Barometre national 2010

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E
R
B
O
OCT 010
2
le journal
BAROMÈTRE
2010
SALE TEMPS
PERSISTANT
Une espèce sur cinq menacée, des oiseaux en chute libre… Les indicateurs
de l’état de notre biodiversité sont loin d’être au beau fixe ! Quelques actions
vont, certes, dans le bon sens, mais le tournant historique que le Grenelle
de l’environnement devait nous faire prendre est raté. Or, si la biodiversité
ne devient pas une priorité, c’est notre avenir que nous hypothéquons.
PAR CATHERINE PERRIN, CLOTILDE WARIN, ÉTIENNE HURAULT, SAMUEL GUITTON
INFOGRAPHIES PHILIPPE MOUCHE
Terre Sauvage 89 Octobre 2010
TE R R E
FAUNE DE LA RÉUNION
DANS LE ROUGE
Liste rouge de la faune de la Réunion
En pourcentage d’espèces (mammifères, reptiles,
oiseaux, poissons d'eau douce
et quelques groupes d’invertébrés)
Listes rouges des espèces menacées en France métropolitaine
En pourcentage d’espèces
22
Éteinte
à la Réunion
10
12
En danger
critique
d’extinction
4
Reptiles
Oiseaux nicheurs
4
61%
Éteinte
au niveau
mondial
EN DANGER CRITIQUE D’EXTINCTION
Risque extrêmement élevé d’extinction
Source : UICN-MNHN
Espèces
7 menacées
15%
9%
EN DANGER
Risque très élevé d’extinction
6
60%
R
SU
5 Espèces
8 menacées
5
R
SU
16
Mammifères continentaux
Orchidées
9
42
10
Préoccupation
mineure
Quasi
menacée
9
En danger
4
Vulnérable
En nombre d’espèces
Oiseaux
13
38
4
39%
Rß
2 Espèces
21%
14%
SU
Espèces menacées
23%
menacées
SUR
ßSU
Devenir des espèces présentes
avant l’arrivée de l’homme
Espèces
restantes
66%
10% 1
Espèces
2 menacées
3
5
13%
R
Éteintes
au niveau
mondial
Éteintes à
la Réunion
2008
Source : Office national de la chasse et de la faune sauvage
2006
2004
14
20
2008
5 2007
15 16
QUASI MENACÉE
Proche du seuil des espèces menacées
ou qui pourrait être menacée si des
mesures de conservation spécifiques
n’étaient pas prises
PRÉOCCUPATION MINEURE
Risque de disparition de France faible
DONNÉES INSUFFISANTES
Pas assez de données disponibles
pour évaluer le risque
DISPARUE EN FRANCE
MÉTROPOLITAINE
TRE
N
E
ET
19992001
2005
4 oursons
repérés
en 2010
2004
120 2006
100
110
19961998
3
3
1
20022004
1995
2000
Effectifs de quatre rapaces
Ours
Lâchers
Risque
d’extinction
Faucon crécerellette
Nombre de couples nicheurs
151
min.
100
2005
171
182
194
E
n France, comme partout dans le
monde, des espèces animales et végétales vont disparaître à jamais à cause
de l’homme : une espèce sur cinq est menacée en métropole. Ainsi, la vipère d’Orsini
et le vautour moine sont en danger critique
d’extinction, tout comme l’ours brun. Au
début du xxe siècle, 200 ours vivaient encore
dans les Pyrénées françaises, ils ne sont plus
qu’une vingtaine. Il en faudrait 50 pour que
la population soit viable. D’où les lâchers,
dont les derniers remontent à 2006. On
attendait que d’autres soient programmés,
comme l’avait déclaré, en janvier dernier,
Chantal Jouanno, secrétaire d’État à l’Éco-
logie, déclenchant l’ire des anti-ours. Surprise : six mois après, lorsqu’elle présente le
nouveau plan Ours, il n’est plus question de
réintroduction : on mise désormais sur un
accroissement naturel. « Théoriquement,
cela peut fonctionner, comme ce fut le cas
en Suède, mais cela prendra beaucoup de
temps », estime François Moutou, de la
Société française pour l’étude et la protection des mammifères. Une reculade pour
calmer les éleveurs ? « Cette décision est
politique, analyse François Moutou. Pour
l’Année internationale de la biodiversité,
on s’attendait tout de même à mieux ! Les
ours ne sont pas responsables des problè-
Terre Sauvage 90 Octobre 2010
Espèces
agricoles
2009
60
65
72
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
27
6/20
mes de l’élevage ovin : ils ont tué moins de
150 brebis en 2009, c’est dérisoire comparé
aux 400 000 à 600 000 qui partent chaque
année à l’équarrissage et finissent en farines
animales. » Quant au loup, classé « vulnérable » sur la liste rouge nationale, le bilan
est mitigé. Si l’espèce continue à étendre
son territoire, la population pourrait avoir
diminué : 185 loups en 2008, 165 en 2009.
« Sur 27 zones de présence permanente de
l’espèce, il y en a cinq où on n’a relevé aucun
indice de présence l’hiver dernier, déclare
Éric Marboutin, de l’ONCFS. Cela reste difficile à expliquer, il faut attendre le prochain
suivi hivernal pour voir si cette tendance se
Buse variable
Nombre de couples en milliers
143
143
133
114
37
37
2000-2002
2004-2007
2008 2009
Milan royal
43
44
47
47
49
54
2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009
biodiversité terrestre
situation toujours critique
Espèces
liées au bâti
75
Balbuzard
Lynx
Loup
Source : LPO-CNRS
Nombre de couples
reproducteurs
!
Toutes espèces
-30%
max.
Éteintes
au niveau
mondial
Éteintes à
la Réunion
-20%
-40%
1989 1990
Espèces
forestières
-10%
146
119
89 82
61
Reptiles terrestres
Espèces
restantes
Espèces
généralistes +10%
CERTAINS RAPACES SONT EN HAUSSE, D’AUTRES DÉCLINENT
150
185
2007
Variations
moyennes
Indice d'abondance des populations d'oiseaux communs
en fonction du type d'habitat Base 100 en 1989 Source : MNHN-CRBPO
100
VULNÉRABLE
Risque élevé d’extinction
TROP PEU D’OURS ET MOINS DE LOUPS
Effectifs estimés des grands carnivores
TE R R E
OISEAUX NICHEURS COMMUNS : MOINS 12% EN 20 ANS
UNE ESPÈCE SUR 5 MENACÉE EN MÉTROPOLE
Source : UICN-MNHN
Données
insuffisantes
2010
le Baromètree dde la nature
confirme. » Pour d’aucuns, il est fort probable que cette baisse soit due au braconnage.
Vincent Vignon, spécialiste du loup, estime
que, depuis l’an 2000, au moins une centaine
d’animaux ont été éliminés illégalement.
Le déclin des oiseaux nicheurs
Si la France se situe au huitième rang des
pays ayant le plus grand nombre d’espèces menacées au niveau mondial, c’est en
grande partie à cause de ses collectivités
d’outre-mer. La biodiversité y est exceptionnelle et les atteintes, nombreuses :
urbanisation, pollutions, exploitations
minières… À la Réunion, une espèce
animale sur cinq est menacée. Certaines
endémiques pourraient même rapidement
s’éteindre, comme le tuit-tuit et le pétrel
noir, deux oiseaux parmi les plus menacés
Nombre de couples
3400
2000-2002
au monde, qui sont victimes des rats. « Les
espèces introduites envahissantes, végétales
ou animales, sont un véritable cancer qui
ronge la biodiversité de l’île, explique Florian Kirchner, de l’UICN (Union internaionale pour la conservation de la nature). Des
programmes de lutte existent, mais il faut
redoubler d’efforts, en mettant notamment
en place des systèmes de détection précoce
pour éviter que de nouvelles espèces envahissantes ne s’installent. »
Les oiseaux nicheurs communs de métropole restent le meilleur indicateur de l’état
de la biodiversité car on les suit depuis
longtemps : la France en a perdu 12 % en
vingt ans. Seuls les oiseaux généralistes, tel
le pigeon ramier, se portent plutôt bien,
bénéficiant sans doute du déclin d’espèces
spécialistes, comme celles inféodées aux
zones agricoles, où un quart des oiseaux
Terre Sauvage 91 Octobre 2010
estimation
impossible
2008 2009
nicheurs s’est volatilisé. La buse amorce
une diminution inexpliquée, et le milan
royal est sur une pente fatale, bien qu’il
fasse l’objet d’un plan de conservation.
« Les prairies où il chasse sont remplacées
par des cultures céréalières et ses proies
(rongeurs, insectes) se raréfient à cause des
pesticides », explique Fabienne David, de la
Ligue pour la protection des oiseaux (LPO).
« Le milan est aussi victime d’empoisonnements délibérés ; il faudrait une police de
l’environnement pour contrôler ces pratiques d’un autre âge, mais on manque de
moyens humains et financiers pour protéger la biodiversité », s’exclame Fabienne
David. Heureusement, d’autres exemples
redonnent espoir, comme ceux du faucon
crécerellette et du balbuzard pêcheur qui,
même si leurs effectifs sont encore faibles,
sont dans une dynamique positive.
