombre d’indicateurs permettant d’assurer la
surveillance à l’échelle du bassin versant. Un de ces indicateurs est le niveau
d’eau dans la tourbière, via les 2 piézomètres et la surveillance du débit du
ruisseau des Fouragettes ;
suivre et trouver l’origine des anomalies en Li (pollution ??) ;
suivre l’entrée 6 en termes de bilan hydrologique car cette entrée peut être
l’alimentation majeure du ruisseau des Fouragettes et doit être mieux
caractérisée ;
monitorer longuement la tourbière (mise en eau surtout par les apports de
pluies) ;
étudier l’entrée 5 (via un piézomètre supplémentaire).
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
77
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
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BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
81
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Annexe 1
Isotopes : définition, mesures et fonctionnement
1. QUELQUES NOTIONS
La matière est constituée d’éléments chimiques tous bâtis sur le même modèle.
L'atome est constitué d'un noyau composé de protons, chargés positivement, et de
neutrons, électriquement neutres. Autour de ce noyau gravitent des électrons,
particules chargées négativement. Chaque atome se distingue donc par son nombre
de protons (ou d'électrons), également appelé numéro atomique Z, le nombre de
neutrons N et le nombre de nucléons (protons + neutrons) A. Le nombre de protons est
égal au nombre d'électrons, ce qui assure la neutralité de l’atome. L'ensemble des
atomes dont le noyau possède le même couple (Z, A) est appelé un nucléide ; un
élément chimique correspond à l'ensemble des atomes de même numéro atomique Z.
La cohésion des nucléons dans les noyaux atomiques est assurée par les forces
nucléaires (interaction forte) qui sont attractives, intenses, indépendantes de la charge
électrique et de faible portée. Au sein du noyau atomique, ces forces nucléaires
attractives l’emportent sur les forces coulombiennes répulsives qui existent entre les
protons.
1
2
H
B
He
Analyses en routine au BRGM
1.008
4.00
3
Li
4
5
Be
Th
En cours de développement
6
7
8
9
B
C
N
O
F
6.94
9.01
10.81
12.01
14.01
16.00
19.00
11
12
13
14
15
16
17
Na Mg
23.00
24.31
19
20
K
Si
21
Ca Sc
22
En projet
23
24
25
26
27
28
Ti
V
Cr Mn Fe Co
Ni
29
30
P
S
Cl
Ar
26.98
28.09
30.97
32.06
35.45
39.95
31
32
33
34
35
Cu Zn Ga Ge As
Br
Kr
83.80
44.96
47.90
50.94
52.00
54.94
55.85
58.93
58.71
63.55
65.38
69.72
72.59
74.92
78.96
79.90
38
39
40
41
42
43
44
45
46
47
48
49
50
51
52
53
Zr
85.47
87.62
88.91
91.22
92.91
95.94
55
56
57
72
73
74
Cs Ba La* Hf
Nb Mo Tc Ru Rh Pd Ag Cd
Ta
W
In
Sn Sb
Fr
(223)
88
89
104
Te
I
54
Xe
98.91 101.07 102.90 106.40 107.90 112.40 114.80 118.70 121.80 127.60 126.90 131.30
75
76
Re Os
77
Ir
78
Pt
79
80
Au Hg
81
Tl
82
Pb
83
Bi
132.90 137.30 138.90 178.50 181.00 183.90 186.20 190.20 192.20 195.10 197.00 200.60 204.40 207.20 209.00
87
36
Se
40.08
Y
18
Si
37
Sr
20.18
Al
39.10
Rb
10
Ne
84
Po
85
At
86
Rn
(210)
(210)
(222)
69
70
71
105
Ra Ac** Ku Ha
(226)
(227)
(258)
(260)
58
*Lanthanides
Ce
59
Pr
60
140.10 140.90 144.20
90
**Actinides
Th
91
Pa
61
62
63
64
65
66
67
68
Nd Pm Sm Eu Gd Tb Dy Ho Er
92
U
Tm Yb Lu
(145) 150.40 152.00 157.30 158.90 162.50 164.90 167.30 168.90 173.00 175.00
93
94
95
96
97
Np Pu Am Cm Bk
232.00 231.00 238.00 237.00 239.10
(243)
(247)
(247)
98
99
100
101
102
103
Cf
Es Fm Md No
Lr
(251)
(254)
(258)
(257)
(256)
(254)
Illustration 40 : Classification des éléments chimiques dans le tableau de Mendeleïev. Les
couleurs identifient les différentes systématiques isotopiques appliquées, en développement et
en projet au BRGM
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
83
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
L’histoire veut que le physicien et chimiste anglais Frederick Soddy (1877-1956), prix