TE R R E
LES SOLS ARTIFICIALISÉS ACCÉLÈRENT LEUR AVANCÉE
Surface
en herbe
Sols cultivés
Occupation
du territoire
en 2009
Landes, friches
maquis, garrigue
Sols boisés
Sols nus naturels,
zones humides,
zones sous les eaux
Sols
artificialisés
Part de l’agriculture bio dans la surface agricole utile totale
18,5
En pourcentage pour 2008 (*: 2009)
Augmentation par rapport
à l’année précédente
11,0
Source : SSPAgresteTeruti-Lucas
35%
17%
31%
- 279 000
hectares
Variations
2006/2009
Accélération
de l’artificialisation
5%
1 département
tous les 7 ans
(86 000 ha par an)
Protections réglementaires
Proportions
du territoire
en
2009
20062009
80 553 +3,1%
sous protection forte
Autriche* Suisse* Suède
Métropole
ß
Outre-mer
ß
Métropole
Outre-mer
Surfaces du territoire national
protégées
Part de l’outre-mer
Variation globale 2007- 2009
Italie Portugal
Rép.
tchèque
Évolution de
la flore adventice
Nombre moyen
d’espèces par parcelle
19681976
3%
+1
287 stable
Réserve Arrêté préfectoral Réserve Réserve naturelle
naturelle
de protection biologique de chasse et
nationale*
de biotope
de faune sauvage
PROTECTIONS RÉGLEMENTAIRES
112
Parc naturel régional
Parc national
(aire d’adhésion)
Conservatoire
du littoral
Un tiers des espèces disparues
des champs depuis les années 70
ne se trouve plus que sur
les bords des champs
AUTRES TYPES DE PROTECTION
4,6
3,8
2,7
2,6
4,3
2,0
Pays- Belgique France* Pologne Union
européenne
Bas*
État d'avancement des stratégies
régionales pour la biodiversité (SRB)
Les observatoires régionaux
de la biodiversité (ORB)
ß
9,3
Source : INRA
5,3
COLLECTIVITÉS TERRITORIALES :
DES INITIATIVES POUR LA BIODIVERSITÉ
16,6
24 995 +3,4%
1 661 +4,2%
5,6
Dan. Allemagne* Esp.* Royaume Grèce
-Uni
ß
Source : MNHN
* inclut réserve naturelle de Corse
12 045 +1 %
1 756 +7,8%
5,6
DES FLEURS DES CHAMPS
QUI DISPARAISSENT
Zone terrestre, en km2, en 2009
Protections réglementaires
ß
en 2009
ß
25 015 stable
Objectif
2012 : 6%
7,9
+ 259 000
hectares
PAS ENCORE ASSEZ D’ESPACES PROTÉGÉS DE FAÇON FORTE
Proportions du territoire
sous protection forte
8,0
6,6
+ 20 000
hectares
1 département
tous les 10 ans 1992(61 000 ha par an) 2003
Source : Agence Bio, FIBL.
10,8
9%
3%
TE R R E
AGRICULTURE BIO : LA FRANCE EN PROGRÈS MAIS TOUJOURS SOUS LA MOYENNE EUROPÉENNE
en pourcentages
du territoire
Parc National
(zone cœur)
2010
le Baromètree dde la nature
20052006
ORB opérationnel ou
en phase de démarrage
ORB en cours de préfiguration
ou en cours de montage
Pas de mutualisation
de l'ensemble des données
sur la biodiversité
SRB en cours de mise en œuvre
ou de démarrage
SRB en phase de réflexion
NordPDC
Haute- Pic.
Norm.
BasseLorr.
Norm.
IDF Champ.Bretagne
Ard.
Alsace
P. de Loire Centre Bourg.
Fran.Com.
Poit.Char.
RhôneLim.
Alpes
Auv.
Aqu.
MidiPyr.
Lang.Rouss.
Politique du conseil régional
pour la biodiversité
Autres dispositifs (ex. trame verte
et bleue)
NordPDC
Haute- Pic.
Norm.
BasseLorr.
Norm.
IDF Champ.Bretagne
Ard.
Alsace
P. de Loire Centre Bourg.
Fran.Com.
Poit.Char.
RhôneLim.
Alpes
Auv.
Aqu.
PACA
Corse
MidiPyr.
Lang.Rouss.
PACA
Corse
[…]
M
auvaise nouvelle : l’artificialisation
du territoire s’accroît. Chaque jour,
de nouveaux bâtiments, routes,
autoroutes, parkings grignotent 236 hectares d’espaces agricoles et naturels. Grâce à
l’enquête annuelle Teruti-Lucas, réalisée
par le ministère chargé de l’Agriculture,
on sait que les surfaces artificialisées
ont augmenté de 86 000 hectares par an
entre 2006 et 2009, soit la superficie d’un
département français moyen tous les sept
ans. Sur la période 1992-2003, la vitesse
d’artificialisation était d’un département
tous les dix ans. Le processus s’accélère
donc, et ce sont autant d’habitats détruits
et de milieux fragmentés, un drame pour
la biodiversité.
Bien sûr, des espaces sont protégés en
France, mais le 1,23 % du territoire métro-
politain sous protection forte (réglementaire) n’équilibre pas vraiment les 9 % du
territoire artificialisés ! Certes, le Grenelle
a impulsé une dynamique : deux parcs
nationaux ont été créés en outre-mer, justifiés par une biodiversité très riche. Mais
en métropole, cela semble plus compliqué,
les contraintes n’étant pas les mêmes ; on
le voit bien avec le parc des Calanques qui
suscite encore de fortes oppositions. Les
outils de protection non réglementaire, tels
les parcs naturels régionaux, sont plus faciles à utiliser, mais pour préserver la nature,
les protections fortes (parcs nationaux,
réserves naturelles, arrêtés préfectoraux
de protection de biotope) restent les plus
efficaces. D’aucuns souhaiteraient même
que des sites Natura 2000 deviennent des
réserves. Une façon de régler certaines
Terre Sauvage 92 Octobre 2009
absurdités administratives. Ainsi, en 2009,
des sites désignés Natura 2000 pour protéger des chauves-souris ont été détruits
en Auvergne. « Il s’agissait de mines abandonnées depuis plus d’une centaine d’années. L’administration a appliqué le code
minier stipulant que des sites qui ne sont
plus exploités doivent être sécurisés, mais
elle les a démolis alors qu’il y a d’autres
solutions, comme simplement poser des
grilles à l’entrée », explique Sébastien Roué,
spécialiste des chauves-souris. Des associations ont porté plainte auprès de différentes
instances dont des européennes. « Toujours
pour des raisons de sécurité, on interdit
même parfois aux naturalistes d’entrer sur
les sites. Comment peuvent-ils alors faire
leurs inventaires et leurs études ? ! », s’exclame Sébastien Roué.
Une aberration, d’autant que les inventaires
de populations animales et végétales sont la
base de la connaissance de l’état de la biodiversité. Depuis des années, les associations naturalistes réalisent ce travail, mais
les résultats sont souvent dispersés et peu
accessibles. D’où l’intérêt des Observatoires
locaux de la biodiversité, dont le rôle est de
compiler ces données et de diffuser l’information. Cependant, toutes les régions
et tous les départements sont loin d’être
dotés d’un observatoire, leur mise en place
nécessitant des années car elle implique des
acteurs dont les visions et les objectifs peuvent diverger. Certaines collectivités font
néanmoins des efforts. Ainsi, neuf régions
sont engagées dans une Stratégie régionale
pour la biodiversité. « Mais une région qui
n’en a pas encore une peut mener tout de
même des actions intéressantes, comme
l’Alsace et le Nord-Pas-de-Calais qui ont
opté pour des dispositifs dédiés aux corridors écologiques », explique Florence Clap,
de l’UICN (Union internationale pour la
conservation de la nature).
Manque de budget pour le bio
Reste qu’une stratégie, en intégrant la biodiversité dans toutes les politiques publiques, est la meilleure façon d’agir. On
mesure aujourd’hui les effets désastreux
de l’agriculture intensive sur la flore : une
étude de l’INRA (Institut national de la
recherche agronomique) montre que, en
trente ans, le nombre d’espèces de prétendues « mauvaises herbes » a diminué
de moitié dans les champs. Or beaucoup
Terre Sauvage 93 Octobre 2009
ont un rôle bénéfique dans les écosystèmes
agricoles : leurs fleurs nourrissent les insectes pollinisateurs et leurs graines, nombre
d’oiseaux, dont les populations ont subi
une perte de 25 % en vingt ans. Tout cela
plaide pour une agriculture plus respectueuse de l’environnement. Mais avec seulement 2,5 % de sa surface agricole en bio,
la France est bien en dessous des 4,3 % de
la moyenne européenne et encore loin de
son objectif de 6 % pour 2012. Pourtant,
les demandes de conversion vers le bio
sont de plus en plus nombreuses, mais les
aides de l’État sont insuffisantes. D’après
Marie-Catherine Schluz, chargée de mission agriculture à France Nature Environnement (FNE), « 15 à 25 % des demandes
de conversion risqueraient de ne pas être
honorées, faute de budget disponible ».
EA U X
le Baromètree dde la nature
La recolonisation
du castor
en bassin de Loire
Le déclin
du vison
d’Europe
AMPHIBIENS : 1 ESPÈCE
SUR 5 MENACÉE
PEU DE SAUMONS, PLUS DE SILURES
Liste rouge des amphibiens
Source : LOGRAMI (Loire Grands Migrateurs)
Source : UICN-MNHN
Le saumon
atlantique
En pourcentage d’espèces (en métropole)
Source : ONCFS
Source :
SFEPM
Orléans
Préoccupation
mineure
Nantes
aire perdue
depuis 1900
aire perdue
depuis 1950
aire perdue
depuis 1980
répartition
1991-2003
3
59%
Moulins
Période de
colonisation
1979-1985
1986-1992
1993-1998
1999-2002
Site de lâcher
17%
St-Etienne
0
Quasi
menacée
50 100 km
En danger
critique
d’extinction
6
6
9%
En danger
Vulnérable
Les eaux de surface
continentales naturelles
Effectifs en plusieurs stations du bassin de la Loire
SUR
En km2, entre 2000 et 2006
(*: Zones humides d’importance majeure)
900
Vichy
600
300
Langeac
Poutès
2001
2003
2005
2007
2009
(espèce exotique)
400
300
+ 10,6
+ 0,8
Surfaces
en eau
Zones
humides
2001
Source : LPO-Wetlands International
700
Forêts et milieux Territoires
semi-naturels
agricoles
- 2,7
500
Ensemble
oiseaux
d’eau
Limicoles
Cormorans
Plongeons
et grèbes
200
100
0
1990
1995
biodiversité aquatique
la france boit la tasse
D
eux bonnes nouvelles : le castor est de
retour dans l’Ouest et en Alsace grâce
à d’importantes réintroductions. On
compte ces rongeurs par milliers sur la
Loire et ses affluents, alors qu’ils n’étaient
que treize relâchés de 1974 à 1976 près de
Blois. La seconde : les populations d’oiseaux
d’eau migrateurs hivernants ou faisant escale dans nos zones humides augmentent
depuis vingt ans, surtout anatidés, foulques,
limicoles et ardéidés (hérons). Rivières et
zones humides seraient-elles en meilleure
santé ? Non, malheureusement. « Si le castor
revient sur les petits affluents, c’est qu’il n’est
plus chassé et qu’il compense la dégradation
2005
2007
2009
de son habitat par ses capacités d’adaptation », explique Sylvain Richier, de l’Office
national de la chasse et de la faune sauvage
(ONCFS). « Ainsi, en zones de grandes
cultures, le castor peut construire des barrages avec des tiges de maïs sur des cours
d’eau recalibrés. » Quant aux oiseaux, la
LPO, la Ligue pour la protection des oiseaux,
explique leur essor par l’augmentation du
nombre d’espèces et de sites protégés, où ils
se concentrent à la recherche de quiétude,
loin des fusils. Il faut se rendre à l’évidence :
la dégradation des prairies humides, deltas,
tourbières et autres zones humides est bien
réelle. La progression entre 2000 et 2006 de
Terre Sauvage 94 Octobre 2010
2000
2005
2009
6/20
l’artificialisation, sur les 152 sites suivis par
l’Observatoire national des zones humides,
l’illustre. Certains experts estiment que leur
surface totale a chuté de moitié depuis 1960.
Face à ce constat, l’État a lancé, en février,
un nouveau plan national d’action avec
29 mesures, dont la création d’un parc national de zones humides et l’amélioration
des aides à l’agriculture dans ces milieux. Sur
ce point, les associations environnementales
regrettent le manque d’ambition. C’est que
l’enjeu est de taille ! Sans zones humides, pas
de purification de l’eau assurant sa qualité,
ni de zone tampon limitant les inondations,
ni de stabilisation des berges pour lutter
SeineNormandie
Très bon
Bon
LoireBretagne
Moyen
Médiocre
Mauvais
Indéterminé
AdourGaronne
Éteinte 3%
Artois-Picardie
État chimique*
Données
insuffisantes
Préoccupation
mineure
En danger
critique
d’extinction
32%
6%
3%
13%
32%
En danger
SeineNormandie
Vulnérable
LoireBretagne
AdourGaronne
Espèces
menacées
Rß
ßSU
Corse
RhinMeuse
Données 2006-2007
Bon
Mauvais
Indéterminé
Éteinte en
métropole 3%
RhôneMéditerranée
*Évalué à partir d’indices biologiques
(invertébrés, micro-algues...), physicochimiques (nitrates, pH) et
morphologiques (état des berges)
POISSONS : 1 ESPÈCE SUR 5 MENACÉE
Liste rouge des poissons d’eau douce
600
300
2003
0
En pourcentage d’espèces (en métropole) Source : UICN-MNHN
400
ß
100
Vichy
Base 100 commune en 1990
Anatidés
et foulques
Données 2006-2007
200
Effectifs des oiseaux d’eau
hivernants
800
0
500
Le silure
Châtellerault
Source : SOeS (ONZH) / CORINE Land Cover.
RhinMeuse
État écologique*
ZONES HUMIDES : L’ARTIFICIALISATION PROGRESSE OISEAUX D’EAU HIVERNANTS : EN HAUSSE
Évolution surfacique des grandes catégories
d’occupation des sols dans 152 zones humides*
Artois-Picardie
Sources : Onema-Agences de l'eau
1 200
1999
Espèces menacées
DOUCES
QUALITÉ DE L’EAU : DES EFFORTS RESTENT À FAIRE !
Le saumon et le silure
(espèce
migratrice)
Données
insuffisantes
Tours
Territoires
artificialisés
EA U X
DOUCES
LE VISON RÉGRESSE, MAIS LE CASTOR REVIENT
ß
2010
RhôneMéditerranée
* 41 substances dangereuses prioritaires
mesurées dont des métaux lourds, des
polluants industriels et des pesticides
8%
Quasi
menacée
contre l’érosion… et pas de grenouilles !
Les amphibiens sont, en effet, les premiers
à pâtir de l’assèchement ou de la pollution
des zones humides.
Poissons dans le rouge
Même sentence pour le vison d’Europe,
victime de la dégradation des boisements
inondables, des marais et des ruisseaux, qu’il
apprécie, mais aussi des collisions routières
et des piégeages involontaires : il ne cesse de
perdre du terrain. « On ne trouve plus une
femelle tous les 500 mètres, mais tous les
10 kilomètres ! », explique Pascal Fournier,
de la SFEPM, Société française pour l’étude
et la protection des mammifères.
Autres indicateurs : les poissons. Or, selon
l’UICN, l’Union internationale pour la protection de la nature, 1/5e des espèces natives
Corse
de métropole sont dans le rouge, dont la totalité des migrateurs, sauf la lamproie marine (quasi menacée). Aux menaces habituelles (dégradation des habitats, pollution…)
s’ajoutent, pour ces derniers, les barrages, qui
compromettent leur périple vers les frayères.
Dans le bassin de la Loire, les populations de
saumons atlantiques et d’aloses battent donc
de la nageoire. Pendant ce temps, les effectifs
de silure, espèce invasive venue du Danube,
sont, eux, au beau fixe.
L’état écologique des eaux de surface françaises montre que seuls 38 % sont considérés en
bon état. On est loin de la totalité, imposée
d’ici à 2015 par la directive-cadre européenne
sur l’eau. Et encore, les nitrates, inclus dans
ce « superindicateur », tirent la note vers le
haut. Pas en raison d’une amélioration, mais
parce que le « bon état » se cale désormais
sur le seuil de 50 mg/l et non plus 10, qui
Terre Sauvage 95 Octobre 2010
caractérise un milieu non perturbé par
l’activité humaine. L’argument ? Les nitrates
ont peu d’effets directs sur la biologie dans les
eaux courantes. « C’est une vision étriquée »,
s’insurge Bernard Rousseau, de France Nature Environnement. Une fois en mer, même
sous la barre des 50 mg/ l, les nitrates peuvent
booster la croissance des végétaux (les fameuses marées vertes), dont la respiration
et la décomposition massive épuisent le
milieu en oxygène, l’asphyxiant ainsi que les
espèces qui y vivent. L’état chimique des eaux
douces semblerait-il plus rassurant ? Non,
car l’indicateur ne considère que 41 substances dangereuses prioritaires : polluants
industriels, métaux et pesticides. Or ces
derniers sont bien plus nombreux, présents
sur 91 % des stations de mesure et, même
à faible concentration, peuvent former des
cocktails des plus toxiques pour le vivant.
ME R
& LITTORAL
ENCORE ET TOUJOURS DES MARÉES
HABITATS CÔTIERS ET MARINS : ATTENTION FRAGILES !
VERTES DUES AUX NITRATES AGRICOLES
Eaux marines et milieux à marées
Marées vertes et asphyxie des côtes françaises
Eutrophisation avérée et potentielle en Atlantique et Manche
en 2007
MÉDITERRANÉEN ATLANTIQUE
Baie de
Quiberon
et Belle-Île
100 %
MÉDIT. ATLANT.
67 %
Nantes
Vendée
La Rochelle
Zone de
sécurité
Eglefin
M. du Nord
Bordeaux
Pays
basque
Morue
M. Celtique
Anchois
G. de Gasc.
Landes
Source : CIEM Ifremer, 2008
Sole
Manche Est
Merlu
Stock Nord
Plie
Mer Celtique
Arcachon
par rapport
à 2006
Lieu noir
M. du Nord
Ouest Ecosse
Plie
M. du Nord
Morue
Mer du Nord
Régression
par rapport
à 2006
Merlan bleu
Atlantique
Nord-Est
Baudroie M. Celtique
et G. de Gascogne
Sole Mer celtique
Sole G. de
Maquereau
Gascogne
Hareng
Mer du Nord
Plie
Manche
Ouest
A
vise un renforcement du ramassage et de la
gestion de cette laitue de mer, sans traiter
le mal à la racine en remettant en question
l’agriculture intensive. Le seul objectif est
la réduction de 30 % des flux d’azote d’ici
à 2015 dans huit baies prioritaires. En fait,
une simple reprise du SDAGE* du bassin
Loire-Bretagne, qui ne repose que sur le
volontarisme des acteurs locaux ! Quant au
principe du pollueur-payeur, il passe aux
oubliettes puisque la facture d’élimination
des algues revient aux collectivités. On est
loin du « tournant important » évoqué par
le ministre de l’Agriculture… « La politique
de l’autruche continue à prévaloir, constate
Terre Sauvage 96 Octobre 2009
2000
1990
2010
2050
7/20
Christian Garnier, vice-président de France
Nature Environnement (FNE). Une politique qui refuse d’arbitrer entre la reconquête
de la qualité de l’eau et la poursuite d’une
agriculture intensive. » La loi de modernisation de l’agriculture, votée en juillet, aurait
pu changer la donne. Occasion manquée.
« On a limité les dégâts », explique MarieCatherine Schulz, chargée des questions
agricoles à FNE. Un exemple : l’amendement
déposé par le député des Côtes-d’Armor,
Marc Le Fur, qui élevait le seuil d’autorisation pour les porcheries de 450 à 2 000 bêtes,
n’a pas été retenu. Mais le texte permet toujours la simplification des regroupements,
4,5
5,0
5,3
Source : Agence
des aires marines
protégées,
15 juin 2010
Extension du réseau Natura 2000
en mer, création du parc naturel
marin d’Iroise
Réserve naturelle nationale des TAAF
(Terres australes et antarctiques françaises)
2005
2006
1,5 %
1995
2000
à condition qu’il n’y ait pas d’augmentation
« sensible » de leur capacité ou d’effet « notable » sur l’environnement. « Des termes
suffisamment flous pour nous inquiéter »,
commente Marie-Catherine Schulz.