Nobel de chimie en 1921 pour ses recherches sur l'origine et la nature des isotopes en
ait créé l’appellation en 1913. Isotope est composé du grec isos "égal, le même" et
topos "lieu, place", proprement "qui occupe la même place". Le mot isotope fait
référence à la classification de Mendeleïev (Illustration 40), présentée par son auteur
en 1869, car pour un même élément chimique, il peut exister différents noyaux. En
effet, si le nombre de protons est toujours égal à Z, le nombre de neutrons peut varier
et on parle alors d'isotopes de l'élément chimique. Les isotopes sont caractérisés par le
nombre de nucléons (protons + neutrons) A. On différencie les isotopes d'un élément X
par la notation AX avec par exemple, le noyau de l'atome d'hydrogène qui est constitué
d'un proton pouvant, à l'état naturel, être accompagné de zéro, un ou deux neutron(s).
L'hydrogène existe donc sous trois formes isotopiques 1H, 2H (appelé deutérium, noté
D) et 3H (appelé tritium, noté T).
Les propriétés chimiques des isotopes d'un même élément sont identiques car ces
isotopes ont le même nombre d'électrons. Par contre, selon la configuration du noyau
(c'est-à-dire la valeur de A et le rapport Z/A) les noyaux atomiques peuvent être stables
s’ils contiennent un nombre suffisant de neutrons pour compenser la forte
concentration de charges positives issues des protons.
Isobars
same atomic
weight
12
13
O
26,9s
2p
14
O
26,9s
β+
12
70,6s
β+γ
13
N
8
9
10-6fs
p
7
C
127ms
β+
8
B
10-7fs
β+
6
Be
Be
53,28j
εγ
6
Li
10-7fs
pα
4
3
He
0,0001
2
1
H
99,985
H
0,015
99,999
3
B
Be
5
6
He
He
807ms
β−
B
Be
Li
0,84s
β− 2α
7
He
10-6fs
n
B
12ms
β−γ
11
Be
13,8s
β−γ
B
N
C
B
O
13,5s
β−γ
19
0,62s
β−γ
17
0,75s
β−
15
14ms
β−γ
N
0,3s
β−γ
18
C
20ms
β−γ
C
0,07s
β−
Isotopes
same number of
protons
B
9ms
β−
14
Be
Be
24ms
β−
11
4ms
β−
Li
0,01s
β−γ
9
He
He
très court
n
14
H
12,43a
β−
N
C
20
O
26,9s
β−γ
18
4,17s
β−γ
16
2,45s
β−γ
14
17ms
β−γ
12
Li
0,18s
β− α
8
119ms
β−γ
N
C
19
O
0,20
17
7,13s
β−γ
15
5730a
β−γ
13
12
1,6Ma
100 β−
8
9
N
0,37
14
C
18
O
0,04
16
N
1,1
80,1
10
Be
Li
92,5
10-6fs
nα
B
17
O
99,76
15
99,63
13
C
98,9
11
19,9
9
0,07fs
β−γ
7
N
C
16
O
122s
β+ε
14
9,97ms
β+
12
20,3m
β+γ
10
10-3fs
β−γ
8
Li
7,5
He
C
19,3s
β+γ
9
B
770ms
p 2α
7
10-5fs
2p α
5
11ms
β+γ
11
10
C
15
O
Be
Isotones
same number of
neutrons
4ms
β−
stable
<-- p+n
<-- element
<-- half life
<-- decay modes
s = second
a = year
α = 2p +2n emission
β-= electron emission
β+ = positron emission
ε = electron capture
γ = γ emission
n = neutron emission
p = proton emission
very instable
T1/2 < 1s
Illustration 41 : Table des nucléides classés en fonction de leur nombre de charges N (nombre
de neutrons présents dans un noyau) et de leur nombre de masse Z (nombre de protons)
84
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Classiquement, tous les noyaux connus peuvent être classés en fonction de leur
nombre de charges N (nombre de neutrons présents dans un noyau) et de leur nombre
de masse Z (nombre de protons). Dans cette représentation (Illustration 41) en fonction
de Z, tous les noyaux placés dans la même colonne de la classification de Mendeleïev
sont tous les isotopes connus d´un même élément. Les noyaux stables se situent dans
la partie de la représentation N en fonction de Z dite vallée de stabilité. L’Illustration 41
donne une vision des répartitions des isotopes uniquement dans l’intervalle entre
hydrogène et oxygène. La vallée de la stabilité est indiquée en noir et comprend les
isotopes 1H et 2H, 3He et 4He, 6Li et 7Li, et ainsi de suite jusqu’à 16O, 17O et 18O. On
constate que pour Z < 20 la vallée de stabilité est située au voisinage de la droite N =
Z; pour Z > 20, la vallée de stabilité est située au-dessous de cette droite. De facto, les
noyaux avec des nombres identiques de protons et/ou de neutrons sont plus stables.