Enrayer le bétonnage des côtes
Au large de nos côtes, un autre sujet inquiète : les stocks halieutiques de l’Atlantique
Nord-Est, où la France puise 73 % de ses
captures. Certains se sont améliorés depuis
2006, grâce au renforcement des contrôles
de l’Europe, notamment concernant la
pêche illégale. Mais la surpêche menace
encore trop d’espèces. En juillet dernier,
le Conseil des ministres européens a, par
exemple, approuvé un quota de 15 600 tonnes pour l’anchois du golfe de Gascogne,
alors que les scientifiques préconisent un
2005
2007
2009
2008
5
10%
Préoccupation
mineure
20%
25%
40%
Objectif
2020 : 20 %
Rß
ßSU
Nombre d’aires marines protégées*
en France (métropole et outre-mer)
2006:
186 AMP
dont...
1,0 %
158 sites
Natura 2000
27 réserves
naturelles
1 parc national
2010:
241 AMP
0,5 %
Création du réseau
Natura 2000
1989
4,2
Quasi
menacée
Données insuffisantes
2004
Création du
parc naturel
marin de Mayotte
en pourcentage des eaux
sous juridiction française
4,9
Disparue
en France
métropolitaine
3,5
2003
Évolution de la proportion
d’aires marines protégées
Sole
Manche
Ouest
Taux de mortalité dû à la pêche
4,1
DE PLUS EN PLUS D’AIRES MARINES PROTÉGÉES
Zone de
danger
biodiversité marine
dégradée, mais davantage protégée
lors que les États-Unis ont connu, cette
année, la pire marée noire de leur histoire, la France a vécu, comme chaque
été, sa série de marées vertes. Des dizaines
de milliers de tonnes d’algues échouées sur
les plages bretonnes ou, à moindre échelle,
normandes… Ce phénomène nuisible pour
l’environnement a pour cause l’enrichissement excessif des eaux côtières en nitrates,
venus, par ruissellement, des engrais azotés
agricoles et des rejets d’élevages industriels
de porcs. Le plan gouvernemental « algues
vertes », mis sur pied en février, éradiquerat-il le problème ? Les associations environnementales n’y croient pas. En effet, le plan
1980
Source : MEEDDM-SOeS, Sit@del2
Eglefin Rockall
Gironde
Vulnérable
MÉDIT. ATLANT.
25 % 44 %
Mauvais
Amélioration
En pourcentage d’espèces (en métropole)
Source : UICN-MNHN
Construction de logements sur
les communes littorales en millions de m2 Shon
(Surface hors œuvre nette)
Stocks communautaires exploités
par la France en Atlantique Nord-Est
Liste rouge des mammifères marins
Dunes maritimes
Source : Meeddm
Biomasse
du stock
des reproducteurs
51
“Tiers sauvage”
200
73
Pression sur le littoral
PÊCHE : TROP DE STOCKS GÉRÉS À RISQUE
St-Nazaire
32
11
75 % 56 %
État de
conservation
des habitats marins
et côtiers du réseau Natura 2000
En pourcentages des types d’habitats
& LITTORAL
LITTORAL : DAVANTAGE DE TERRAINS SOUSTRAITS À LA CONSTRUCTION MAMMIFÈRES MARINS :
UN MANQUE DE
Acquisitions du Conservatoire du littoral
Superficies cumulées, en milliers d’hectares, en métropole Source : CELRL
CONNAISSANCES
Objectif
Marais et prés salés
100 %
Inadéquat
St-Malo
Golfe du
Morbihan
50 %
ME R
1975: Création du Conservatoire du littoral
33 %
Caen
St-Brieuc
Douarnenez
50 %
Dunkerque
Dieppe
Le Havre
Baie du Mont
St-Michel
Brest
MÉDIT. ATLANT.
72 % 67 %
Zone à problèmes
potentiels
Zone à
Baie de
problèmes
Cherbourg Seine
Mer
d’Iroise
Falaises maritimes
et plages de galets
28 % 33 %
Source : OSPAR
Zone sans
problème
2010
le Baromètree de
d la nature
0%
2010
dont...
T
PAR SmE
I
L
A
Rm
ß
maximum de 6 000 tonnes en raison de ses
capacités reproductrices trop faibles. Quant
au thon rouge en Méditerranée, ajoute
Philippe Gros, de l’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la
mer), « malgré une inspection plus accrue
des navires, une baisse des quotas et une
saison de pêche amputée d’un mois, il est
loin d’être tiré d’affaire ! » Le Grenelle de la
mer aidera-t-il les poissons ? « Bon nombre
de propositions remises cet été au gouvernement par les comités opérationnels sont
très en deçà des ambitions du Grenelle de
la mer, regrette Christian Garnier. Malgré
tout, concernant la pêche, les structures
professionnelles semblent plus ouvertes
au dialogue avec les associations environnementales et l’objectif de 50 % des aires
marines protégées (AMP) en “réserves de
pêche” a été validé ! » Les AMP ne cessent
Terre Sauvage 97 Octobre 2009
206 sites
Natura 2000
31 réserves
naturelles
2 parcs nationaux
2 parcs naturels
marins
*hors arrêtés de protection de biotope et domaine
public marin géré par le Conservatoire du littoral
de prendre de l’importance, même si on
est loin de l’objectif 2020 : 20 % des eaux
françaises protégés. En tête de liste figurent
les parcs naturels marins, un outil puissant
dont l’enjeu est de faire participer tous
les usagers (pêcheurs, militaires, industriels…). Même chose pour les sites Natura
2000, qui ont toute leur légitimité au vu du
mauvais état de conservation des habitats
qu’ils protègent. En parallèle, le Conservatoire du littoral poursuit ses acquisitions de
terrains privés pour enrayer le bétonnage
effréné des côtes. Autre enjeu : la protection
en haute mer, qui manque encore cruellement. Quatre sites Natura 2000 y sont en
cours d’identification pour tenter d’y remédier. Le grand dauphin et de nombreux
récifs jouiront enfin de zones refuges !
* Schéma directeur d’aménagement
et de gestion des eaux
D E L’ E N V I R O N N E M E N T
et toujours plus
Le Grenelle 2 n’aura finalement accouché que d’une souris.
Les spécialistes de la biodiversité sont déçus...
d.delfino/biosphoto
D
ans la version finale du Grenelle 2,
les projets d’infrastructures n’auront
plus qu’à « tenir compte » de la trame
verte et bleue, ces corridors écologiques
reliant des zones protégées qui doivent être
mis en place sur l’ensemble du territoire.
Un sérieux pas en arrière alors que la première mouture du texte imposait que les
infrastructures soient « compatibles » avec
ces corridors écologiques. « La trame verte
et bleue est un acquis réel, mais la logique n’a pas été poussée au bout », déplore
Christophe Aubel, directeur de la Ligue
Roc. Christine Sourd, directrice adjointe
en charge de la biodiversité au WWF, est
plus véhémente : « On espérait un engagement fort et on accouche d’une souris !
Les élus n’ont pas encore pris conscience
que la biodiversité n’est pas une entrave au
développement économique. » Ce recul est
d’autant plus inquiétant que ces derniers
mois ont été marqués par l’annonce de la
construction de trois nouvelles autoroutes. Jean-Louis Borloo a promis au député
UMP de l’Hérault, Jean-Pierre Grand, de
doubler l’A 9, à côté de Montpellier. L’autoroute entre Castres et Toulouse est programmée en partie grâce au lobbying des
laboratoires pharmaceutiques Pierre Fabre
qui en ont besoin pour desservir leur site.
Et la route nationale 54, entre Orléans et
Dreux, est aussi mise en concession. Pour
l’association Agir pour l’environnement,
« cet écoulement de bitume aux quatre
coins du territoire est un vrai bras d’honneur à tous ceux qui ont pu croire au Grenelle de l’environnement ».
Même désillusion à la lecture de l’avantprojet du Schéma national des infrastructures de transport (SNIT), un document qui fixe les orientations de l’État en
matière d’entretien, de modernisation et
de développement des transports dans
les prochaines décennies. Les 19 projets
routiers qui y sont mentionnés ont tous
été justifiés pour des raisons de sécurité,
Dans les projets
de lignes à grande
vitesse, quid
de la biodiversité ?
de congestion ou de désenclavement.
« Dans ce document de près de 200 pages,
il n’est fait référence à la trame verte et
bleue qu’au détour de quelques pages »,
déplore Michel Dubromel, en charge des
Transports à France Nature Environnement. Si, au premier abord, le SNIT semble accorder la priorité au ferroviaire, ce
qui pourrait être une bonne chose, la part
belle est faite aux lignes à grande vitesse
(LGV). Or ces gros travaux, qui impliquent de nouveaux tracés, ont un fort
impact sur la biodiversité. « Pourquoi
envisager la construction d’une ligne à
grande vitesse entre Poitiers et Limoges
alors qu’il suffirait de remettre en état
la ligne existante ? », s’interroge Michel
Dubromel. Une deuxième ligne à grande
vitesse est également en projet entre Paris
et Clermont-Ferrand. « Cette idée vient
tout droit de Paris alors que, sur le ter-
Terre Sauvage 98 Octobre 2010
rain, la modernisation du réseau régional
apparaît plus prioritaire », affirme Michel
Dubromel. En Alsace, il est prévu de prolonger la LGV jusqu’à Strasbourg. « Dans
ces projets, la biodiversité n’est jamais
bien prise en compte en amont, déplore
Christophe Aubel. Ce n’est qu’à la toute
fin du tracé, lorsqu’on se retrouve dans
un faisceau d’un kilomètre, que l’on s’y
intéresse. » Si des habitats ou des espèces
sont menacés, il est parfois trop tard pour
revoir la trajectoire.
Toutefois, malgré ces fortes inquiétudes,
quelques belles surprises méritent d’être
saluées. La Fondation pour la recherche
sur la biodiversité (FRB) est lancée. « C’est
une belle concrétisation du Grenelle, confie
Christine Sourd. Elle permettra à la France
d’être un acteur vivant de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale scientifique et
politique sur la biodiversité), ce futur GIEC
(Groupe d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat) de la biodiversité
qui est également en bonne voie. » Autre
motif de réconfort : la demande, provenant
des chasseurs, de revoir la liste des espèces
animales non domestiquées protégées tous
les deux ans n’a pas été retenue. Enfin, le
délit de tentative de destruction d’espèces
protégées, jusqu’alors non reconnu, sera
enfin puni par la loi.
Cependant, un point reste encore très flou :
le ministère de l’Écologie demeure discret
sur le financement alloué aux dispositions
en faveur de la biodiversité. Afin de procéder à la cartographie de la trame verte
et bleue, des schémas de cohérence écologique doivent être mis en place en région.
Qui va payer ? Nul ne le sait. « Afficher des
financements pourra permettre de lever
les inquiétudes du monde agricole », rappelle Christophe Aubel. Cela pourrait aussi
prouver qu’une volonté politique claire en
faveur du Grenelle existe toujours, alors
que la fiscalité verte est, depuis l’abandon
de la taxe carbone, au point mort.
◗
d’infrastructures !
OÙ EN SONT LES ENGAGEMENTS SUR LA BIODIVERSITÉ ?*
Ë OUTRE-MER
Ë BIODIVERSITÉ
MONDIALE L’annonce
de la création de l’IPBES, plate-forme
internationale sur la biodiversité
et les services rendus par les
écosystèmes – l’équivalent du GIEC
pour la biodiversité –, a été formalisée
en juin à la conférence de Busan
(Corée). La décision finale doit être
entérinéecet automne par l’Assemblée
générale des Nations unies.
ËBIODIVERSITÉ Lancée officiellement
en février 2008, la Fondation pour la recherche
sur la biodiversité (FRB) est enfin opérationnelle.
Ses moyens ont même été augmentés.
ËBIOTECHNOLOGIES Le Haut Conseil
des biotechnologies (HCB) a donné, dans sa première
recommandation, une définition du « sans OGM»,
différente selon les produits. Ainsi, la mention
«sans OGM» doit être réservée aux produits végétaux
contenant moins de 0,1 % d’OGM et aux produits
issus d’animaux nourris avec aliments contenant
moins de 0,1 % d’OGM.
ËPOLLUTION LUMINEUSE L’article
a été adopté sans amendement. Mais le texte ne
mentionne pas le volet biodiversité alors que la trame
verte et bleue devrait aussi être éteinte la nuit.
Ë AGRICULTURE BIO
L’objectif d’atteindre 6 % de la Surface
agricole utile (SAU) en agriculture
bio en 2012 s’annonce difficile.
Même si les conversions augmentent,
le bio ne couvrait toujours que 2,5 %
de la SAU en 2009.
Ë AGENCE
DE LA NATURE En février 2010,
une mission a été confiée à deux
inspecteurs généraux (Finances
et Environnement). Ils ont remis
leur rapport cet été. Une proposition
de loi définissant le cadre de la future
Agence de la nature devrait voir le jour
d’ici à la fin de l’année. Beaucoup de
craintes subsistent quant au respect
des réflexions issues du Grenelle.
Ë ESPACES PROTÉGÉS
Ë AGRICULTURE
La loi Grenelle II validant les trois
niveaux de critères « haute valeur
environnementale » (HVE) des
exploitations agricoles a été adoptée.
Mais seules celles de niveau 3
– au moins 10 % de la surface laissée
à la nature et moins de 30 % des
dépenses consacrées aux intrants
(engrais, pesticides, carburant) –
recevraient la mention HVE, ce qui
était une demande des associations.
En revanche, Bercy est défavorable
à l’octroi d’un crédit d’impôt pour aider
les agriculteurs à franchir le cap.
Parc national des Calanques : le décret
de création devrait être signé fin
2010 ; parc national forestier : le site
est choisi (forêt de Châtillon en
Champagne-Ardenne) ; parc national
zones humides : plusieurs sites sont
à l’étude. Un parc national pourrait
être créé à Fontainebleau.
Ë INVENTAIR
INVENTAIRE
R
BIODIVERSITÉ Au printemps,
Chantal Jouanno a annoncé
le lancement du projet Atlas de
la biodiversité dans les communes
(ABC). En trois ans, 1 000 communes
devraient en être pourvues.
Ë NATURE EN VILLE
Six groupes de travail ont planché
sur ce dossier et un comité de pilotage
a été mis en place pour décliner
les propositions pour 2011.
Ë OGM La loi a bien été votée,
dès juin 2008, mais les textes
d’application ne sont toujours pas
parus. Un décret sur la définition
du « sans OGM » devait être soumis
au Haut Conseil des biotechnologies
(HCB) en juillet 2010. Et l’arrêté
sur les règles de coexistence entre
cultures OGM et non OGM attendra
les positions du même HCB, prévues
pour juin 2011. L’information du public
attend toujours des dispositions
législatives spécifiques.
Ë OUTRE-MER
La mise en place d’un système
de protection des espaces et des
espèces, comparable au dispositif
Natura 2000, est au point mort.
Le schéma minier de la Guyane
devrait être adopté d’ici à la fin 2010.
Un chargé de mission a été nommé
au printemps à la Fédération
des Conservatoires botaniques
(Martinique, Guadeloupe), afin de
faciliter leur action sur le terrain.
Ë PESTICIDES Le plan
Ecophyto de réduction des pesticides
à 50 % d’ici 2018, adopté en 2008, est
globalement satisfaisant. Un réseau
de 1 000 fermes de démonstration
va être mis en place d’ici fin 2010.
Pour mesurer la consommation de
pesticides, un nouvel indicateur doit
être publié en 2011 : le NODU, fondé
sur le nombre de doses utilisées
et non sur le tonnage des pesticides.
ËTRAME VERTE
ET BLEUE (TVB) La loi Grenelle
a entériné sa création malgré un recul
après son passage en commission
paritaire : celle-ci est revenue sur
la compatibilité des infrastructures
de transport avec la TVB et évoque
seulement une « prise en compte ».
En outre, les plans locaux d’urbanisme
n’ont reçu aucun outil spécifique.
Une hypothèque pèse donc sur la
mise en œuvre de la TVB en l’absence
de financements conséquents.
Cela étant, la TVB, c’est parti !
budget ridiculement bas : moins de
300 000 euros ! En outre, il n’est plus
du tout question de créer une future
interprofession apicole.
Ë TRANSPORTS
Le Schéma national des infrastructures
de transport (SNIT), qui devait être
publié avant la fin 2009, a été
présenté cet été. Priorité est donnée
au ferroviaire, mais de façon
déséquilibrée : trop de lignes à grande
vitesse et pas assez de fret.
De plus, 19 projets routiers ont été
également validés par le SNIT.
Les conditions de financement
des projets ne sont pas clarifiées.
Ë POLLINISATEURS
L’Institut technique apicole a été créé
en mars 2010, mais il dispose d’un
Terre Sauvage 99 Octobre 2010
Ë FISCALITÉ On en est au point mort.
L’abandon de la taxe carbone a bloqué tous les
autres dossiers liant fiscalité et environnement.
Aucune avancée sur le projet d’audit des mesures
fiscales défavorables à l’environnement.
Pas plus de nouvelles sur le projet de répartition
de la dotation globale de fonctionnement des
communes afin de favoriser celles qui s’attachent
à préserver l’environnement.
Ë RECHERCHE SCIENTIFIQUE
Aucune avancée sur le renforcement des disciplines
naturalistes (botanique, écologie, taxonomie...).
Sources : Ligue ROC, France Nature Environnement, Comité français
de l’UICN (pour un suivi du Grenelle : www.biodiversite2012.org).
biodiversité
* Hors mer et forêt
GR E N E L L E
2010
le Baromètre d
GR E N E L L E
2010
le Baromètree dde la nature
D E L’ E N V I R O N N E M E N T
biodiversité
ces projets qui bafouent
les accords du grenelle
2010, année nationale de l’atteinte à la biodiversité ? C’est une question
que l’on peut se poser au vu des projets « grenello-incompatibles ».
s. cordier/biosphoto
L
’an dernier, une vingtaine de projets
incompatibles avec les engagements
du Grenelle de l’environnement sur
le plan de la biodiversité avaient été recensés. Depuis, seuls deux d’entre eux ont été
abandonnés. Le projet de circuit de formule 1 prévu à Flins, dans les Yvelines å,
qui aurait porté atteinte à une zone de
captage d’eau potable, a été écarté, comme
le centre d’enfouissement des déchets de
La Souterraine, dans la Creuse ç. Parmi
les autres projets, certains ont été bloqués grâce à l’action des associations de
protection de l’environnement. Ainsi, le
projet de port de plaisance de Brétignolles-sur-Mer é a été retoqué par le préfet
de Vendée pour la troisième fois. Cette
idée farfelue – ouvrir une brèche dans les
terres en endommageant une zone humide – a déjà lourdement grevé les fonds
municipaux, la commune ayant engagé
pas moins de 3,5 millions d’euros pour
financer les études ! En Ille-et-Vilaine, le
permis de construire autorisant le syndicat mixte à exploiter un centre de stockage
des déchets et une usine de prétraitement
des ordures ménagères près de la forêt de
Brocéliande è a été annulé en avril dernier, mais un recours reste possible. Autre
bonne nouvelle : la cour de cassation a
donné raison à l’association Les Amis de
la Terre du val d’Ysieux, qui lutte contre
le projet du cimentier italien Calcia d’installer une décharge de déchets inertes au
lac de Beaumont-sur-Oise, un magnifique
site naturel de 27 hectares où 800 espèces
ont été répertoriées. Certes, le projet est
arrêté, mais le cimentier a fait appel.