Les modèles modernes issus de la physique quantique (dits en couche ou en
carapace) faisant intervenir les niveaux d’énergie dans les noyaux permettent de
définir la série de ce que l’on appelle les nombres magiques de Z = 2, 8, 20, 28, 50 et
82 et N = 2, 8, 20, 28, 50, 82 et 126. Les noyaux atomiques d’un élément
correspondant à ces nombres magiques ont une grande stabilité impliquant une
représentation importante dans la nature.
En dehors de la vallée de stabilité, les noyaux sont dit instables et correspondent aux
noyaux qui ont un excès ou un défaut de neutrons par rapport aux isotopes stables de
même nombre de charge. Au-delà de la valeur de Z > 83, les noyaux ne sont pas
stables et sont dits radioactifs. Chaque noyau radioactif (noyau père) va se transformer
en noyau stable (noyau fils) en une ou plusieurs désintégration(s) spontanée(s) en
émettant une particule (α ou β) et généralement un rayonnement γ. Au cours de ce
processus, il y aura une émission de particules qui pourra être accompagnée de
rayonnements électromagnétiques. Ce phénomène porte le nom de radioactivité.
Les noyaux instables se divisent en 3 catégories selon la place qu´ils occupent par
rapport à la vallée de la stabilité. Les noyaux placés en bout de la vallée de la stabilité
sont les plus lourds. Ils atteignent la stabilité en émettant des particules α. Les noyaux
placés au-dessus et au-dessous de la vallée de la stabilité sont radioactifs β-. Chaque
nucléide radioactif est caractérisé par la probabilité de désintégration d’un noyau par
unité de temps. Signalons enfin que deux éléments qui possèdent le même nombre de
nucléons sont des isobares (Z différents, A identiques), par exemple le Carbone-14 et
l'Azote-14 et que des éléments qui ont le même nombre de neutrons sont dits isotones
(Z différents, A différents, N identiques), par exemple le Carbone-13 et l'Azote-14.
L’analogie intéressante qui peut être faite ici pour expliquer le niveau d’information
supplémentaire obtenu par l’analyse isotopique par rapport à l’analyse élémentaire est
décrite ci-après (Illustration 42).
En faisant le parallèle entre une étude géochimique et une étude démographique,
l’analyse élémentaire (mesure de la concentration d’un élément) s’apparente à
compter le nombre d’individus dans une population. Alors que la mesure isotopique
consiste à faire le rapport des individus selon leur sexe (rapport isotopique) ou selon
leur âge (datation en géochronologie).
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
85
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 42 : Analogie entre une étude démographique et une étude géochimique
i. Les isotopes d’éléments stables
La distribution des éléments et leurs proportions isotopiques sont liées à la stabilité de
leur configuration nucléaire. Les configurations à Z et N pairs sont plus stables que les
autres types de configuration et les noyaux contenant les nombres magiques le sont
86
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
tout particulièrement. Ainsi, pour l’oxygène, élément caractérisé par le nombre
magique Z = 8, les abondances des isotopes montrent une dominance de l’isotope 16O
(99.762%), suivi du 18O (0.200%) puis du 17O (0.038%). Les autres isotopes de
l’oxygène qui ont pu être mis en évidence sont instables avec des durées de vie de
quelques secondes (Illustration 41).