Malgré ces quelques points positifs, 2010
a été marquée par un flot de mauvaises
nouvelles. Ainsi, la secrétaire d’État à l’Écologie s’était engagée, l’an dernier, à ce que
En Alsace, deux
projets menacent
le grand hamster,
en voie d’extinction
en France.
le tracé de l’autoroute A104 à Poissy n’endommage pas le site naturel de l’étang de
la Galiotte ê. Mais depuis, l’aménagement
prévu pour protéger ce site, consistant à
construire un tunnel, a été considéré comme trop onéreux par la direction interdépartementale des Routes et « difficilement
conciliable avec la nécessaire sécurisation
du trafic ». Un peu partout, de gros chantiers sont en cours, tel le barrage hydroélectrique sur le Rizzanese ë, une des plus
belles rivières sauvages de Corse. On a du
mal à croire, vu l’étendue des travaux, qu’il
n’y aura aucune incidence sur la faune et
la flore, comme le prétend EDF. Quant à
l’autoroute A65 entre Pau et Langon í,
Terre Sauvage 100 Octobre 2010
de multiples photos prises sur le terrain
prouvent que le maître d’œuvre, Eiffage,
ne respecte pas le cahier des charges. Le
chantier a été inondé suite à l’atteinte de
la nappe phréatique. « Eiffage a comblé
les berges de plusieurs cours d’eau afin
que les ponts soient moins longs, ce qui
constitue une entorse à la directive Cadre
Eau », rappelle Stéphanie Morelle, chargée
de mission Biodiversité à France Nature
Environnement, qui a alerté le ministère
sur ce point. À l’autre bout de la France, le
projet de terminal méthanier à Dunkerque ì est en bonne voie, alors qu’il menace
une importante colonie de sternes naines.
« Seules 14 pages, sur les 7 800 que compte
le rapport, analysent les conséquences possibles d’une telle installation sur l’environnement », déplore Marc Sénant, en charge
des risques industriels à FNE.
Pour finir de noircir le tableau, les autorités donnent leur feu vert à de nouveaux
projets. À Dorlisheim, près de Strasbourg î, un multiplexe va être construit
sur un site abritant le grand hamster, en
danger d’extinction en France. À Fos-surMer ï, des espèces protégées ont été détruites lors de la construction d’une plateforme logistique pour la société Ikea,
laquelle a dû verser 700 000 euros, en
vertu des mesures compensatoires. Dans
11 une filiale du groupe Bouygues
ï
le Jura ï,
veut ouvrir une carrière en plein cœur
d’une zone Natura 2000, menaçant ainsi
40 espèces protégées. « Le projet a déjà été
rejeté à cinq reprises par l’administration,
mais le carrier, fort de l’appui du préfet
du Jura, ne renonce pas, explique Pascal
Blain, de l’association Serre Vivante. Si
ce projet passe, ce sera la première grosse
atteinte à Natura 2000, donc à la biodiversité, en France. »
◗
Carte de France des projets “grenello-incompatibles” nuisant à la biodiversité
Projet
en cours
Nature du projet
Ce qui est menacé
Projet bloqué grâce
à des associations
Sur une idée de l'Alliance pour la planète
ZNIEFF : zone naturelle d'intérêt écologique,
faunistique et floristique
Sources : France Nature Environnement,
associations locales
de protection de l’environnement
Nouvel
aéroport
de Nantes
Centre
d’enfouissement
de déchets
ultimes, près
de la forêt de
Brocéliande
Deux ZNIEFF et
zones humides
Projet
abandonné
Terminal méthanier de Dunkerque
Décharge de cimenterie,
lac de Beaumont-sur-Oise
Espèces protégées (sternes naines,
papillons), couloir migratoire, milieu marin
fragile (déjà 13 sites Seveso dans la région)
Circuit de
Formule 1 à Flins
Zone de captage,
terres destinées
à l’agriculture
biologique, deux
oiseaux protégés
(oedicnème criard
et vanneau huppé).
Site naturel classé ZNIEFF en partie,
une dizaine d’espèces protégées
Plateforme logistique des Effaneaux
(classée Seveso), en Seine-et-Marne
Ruisseau alimentant une ZNIEFF, unique
population de crapauds sonneurs
d’Île-de-France. PNR à l’étude dans la zone
NordPas-de-Calais
Picardie
HauteNormandie
Zone humide
classée en ZNIEFF
BasseNormandie
Bretagne
Pays de
Loire
IDF
Prolongement autoroute A104, Poissy
Zone humide classée ZNIEFF
L’aménagement d’un tunnel sous la
Seine pour la préserver est suspendu
Autoroute A831,
Marais poitevin
Centre
Zone Natura 2000
Zone Natura 2000,
40 espèces protégées
Abandonné en 2009
Écosystème marin,
ressources halieutiques,
morphologie du littoral
PoitouCharentes
Port de plaisance à
Brétignolles-sur-Mer
Réserve d’oiseaux
migrateurs
Terminal
méthanier du
Verdon-sur-Mer
FrancheComté
Espèce végétale
protégée au niveau
régional (silène
de Suède)
1 ZNIEFF, 2 espèces
végétales protégées
400 ha de zones agricoles
et naturelles dans les
monts du Lyonnais
ProvenceAlpesCôte d’Azur
MidiPyrénées
Abandonné
en 2009
Future aire marine
protégée, couloir
migratoire, derniers
marais maritimes
de Gironde
Retenue d’eau pour
canons à neige,
Val d’Isère
Retenue d'eau pour
canons à neige,
les Deux-Alpes
Autoroute A45
Lyon/Saint-Étienne
Aquitaine
Grand hamster
(en danger
d’extinction)
Alsace
RhôneAlpes
Limousin Auvergne
Multiplexe,
Dorlisheim
Bourgogne
Carrières,
massif de la Serre
Extraction de sable
au large du Morbihan
Grand hamster
(en danger
d’extinction)
Lorraine
ChampagneArdennes
Contournement
ouest,
Strasbourg
LanguedocRoussillon
Autoroute A65
Pau/Langon
Centre
d'enfouissement
des déchets,
La Souterraine
Contournement
autoroutier
au sud d’Arles
8 zones Natura
2000, espèces
menacées (dont
vison d’Europe,
écrevisse à pattes
blanches)
Zone humide avec
espèces protégées
(dont crapaud
calamite), ruisseau
alimentant une zone
Natura 2000
7 zones Natura
2000, PNR
de Camargue,
exploitations
d’ovins et de
bovins en AOC
Corse
Plate-forme
logistique Ikea,
Fos-sur-Mer
8 espèces
végétales
et 21 d’oiseaux
protégées,
certaines
menacées, reptiles
et amphibiens
Terre Sauvage 101 Octobre 2010
Nouveau
chemin GR,
Mercantour
Abandonné
en 2009
Sites ZNIEFF
et espèces
protégées
dans le
périmètre du
parc national
Barrage
électrique
du Rizzanese
Une des plus
belles rivières
sauvages de
Corse et d’Europe
des exemples
De plus en plus d’initiatives se concrétisent sur le terrain,
avec les populations locales, habitants ou agriculteurs notamment.
n étang, des prairies, des forêts de feuillus : la réserve d’Errota
Handia, qui abrite des milieux naturels diversifiés, compte de
nombreuses espèces patrimoniales, comme le vison d’Europe ou
le papillon cuivré des marais. Protégé depuis 2001, ce site d’une
dizaine d’hectares, situé en zone périurbaine, a été classé en réserve
naturelle volontaire avant de devenir réserve régionale. Gérée par le
CREN Aquitaine, la réserve, cernée aujourd’hui par les lotissements,
accueille néanmoins une grande diversité d’oiseaux nicheurs. « Mais
s’il y a toujours autant d’oiseaux, nous constatons une baisse de la
diversité des espèces, qui témoigne d’évolutions plus globales, et
aussi d’un contexte local de mutation de l’agriculture », analyse Tangi
Le Moal, en charge du site. Autour, les pratiques agricoles sont devenues plus intensives : les champs de maïs s’étendent et les prairies sont
retournées tous les trois ans. « Ce sont principalement les passereaux
qui en souffrent », ajoute-t-il. En revanche, de nombreuses espèces
de libellules et de papillons sont apparues grâce aux mesures de protection mises en place dans la réserve. « Nous souhaitons maintenant
signer des contrats agro-environnementaux avec les agriculteurs des
environs », conclut Tangi. Le site, appartenant à un propriétaire privé,
n’est ouvert au public que deux à trois fois par an.
Nombre d’espèces recensées sur le site d’Errota Handia,
au Pays basque (réserve naturelle régionale)
Source : Conservatoire régional Espaces naturels d’Aquitaine
Oiseaux
dont hivernants
sur le site
dont nicheurs
sur le site
Papillons
de jour
144
141
128
22
22
35
54
44
42
26
50
25
Libellules
53
273
247
Flore
avant
2000
47
38
20012006
276
depuis
2006
a commune de Stenay dans la Meuse,
classée en zone Natura 2000 depuis
six ans, fait figure d’exception en France :
c’est le seul site où la population de râles
des genêts augmente. Depuis plus de dix
ans, le CPIE Woëvre-Côtes de Meuse
œuvre pour la préservation de cet oiseau
qui se reproduit dans les prairies de fau-
che des vallées inondables. Sur les 2 500
hectares du site majoritairement recouvert de prairies, 700 sont particulièrement favorables au râle. Depuis 2007,
40 agriculteurs, sur la centaine présente
sur le site, ont signé des contrats permettant la préservation de cette espèce :
431 hectares, dont 250 dans des zones
Évolution de la population
de râle des genêts
sur le site de Steney en Meuse
(Natura 2000)
28
31
12
4
1
1999 2000
2
2002
2
3
2004
2
2006
2008 2009
Terre Sauvage 102 Octobre 2010
photo : arnaud noël/cpie
22
Source : CPIE Woëvre
Côtes de Meuse
Requalification écologique
d’un site périurbain :
les prés du Hem
Oiseaux
à Armentières
migrateurs
Nombre
d’espèces
Oiseaux
recensées
nicheurs
Source : GON
(Groupe Ornithologique
et Naturaliste
du Nord Pas de Calai)s
et ENLM
(Espace Naturel
Lille Métropole)
une partie pour permettre son maintien
en eau grâce à une gestion hydraulique.
« Nous avons redonné au milieu son
rôle d’éponge naturelle humide, se félicite Quentin Spriet, en charge du site au
syndicat mixte. Les espèces rares les plus
sensibles redeviennent majoritaires. »
Cette année, l’œnanthe fistuleuse, une
belle plante aux petites fleurs blanches ou
rosées, a réapparu alors qu’on la pensait
disparue à jamais du val de Lys. La gorgebleue et le faucon hobereau sont aussi
revenus sur le site. « Dès que l’on a la
maîtrise foncière complète d’un lieu, on
peut très vite mesurer les bénéfices d’une
requalification écologique. Mais ces six
hectares ne doivent pas faire oublier que,
autour, on continue à drainer, à rectifier
le tracé des cours d’eau, à stériliser des
milieux naturels… »
Avant 2005
(peupleraie)
Pas d’oiseau
migrateur
2005-2010
(marais)
5
16
25
9
5
Libellules
4
Pas d’espèce
patrimoniale
Flore
(espèces
patrimoniales)
UN CHAMP CAPTANT CONCÉDÉ À LYONNAISE DES EAUX (CÔTE-D’OR)
DES PRAIRIES AGRICOLES (MEUSE)
L
UNE ROSELIÈRE EN VILLE (NORD)
Armentières, commune au nordouest de Lille, une peupleraie a été
rasée afin de redonner vie à l’ancien
milieu naturel, une zone humide. Ce
site de 120 hectares, baptisé Les Prés du
Hem, a été créé dans les années 1980, à
deux pas du centre-ville, en bordure de
la Lys. Six hectares y ont été requalifiés
écologiquement. En 2004, Espace Naturel
Lille Métropole a réalisé des travaux dans
photo : t. le moal/cren aquitaine
U
à suivre
À
UNE RÉSERVE NATURELLE RÉGIONALE (PAYS BASQUE)
IN I T I AT I V E S
propices aux râles, sont désormais soumis à des mesures assez contraignantes :
les fauches ne peuvent pas débuter avant
le 20 juillet et doivent être effectuées du
centre à la périphérie de la parcelle à
vitesse réduite (6-8 km/heure au lieu de
15). Les prairies abritant des râles des
genêts mais n’étant pas sous contrat peuvent bénéficier d’une mesure d’urgence.
« On a mis en place un fonds Biodiversité, grâce auquel on propose un dédommagement de 250 euros par hectare à
l’agriculteur volontaire pour une fauche
après le 20 juillet », explique Arnaud
Noël, responsable du programme. Les
résultats dépassent les espérances. Alors
qu’en 2005, on avait vu un seul râle sur
le site, l’an dernier, on en dénombrait 31 !
« C’est une espèce opportuniste, explique
Arnaud. Si on lui recrée son habitat, les
années suivantes, elle revient. »
D
’un côté, la Saône, de l’autre, un canal, le champ captant qui
approvisionne l’agglomération dijonnaise en eau potable,
couvre une immense surface, 42 hectares en tout. Dès 1995, Lyonnaise des Eaux, concessionnaire du site, avait noué un partenariat
avec le Conservatoire des sites naturels de Bourgogne, mais il
était tombé un peu en sommeil au fil des ans. En 2006, l’entreprise revient vers le conservatoire en lui demandant d’établir
un diagnostic écologique du site. « Il y a dix ans, c’était l’un des
derniers sites de nidification du râle des genêts dans la région »,
précise Raphaëlle Lauret, en charge de la protection de l’environnement à Lyonnaise des Eaux Dijon. En 2007, l’entreprise
signe une convention tripartite avec le conservatoire et le syndicat
mixte du Dijonnais, destinée à gérer écologiquement le site. Deux
mares qui avaient perdu de leur profondeur sont réhabilitées.
Le Conservatoire aide alors l’entreprise à nouer un dialogue avec
des agriculteurs locaux, afin d’entretenir régulièrement le site par
des fauches tardives, en opérant du centre à la périphérie pour ne
pas risquer de tuer d’oiseaux, tout en laissant intacts les abords
des mares. En moins de quatre ans, la population de libellules a
augmenté et le nombre d’espèces de plantes a presque doublé !
On attend désormais que le râle des genêts revienne.
Nombre d’espèces recensées sur le site de Flammerans
(champ captant concédé à Lyonnaise des Eaux)
Source : Conservatoire des sites naturels de Bourgogne
Libellules
Grenouilles
et tritons
Flore
5
10
4
3
5
28
32
2008
2010
16
2006
Terre Sauvage 103 Octobre 2010
7
photos : quentin spriet
IN I T I AT I V E S
6
2010
le Baromètree dde la nature
RÉ A C T I O N S
le Baromètree dde la nature
2010
RÉ A C T I O N S
isabelle
autissier
navigatrice, présidente du wwf-france
Terre Sauvage : Qu’est-ce que
le Baromètre de la nature 2010
vous inspire ?
Isabelle Autissier : Pas beaucoup d’optimisme ! On ne va pas dans le bon sens.
Pourtant, on voit bien que lorsque les
bonnes mesures sont prises, la situation
peut s’arranger. C’est d’autant plus rageant.
J’ai l’impression que beaucoup de gens, en
particulier les décideurs, pensent encore
que la nature est un truc de « bobos », alors
qu’elle est indispensable à notre survie. Ce
message n’est pas passé. La prise de conscience est encore faible, même si le citoyen
semble un peu en avance sur le politique.
Les citoyens percevraient donc
plus finement cette problématique
que les politiciens. Comment
est-ce possible ?
Pas étonnant ! La politique a toujours été
un cran en retard sur l’évolution de la
société, ce n’est pas nouveau. Par exemple,
dans le mouvement de libération des
femmes, la conscience citoyenne était très
en avance sur les politiques.
Mais pour le Grenelle
de l’environnement, les politiciens
ont travaillé avec les autres acteurs
de la société civile. Cela aurait pu
faire évoluer les mentalités…
On voit le résultat… Prenons l’exemple de
la trame verte et bleue. Dans la loi Grenelle 2,
elle n’est plus opposable aux projets
d’infrastructures, cela n’a plus de sens.
Mais dans un contexte de crise
économique, les gens n’ont pas
forcément envie de se mobiliser
pour la nature…
Même en ce qui concerne la mer ?
On a avancé un peu, tout de même ?
Ces dernières années,
le nombre d’adhérents au WWF
a-t-il augmenté ?
Certes. Mais les actions portent surtout où
cela ne dérange pas les intérêts économiques.
C’est très bien de créer une réserve dans les
TAAF (Terres australes et antarctiques
françaises), mais il n’y a personne, ce n’est
pas gênant. En revanche, faire un parc dans
les Calanques est nettement plus compliqué :
il aura fallu quinze ans ! Sur votre carte des
projets grenello-incompatibles, un certain
nombre d’entre eux sont suspendus grâce
au combat d’associations. Mais on ne
devrait plus avoir à mener de tels combats,
les projets devraient être grenellocompatibles, point. Ce n’est pas le cas, nous
devons donc continuer à nous mobiliser.
« Profitons
de la crise
pour mettre
en œuvre
un autre
modèle ! »
Terre Sauvage 104 Octobre 2009
Justement, profitons de la crise ! Non
seulement notre système nous conduit
droit dans le mur sur le plan environnemental, mais aussi sur le plan économique. Sauf pour un petit pourcentage de
gens qui continuent à gagner beaucoup
d’argent ; pour les autres, ce modèle ne
fonctionne pas. Profitons-en pour mettre
en œuvre un autre modèle qui permettra
aux êtres vivants de perdurer dans des
conditions acceptables.
Oui, même si, depuis la conférence de
Copenhague de 2009 sur le climat, qui n’a
pas eu les résultats espérés, il y a une certaine
tendance au découragement. Mais nous
n’avons pas le droit d’arrêter, les changements
climatiques et la perte de biodiversité sont
des sujets très graves. La nature nous met
en face des réalités, on ne peut pas avoir
raison contre elle, c’est absurde de dire
qu’on va s’imposer contre elle.
Déclarer 2010 Année internationale
de la biodiversité, cela a-t-il fait
avancer les choses ?
Disons qu’il y a eu 70 % de communication
et 30 % de véritables actions. On a
davantage parlé du sujet, ce qui a permis
d’interpeller les politiques. Cela n’a pas
empêché, pendant ce temps, que la
biodiversité continue à s’éroder ! Cependant, je suis d’un pessimisme actif. C’est
peut-être dans les cinq ans à venir que tout
va se jouer. C’est pourquoi j’ai accepté de
devenir présidente du WWF-France. C’est
un engagement lourd, mais nous devons
jeter toutes nos forces dans la bataille,
sinon ne nous étonnons pas de la perdre.
Continuons le combat, comme on disait
en 1968 ! C’est passionnant, réjouissant
aussi, on invente des convivialités, on
retrouve un sens et des valeurs, ce qui
manque beaucoup à nos sociétés.
◗
l. weyl/argos/pictureta
Sa réalisation restera liée au bon vouloir de
quelques politiciens éclairés. Les autres
autoriseront la construction d’autoroutes
à travers des zones humides. Le Grenelle
n’est pas complètement vide, il a acté
certaines choses, comme les parcs marins,
mais il n’est pas cet événement majeur qui
devait permettre d’amorcer un tournant,
et n’est pas à la hauteur de l’espoir suscité.
Souvenez-vous du discours du président
de la République en clôture des travaux :
on a eu l’impression qu’une ère nouvelle
s’ouvrait ! Le tableau n’est pas complètement noir, mais il est tout de même d’un
gris relativement foncé.
robert barbault
professeur à l’université pierre et marie curie,
dirige le département d’écologie et gestion de
la biodiversité au mnhn
Terre Sauvage : Quelle est
votre impression générale ?
Robert Barbault : Il est évident que l’état
de la biodiversité ne s’améliore pas, mais
on en a une connaissance plus objective
grâce à la mobilisation du monde scientifique et associatif. Aujourd’hui, une espèce
d’amphibiens sur cinq est menacée en
France métropolitaine ; dans deux ans, ce
sera une sur trois, peut-être ! En effet, dans
les Pyrénées, des chercheurs ont vu disparaître, en quelques années, des populations
de batraciens contaminés par un champignon, un phénomène mondial. On constate
aussi des effondrements chez des lézards
c. sturbois
olivier lefort/apercu
de la biodiversité
nous dépendons touss d
ladislav miko
directeur pour la nature à la direction
générale de l’environnement (commission
européenne)
Terre Sauvage : Observe-t-on
les mêmes tendances en Europe
qu’en France ?