nombre de neutrons
numéro atomique
Illustration 43 : Extrait de la table des nucléides, répartition des isotones, isobares et isotopes
depuis l’hydrogène jusqu’à l’oxygène
Pour les éléments dits stables, les différences de masses des isotopes d’un même
élément amènent l'existence de propriétés physico-chimiques légèrement variables
(volume molaire, vitesse de réaction, constante d'équilibre…). A ces différences de
propriétés correspondent des comportements et des lois de répartition des isotopes
différentes au cours des réactions chimiques. La principale est celle du fractionnement
isotopique. Au cours d'une réaction faisant intervenir un élément chimique avec des
isotopes en proportion différente, cette réaction privilégie un isotope de cet élément
avec un facteur de fractionnement α, défini comme étant le ratio du rapport des
isotopes lourds (IL) sur les isotopes légers (Il) de la phase A par rapport à celui de la
phase B selon :
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
87
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
αA-B = (IL/Il)A / ( IL/Il)B
Le fractionnement isotopique peut être dit à l'équilibre, représentant les échanges
isotopiques associés à une réaction à l'équilibre. Il peut aussi être associé à un
processus unidirectionnel irréversible ; on parle alors de fractionnement isotopique
cinétique, dû à la différence d'énergie entre les molécules impliquant des isotopes
différents. Tout processus métabolique met en jeu ce type de fractionnement où les
isotopes les plus légers sont plus facilement mobilisés. Ainsi, la photosynthèse fixe
préférentiellement le 12C par rapport au 13C. Le fractionnement peut également être lié
à un changement d’état. C’est le cas du cycle de l’eau, où, du au fait que les réactions
impliquant les isotopes légers sont en général plus rapides que celles impliquant les
isotopes lourds, les phases gazeuses sont toujours plus « légères » que les phases
condensées (liquide). Par exemple lors de l’évaporation, la vapeur est
proportionnellement plus riche en H216O par rapport à H218O (la condensation montre
l’inverse) ce qui s’exprime par le facteur de fractionnement α selon :
αliq-vap = (18O/16O)liq / (18O/16O)vap
Il faut cependant noter qu’il est généralement admis qu’au delà de Z ≈ 20, ces
fractionnements sont difficilement identifiables et mesurables, dans l’état actuel des
techniques analytiques.
ii. Les isotopes d’éléments instables
Les isotopes se désintégrant par radioactivité s'appellent des isotopes radioactifs ou
isotopes pères et ils génèrent des isotopes dits radiogéniques ou isotopes fils. Pour les
isotopes « radioactifs-radiogéniques », la désintégration radioactive de l’élément père
réalise un fractionnement isotopique mais avec deux atomes différents. La vitesse de
désintégration d'un isotope père P en isotope fils F est proportionnelle à la quantité
d'isotope père selon :
dP/dt = -λ P
où λ est la constante de désintégration qui représente la vitesse de ce processus et
dépend de l'isotope considéré. On obtient :
P=P0exp(-λt)
où P0 est la quantité d'isotope père au temps t=0 qui diminue exponentiellement au
cours du temps. Ceci permet de définir la période de demi-vie (T1/2 en années) qui
correspond au temps au bout duquel la quantité initiale d'élément père a été divisée
par deux et s’exprime par :
T1/2=ln(2)/λ
La quantité F d'isotope fils observée au temps t est égale à la quantité d'isotopes
initiale F0 présente à l’état initial t=0, augmentée de la quantité d'isotopes
88
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
radiogéniques créée par désintégration de l'isotope père en un temps t. Ceci s’exprime
selon :
F= F0 + P [exp(λt)-1]
La mesure des compositions isotopiques donne les proportions entre les isotopes et la
notation en " rapport isotopique " se fait avec au numérateur l'isotope radiogénique ou
radioactif, et au dénominateur un isotope non radioactif et non radiogénique du fils, Fs.
On obtient alors :
F/Fs = (F/Fs)0 + (P/F) exp[(λt)-1]
Cette équation est la base des applications des systèmes isotopiques à la
géochronologie (datation des roches comme les systèmes Rb-Sr, Sm-Nd, U-Pb…).
iii. En guise de résumé
Par opposition aux isotopes stables présents dans une proportion constante et connue
à l’état naturel, les isotopes radioactifs ont des proportions qui varient avec le temps
dans les systèmes géologiques. Qu’en est-il dans le cycle exogène, et tout
particulièrement dans le cycle de l’eau ?