Ladislav Miko : Oui. Les principaux indicateurs montrent un déclin, particulièrement dans les zones d’agriculture
intensive, et une artificialisation croissante
des territoires. Mais il y a aussi des signes
d’amélioration pour quelques espèces et
habitats, prouvant que des actions de
protection et de restauration donnent des
résultats positifs. Pour cela, il faut des
moyens, financiers et humains, suffisants !
dans les Pyrénées et les Cévennes, probablement à cause du réchauffement climatique.
Les pouvoirs publics donnent-ils les
moyens d’accroître ces connaissances ?
Pas assez. La perte de biodiversité est un
concept écologique ; or, on ne parle presque
plus de science écologique. Les politiciens
n’aiment pas ce terme car, derrière lui, il y
a une vision politique de la société. On pose
la question du développement durable sur
le fond, ce qui n’a pas vraiment été abordé.
Néanmoins, on sent une effervescence.
Des chercheurs se mobilisent au sein
de la Société française d’écologie pour
qu’elle devienne un groupe de pression
indépendant. Certes, il y a des ONG actives,
écoutées par le ministère de l’Écologie mais,
en même temps, elles sont subventionnées
par ce dernier !
Quel est votre regard sur les
indicateurs politiques du Baromètre ?
Avec le Grenelle, il y a eu de gros effets
d’affichage, mais qui ont été suivis de
projets en contradiction : on est forcément
déçus. Dès qu’il y a des enjeux économiques
La Commission européenne
a publié, en août, son rapport 2009
sur l’évolution de la politique
environnementale. Comment
la France est-elle classée ?
Même si un réel classement n’a pas été
établi, la France est proche de la moyenne,
voire légèrement au-dessus sur de nombreux
points. Ainsi, votre pays a attendu longtemps
pour mettre en œuvre le réseau Natura 2000,
mais l’approche choisie semble porter ses
fruits. En revanche, concernant les espaces
protégés, la part du territoire est plus faible
que dans la majorité des pays européens.
Mais, globalement, on note une amélioration, grâce notamment au Grenelle de
l’environnement.
Comment l’Europe peut-elle être plus
efficace pour protéger la biodiversité ?
Nous avons déjà fait beaucoup de règlements et de lois. L’essentiel, désormais, est
de veiller à leur application. Il est crucial de
Terre Sauvage 105 Octobre 2009
ou financiers, la biodiversité est reléguée au
second plan. En somme, c’est une priorité
verbale mais pas une vraie priorité. Le
ministère de l’Écologie est, finalement, sous
tutelle des Transports, avec des superingénieurs des Ponts et Chaussées, peu
sensibles à la nature, qui tirent les ficelles.
Comment faire pour que la biodiversité
soit réellement prise en compte ?
En faisant prendre conscience qu’elle est
notre affaire à tous et pas seulement une
histoire de petits oiseaux ! C’est le tissu
vivant de la planète qui nous rend des
services écologiques tels que polliniser les
plantes ou purifier l’eau. La biodiversité
s’est mise en place sur des milliards d’années
avec des millions d’espèces qui interagissent :
on est donc incapables de s’y substituer. En
la détruisant, nous détériorons notre qualité
de vie, avec des répercussions économiques
et sociales. Les services qu’elle nous rend
ont une valeur sociale économique qui doit
être considérée. Il faut aussi continuer à
impliquer les citoyens dans des opérations
de science participative. La prise de
conscience est lente, mais elle augmente. ◗
prendre en compte les services que la biodiversité nous rend et dont nous dépendons
tous. Il en va de notre sécurité et de notre
avenir. Ainsi, pour cultiver et nous nourrir,
nous avons besoin de sols en bon état. J’espère
que la France soutiendra la directive-cadre
sur les sols proposée par l’Europe.
Les 193 pays signataires
de la Convention sur la diversité
biologique tiennent leur 10e réunion
ce mois-ci. Qu’en attendez-vous ?
Qu’ils se mettent d’accord sur un agenda
ambitieux mais réaliste pour la prochaine
décennie, afin d’enrayer la perte de biodiversité, tout en trouvant un compromis
sur le financement dans un contexte de crise
économique. Cette conférence sera aussi
l’occasion de lancer l’IPBES, la plateforme
internationale sur la biodiversité et les services
rendus par les écosystèmes, l’équivalent du
GIEC pour la biodiversité, pour lequel la
France a joué un rôle important.
◗
PAR MARIE-SOPHIE BAZIN
mnhn
P ORTRAIT
ROMAIN JULLIARD
LA VIGIE DE LA NATURE
Paire de jumelles dans une main, base informatique à portée de l’autre, il coordonne un réseau
d’observateurs volontaires pour ausculter l’état de la biodiversité à l’échelle nationale. À nous
de rendre son diagnostic moins pessimiste.
p. zagatti-opie
mnhn
Spipoll, c'est de la scienc
e
participative
in
ra
er
-t
ut
to
r
eu
ch
Un cher
…sur le terrain.
P
debout, il regarde, durant des heures, les bestioles qui lui passent sous le nez dans la banlieue
lyonnaise de son enfance. En grandissant, comme
d’autres comptent les billes au fond de leurs
poches, il préfère répertorier et classer les oiseaux
ou les insectes rencontrés sur son chemin. C’est
donc en toute logique qu’après l’École normale
supérieure de Paris et un doctorat en écologie, il
rejoint, en 1999, le Muséum où le poste rêvé l’attend. « La biologie de la conservation m’intéresse
car c’est une science vraiment impliquée dans des
questions de société : “ Pourquoi et comment préserver une espèce rare ?”,“ Que faire face à une espèce
envahissante ?”, “ Quelle place pour la biodiversité
dans les milieux agricoles ?”… Vigie-Nature nous
renseigne sur l’impact des changements globaux
sur les populations que nous suivons. Cela permet
de développer des connaissances utilisables dans le
champ public par le biais des différents acteurs pour
trouver des solutions. »
Recenser les sp
toujours été saécimens a
passion.
renez, d’une part, un genre professeur Tournesol, mais avec de nombreuses années en
moins, de l’autre, un chercheur tout-terrain. Mêlez ces deux figures du scientifique
– images quelque peu éculées pour journaliste en mal d’imagination –, secouez bien fort et
vous obtenez Romain Julliard. À 39 ans, ce maître de
conférences au Muséum national d’histoire naturelle
conjugue avec succès passion naturaliste, enseignement, alimentation de bases de données, analyse et
expertise des indications recueillies dans le cadre
de l’initiative Vigie-Nature. Ce programme, rendu
possible par l’implication de bénévoles (amateurs
éclairés ou grand public, selon les cas), vise à comprendre la réorganisation de certaines communautés
animales et végétales face aux modifications de leur
milieu de vie. Depuis le lancement de l’observatoire
Stoc* il y a vingt ans, d’autres volets ont vu le jour
et, aujourd’hui, Romain coordonne la centralisation
des données concernant à la fois les chauves-souris,
les escargots ou encore les insectes pollinisateurs que
lui adressent en continu quelque 6 000 participants
répartis dans l’Hexagone.
Recenser les spécimens, établir des statistiques,
étudier la dynamique des populations a toujours été
son truc. À quatre pattes déjà, avant même de tenir
Toucher la corde sensible
Mais il faut faire vite. « Le programme Stoc sur
lequel nous avons le plus de recul indique un déclin
généralisé des oiseaux spécialistes (environ 1 % par
an) et une augmentation concomitante des espèces
généralistes, phénomènes liés principalement à l’intensification de l’agriculture. On constate également
un déplacement des populations vers le nord en raison du réchauffement climatique.» Pour lutter contre
l’engrenage, Romain espère que les vœux pieux des
politiques laisseront bientôt place à l’action. Mais
pas seulement. « La biodiversité a une dimension
personnelle incontournable. Quoi que fassent les
décideurs, si cela ne touche pas la corde sensible de
chaque individu, sa propre relation à la nature, cela
ne servira pas à grand-chose. Il faut s’appuyer sur
les processus participatifs et le but de Vigie-Nature
est aussi de susciter une implication citoyenne. Ce
programme pourrait faire beaucoup plus d’émules. »
À bon entendeur…
◗
(*) Suivi temporel des oiseaux communs
Le mois prochain FRÉDÉRIC LARREY, de Regard du vivant
Terre Sauvage 106 Octobre 2010
ZOOM SUR LES
POLLINISATEURS
À l’initiative du Muséum national
d’histoire naturelle et de l’Opie
(Office pour les insectes et leur
environnement), Vigie-Nature
s’est enrichi d’un nouveau
projet de science participative,
Spipoll (Suivi photographique
des insectes pollinisateurs).
Il a pour but d’obtenir des
données quantitatives sur les
insectes pollinisateurs et/ou
floricoles, en mesurant les
variations de leur diversité
et celles de la structure des
réseaux de pollinisation, sur
la France métropolitaine.
Sans s’engager dans le temps,
tous les amoureux de la
biodiversité et de la « chasse
photographique » peuvent
profiter d’une promenade, d’un
pique-nique pour contribuer
au succès de cette opération.
Plus d’infos sur : • www.insectes.
org/opie/monde-des-insectes.html
• www.spipoll.org/
INTÉGRATION
En 2010, la Fondation
Nature et Découvertes a signé
un accord-cadre avec le MNHN
en s’engageant à examiner
de façon bienveillante toute
proposition de projet de science
participative et citoyenne qui
entrerait dans le cadre de VigieNature. C'est ainsi que Romain
Julliard a intégré le comité
scientifique de la Fondation,
comme personne référente du
Muséum. Il complète le travail
initié par Guy Jarry et sera
un soutien précieux pour
l’examen des nombreux projets
concernant l’avifaune.
La Fondation soutient
également l’Opie, acteur
et moteur de l’opération
Spippol avec le MNHN.
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