Dans ce dernier, les isotopes radiogéniques des éléments lourds ont la particularité de
ne pas être fractionnés par les processus physico-chimiques et compte tenu des
grandes constantes de temps, d’être insensibles aux processus de décroissance. Le
lien est donc direct entre eau et minéral et/ou assemblage minéralogique, qui par les
phénomènes d’altération fournit l’élément chimique étudié à l’eau (Sr pour 87Sr/86Sr, Nd
pour 144Nd/143Nd, Pb pour 206, 207, 208Pb/204Pb). Contrairement aux isotopes
radiogéniques, les abondances, initialement fixées, des isotopes stables peuvent être
modifiées par les processus de fractionnement et ces modifications peuvent être mises
en évidence par les mesures de ces rapports isotopiques et les processus, et donc
« l’histoire » de l’eau, décryptée.
Pour plus de détails sur la chimie de la matière, on se référera aux articles de Treuil
(1998) et Treuil et Joron (1998) et à ceux de Fourcade (1998) et Mook (2001) pour les
méthodes et principes des isotopes.
2. LES MOYENS DE MESURE DES ISOTOPES
Les isotopes d’un élément chimique sont mesurés par un spectromètre de masse qui
produit des ions dans une source sous vide à partir d'un échantillon. Ces ions sont
séparés selon leur rapport masse/charge par une combinaison de champs
électromagnétiques incluant une accélération par un champ électrique et une
séparation en masse par un champ magnétique. Ils sont enfin détectés et exprimés en
fonction de leur abondance relative.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
89
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Dans la spectrométrie de masse appliquée aux systématiques isotopiques pour nos
études, trois grands types sont utilisés :
ƒ
les spectromètres de masse à source « gazeuse » (classiquement appelés
IRMS pour Isotope Ratio Mass Spectrometer),
ƒ
les spectromètres de masse à source « solide » (classiquement appelés TIMS
pour Thermo-Ionisation Mass Spectrometer)
ƒ
et les spectromètres de masse à plasma à couplage inductif et multi-collection
ICP-MS-MC.
Les IRMS permettent de déterminer des rapports isotopiques en utilisant la technique
hors ligne (c'est-à-dire préparation des échantillons sur une ligne séparée afin de les
transformer en gaz), à double injection (pour mesurer en alternance l'échantillon
inconnu et un échantillon de référence). De manière identique, le CF-IRMS
(Continuous Flux Isotope Ratio Mass Spectrometer) utilise la technique en ligne à débit
continu (système de combustion en ligne), pour la mesure de rapports isotopiques
(Illustration 4, Illustration 45).
Illustration 44 : Spectromètre de masse à source gazeuse (CF-IRMS)
La technique TIMS (Thermo-ionisation Mass Spectrometry, Illustration 46) met en jeu
la thermo-ionisation d’un élément dans une source dite « solide » sous vide à des
températures supérieures à 1 000°C. L’échantillon est déposé sous forme de gouttes
sur des filaments de rhénium, tungstène ou tantale, l'évaporation de la solution laisse
un sel sur le filament. Ce filament est chauffé jusqu'à une température suffisante pour
que le sel soit évaporé et ionisé.
90
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 45 : IRMS et ligne d’équilibration (à gauche) pour l’analyse des isotopes stables de la
molécule d’eau (O et H)
Illustration 46 : Spectromètre de masse à source solide (TIMS).
Les ICP-MS-MC (Illustration 47) utilisent la méthode plasma des ICP-MS pour la
vaporisation et l’ionisation des échantillons couplée avec la technique de spectrométrie
de masse pour la séparation des isotopes. L’échantillon sous forme de solution est
envoyé dans la source du spectromètre où elle est vaporisée et ionisée par un plasma,
gaz partiellement ionisé sous l'influence d'une forte différence de potentiel. Cette
méthode, par rapport à la technique TIMS, a l'avantage de créer un très bon taux
d'ionisation pour un grand nombre d'éléments. Dans les techniques ICP-MS-MC et
TIMS, la chimie préparatoire, nécessaire pour isoler l’élément chimique dont on veut
analyser les isotopes, se déroule dans des salles blanches en surpression, avec des
réactifs purifiés permettant une très faible contamination lors des phases de
préparation des échantillons.
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
91
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 47 : Spectromètre de masse à plasma à couplage inductif et multi-collection (ICPMS-MC)
Pour plus de détails, on se référera aux articles concernant le principe et l’appareillage
en spectrométrie de masse (Bouchoux et Sablier, 2005a), les applications en
spectrométrie (Bouchoux et Sablier, 2005b) et dans l’environnement (Fouillac et al.,
2005; Kloppmann, 2003). Sur l'Illustration 40, sont présentées les différentes
systématiques isotopiques appliquées, en développement et en projet, au BRGM.
3. QUELQUES SYSTEMATIQUES ISOTOPIQUES
i. Les isotopes stables de la molécule d’eau
Les isotopes stables de l'eau comprennent ceux de l'oxygène et de l’hydrogène. Les
abondances des isotopes de l'oxygène montrent une dominance de l’isotope 16O
(99.762%), suivi du 18O (0.200%) puis du 17O (0.038%). Les abondances des isotopes
de l’hydrogène consistent en deux isotopes stables, 1H et 2H (aussi nommé
Deutérium), avec une abondance respective d’environ 99.985 et 0.015% Le rapport
des isotopes de l'oxygène et de l’hydrogène est exprimé en unité delta de déviation par
rapport à un standard de référence. Ils sont mesurés par IRMS ou CF-IRMS. On utilise
la notation δ exprimée en parts pour mille (‰) avec :
δ = [(Réchantillon / Rstandard) - 1] x 1000
où R est le rapport isotopique, isotope lourd sur isotope léger (e.g. 18O/16O). Le
standard de référence est le SMOW (Standard Mean Ocean Water) qui est une eau de
mer moyenne, pris à 0‰.
En l'absence d'évaporation ou d'échange avec des gaz dissous, les isotopes stables
de la molécule d'eau se comportent comme des traceurs conservatifs et reflètent le
mélange des différentes recharges ayant alimenté les eaux souterraines considérées.
92
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
L'histoire hydro-climatique d'un aquifère peut donc être reconstituée par l'abondance
des isotopes stables lourds de l'oxygène (18O) et de l'hydrogène (2H) dont les
signatures correspondent à des environnements et des épisodes hydro-climatiques
spécifiques, ou des altitudes de recharge différentes.
Sous certaines conditions (faible rapport eau/roche, temps de résidence long,
température élevée du réservoir, échange avec CO2, évaporation, …), les interactions
roche - eau peuvent modifier la composition isotopique initiale de l'eau (Illustration 48).
Illustration 48 : Processus naturels pouvant influencer les compositions en deuterium et en
oxygène-18 des eaux souterraines (d'après Clark et Fritz, 1997)
ii. Les isotopes du lithium
Le lithium est un élément léger qui possède deux isotopes stables de masse 6 et 7,
dont les abondances naturelles sont respectivement 7.5 % et 92.5 %. La composition
isotopique du lithium d’un échantillon se note en déviation relative (en ‰) par rapport à
un standard. Depuis peu, la communauté scientifique a adopté une notation commune
en exprimant le rapport isotopique 7Li/6Li de la manière suivante :
(
(
⎛ 7 Li / 6Li
7
6
⎝ Li / Li
δ 7Li (‰ ) = ⎜⎜
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
)
)
ech
std
⎞
− 1⎟⎟ × 10 3
⎠
93
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Le standard de référence est un carbonate de lithium (L-SVEC, NIST RM8545) dont la
valeur du δ7Li est de 0‰ par définition (7Li/6Li = 12.02 ± 0.03).
La différence de masse relative entre les deux isotopes est considérable (17%) et
engendre des fractionnements isotopiques importants lors des réactions géochimiques
qui se produisent à la surface de la Terre.
Illustration 49 : Variations isotopiques du lithium dans les matériaux géologiques, d’après
Coplen et al. (2002).
La gamme de variation isotopique du lithium est de plus de 60‰ dans les différents
matériaux géologiques. Les roches silicatées de la croûte ont une composition
isotopique comprise entre –2 et +2‰, l’eau de mer ~ +31‰, les eaux de rivières ont
des compositions intermédiaires entre +6 et +23‰ et les eaux thermo-minérales ont
des compositions isotopiques qui varient entre –10 et +20‰.
94
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Les isotopes du lithium sont considérés à juste titre comme un outil géochimique
faisant partie de la famille « des nouveaux traceurs isotopiques ».
Le comportement des isotopes du lithium lors des interactions eau/roche à basse ou
haute température est très mal connu à l’heure actuelle. Le lithium est un élément
lithophile, fortement soluble et se retrouve par conséquent fortement enrichi dans les
fluides ayant interagi avec les roches. Les concentrations en lithium des eaux ne sont
contrôlées que par les processus d’interactions eux-mêmes (intensité d’interaction,
température et assemblage minéralogique). Et les réactions d’oxydo-réduction, de
complexation organique ou de spéciation n’ont aucun effet de contrôle vis-à-vis des
concentrations et des compositions isotopiques de lithium dans les eaux.
Quoiqu’il en soit, l’amplitude du fractionnement isotopique et les facteurs de contrôle
restent très mal contraints à ce jour. Toutefois, les premières données isotopiques en
lithium dans des contextes d’altération montrent que le fractionnement isotopique
associé aux intéractions eau/roche favorise la mise en solution de l’isotope lourd (7Li).
L’isotope léger (6Li) est quant à lui préférentiellement retenu dans les minéraux
secondaires d’altération.
iii. Les isotopes du strontium
Le couple Rb-Sr se caractérise par un comportement géochimique très contrasté entre
le rubidium (élément alcalin proche du potassium) et le strontium (élément alcalinoterreux proche du calcium). Rb et Sr sont présents en tant qu'éléments traces (teneur <
0.5%) dans les différents types de roches. Ainsi, le rubidium est présent en quantité
évoluant entre le µg.g-1 (roches ultrabasiques) et la centaine de µg.g-1 (roches de la
famille des granites); le strontium est toujours présent avec des quantités supérieures
à la centaine de µg.g-1. Le rubidium se localise préférentiellement dans les minéraux
potassiques (biotites, muscovites, feldspaths potassiques) tandis que le strontium se
situe préférentiellement dans les minéraux calciques tels que les plagioclases et les
carbonates. De par le comportement opposé de ces deux éléments, de grandes
variations du rapport Rb/Sr se produisent au cours des processus de réaction entre
fluides et minéraux. Dans les processus d'altération, le strontium a un comportement
plus soluble que le rubidium vis-à-vis de la solution lixiviante. Par conséquent, le
rapport Rb/Sr augmente dans les minéraux résiduels lors de lessivages progressifs
alors que celui du fluide est toujours bas.
Le strontium a quatre isotopes de masse 88, 87, 86 et 84, mesurés par TIMS. Les
isotopes 88, 86 et 84 sont stables et ont des abondances liées à la nucléosynthèse
(ensemble des processus aboutissant à la formation d'éléments chimiques). L'isotope
87
Sr est radiogénique et est issu de la désintégration radioactive β du 87Rb. Le rapport
isotopique du strontium (87Sr/86Sr) d'un fluide est directement relié à celui du minéral ou
à des associations minéralogiques avec lesquelles le fluide a interagi. Les effets de
fractionnements isotopiques liés à la différence de masse ne sont pas détectables pour
des éléments dont la masse est proche de 80. De plus, les effets de variations du
rapport 87Sr/86Sr liés à la décroissance radioactive du nucléide père (87Rb) en nucléide
fils (87Sr) ne sont pas significatifs, compte tenu de la courte échelle de temps à laquelle
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
95
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
ces processus sont étudiés en géochimie environnementale par rapport à la période de
décroissance du rubidium.
Le strontium est séparé du reste de la matrice de l’échantillon sur des résines
échangeuses d’ions. Le niveau de contamination est inférieur à 0.5 ng pour la
procédure chimique complète. Après séparation chimique, l’échantillon est analysé sur
un spectromètre de masse à multi-collections à source solide. Les rapports 87Sr/86Sr
sont normalisés à un rapport 86Sr/88Sr de 0.1194. La précision interne de chaque
mesure du rapport 87Sr/86Sr est souvent de l’ordre de ± 8 x 10-6 (2σ). La reproductibilité
des mesures des rapports 87Sr/86Sr est testée par l’analyse répétitive d’un standard
international (NBS 987).
Dans le cadre de l'étude des circulations de fluides, la nature a directement marqué
ceux-ci. Dans une roche silicatée (granite...), les différents minéraux présentent des
rapports chimiques Rb/Sr et donc des rapports isotopiques 87Sr/86Sr différents en
liaison avec leur formation. Lors des phénomènes d'interaction eau-roche, le rapport
87
Sr/86Sr de la fraction de strontium libérée sera différent de la roche totale et typique
du ou des minéraux altérés et ceci en liaison avec la "résistance" des minéraux vis-àvis de l'agressivité du fluide. Globalement, le strontium solubilisé dans la roche et
transporté vers l'extérieur du système formé par la roche est beaucoup moins
radiogénique (c'est-à-dire de rapport 87Sr/86Sr plus faible) que le strontium dans la
roche non altérée. D'autre part, le strontium des argiles résiduelles est beaucoup plus
élevé. Les variations isotopiques observées dans les fluides peuvent être issues du
mélange de strontium de compositions isotopiques différentes provenant de différentes
sources. Ainsi, dans le cas simple où deux sources de rapports isotopique ou chimique
différents sont présentes, la composition du mélange peut être déterminée. Les
variations du rapport isotopique du strontium dans un hydrosystème donnent ainsi des
informations sur (1) l'origine et les proportions de mélange des différents composants
fluides ainsi que sur (2) la nature et l'intensité des processus d'interaction roche - eau
liés notamment à l'altération et à l'érosion.
96
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
Illustration 50 : Variation du rapport 87Sr/86Sr de l'eau de mer (d'après Burke et al., 1982)
4. ISOTOPES ET MELANGES D'EAUX
Connaissant la signature chimique des eaux de deux réservoirs et les proportions de
mélange, il est possible de calculer la signature des eaux résultant du mélange. A
l'inverse, il est donc possible de calculer des taux de mélange connaissant les
signatures des deux termes du mélange et de la résultante.
Ces calculs sont possibles à partir des teneurs seules ou avec des signatures
isotopiques.
Ainsi, un mélange dont on connaît les concentrations des deux termes et la proportion
de mélange s'exprimera :
avec [X]mél,
[X ]mél
=
f [X ]1
+
1 et 2
(1 − f )[X ]2
: concentration de l'élément X
dans le mélange et les deux
termes initiaux 1 et 2,
f : proportion du terme 1 dans le mélange
Pour un mélange impliquant des rapports isotopiques d'un élément dissous (le
strontium dans cet exemple), le mélange binaire s'exprimera :
(
87
86
Sr / Sr
)
mél
=
( f *(
87
)
) (
Sr / 86Sr 1 * [Sr ]1 + (1 − f ) *
[Sr ]mél
(
87
)
Sr / 86Sr 2 * [Sr ]2
)
avec (87Sr/86Sr)mél, 1 et 2 : composition isotopique du Sr du mélange et des deux termes
initiaux 1 et 2,
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
97
Caractérisation isotopique et hydrogéologique du site des Narces de la Sauvetat
[X]mél, 1 et 2 : concentration de l'élément X dans le mélange et les deux termes initiaux,
f : proportion du terme 1 dans le mélange.
0.711
0.711
1
0.7105
0.71
Sr/86Sr
90% de 1
0.7095
90% de 1
0.7095
mél
87
mél
87
Sr/86Sr
0.71
1
0.7105
0.709
0.709
50% de 1
50% de 1
0.7085
2
0.7085
10% de 1
0.708
2
0.708
50
100
150
Sr (µg/l)
200
0.005
0.01
0.015
0.02
1/Sr (µg/l)-1
Illustration 51 : Représentations graphiques d'un mélange binaire avec des isotopes du Sr
L'Illustration 51 met en évidence que les mélanges sont beaucoup plus simples à
visualiser graphiquement en utilisant l'inverse de la concentration de l'élément dissous
dont on utilise le rapport isotopique.
Illustrée ici pour le strontium, cette méthode est applicable aux systématiques
isotopiques des éléments dissous comme le lithium (δ7Li vs. [Li])...
98
BRGM/RP-56282-FR – Rapport final
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